Mais comment faire la fête ? par l'abbé Guillaume de Tanoüarn.
On le sait bien, depuis le début nous nous inscrivons pleinement dans l'insurrection de tous ceux qui veulent maintenir le dimanche hors de l'emprise du matérialisme et du mercantilisme ambiant. Il s'agit pour nous d'un combat portant sur l'essentiel : on ne défend bien sûr pas un jour de repos banal, on se bat (pardon d'être un peu pompeux...) pour un élément essentiel de civilisation; on défend l'une des choses qui font que l'homme se souvient -et à la possibilité matérielle de le faire...- qu'il est et de très loin autre chose qu'un simple rouage de l'économie; qu'il n'est pas simplement utile pour faire tourner la machine, en quelque sorte....
Pour nous, donc, le dimanche c'est sacré. Et nous avons salué en son temps la déclaration de Benoît XVI Sans le dimanche, nous en pouvons pas vivre.
Mais justement, les mots ont un sens. Dire que le dimanche c'est sacré, ce n'est pas répéter une formule vide de sens , qu'on pourrait comparer à une coquille vide. C'est vivre vraiment ce jour différemment et, ce faisant, lui donner véritablement son sens plein et entier, son sens profond et essentiel. Sinon à quoi bon le défendre, et au nom de quoi ?
Tel est le sens de la très juste réflexion de l'abbé Guillaume de Tanouärn, que nous approuvons pleinement et qu'il nous a paru utile de porter à la connaissance de celles et ceux qui n'en n'auraient pas eu connaissance.....
Je viens de signer la pétition Le dimanche, j'y tiens et j'ai reçu dûment confirmation de ma signature et du petit mot doux dont je l'ai accompagnée.
Le dimanche chrétien est-il en cause dans les réformes sarkozistes ? Sans doute ultimement. Mais il faut bien reconnaître que pour la plupart des gens, le dimanche d'aujourd'hui est une plage de farniente, sur laquelle est posé le téléviseur de Vivement dimanche. Pas très passionnant !
C’est sans doute de cette morosité dominicale que les technocrates de l’UMP prennent argument. Ils veulent y porter remède en autorisant l’ouverture des Grandes surfaces. Autant dire : la consommation, encore et toujours plus, au secours du spleen. Le problème ?
Pour les gens qui ont les moyens, la satiété est devenu un état quasi-comateux. Selon l’expression consacrée et qui finalement dit bien ce qu’elle veut dire : on en a ras le bol. Eh bien ! Le bol continuera à déborder. L’obésité continuera à être un fléau. L’oisiveté dorée deviendra toujours d’avantage une sorte de cage dont il sera impossible de s’extraire.
Quant aux autres, déjà criblés de dette, dans le surendettement jusqu’au cou à cause de prêts-conso dont on ne leur avait pas expliqué le taux prohibitif des intérêts, ils continueront à cultiver leur insatisfaction et leur ressentiment, comme une névrose qui explosera un jour au l’autre en autodestruction ou en pulsions agressives.
Si nos dimanches étaient un peu plus festifs, on ne parlerait pas de les supprimer. Il faudrait que ces grandes manœuvres de la consommation à tout prix qui marquent le Parti majoritaire constituent pour tous l’occasion de créer un front du refus et de lancer une provocation à faire la fête.
Mais savons-nous encore faire la fête ? Il me semble que c’est la vraie question que pose la réforme du dimanche.
Qu’est-ce que la fête ? Dies festus, disent les Romains. Jour faste. Jour éclairé d’une lumière particulière. Jour de joie collective et pas jour de sinistrose collective. Pour nous, aujourd’hui, la fête, c’est la nuit, à la lumière artificielle des spots de la boîte la plus proche. Triste fête ! Défoulement plutôt. Défouloir à l’usage des frustrés de la vie ! Les Anciens connaissaient ces nuits blanches. Mais elle n’avaient rien à voir avec les « jours fastes », nimbés de la lumière des vraies fêtes.
Pour un chrétien, chaque dimanche devrait être un jour de fête. Le langage a gardé le souvenir de cet aspect festif. On parle encore de tenues endimanchées. Et lorsque Michel Drucker crée « Vivement dimanche », il perçoit, à travers le titre de son émission, cette vieille et sacrée impatience qui donnait aux communautés anciennes la joie de se réunir dans la même foi le jour du Seigneur.
Pourquoi, si souvent, nos messes sont-elles si tristes, comme si elles avaient pris la teinte de ce jour gris qu’est devenu partout le dimanche sans Dieu ? Pourquoi notre participation à la messe est-elle si terne ? Pourquoi faut-il tellement nous prier, ne serait-ce que pour répondre aux prières, pour chanter, pour marquer ce jour du caillou blanc qui est, dans l’Apocalypse, le signe de l’âme en fête, le symbole de la victoire sur la matière ? Alors qu’approche Noël, promu grande fête du foi gras et des huîtres, il faut nous redire qu’il n’y a pas de fête véritable qui ne commence (Apoc. 2, 17) à l’intérieur du cœur, dans le balbutiement d’une prière qui dise au Ciel et à la terre notre espérance d’homme debout, notre désir de triompher de la vanité ou de la vacuité du monde.
On ne décrète pas la joie en promulguant un jour chômé. La véritable joie, celle qui doit marquer nos dimanche, est une conquête. Dans le monde antique, le caillou blanc est donné aux athlètes victorieux. Alors que notre vie croupit dans le marécage de la banalité, nos dimanches, illuminés par la messe qui en est le cœur, doivent redevenir des jours fastes, où nous oublions un instant les pesanteurs de l’existence et où le temps qui nous est donné, au lieu d’être bêtement tué devant le poste de télévision, devrait être l’occasion d’ouvrir notre esprit et notre cœur, avec notre entourage, dans un échange non pas commercial mais vraiment enrichissant.
Si nous perdons le dimanche, c’est parce qu’en perdant la messe du dimanche, nous avons perdu l’esprit du dimanche.
Si nous gardons le dimanche, c’est parce que nous aurons su le rhabiller aux couleurs de la vraie vie.
Une contre-proposition utile pour y parvenir ? A l’heure où l’on va supprimer la publicité sur les chaînes publiques, je serais d’avis, pour permettre à nos dimanches de retrouver leurs couleurs, de supprimer la télévision le dimanche. Ce serait sans doute un grand pas vers la fête véritable, celle que l’on fait soi-même, sous le regard de Dieu.