Sur le site de notre ami Frédéric de Natal : ¿ Monarquía ? o ¿ República ?
Source : http://www.monarchiesetdynastiesdumonde.com/
«Nous sommes tous avec le roi». Sans surprise, le départ d’Espagne du roi Juan Carlos Ier a fait resurgir le débat sur l’avenir de la monarchie. Depuis plusieurs heures, par médias interposés ou sur les réseaux sociaux, royalistes et républicains s’affrontent violemment tandis que les partis qui composent le gouvernement de coalition se déchirent publiquement. Pour le site «Monarchies et Dynasties du monde», l’historien, auteur et ancien Journaliste à Point de Vue magazine, Philippe Delorme livre son analyse sur la situation actuelle qui secoue la monarchie de Felipe VI.
¡La república o la muerte! L’annonce inattendue du départ du roi Juan Carlos, compromis dans une affaire de blanchiment d’argent et de fraudes fiscales, afin de sauver la réputation de la Couronne espagnole ,a provoqué un vif débat dans la société civile et l’irritation des partis de Gauche qui perdent tout espoir de traîner la royauté devant les tribunaux après des mois d’intense campagne contre l’institution monarchique. Dès que la décision a été rendue publique par la «Casa Real», le second vice-président du gouvernement, Pablo Iglesias, n’a pas caché sa déception et a qualifié «d 'indigne » la « fuite » à l'étranger du roi Juan Carlos. Visiblement furieux, le leader de Podemos s’est même emporté sur les ondes de la télévision en évoquant une véritable « fraude à la justice » et assuré que le gouvernement ne pourrait pas «détourner le regard» face à cette situation qui laisse la monarchie dans une position qui la compromet». «Le roi émérite devrait répondre de ses actions en Espagne et devant son peuple» a tempêté Pablo Iglesias. Il n’est d’ailleurs pas le seul à décolérer. Les dirigeants de la Catalogne fulminent littéralement. «La corruption doit être poursuivie. Et le soutien à la monarchie, doit être soumis à un référendum. Permettre à Juan Carlos Ier de fuir est un affront à la démocratie et à tous les citoyens espagnols» a déclaré la maire de Barcelone, Ada Colau. L’exil de l’ancien monarque a même créé un climat de défiance entre la Generalitat de Catalogne et le gouvernement qui pourrait éclater sous peu. « Le gouvernement du parti socialiste et Podemos était au courant des plans de fuite du roi depuis des semaines mais n’ont rien fait pour l’en empêcher. C’est un scandale monumental» a tweeté de son côté le président catalan Quim Torra qui ferme le ban à toutes négociations à venir et qui a exigé autant l’abdication du roi Felipe VI que des explications des Cortès.
¿Monarquía? Vice-présidente du gouvernement, Carmen Calvo a renvoyé Podemos dans ses cordes «La décision du roi de quitter le pays depuis l'Espagne est une bonne chose pour l'institution et pour le roi Felipe VI qui va pouvoir continuer le travail formidable qu’il fait au quotidien». Et si le Parti socialiste (PSOE) a déjà douché les espoirs du parti d’extrême -gauchequi réclame que soit organisé un référendum sur la question de la monarchie et qu’il n’était pas question de rompre le pacte constitutionnel, la droite monarchiste mobilise ses forces. A commencer par le parti Vox qui n’a pas hésité à pointer du doigt cette Gauche qui ne cesse d’attaquer l’institution royale. Pour le troisième parti du royaume, qui est monté plus d’une fois au créneau afin de défendre le roi Felipe VI, Podemos et le PSOE ont volontairement poussé le roi Juan Carlos à prendre la décision de quitter le pays. «C’est un pas de plus dans votre volonté de mettre fin à la monarchie» a déclaré le porte-parole de Vox qui accusé également ces deux partis de comploter ensemble afin de détruire «l’unité de l’Espagne et le régime de 1978». Avec Ciudadanos, le Parti Populaire s’est félicité du «geste du roi», ce dernier profitant de l’occasion pour renouveler son serment de fidélité à la monarchie.
Et la société civile n’est pas en reste. Si on note quelques manifestations antirépublicaines ci et là, qui ne semblent pas mobiliser les foules, «un groupe de citoyens a créé l'association Concordia Real Española (CREE) afin de défendre «l'héritage d'une monarchie qui a apporté la démocratie en Espagne et qui a su harmoniser les intérêts individuels ou collectifs pour construire un projet commun de nation, de progrès et de prospérité » annonce le journal El Pais. «Aujourd'hui, cet héritage est menacé et subit des attaques qui cherchent à renverser notre histoire récente» comme on peut le lire dans le manifeste fondateur de la CREE. «Nous sommes tous avec le roi» a titré le journal ABC. La presse monarchiste a multiplié les titres et entretiens avec divers experts qui saluent tous unanimement l’action du roi Juan Carlos qui a restauré la démocratie en Espagne. Sur les réseaux sociaux, la page «Monarquía Española» affiche pas moins de 90 000 abonnés, de quoi faire pâlir de jalousie leurs alter-égos français.
«Juan Carlos est un personnage qui a marqué l’histoire de l’Espagne et à qui on doit d’avoir restaurer la démocratie. A ce titre, les espagnols ont une dette envers lui qui ne pourra jamais s’effacer. Il a permis cette transition avec un franquisme, bien moribond à l’époque où il est monté sur le trône [1975-ndlr], vers un régime de droit, de liberté d’expression et qui permis à l’Espagne de retrouver cette démocratie qui lui a tant fait défaut sous Franco» explique l’historien Philippe Delorme. Celui, qui a côtoyé monarques régnants et en exil tout au long de son parcours professionnel, confesse que tout ce «ramdam» autour du souverain est autant irritant que regrettable, pointant du doigt la responsabilité de la gauche et des indépendantistes qui ont tout tenté pour mettre le petit-fils d’Alphonse XIII face au tribunal. En dépit de la constitution qui stipule que la personne du roi est inviolable.
«Cette atmosphère d’années 1930 est assez incompréhensible. Que cherchent donc le Parti socialiste et Podemos en recréant une atmosphère digne des années 1930 ? C’est incompréhensible. Je ne saisis pas bien l‘utilité de ranimer les querelles qui date d’il y a un siècle et de vouloir déboulonner à tout prix Juan Carlos» poursuit-il. «Que veulent-ils que l’on fasse ? Qu’on pende le roi en place publique ? Le mettre en prison ? Qu’on le guillotine ?» s’agace Philippe Delorme. «Ces critiques incessantes de leur part sont malvenues étant donnée la dimension historique de Juan Carlos. Ce qu’il a apporté à l’Espagne mérite qu’on le laisse tranquille. Et s’il est coupable, il devra alors rendre l’argent à un moment ou un autre. Soyons sérieux, à qui profite le crime ici ? A l’Espagne puisqu’elle a finalement obtenu les contrats qu’elle souhaitait» ajoute-t-il un brin provocateur tout en rendant hommage au père du roi Felipe VI. «Si jamais on commence à accorder des indépendances à toutes les provinces qui le réclament, l’Espagne sans sa monarchie court au démantèlement et à la guerre civile très rapidement» avertit l’historien en guise de conclusion.
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