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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Médias • M6, une chaîne néo-réac ? Islam, FN : les chiens de garde scandalisés

     

    Par Hadrien Desuin

    Entre son émission « Dossier Tabou » sur l'islam français et l'entretien de Karine Le Marchand avec Marine Le Pen, M6 essuie ces derniers jours une polémique bien de chez nous. Hadrien Desuin donne ici [Causeur - 10.10] une analyse pertinente qui nous intéresse : tout ce qui pointe le terrorisme intellectuel, notamment celui des médias, est utile et bienvenu.  LFAR

     

    L’intrusion du journaliste Bernard de La Villardière au fin fond de la Seine-Saint-Denis vaut au présentateur de la sixième chaîne une indignation qui souffle du plateau de Cyril Hanouna au blog du directeur adjoint de L’Express en passant par le quotidien gratuit 20 minutes. Comme un écho du flot d’insultes déversées sur son compte Twitter. Le CSA a été saisi et Nicolas de Tavernost, président de la chaîne M6 a reçu une docte lettre du président de L’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco. Pour l’ancien secrétaire général de François Mitterrand « la généralisation des difficultés telles que présentées par ce reportage donne une vision déformée de la réalité ». Comble de la vanité, il s’étonne que M6 n’ait pas mentionné le « travail considérable » effectué par son organisme. La défense de la laïcité par Jean-Louis Bianco mériterait en effet un “Dossier Tabou” à lui tout seul…

     

    L’islam, une vache sacrée médiatique

    Le célèbre journaliste de “Zone Interdite” et “Enquête exclusive” a plutôt bien choisi le titre de sa nouvelle émission. Selon le Larousse, un tabu est étymologiquement en polynésien “un interdit de caractère religieux qui frappe un être, un objet ou un acte en raison du caractère sacré ou impur qu’on leur attribue.” Par extension, le tabou “a un caractère social et moral qu’il serait malséant d’évoquer, en vertu des convenances sociales ou morales.” “L’islam en France, la république en échec”: le titre de la première émission de Dossier tabou avait tout de la vache sacrée médiatique.

    En préliminaire, la présentation de l’émission avait le mérite de ne pas tourner autour du pot. ” Nous avons découvert que les imams les plus extrémistes gagnent du terrain aux dépens de modérés républicains, parfois menacés de mort  (…)  L’Union des Organisations Islamiques de France a pour but de déconnecter la communauté musulmane du reste de la société, de grignoter peu à peu l’espace public au nom de la liberté d’expression pour installer la charia en France. Elle organise de grands rassemblements et attire des centaines de milliers de personnes qui peuvent écouter des prédicateurs étrangers souvent homophobes, antisémites et favorables à la lapidation des femmes. D’anciens Frères Musulmans ont accepté de témoigner pour dévoiler la stratégie cachée du mouvement qui veut former les élites islamistes de demain.
     
    Aussitôt accusé de racolage télévisuel, le sujet choisi par La Villardière avait en effet l’inconvénient d’intéresser le français moyen, au point de réaliser pour sa première un très joli score d’audience, 2,4 millions de téléspectateurs. La « mosquée Daech » de Sevran, louée par un imam de l’UOIF, la branche française des frères musulmans, ne méritait sans doute pas qu’un journaliste se déplace jusque là. Filmer à Sevran une mosquée salafiste clandestine ou une école coranique sur un terrain municipal, franchement quel intérêt sinon de stigmatiser les salafistes? Pour Stéphane Gatignon, maire écolo de Sevran interrogé sur RMC, la venue de l’équipe de M6 n’est rien d’autre que “de la provoc””. Bernard de la Villardière a voulu “faire de l’audience sur le dos de la ville de Sevran” Dans un communiqué il dénonce “une polémique politicienne cherchant à faire de Sevran un Molenbeek français”. Si les jeunes de Sevran partent en Syrie, c’est donc la faute de la course à l’audimat chez M6. Allez comprendre.

    Complotisme mainstream

    Les chiens de garde du PAF ont aussi pointé, avec un soupçon de complotisme, le montage de la scène d’agression dont La Villardière était forcément le déclencheur. S’appuyant sur une vidéo amateur censée dédouaner les jeunes de Sevran, un certain Ousmane, venait donner du grain à moudre à l’observatoire de l’islamophobie, pardon à l’Observatoire de la laïcité (pardonnez la confusion, mais l’équipe de Jean-Louis Bianco passe visiblement plus de temps à traquer les pourfendeurs de l’islam radical que les ennemis de la laïcité). Silence gêné en revanche quand le Ousmane en question se révèle être un grand admirateur de Dieudonné. La vidéo complète diffusée ensuite par M6 pour éteindre la polémique ne laisse aucun doute sur la bande de voyou ceinturant l’équipe de reportage. Frappés et mis au sol, les journalistes sont contraints de quitter les lieux.
     
    Un geste de solidarité ou un mot de soutien était bien le minimum qu’on pouvait attendre de la part des confrères de La Villardière. Face à un délit d’entrave à la liberté de la presse, la gauche morale, d’habitude si prompte à défendre les libertés, s’est retournée sur l’agresseur blanc à particule. Lequel n’aurait pas dit « bonjour » aux individus qui tentaient d’interrompre son interview (la vidéo de M6 devait démentir cette accusation grotesque). Un peu de sérieux et d’honnêteté suffisent à constater que le journaliste et son équipe étaient au contraire d’une patience infinie avant leur prise à partie.
     
    Au lieu de s’interroger sur la violence de l’islamisme dans certains territoires perdus de la République, les petits marquis de la bien-séance médiatique reprochent à l’équipe de M6 de ne pas avoir demandé aux caïds de la cité l’autorisation de filmer leur terrain de jeu. Pour ne pas traiter le fond du sujet, on lance un contre-feu qui en dit long sur l’état de la liberté d’expression en France. 

    Hadrien Desuin
    Expert en géo-stratégie, sécurité et défense

    Lire aussi dans Lafautearousseau ... ce grain de sel

    M6 : Bernard de La Villardière a parlé vrai dans son « Dossier tabou » sur l'Islam

     

  • La Russie, puissance musulmane ?

