Racines & Histoire • Le cheval dans la diplomatie {3/3]
Par Jean-Louis Gouraud
Conférence prononcée par Jean-Louis Gouraud au XIe Salon du Cheval à Mazagan-Eljadida (Maroc) en octobre 2018. Parution en 3 parties dimanche 17, lundi 18 et ce mardi 19 mars.
L’autre grand pourvoyeur de chevaux diplomates aux dirigeants français fut l’Empire ottoman, et son principal bénéficiaire l’empereur Napoléon 1er.
Le Janissaire, Le Soliman, Le Bacha, Le Bajazet lui ont été offerts en 1808 par le sultan Mahmoud II [Photo], inquiet que le résultat de la rencontre à Tilsit, l’année précédente, entre Napoléon et le tsar Alexandre 1er, ne lui soit défavorable.
Il suivait en cela l’exemple de son cousin et prédécesseur Selim III, qui avait offert à Bonaparte, au début du règne de ce dernier, un cheval si extraordinaire, Le Vizir, que Napoléon ne voulut jamais s’en séparer, pas même lorsqu’il dût partir en exil à l’île d’Elbe !
La légende raconte que lorsqu’il vit partir ce bel étalon gris pour la France, Selim [Photo] s’adressa à lui en ces termes : « Va, mon cher Vizir ! Va pour Mahomet, et va pour ton sultan ! Va, et deviens le plus illustre cheval de Napoléon. »
Son vœu fut exaucé.
Si le fait d’offrir un cheval a été souvent un moyen diplomatique assez efficace, une bonne façon de se concilier les bonnes grâces d’un concurrent, ou de se réconcilier avec un adversaire, il est arrivé au moins une fois que cela déclenche au contraire une véritable crise politique.
Ce fut le cas, par exemple, lorsque François Mitterrand reçut, en 1993, un superbe cheval akhal-téké du président d’une républiquette gazière d’Asie centrale, le Turkménistan.
Au lieu de faire comme tous ses prédécesseurs – à savoir remettre l’animal à l’administration des Haras nationaux –, Mitterrand commit l’erreur de chercher à cacher ce qu’il allait en faire : l’offrir secrètement à sa fille naturelle, Mazarine, passionnée d’équitation. Pourquoi secrètement ? C’est qu’à l’époque, l’existence même de la petite Mazarine, fille illégitime du président, était un secret d’État bien gardé.
Trop curieux sans doute, certains passionnés de chevaux – catégorie à laquelle j’avoue appartenir – finirent par découvrir que le bel étalon (d’ailleurs un peu caractériel) était logé dans une discrète résidence des environs de Paris, où la fille clandestine du président venait souvent passer ses week-ends. La révélation de cette double vie d’un homme usant d’un double langage et s’affranchissant allègrement de la séparation des affaires publiques des affaires privées provoqua un scandale qui, c’est certain, gâcha un peu ses dernières années de règne.
On le voit : offrir un cheval n’est jamais un geste anodin. ■ (Suite et fin)
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De Péroncel-Hugoz : JEAN-LOUIS GOURAUD, « LA PLUS BELLE CONQUÊTE DU CHEVAL »
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