Où est le danger, par Gérard Leclerc.
Philippe Bas, qui préside la commission des Lois au Sénat, entend mieux armer la République contre le danger de fragmentation communautariste. Ainsi a-t-il formulé une proposition de loi dont le premier article exprime au mieux l’intention : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune. »
Sans doute peut-on s’interroger sur la nécessité d’une telle affirmation. N’est-elle pas implicite dans la législation française, notamment dans la loi de 1905 qui réglemente les relations de l’État avec les cultes ? La France ne se réclame-t-elle pas du principe de laïcité, qui fait d’ailleurs son originalité, le mot et le concept n’étant guère traduisibles dans des pays qui sont pourtant proches de notre culture et de nos mœurs ? Il faut croire que toute une évolution sociale et d’autres circonstances ont ainsi poussé le législateur à préciser et parfaire son dispositif.
Le Sénat, qui est à majorité de droite, pourrait donner l’impression de brûler la politesse au président de la République qui, depuis longtemps, annonce un grand discours fondateur sur la nation, le communautarisme et la laïcité. Jacques Julliard, dans son dernier carnet du Figaro, exprime son scepticisme à ce sujet : « Ou bien, en effet, il reprendra à son compte la doctrine républicaine et universaliste, et toute la gauche collabo va mener un tapage infernal en criant à l’islamophobie ; ou bien il reviendra à sa tendance profonde qui est celle d’un communautarisme contrarié par les circonstances, et toute la France républicaine montera au créneau. Dans les deux cas faute d’avoir agi assez vite et fermement, il ne peut qu’aggraver la situation. »
Le mot qui fait mal
En parlant d’islamophobie, Jacques Julliard désigne le mot qui fait mal et que beaucoup hésitent à prononcer. S’il y a en effet, un problème communautariste en France, c’est à la présence de plus en plus importante de l’islam chez nous qu’il est dû. Et s’il n’a cessé de s’aggraver c’est en raison d’un extrémisme qui fait de plus en plus de dégâts.
L’ancien maire de Sarcelles, François Pupponi, vient de publier un essai très explicite sur le danger que fait courir à toute la banlieue la gangrène islamiste [1]. Et c’est ce danger qui met mal à l’aise nos politiques à la recherche du remède adéquat.
Un renforcement de la législation contre le communautarisme y suffira-t-il ? Un discours présidentiel viendra-t-il porter enfin la lumière au milieu de la confusion ? Ce qui est sûr, c’est que la menace est sérieuse et demande des réponses appropriées. La laïcité peut être un garde-fou, surtout si des précisions pratiques sont préconisées pour juguler le mal. Mais ce n’est pas la question religieuse en soi qui est porteuse du trouble. Ni le judaïsme, ni le christianisme ne sont en cause. C’est le caractère particulier d’un phénomène incompatible avec le cours de notre histoire, notre art de vivre et la paix sociale, qui fait toute la difficulté.
[1] François Pupponi, Les émirats de la République, Éditions du Cerf, 280 p. 19 €.