    Mosquée d'Akhmad Kadyrov à Grozny

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Le rôle grandissant joué par Moscou sur la scène arabo-musulmane conduit notre chroniqueur à rappeler certains chiffres, faits et vérités un peu trop négligés, selon lui.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgOn sait bien sûr que diplomates et militaires russes s’activent de plus en plus autour du dossier proche-oriental, notamment dans son volet syrien, et que cet interventionnisme choque ou étonne nombre de gens en Occident et en Arabistan. On connaît moins certaines données justifiant aux yeux des Russes eux-mêmes leur présence de plus en plus visible sur le théâtre musulman. 

    En effet : l’actuelle Fédération de Russie est historiquement et démographiquement une puissance mahométaine : 20 à 25 millions de musulmans autochtones, soit environ 15% de la population russe totale, vivent en 2016 dans la Fédération. Et c’est à noter, en bonne intelligence avec des non-musulmans, surtout depuis que s’est terminée la guerre de Dix-Ans, en Tchétchénie, en 2009. 

    LE CONGRÈS DE GROZNY 

    C’est précisément dans le chef-lieu tchétchène, Grozny, où se trouve désormais la plus vaste mosquée de toute la Fédération russe et à l’ombre de ses minarets, que s’est discrètement tenu en août 2016 un « Congrès sunnite » international, convoqué par les autorités russo-tchétchènes ; ce Congrès a réuni quelques 200 savants religieux reconnus, tous dûment enturbannés ou encalottés, venant de divers pays du Sunnistan : Turquie, Jordanie, Soudan, Yémen, Syrie, Russie, Egypte, Europe occidentale, etc. Le maréchal Sissi avait envoyé rien de moins que le grand-mufti d’Egypte et un ancien prestigieux grand-imam d’El Azhar, tandis que Damas en pleine guerre civile avait néanmoins délégué son grand-mufti. Si Bachar El Assad est né dans la minorité chiito-noçairie (ou alaouite, sans rapport avec la dynastie marocaine), il a épousé une compatriote sunnite et il va prier dans des mosquées sunnites. 

    Le Maroc n’était représenté à Grozny qu’à « titre privé » et cela a un peu étonné car c’est la pensée aâcharite, dont l’ « Islam de Juste Milieu » du Maroc se réclame plus que jamais, qui a été à l’honneur au Congrès. L’imam médiéval irakien Aboul Hassan El Aâchari est, tout de suite après son aîné le grand juriste arabe Malik Ben Anas, l’inspirateur du sunnisme marocain réputé donc malékite aâcharite. 

    Cependant Rabat, proche allié de Ryad, ne pouvait officiellement être représenté à un Congrès dont le but avoué était de décréter « non orthodoxe » la doctrine wahabite*, en vigueur depuis le XVIIIe siècle au sein du sunnisme séoudien ; les congressistes ont qualifié le wahabisme de « non-conforme » avec la pensée musulmane classique et ils l’ont accusée d’être à présent «  dangereusement proche » de Daech, quant à l’idéologie. 

    En tout cas, sur le terrain maghrébin, nul n’ignore que le rigorisme wahabite est en contradiction avec le bienveillant soufisme nord-africain, populaire ou littéraire. Pareillement, en Fédération russe, Tchétchénie et Daguestan sont de vieilles terres soufies. 

    KAZAN « LA BELLE MUSULMANE » 

    A 700 km de Moscou, la superbe ville de Kazan, présentée par les voyagistes russes du XXIe siècle comme « la Belle Musulmane », fait figure de métropole de l’Islam de Russie. C’est souvent de Kazan que partent livres, films et idées vers les 8000 actuelles mosquées russes (12 000 avant la Révolution bolchévique de 1917, 343 seulement à la chute du communisme en 1989). 

    C’est en pensant à cet Islam-là que Vladimir Poutine, lui-même s’affichant comme « croyant » (chrétien orthodoxe), a proclamé en août 2012 : « les traditions de notre Islam sont basées sur les valeurs éternelles de bonté, miséricorde et justice ». Rappelons pour finir que la Russie est depuis 2005 un très présent membre observateur à l’Organisation de la coopération (ex-conférence) islamique (OCI), institution née au Sommet islamique de Rabat en 1969 et siégeant depuis lors à Djeddah. La France, qui a à peu près le même pourcentage de musulmans que la Russie parmi ses habitants, n’a pas eu l’idée d’emboîter le pas à Moscou sur la question de l’OCI. Sans doute par manque d’audace et aussi parce que Paris n’a plus de vraie politique islamique depuis 30 ou 40 ans.   

    * Par refus des modes et en accord avec la graphie française classique des mots arabes, j’écris wahabite avec un seul « h » et Séoudite et non pas Saoudite. 

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 07.10.2016

  • Mémoire & religion • La longue souffrance des coptes

    Une fidèle copte en prière à la cathédrale Saint-Marc du Caire durant la messe de Noël. La minorité chrétienne égyptienne est animée par une grande piété.

     

    PAR PÉRONCEL-HUGOZ 

    Depuis la conquête de l'Égypte par des musulmans d'Arabie, après la mort de Mahomet, et jusqu'à nos jours, des historiens ont calculé que quasi toutes les générations de chrétiens nilotiques ont été traitées comme des inférieurs, les dhimmis de l'Islam.

     

    IMG - Copie.jpgL’essayiste copto-italien du XXe siècle, Georges Henein, par ailleurs agnostique, voyait dans les coptes, la « conscience de l’Égypte ». L'orientaliste fran­çais islamophile Louis Massignon, catholique doloriste, confiait au père Pierre du Bourguet, jésuite coptisant : « Les coptes sont des victimes. C'est par eux que l'Égypte sera sauvée » . . . Mais en attendant, autant qu'on sache, il n'entre­prit aucune démarche sérieuse auprès de ses nombreuses relations musulmanes pour que l'Islam adoucisse un peu le sort des dhimmis, ces sujets ou citoyens non mahométans de seconde zone, théoriquement « protégés» par l'État musulman mais, à l'occasion, maltraités voire persécutés, ce qu'ont presque toujours été les coptes, de jure ou de facto, depuis l'isla­misation de leur pays ; et jusqu'à nos jours où Daech a intensifié ses sanglantes attaques, en particulier contre femmes et enfants coptes. L'historien francophone égypto-libanais Jacques Tagher, qui vivait pourtant à la fin du meilleur régime jamais connu par les coptes depuis l'Islam, à savoir la dynastie francophile de souche anatolienne de Méhémet-Ali et ses descendants (1805-1953), a écrit un ouvrage en français, Coptes et musulmans, paru au Caire en 1952 (et réédité au XXe siècle en arabe au Canada), qui reste capital pour la connais­sance de la dhimmitude en Égypte.

