Tensions en Méditerranée : que se passe-t-il entre la Grèce, la Turquie et la France ?, par Michaël Bloch.
Des navires turcs le 10 août en Méditerranée. (Reuters)
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La Turquie a déployé lundi en Méditerranée un navire de recherche sismique, escorté par des bâtiments militaires. Une initiative qui a relancé les tensions dans une zone disputée et riche en gisements gaziers et qui a provoqué une réaction de la France.
Ce que l'on sait : La situation tendue depuis des semaines entre la Grèce et la Turquie s'est détériorée lundi après le déploiement par Ankara d'un navire de recherche sismique, escorté par des bâtiments militaires, dans le sud-est de la mer Egée, une zone de la Méditerranée disputée et riche en gisements gaziers. Les navires de recherche sismique ont pour mission de repérer d'éventuels gisements sous-marins. Selon la Grèce, les bâtiments turcs se trouvaient mercredi à 60 milles marins au sud de l'île grecque de Kastellorizo, soit sur le plateau continental grec, ce qui constitue une "violation" des frontières maritimes.
Pourquoi cette montée de tensions entre la Grèce et la Turquie? La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit des pays riverains et renforcé les tensions entre la Turquie et la Grèce, aux relations régulièrement ponctuées de crises. Les tensions actuelles sont en grande partie dues à un différend entre les deux pays membres de l'Otan concernant les délimitations de leurs frontières maritimes.
La Grèce accuse la Turquie de violer son territoire en effectuant des recherches énergétiques au sud de l'île grecque de Kastellorizo, mais la Turquie refuse d'admettre que ce petit territoire situé près de ses côtes limite son champ d'action. Les relations entre la Turquie et la Grèce sont mauvaises depuis de nombreuses années. Ankara et Athènes ont notamment un différend territorial concernant Chypre. Depuis 1974, l'île est coupée en deux entre la partie nord, sous domination turque et la partie sud, greco-chypriote.
La Turquie cherche également à agrandir sa zone d'influence en Méditerranée face à des voisins qui se sont alliés en janvier 2020 dans la construction d'un gazoduc devant à terme transporter entre 9 milliards et 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis les réserves offshore au large de Chypre et d’Israël vers la Grèce, puis vers le reste de l’Union européenne. "La Turquie se sent encerclée par la Grèce, Israël et l'Egypte", résume l'ancien ambassadeur Michel Duclos dans La Croix. La Turquie a toutefois un atout dans son jeu : l’accord migratoire UE-Turquie de 2016 qui permet à Ankara de disposer d’un moyen de pression de poids pour plaider sa cause auprès de l'Union européenne.
Pourquoi la France intervient aussi? Face aux manoeuvres de la Turquie, la France a temporairement renforcé sa présence militaire en Méditerranée orientale avec le déploiement de deux avions et deux navires de guerre. "Cette présence militaire a pour but de renforcer l'appréciation autonome de la situation et d'affirmer l'attachement de la France à la libre circulation, à la sécurité de la navigation maritime en Méditerranée et au respect du droit international", a indiqué jeudi le ministère des Armées. "En Méditerranée orientale, après avoir établi un rapport de forces, l’urgence est d’établir un dialogue entre la Turquie et les autres puissances concernées par ses agissements. La parole doit être maintenant aux diplomates", décrypte l'ancien ambassadeur Gérard Araud.
Depuis plusieurs mois, les tensions sont vives entre la France et la Turquie, en particulier sur les dossiers libyens et syriens. Jeudi, Recep Tayyip Erdogan s'en est d'ailleurs de nouveau pris jeudi à Emmanuel Macron. il l'a accusé de visées "coloniales" au Liban et qualifié sa récente visite à Beyrouth de "spectacle". Le président turc s'en est aussi pris sans le nommer à un "pays qui n'a pas de littoral en Méditerranée orientale", le sommant de "ne pas se croire plus grand qu'il ne l'est". "Je remercie le Président Macron pour sa solidarité. Emmanuel Macron est un vrai ami de la Grèce mais aussi un fervent défenseur des valeurs européennes et du droit international", a, pour sa part, affirmé le Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis.