La violence contre la violence, par Gérard Leclerc
L’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand, Robert Badinter, celui qui fit voter l’abolition de la peine de mort en France, a pris un coup de sang, face à une image de manifestants qui brandissaient une photo de la tête d’Emmanuel Macron au bout d’une pique. Sa réaction a été d’autant plus remarquée que l’ancien ministre, qui a quitté la vie politique, s’exprime rarement dans les médias. On comprend son émotion.
Le choix qui consiste à se référer à l’image la plus violente de la Révolution française est symbolique d’un parti-pris d’hostilité radicale. Marc Bloch entendait pour sa part qu’on ne retienne de la Révolution que le souvenir de la Fête de la Fédération, expression d’un beau moment de fraternité nationale. Mais l’époque n’est pas à la réconciliation. Le pouvoir est vivement contesté. Et par ailleurs, ceux qui manifestent contre lui, chaque semaine, dénoncent la violence de sa répression.
Mais qui a raison entre ceux qui s’en prennent aux violences policières, se référant au témoignage de leur téléphone portable, et ceux qui s’indignent des dérapages des manifestants ? Chaque camp brandit les photos de ses blessés. Doit-on en conclure à une hausse généralisée du degré de violence dans notre pays ? Ce qui s’est passé encore hier autour de la place de la Nation avec les affrontements entre policiers et pompiers, donne une impression déplorable avec le sentiment d’une désorganisation des services de l’État. Mais celle-ci ne serait-elle que la conséquence de l’extrémisme qui met la rue en feu ?
La sagesse commande de ne pas accabler outre mesure des forces de l’ordre qui ploient sous la tâche. On répète à juste raison qu’il n’y a pas si longtemps qua la foule parisienne unanime applaudissait ces mêmes forces auréolées de leur résistance efficace au terrorisme. On ne saurait sous-estimer la difficulté technique du maintien de l’ordre qui exige des moyens proportionnés. Mais il y a aussi le fait d’une société en ébullition, dont les accès de colère ne peuvent être contrés sur le seul terrain du combat de rue. C’est l’État qui se trouve aux prises avec des défis qui se rapportent à l’équilibre profond d’une société, à sa santé économique. Reconnaissons que répondre à la souffrance de ce qu’on appelle la France périphérique relève du prodige.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 29 janvier 2020.
Commentaires
J'ai sans doute loupé l'indignation de Me Badinter quand l'extrême gauche défilait à Paris avec la "tête" de Marine Le Pen sur une pique.
En saison de blasphème, l'indignation du pape de la Gauche est sélective.