    De nos jours, les claires et inédites incita­tions du maréchal Sissi à un aggiornamento de certains textes de base musulmans — non encore suivies d'effets concrets — ont été accueillies sans excès de bienveillance par nombre de mahométans restés attachés à la lettre du Coran, laquelle rend parfois difficiles les rapports entre « vrais croyants» et « proté­gés » : «Ne prenez pas pour amis les juifs ou les chrétiens, sinon vous deviendrez comme eux ! » ordonne, par exemple, Allah a ses adeptes dans la sourate de la Table servie (V, 51). Aujourd'hui comme hier, « les coptes représen­tent la partie la plus vulnérable de la population égyptienne : Ils n'ont pas de défenses, ne sont pas armés et sont ainsi une cible facile » (Jean Maher, président de l'Organisation franco-égyptienne pour les Droits de l'Homme, à Valeurs actuelles du 15 juin 2017). Un cadre copte catholique de la vie associative égyp­tienne, Fahim Amine, est allé jusqu'à parler d'un « génocide lent », depuis des siècles, pour ses coreligionnaires coptes orthodoxes.

    UN ENFANT MÂLE DE MAHOMET

    Pourtant les contre-arguments en faveur de ces chrétiens africains, regardés de haut par l'Islam, ne manquent pas de poids : les coptes de son époque fournirent ainsi à Mahomet celle de ses femmes, Marie la Copte, qui donna au fondateur de l'Islam le seul de ses enfants mâles qui vécut un peu (4 ans) : Ibra­him. Un hadith — dit ou acte de Mahomet, rapporté par la Sunna, ensemble de six recueils principaux — constate : « Comme ils sont bons les coptes d'Égypte ! » S'appuyant plutôt sur la conception universelle moderne des droits humains, en 1992, un musulman moderniste mesuré, en vue dans la société égyptienne, Farag Foda, osa dire tout haut, ini­tiative sans précédent sur les bords du Nil, que les coptes étaient « discriminés » sur leur sol ancestral et natal. Peu après, un commando islamiste abattit Foda, qualifié de « renégat », et vite oublié... Pourtant, la victime n'avait fait que décrire la réalité : sait-on, ainsi, que le plus brillant diplomate moderne du monde arabe, l'Égyptien copte, Boutros Boutros-Ghali (1922-2016), futur secrétaire général des Nations-Unies puis de la Francophonie, ne put jamais être ministre à part entière des Affaires étrangères au Caire, et cela en tant que non-musulman... Le rang de « ministre d'État », atteint par Boutros-Ghali, équivaut en Égypte à celui de simple « secrétaire d'État » ... En 2017, le journaliste Fahmi Howeidi, dans le quotidien indépendant cai­rote Al Shourouk (28 mai) a imité Foda, muta­tis mutandis, et depuis lors on est inquiet pour lui, car il a parlé de « témoignages sur la souf­france quotidienne de certains coptes au travail, à l'école, dans l'espace public ».

    LE PATRONAGE DE BOUTROS-GHALI

    C'est le « grand copte » Boutros-Ghali qui a parrainé le gros travail (en trois volumes, dont le deuxième est paru en 2017) où un couple d'égyptologues copto-français, Ashraf et Bernadette Sadek, établi à Limoges et animant la revue française Le Monde copte (fondée en 1976 par Pierre de Bogdanoff), a entrepris d'exposer, sur les plans culturels et historiques, la réalité copte, sans traiter des attentats anti-chrétiens contemporains menés en Égypte et en Libye par Daech ou d'autres organisations islamistes. À l'heure où nous écrivons cet article, la dernière tuerie de masse, visant une trentaine de coptes, surtout des mères avec leurs enfants, remonte au 26 mai ; les victimes refusèrent toutes de sauver leur vie en se convertissant sur le champ à l'islam, tandis que la police armée, présente à proximité, arrivait trop tard, selon une attitude plusieurs fois consta­tée dans des circonstances similaires...

    Ashraf et Bernadette Sadek ont donc réuni, dans l'épais volume constituant le tome II, récemment édité, un grand nombre de textes et d'illustrations, anciennes ou récentes, sous le titre poétique mais peut-être un peu énigmatique, Un fleuve d'eau vive; il y a là, à peu près tout ce qui mérite d'être mis à la disposition du public franco­phone cultivé, à propos de la Fuite en Égypte de la Sainte Famille, épisode rapporté par les Écritures chrétiennes et qui, on peut l'ima­giner, tient une place éminente dans la Chré­tienté nilotique, notamment à l'occasion de pèlerinages populaires très fréquentés. Le travail de recherche, présentation et explica­tion accompli par le couple d'égyptologues, est unique au XXIe siècle en français, et nous dévoile tout un pan, très peu connu en Occi­dent, de la vie chrétienne en Égypte.

    Les coptes actuels - majoritairement composés de gens modestes, en ville ou dans les campagnes, même si la fratrie des milliardaires coptes Sawiris est célèbre dans les cercles économiques mondialisés —, sont saisis, en cet ouvrage, dans leur quotidien­neté religieuse ou profane, donnant par ricochet, encore plus d'épaisseur à un sou­bassement historique déjà fort consistant. L'ensemble est captivant !    

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    Les obsèques, en février 2016, de Boutros Boutros-Ghali, ministre et diplomate emblématique issu de la communauté copte, qui fut secrétaire général de l'ONU, en présence du patriarche copte. 

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Notre avant-guerre ?

    La Chine investit près de 200 milliards de dollars/an pour son armée 

     

    En deux mots.jpgPériodiquement, il faudrait relire Giraudoux, esprit sage et subtil, bienveillant et souriant aux misères des hommes et des peuples, à leurs insuffisances et à ces fatalités qui, à intervalles réguliers, les conduisent dans de terribles malheurs. Par exemple les guerres modernes. Giraudoux en savait quelque chose, qui en avait vécu deux. Mondiales, pour la première fois. Mais on ne lit plus Giraudoux, on l'a oublié ou presque, on ne joue plus son théâtre. A notre société il manque la culture et au théâtre un Jouvet, qui avait fait de Giraudoux l'auteur dramatique de sa vie. 

