Algérie : le nœud gordien, par Louis-Joseph Delanglade
Le voyage de M. François Hollande en Algérie aura eu au moins ce mérite qu’on aura à peu près tout lu et tout entendu sur le sujet. Certaines vérités historiques d’évidence, d’abord, sur lesquelles nous ne nous attarderons donc pas, notre objet n’étant nullement mémoriel. Existe par ailleurs désormais un double consensus, en France s’entend, pour évacuer la « repentance », - laquelle ressortit au domaine moral, voire religieux, et n’a donc rien à voir avec le politique - et pour affirmer que l’Histoire doit et finira par s’imposer - malgré qu’en aient certains de l’autre côté de la Méditerranée.
Au départ, cette visite d’Etat s’annonce plutôt bien. M. Jean-Pierre Raffarin évoque « des ondes positives » (sic) ! M. Bernard Guetta parle, dans sa chronique quotidienne d’une « communauté de langue, de culture et d’intérêts » entre la France et l’Algérie. M. Jean-Pierre Mignard, avocat et ami du chef de l'Etat affirme qu’« il se passe quelque chose de l'ordre de la confiance entre les deux pays». C’est beaucoup.
C’est même trop car il existe un précédent fâcheux. En août 1981, M. Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures de M. Pierre Mauroy parle, à Alger, d’un « coup de passion » entre la France et l’Algérie – avec, comme conséquences, un accord gazier léonin au profit de l’Algérie et, déjà, l’idée du droit de vote aux immigrés algériens. Le même Claude Cheysson retournera à Alger le 1er novembre 1984 pour certaines festivités…
En fait, M. François Hollande s’est montré tel qu’en lui-même, pétri de bonnes intentions. Venu, selon Le Monde en « démineur du passé franco-algérien », il propose aux Algériens et aux Français de contribuer ensemble à établir les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la guerre d'Algérie, en ouvrant toutes les archives aux historiens, afin que « de part et d'autre, les ressentiments s'effacent [et] pour que la paix des mémoires repose sur la connaissance du passé et non sur l'occultation des mémoires ». Proposition intéressante mais à laquelle, que l’on sache, Alger continue de faire la sourde oreille.
Dès lors, pourquoi encenser M. Abdelaziz Bouteflika et se faire des illusions sur la réalité d’un pouvoir algérien, sorte de nomenklatura où les anciens du F.L.N. côtoient les militaires pour mieux accaparer les richesses et paupériser tout un peuple (l’Algérie est riche mais les Algériens sont pauvres - cherchez l’erreur, M. Hollande !), donc le pousser à l’exil, c’est-à-dire à l’émigration en France, et faire ainsi payer la facture à l’ancienne puissance « coloniale » par le biais d’une pression migratoire insupportable ?
Pourquoi, par ailleurs, déclarer à Tlemcen que la France agira au Mali non pas pour son intérêt, mais « pour des principes » - ceux-là mêmes qui auraient été « bafoués » à Sétif le 8 mai 1945 - c’est-à-dire renouer avec le pathos idéologique des immortels principes et des droits de l’homme, ce même pathos qui a servi de justification au colonialisme de la troisième République ?
En un mot, M. François Hollande n’a pas été à la hauteur de la situation. D’ailleurs, au-delà des incantations, quels sont les résultats de cette visite ? Une usine de montage Renault à Oran (avec 51% du capital pour l’Etat algérien…), quelques mesures concernant les étudiants dont une sorte de programme Erasmus méditerranéen (on peut craindre que nous n’en supportions l’essentiel du financement), un alignement de fait sur la position algérienne concernant le Mali (belle preuve d’indépendance de notre politique étrangère), des efforts en matière de visas (sans commentaire). Tout ça pour ça ?
Parlant du passé « commun » des deux pays, M. Bernard Guetta, dans une belle envolée lyrique, peut bien dire : « tout cela fut mais ce qui pourrait être l’avenir compte infiniment plus ». Que n’a-t-il ajouté que, si l’avenir se construit sur la (re)connaissance du passé, il nécessite d’abord une volonté politique claire et ne saurait souffrir aucune des ambiguïtés dans lesquelles semble se complaire M. François Hollande !
Un chef de l’Etat digne de ce nom tiendrait aux Algériens un discours de vérité et de fermeté sur le passé, le présent et l’avenir. Sur le passé : la colonisation vous a rapporté autant, si ce n’est plus, qu’elle vous a coûté, et elle nous a coûté autant, si ce n’est plus, qu’elle nous a rapporté; nous sommes partis en 1962, n’en parlons plus ! Sur le présent et l’avenir : rien ne sera possible entre nous – alors que c’est souhaitable – tant que vous distillerez chez vous un sentiment d’hostilité à notre égard qui, joint à une exploitation de vos propres citoyens les poussant à l’exil, nous cause un problème démographique grave (700.000 des 900.000 Algériens exilés sont en France, sans compter les « bi-nationaux », les beurs, etc.), à savoir l’existence d’une sorte de « cinquième colonne » ; nous faisons de la solution de ce problème une condition sine qua non.
Est-ce trop attendre de M. François Hollande ? Sans doute, hélas !
Commentaires
Certes le mot "repentance" n'a pas été prononcé mais le discours de notre "président" a été d'une perversité humiliante.
On le sait donc la France a tous les tords.Il n'y a pas eu un seul mot en faveur de notre pays.Si ce n'est pas de la repentance, c'en a vraiment la couleur...