Un pays aux esprits divisés, par Gérard Leclerc.
Rassemblement à Paris contre le racisme et les
violences policières, 13 juin.
CC by : Jeanne Menjoulet
S’il est vrai, comme l’écrit l’éditorialiste du Monde, que la France en voie de déconfinement est un pays profondément divisé, il est à craindre que la situation ne s’améliore pas. À coup de déclarations incendiaires, nous risquons de nouvelles déchirures.
Les paroles d’Emmanuel Macron dans son discours de dimanche soir concernant l’incendie qui s’est déclenché chez nous à propos de l’affaire Adama Traoré étaient soigneusement balancées.
D’un côté, le président insistait sur sa détermination à combattre le racisme, de l’autre il mettait en garde contre le danger du communautarisme, celui qui se traduit par « une réécriture haineuse ou fausse du passé ». L’éditorialiste du Monde se demande si « cet équilibrisme dosé au millimètre, suffira à ramener la concorde. La France déconfinée reste un pays profondément divisé. » Difficile de contredire le signataire de ces lignes. La simple lecture de son journal montre comment la division du pays peut se traduire dans la presse, avec l’opposition des sensibilités, des rhétoriques, des analyses. D’une publication à l’autre, l’enquête sur la mort d’Adama Traoré donne lieu à des interprétations opposées. Lorsqu’on est incapable de s’entendre sur la réalité des faits, c’est que décidément la division des esprits est profonde.
Cette division s’exprime à propos de la police, qui manifeste aussi spectaculairement sa colère. Ce n’est sûrement pas la diatribe que Jean-Luc Mélenchon a développée à son égard qui arrangera les choses. Prétendre que les syndicats de police « réclament le droit d’étrangler les gens ou de leur tirer dessus des coups de fusil électrique », c’est à tout coup attiser les ressentiments. Est-ce à dire que cette opposition est promise à de nouveaux épisodes, au risque d’allumer de nouveaux incendies, c’est hélas fort possible.
J’ai de bonnes raisons de penser que la controverse intellectuelle va rebondir dans les prochains mois, notamment dans le cadre universitaire, où le courant des études post-coloniales s’est solidement implanté mais suscite une opposition grandissante de la part d’intellectuels qui redoutent une évolution à l’américaine. Les derniers événements ont montré comment on est passé de l’affaire Floyd de Minneapolis au réveil de l’affaire Traoré qui date de quatre ans, avec la contamination de problématiques américaines. Si l’on peut émettre un souhait dans la situation présente, c’est qu’au moins l’affrontement des idées aboutisse à un relatif éclaircissement qui permette de mieux comprendre les causes et si possible, les remèdes de nos divisions.