    Ce qui nous a rappelé Giraudoux ces temps derniers, ce sont les prodromes d'une guerre, qui montent de l'actualité avec leur lot de ridicules, de dérision et de sourde inquiétude. C'est ce dont Giraudoux a superbement traité dans La guerre de Troie n'aura pas lieu. Et qui finalement aura lieu comme chacun sait. 

    Entre 1870 et 1914, on avait déjà cru une nouvelle guerre impossible. On pensait que le perfectionnement des armes la rendait trop meurtrière pour qu'elle fût tentée. On le croyait encore le 2 août 1914. Mais la guerre éclata quand-même le 3. Entre les deux conflits mondiaux on recommença : la tragédie avait été trop terrible entre 1914 et 1918, elle avait fait un trop grand nombre de morts - autour de 20 millions - pour qu'une guerre pût encore se produire. Et aussi on avait créé la Société des Nations, la SDN, ancêtre de notre ONU, pour, de toute façon, l'empêcher. Dérisoire illusion ! Hubert Védrine l'a fort bien dit : les institutions internationales ne sont que des lieux de rencontre. 

    Les grands conflits sont en général précédés de guerres dites régionales. La guerre d'Espagne, où les armées européennes, sauf la nôtre, s'étaient essayées, sur terre et dans le ciel, s'est terminée le 1er avril 1939 ; la Seconde Guerre mondiale éclata le 1er septembre. Nous avons aujourd'hui la guerre de Syrie, dont Eric Zemmour a dit - peut-être avec raison - qu'elle est notre guerre d'Espagne. Mauvais présage … Les aviations russe, américaine et accessoirement française, se croisent dans le ciel syrien, au risque, d'ailleurs, de s'y affronter. Des militaires de mêmes nationalités s'affairent sur son sol.  

    Précèdent aussi les conflits majeurs, ces rencontres entre « grands » où l'on fait assaut de pacifisme et de bons sentiments. Giraudoux, toujours, a restitué cette dramaturgie singulière dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu, avec une infinie délicatesse et une lucidité amusée. En 1938, il y avait eu Munich. Nous avons les G7, les G 20, et les conférences au « format Normandie ». Trump, Poutine et Xi Jinping se sont rencontrés à Hambourg en 2017 ; les membres, plus chanceux, du G7 se sont offerts Taormine comme jadis on se retrouvait à Locarno. 

    La politique des « sanctions » fait aussi partie de la panoplie des avant-guerres. Comme il y eut, autour de 1935-1937, les sanctions contre l'Italie, aux funestes conséquences, nous avons les sanctions américaines contre Cuba et les sanctions, d'ailleurs réciproques, des « démocraties » contre la Russie, ou contre l'Iran et, aujourd'hui, les sanctions votées à l'ONU, contre la Corée du Nord. 

    C'est maintenant dans le Pacifique que semble s'être déplacée la perspective de grands affrontements. Loin de notre Europe, et c'est tant mieux. Les missiles de Pyongyang survolent à intervalles rapprochés le Pacifique et le Japon lui-même, qui d'ailleurs, avait occupé jadis la Corée. Elle ne l'a pas oublié. Les 160 000 Américains de l'ile Guam vivent dans la peur qu’un missile nord-coréen leur tombe dessus. Mais chacun sait que derrière la Corée du Nord il y a l'immense Chine et derrière la Corée du Sud et le Japon, les Etats-Unis. Contenue, pour un temps dont on ne peut dire combien il durera, par des motivations commerciales et financières, la rivalité sino-américaine n'en est pas moins un phénomène grandissant, derrière les sourires et les poignées de main. 

    Ces motivations pacifico-pragmatiques, toutefois, n’empêchent pas la course aux armements, dont on croit qu'on ne se servira jamais, comme on avait pensé jadis que la guerre de Troie n'aurait pas lieu. La course aux armements caractérise aussi les avant-guerres et nous conseillerons aux sceptiques de considérer l’ampleur et l’accroissement, étonnants pour les optimistes, des budgets militaires des grandes puissances d’aujourd’hui : les 622 milliards de dollars américains, que Trump vient de décider d’augmenter de 7% ; les presque 200 milliards de dollars chinois ; le programme militaire indien, en passe de rejoindre la Chine sur ce terrain ; sans compter l’éventuel réarmement du Japon, d’ailleurs déjà entamé. Que pèsent, en comparaison, les 44 milliards français et les 48 milliards russes ? 

    Justement, si le pragmatisme devait être abandonné, si un conflit majeur venait à éclater un jour ou l’autre dans les régions du Pacifique que nous avons évoquées, il ne faudrait pas dénier à l’Europe, qui s’est si longtemps épuisée à se battre chez elle, notamment la France, la chance de se trouver, pour une fois fort éloignées du théâtre du conflit, ni, nonobstant toutes alliances,  le droit de s’en tenir soigneusement à l’écart. Chacun sait que la guerre de Troie n’aura pas lieu. Mais si elle avait lieu tout de même ? Nous devrions dire comme Louis XV et rester sur le mont Pagnotte.  • 

     Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Politique & Société • Intellectuels de gauche, intellectuels de droite

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Dans cette tribune du Journal de Montréal [4.10], Mathieu Bock-Côté constate, au fond, la difficulté d'être de la droite, ou si l'on veut, son inexistence de fait, par soumission à la gauche. Serait-ce qu'elle n' a pas de fond qui lui soit propre ? Serait-ce qu'elle se refuse à reconnaître ces réalités historiques et charnelles, ces quelques vérités anthropologiques  essentielles et profondes dont Mathieu Bock-Côté parle si souvent par ailleurs ? Peut-être est-ce simplement qu'elles n'appartiennent à personne en particulier, ni à la droite, ni à la gauche, ces mauvais clivages nés de la Révolution française. Mais qu'elles appartiennent à tous. LFAR

     

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    Je ne raffole pas du clivage gauche-droite, qui globalement, déforme la pensée politique davantage qu'il ne met en scène ses controverses les plus fécondes. Il est néanmoins difficile à congédier tant ceux qui se veulent « de gauche » y tiennent, dans la mesure où il leur sert à départager le monde entre deux camps irréconciliables. Cela, en flânant sur les médias sociaux, je constate encore ce soir une chose qui depuis toujours, m'agace: les gens qui se disent « de gauche » aiment souvent se dire bouleversés, par ceux qui les critiquent « sur leur gauche ». Ils sont en débat, autrement dit, avec ceux qui les débordent sur leur gauche, comme s'ils craignaient de ne pas suivre le rythme du progressisme.

    Mais rarement, très rarement, on les entendra se dire « bouleversés » par un auteur classé « à droite » - je dis classé à droite car généralement, on se réclame moins de cette étiquette qu'on se fait ranger un peu malgré soi dans cette case. C'est un peu comme si la gauche discutait en famille tout en rejetant en bloc les auteurs de droite. On ne discute pas avec eux, on ne discute pas avec elle : on les disqualifie, on la combat. La droite n’est pas l’autre camp avec lequel débattre mais une menace qu’il faudrait toujours repousser. La droite ne porte pas une autre vision du monde avec sa part de légitimité : elle représente ce qu’il faut faire tomber pour qu’un monde meilleur émerge enfin. Fondamentalement, la droite est moins légitime que la gauche - elle y est moralement inférieure. La droite a si mauvaise réputation, d'ailleurs, que lorsqu'un intellectuel de gauche quitte son camp, il passe moins à droite qu'il ne condamne le clivage gauche-droite.

    Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la « droite » ne fonctionne pas selon les mêmes codes. Le grand rêve des intellectuels de droite, c’est d’être admis dans le débat des intellectuels de gauche, à la manière du « bon réac », du « conservateur respectable » - autrement dit, de l’homme de droite pas si à droite que ça d’abord et avant tout occupé à se dissocier de son propre camp. Le grand rêve de l’homme de droite, c’est de ne plus porter cette étiquette qui l’encombre. Encore une fois, on peut le comprendre puisqu’on lui accole davantage qu’il ne se l’approprie. Nationalistes, conservateurs, libéraux, réactionnaires, libertariens ont bien peu de choses en commun. On aurait beau leur chercher des points communs substantiels, on ne les trouvera pas.

    Souvent, l’intellectuel de droite, si cette formule a un sens (dans la mesure où, encore une fois, il faut le dire, la droite est une catégorie pêle-mêle qui rassemble tous ceux dont la gauche n’a pas voulu) s’empressera de citer l’intellectuel de gauche qui pense comme lui, comme si le fait qu’un homme de l’autre rive partage ses idées confirmait ses analyses. L’homme qu’on a enfermé contre son gré à droite espère une chose : transcender le clivage gauche-droite dans lequel il se sent à l’étroit et en mauvaise compagnie. Il citera avec beaucoup moins de zèle celui qui est associé à son propre camp, car alors, il aura l’impression de s’enfermer dans un ghetto intellectuel. La vie intellectuelle est aussi une affaire de clans.

    Tout cela pour dire que la vie intellectuelle ne met pas en scène un fameux débat entre la gauche et la droite, mais entre la gauche « radicale » et la gauche « modérée » et que certains intellectuels classés à droite parviennent de temps en temps à s’y faire une place, soit pour jouer le ronchon de service, soit pour servir de caution, en plus de les réduire au statut de polémistes ou de commentateurs. Et on ne voit pas trop dans quelles circonstances cette manière de débattre de la cité pourrait changer, tant la philosophie politique et les sciences sociales évoluent dans un consensus progressiste qui est globalement celui des institutions intellectuelles et qui impose aussi ses codes dans une part non-négligeable du système médiatique.    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand allons-nous laisser l’oligarchie qui nous dirige saccager l’espace public...

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    La perversion du sens de l'art est, en effet, symptomatique d'une crise profonde de la société et de la civilisation. C'est ce qui ressort de l'analyse de Jean-Louis Harouel* pour FigaroVox, que nous publions ici. Que "l'œuvre" montrée ci-dessus ait dû, finalement, être retirée, par décision de son auteur, sous la pression des protestations, démontre que, désormais, comme dans d'autres domaines aussi fondamentaux que celui de l'esthétique, l'opinion française n'accepte plus de laisser faire n'importe quoi sans réagir. Ce réveil d'une certaine capacité de réaction du peuple français est la bonne nouvelle des temps de crise que nous vivons. Même si beaucoup de chemin reste à parcourir ...  Lafautearousseau   u

     

    FIGAROVOX/ENTRETIEN - Une oeuvre de Paul McCarthy exposée place Vendôme a fait réagir les internautes sur les réseaux sociaux. Jean-Louis Harouel* y voit la preuve de la « vacuité de l'art contemporain ».

    FigaroVox: Une oeuvre gonflable de 24m de haut a été installée place Vendôme par l'artiste Paul McCarthy. Elle représente un arbre vert stylisé, mais a suscité quolibets et condamnations sur les réseaux sociaux, beaucoup la comparant à un « plug anal ». Que pensez-vous de cette sculpture? Pourquoi pensez-vous que cet artiste ait été choisi ?

    Jean-Louis HAROUEL: Je pense que c'est une bouffonnerie. Je ne prononcerai même pas le nom de l'intéressé, car c'est lui faire de la publicité. Je l'appellerai « le Monsieur qui pollue la place Vendôme ». Il souhaite que l'on parle beaucoup de lui et que cela lui rapporte beaucoup d'argent. Ceux qui réagissent à son œuvre rentrent dans son jeu. C'est un bouffon. Au début de sa carrière, pour se faire connaître, il s'humiliait en public, par exemple en se plongeant la tête dans un baquet de ketchup.

    D'ailleurs, de manière générale, les prétendus « artistes contemporains » sont des bouffons interchangeables, auteurs de bouffonneries interchangeables. Ceci pour une raison très simple : il n'y a en réalité pas d'œuvre, pas d'art. L'art contemporain repose sur deux dogmes: le remplacement de l'art par l'artiste sacralisé ; le remplacement de l'œuvre par n'importe quoi. On devrait parler de non-art contemporain (NAC).

    Depuis la cuvette d'urinoir présentée par Duchamp comme « sculpture » voici un siècle, n'importe quoi peut servir d'œuvre. On prétend que derrière cela se cache une idée géniale, une pensée prodigieuse, que ces soi-disant artistes communiquent avec l'âme du monde, le sacré, nous disent quelque chose de l'être, de la vie. Le directeur du Musée d'art moderne, Jean de Loisy, place le rapport au prétendu « art contemporain » dans le registre de la foi. Si vous l'avez, vous comprendrez la « sculpture » de Duchamp. Dans le cas contraire, vous n'y verrez qu'un urinoir, et ne pourrez jamais comprendre. Tout comme pour l'hostie, avec la foi, on assisterait à une transsubstantiation de la chose présentée, qui ouvrirait la voie vers quelque chose de supérieur, de mystérieux: à « un monde nouveau ». La bouffonnerie du NAC possède une dimension religieuse sécularisée.

    A l'instar d'autres artistes au Château de Versailles, comme Jeff Koons ou Murakami, McCarthy confronte son art à la décoration classique de la place Vendôme. Pourquoi l'art contemporain s'installe-t-il dans des lieux classiques ? Qu'apporte ce choc ?

    On veut légitimer le non-art contemporain en essayant de le mettre au même niveau que le grand art du passé. La confrontation repose sur le postulat d'un dialogue entre le prétendu « artiste contemporain » et les grands artistes de jadis. Or il n'y a aucun dialogue possible, mais une lamentable pollution des grands lieux du patrimoine artistique et historique. Tout cela cache une logique mercantile. Une invitation à Versailles, au Louvre ou place Vendôme constitue un grand coup d'accélérateur dans une carrière. Cela fait exploser la cote du bénéficiaire C'est tout ce qui compte.

    Cette pollution des hauts lieux classiques profite à l'étroite classe mondiale des milliardaires incultes qui investissent dans les inepties de ces soi-disant « artistes ». Ils ont tout intérêt à ce que les prix s'envolent, pour pouvoir revendre avec bénéfice les « œuvres » qu'ils détiennent. Le prétendu art contemporain joue le même rôle pour eux que, par le passé, les bons du Trésor américain : un placement à court terme dans une optique purement financière.

    Qui décide d'installer une œuvre dans un lieu public ? Qui paie pour son installation ? Les riverains ont-ils leur mot à dire ?

    A ma connaissance, les riverains ne sont pas consultés. A Versailles, c'était Jean-Jacques Aillagon qui décidait, y compris pour la place d'Armes. A Paris, pour la place Vendôme, il n'est pas concevable que cette utilisation de l'espace public ait eu lieu sans l'autorisation de la mairie.

    Dans ce cas précis, je ne saurais dire qui paie. Toutefois, en d'autres occasions, le transport et l'installation furent financés par tel grand collectionneur du soi-disant artiste, qui sortait gagnant de l'affaire puisque la valeur de sa collection bénéficiait du coup de publicité mondial que représente une exposition à Versailles.

    Comprenez-vous les fortes réactions des internautes, entre rire et consternation, sur les réseaux sociaux ?

    Bien entendu: il est tout à fait légitime de réagir. En polluant spectaculairement le patrimoine national, un prétendu « artiste » rejoint le club très fermé des très grands bouffons de l'art. Toutefois, je conseillerais aux internautes de condamner le principe même de l'installation de bouffonneries à côté de chefs d'œuvre, plutôt que l'objet en lui-même. Chercher à savoir ce qu'il peut évoquer, c'est rentrer dans le jeu de l'installateur, qui a tout à gagner à un maximum de scandale.

    Comment analysez-vous l'installation de cette œuvre ? S'agit-il en définitive d'art, de business ?

    Il s'agit simplement de commerce et de publicité !

    Cet événement, toutefois, soulève un problème plus grave : le détournement de l'idée d'art, qui de ce fait ne veut plus rien dire. On humilie l'art véritable en l'obligeant systématiquement à cohabiter avec le n'importe quoi du prétendu « art contemporain ». Celui-ci, je le répète, n'est qu'une bouffonnerie prétentieuse et de nature spéculative. Cette perte du sens de l'art est symptomatique d'une crise profonde de la société et de la civilisation. u

     

    * Jean-Louis Harouel est professeur de droit à Paris II et auteur notamment de « La grande falsification. L'art contemporain », (Editions Jean-Cyrille Godefroy).

     

  • Vu sur le blog ami de la Couronne, La liberté statutaire du Roi, garantie de la serviabilité de l’économique, par Jean-P

    Se battre pour une cause n’est pas forcément inutile, au contraire de ce que suggèrent les partisans du désordre établi et les fatalistes de tout acabit, et le royalisme, aujourd’hui marginalisé, mérite ainsi toute l’attention que l’on peut porter à une école de pensée et de pratique politique qui évoque le bien commun plutôt que la carrière de ses amis. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui, la question sociale semble, plus que jamais irrésolue et le pays déchiré autour du souci des retraites et de leur financement nécessaire. Or, s’il n’est pas de sauveur suprême, comme le chantaient jadis les marxistes, il n’y a pas pour autant de fatalité en ce domaine et la justice sociale n’est pas une option facultative mais une obligation, un devoir d’État qui, d’ailleurs, participe à fonder une part de sa légitimité.

    396556_jean-philippe-chauvincorr.jpgMais la République macronienne reste la République, et elle n’est pas, qu’on le veuille ou non, sociale, ne serait-ce que parce que son mode de fonctionnement favorise les rhéteurs et les « prêteurs » plutôt que l’intérêt supérieur de la nation et de ses peuples. Le mode de désignation du Chef de l’État, pourtant pensé par le général de Gaulle pour écarter les partis politiques, a, après lui, nourri les jeux politiciens et financiers : qui n’a pas le soutien d’un appareil (fût-il récent et largement artificiel dans le dernier cas vécu, mais toujours sous la forme de réseaux propre à l’époque et au système même) et des banques nécessaires à son bon fonctionnement, n’a guère de chance de pouvoir concourir et encore moins de conquérir la place ! M. Macron, habile ministre des finances sous M. Hollande et issu de la Banque, a su jouer des malheurs du favori de Droite comme de ceux de son propre tuteur élyséen pour se frayer un chemin vers la magistrature suprême de la République, profitant aussi du « dégagisme » pourtant théorisé par d’autres que lui, voire même opposés à lui dans la joute électorale du printemps 2017. Mais l’énergie utilisée à prendre le pouvoir est déjà une énergie perdue pour son exercice et elle est vite « revendiquée », plus ou moins discrètement, par ceux qui l’ont alimentée, que ce soit les puissances d’argent ou les catégories sociales dominantes ou « clientes » (classes supérieures et mondialisées, et classes moyennes consommatrices et connectées, dans le cas de l’élection de M. Macron).

     

    Une Monarchie royale « à la française », elle, ne doit rien aux jeux de la Banque et des partis, parce que la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat donne, par essence même, une indépendance statutaire au monarque : la naissance ne s’achète pas, quand l’élection se monnaye ! Ainsi, le Roi est-il libre de décider sans l’aval des puissances financières, ce qui ne signifie pas que le monarque du moment soit forcément indifférent aux affaires financières et économiques du pays. Mais l’économique, « l’intendance » comme l’appelait le général de Gaulle, doit suivre et non « être suivie » : c’est le politique qui décide, et « la politique de la France ne se décide pas à la Corbeille », pour citer encore le fondateur d’une Cinquième République qui s’est faite à nouveau éminemment républicaine quand son père est parti, chassé par le suffrage référendaire. Cela est sans doute plus facile à théoriser qu’à pratiquer mais, la volonté du général s’en étant allée en même temps que sa personne du faîte de l’État, il s’agit d’enraciner cette volonté par le statut même de la magistrature suprême de l’Etat, et seule la Monarchie héréditaire et successible peut le faire, détachée du « choix des autres » qui, souvent, n’est que le paravent de celui de quelques uns, comme l’a démontré la dernière élection présidentielle…

     

    Cela signifie-t-il qu’en Monarchie royale sont bridées les expressions électorales et populaires ? Non, bien au contraire : la liberté statutaire de la magistrature suprême autorise les libertés réelles, citoyennes et professionnelles, provinciales et communales, et peut offrir plus de consistance aux pouvoirs locaux et sociaux. Cela pourrait redonner d’ailleurs du crédit à la discussion politique par la concrétisation locale de celle-ci à travers des décisions qui seraient prises conjointement par les administrés et les administrateurs communaux, professionnels, régionaux, après débats et expressions, y compris par le suffrage. C’était la motivation forte du royaliste La Tour du Pin quand il évoquait « la monarchie dans l’État, la démocratie dans la commune ».

    En tout cas, la Monarchie royale doit profiter de sa situation au-delà des jeux économiques et politiciens (les uns étant souvent liés aux autres en République) pour imposer les conditions véritables de l’équilibre social et incarner la justice sociale, y compris au risque de mécontenter les puissances financières qu’il ne s’agit pas de détruire mais d’ordonner au bien commun, comme les rois capétiens et suivants surent le faire jusqu’au XVIIIe siècle : les Fouquet contemporains doivent vivre dans cette crainte salutaire d’un Louis XIV embastilleur. Cette crainte serait le commencement de la sagesse pour eux, et l’assurance de leur serviabilité au bénéfice du pays et de ses forces vives et populaires…

     

    Jean-Philippe Chauvin

  • Banaliser la Shoah n’est pas un signe d’intelligence !, par Christian Vanneste

    En conférant le même « statut » à la guerre d’Algérie qu’à la Shoah, Emmanuel Macron n’a pas seulement insulté la France. Les Français en avaient pris l’habitude. Mais, au-delà du préjugé idéologique typiquement de gauche qu’il véhicule systématiquement sur la colonisation, le président-surprise a brutalement révélé ses faiblesses. Le beau parleur, amateur de concepts, a des connaissances limitées, et peut faire preuve d’inintelligence comme d’une fragilité psychologique inquiétante pour la fonction qu’il occupe.

    3309368304.jpgPour avoir osé cette égalité entre deux événements aussi dissemblables, il a surtout montré qu’il ne connaissait ni l’un, ni l’autre. Non seulement il a ignoré les aspects positifs de la colonisation, les infrastructures réalisées, les gigantesques progrès de la médecine et de l’enseignement, mais il a aussi effacé la singularité de la Shoah. Non content d’avoir choqué les victimes et leurs descendants, ces Français qui ont du quitter leur terre sous la menace, en osant les mettre au même niveau que les bourreaux nazis, il a aussi banalisé l’horreur du génocide des Juifs dans l’Europe hitlérienne.

    Il est surprenant qu’un homme qu’on pouvait croire intelligent et cultivé ait pu dire une pareille idiotie après avoir participé à la commémoration de la libération d’Auschwitz. Le mot de génocide ne doit pas être utilisé sans précaution. Ce néologisme a été créé par Rafaël Lemkin en 1944. Et pour lui, comme pour le procureur général français du procès de Nuremberg, l’extermination programmée des Juifs a bien été un génocide, « le crime qui consiste en la destruction des groupes nationaux, raciaux ou religieux. » La colonisation française de l’Algérie n’a en rien correspondu à ce terme. Le Général de Gaulle, qui a mis fin à la guerre d’Algérie, alors qu’elle était militairement gagnée, pensait au contraire que les spécificités de la population de ces « départements » les rendaient inassimilables à la France dont elles auraient même menacé l’identité en raison de leur croissance démographique. Les partisans de « l’intégration », comme l’ethnologue et gaulliste de la première heure Jacques Soustelle, croyaient que la fusion des deux pays était possible et n’avaient nullement l’intention de réduire les différences religieuses ou culturelles. Avec le problème à terme que pose démographiquement l’immigration musulmane, on sait maintenant qui avait vu juste.

    Rafaël Lemkin, juif polonais, né en Russie tzariste, savait ce que signifiait la volonté politique, parfois planifiée, de détruire une population, physiquement, économiquement, culturellement. Le génocide dont la Shoah est devenu le « modèle » ne peut donc se limiter à des violences, voire à des massacres, souvent réciproques durant des guerres. Avant même l’instauration du nazisme en Allemagne, Lemkin, ce juriste polyglotte, s’était penché sur le « génocide » des Arméniens qui a été central dans sa réflexion car en 1921, il avait été frappé par l’assassinat à Berlin de l’un de ses organisateurs,  l’ancien ministre de l’intérieur ottoman Tallaat Pacha, par l’Arménien Soghomon Telhirian. De même il a eu connaissance, en voisin, de l’holodomor, le génocide par la famine des koulaks ukrainiens dont Staline a été l’auteur en 1933-1934. La Shoah est le troisième événement du XXe siècle à correspondre à la définition qu’il formulera après coup et qui est maintenant intégrée dans le droit international, alors qu’elle ne l’était pas à Nuremberg. Or, si c’est elle qui sert de référence à ces processus heureusement assez rares, c’est parce qu’elle a revêtu des caractéristiques inégalées. La plupart des faits historiques ou contemporains qui relèvent de la même catégorie, de l’élimination des cathares albigeois ou des protestants des Cévennes, jusqu’à celle des Serbes du Kossovo ou des Assyro-Chaldéens chrétiens de la plaine de Ninive, en passant par les luttes tribales entre Hutus et Tutsis,  ne réunissent pas un Etat totalitaire moderne, une armée et une police organisées méthodiquement, pour priver de tout droit, au nom d’une idéologie aux prétentions scientistes, une population sans défense, définie par une identité, ici « raciale », ni pour la réduire en esclavage avant de l’exterminer, de manière « industrielle », en accompagnant ces assassinats de masse d’un incroyable cynisme et de cruautés inimaginables, par exemple sur le plan médical. La médecine nazie, c’est celle qui a été jugée à Nuremberg dans un second procès, auquel le célèbre Mengele a échappé… sans doute parce que les condamnés étaient plus importants dans l’horreur que lui ! La médecine en Algérie, c’est Laveran, prix Nobel de médecine en 1907, pour avoir découvert le bacille du paludisme à Constantine en 1880. Une rue porte son nom en qualité de bienfaiteur de l’humanité pour ses travaux de recherche en parasitologie au quartier résidentiel de Bellevue à Constantine.

    Peut-être est-ce le génocide vendéen qui, en France, est le plus proche du « modèle » ? Même volonté idéologique de la faction politique qui s’est emparée de l’Etat de détruire toute une population, même organisation méthodique. Mais ni les moyens employés, ni le territoire visé, ni les chiffres, bien sûr, ne sont équivalents à l’effarante machine à éliminer qu’avait réalisée le nazisme. Il n’est pas très intelligent d’avoir recours à la reductio ad hitlerum… Parce que toute tentative de ce genre revient aussi à réduire Hitler à beaucoup moins que lui, à banaliser la monstruosité du système et les souffrances engendrées. Mais, dans son désarroi actuel, M. Macron ne s’est pas contenté de cette « boulette », il a aussi voulu envoyer un message à la communauté juive, en croyant pouvoir souhaiter que le meurtrier de Sarah Halimi soit jugé. Sans doute a-t-il raison, mais il était bien le dernier, comme Président de la République, à pouvoir le dire, en désavouant une Justice dont il est le plus haut garant, alors que la Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée.

  • Sur Médiapart, Chloroquine : fake ou scandale ?.

    Récapitulons les faits :

    - le mari d’Agnès Buzyn, Monsieur Levy, participe à l’inauguration du laboratoire P4 à Wuhan d’où le virus est sorti;
    - avant cela, le même mari d’Agnes Buzyn s’est fâché avec Didier Raoult, en refusant les labels de l’INSERM au centre de recherche mondialement réputé (IHU) dirigé par le professeur Didier Raoult

    - le professeur Didier Raoult montre que le classique médicament de la Chloroquine soigne 90% des cas de coronavirus s’ils sont dépistés assez tôt, il s’oppose au confinement généralisé des porteurs sains qu’il juge digne du Moyen-Age. Il prône un dépistage généralisé, et un traitement rapide avec la chloroquine, et avec confinement des seuls malades
    - la chloroquine coûte 10 centimes le comprimé. Il est sûr que les laboratoires qui financent l’Inserm cherchent des solutions bien plus coûteuses;
    - en octobre 2019, il faut savoir que Monsieur Levy, président de l’Inserm et mari de la Ministre, a révoqué le statut de « fondation » des IHU, pour reprendre le contrôle sur leurs recherches : le Professeur Raoult dirige l’IHU de Marseille, et est visé directement par cette directive
    - le 13 janvier 2020, alors que l’épidémie se répand en Chine, Agnès Buzyn classe la Chloroquine (le fameux remède) dans les substances vénéneuses (disponible seulement sur ordonnance), alors que cela fait 50 ans qu’elle est en vente libre
    - il y a quelques jours, Agnès Buzyn a dit avoir su que ce serait une hécatombe, et qu’il n’y avait pas de remède
    - le gouvernement de Macron fait un confinement généralisé de la population, il ne parle pas de la chloroquine;
    - il affirme que les policiers ne doivent pas porter de masques (ils ont été volés pour la plupart, et il n’y en a même pas pour les soignants)
    - il refuse le dépistage de masse, pourtant pratiqué allègrement en Corée et en Allemagne, avec succès
    - il refuse de fermer les frontières avec les pays contaminés
    - Le journal le Monde et l’Agence d’Etat de la santé qualifient les recherches du professeur Raoult de Fake News, avant de se rétracter
    - le Professeur François Perrone révèle il y a quelques jours sur LCI que le stock de chloroquine de la pharmacie centrale française a été pillé
    - ailleurs dans le monde, la semaine dernière, grâce à un tweet d’Elon Musk, en 48h, Donald Trump met a disposition de tous les américains la Chloroquine
    - le Maroc achète les stocks de chloroquine de Sanofi à Casablanca
    - le Pakistan va accroître sa production de chloroquine à destination de la Chine
    - la Suisse exclut elle aussi le confinement généralisé de la population, pratique un large dépistage et traitement rapide, et accuse la France de faire de la politique spectacle
    -la société TEVA en Israël annonce qu’elle va livrer gratuitement plus de 10 millions de dose de chloroquine aux USA
    - Estrosi, soigné lui-même a la chloroquine, sans réponse du gouvernement, a appelé directement Sanofi pour qu’ils livrent la chloroquine aux hôpitaux de Nice
    - sous le lobbying intensif du Professeur Raoult, un test à grande échelle de la chloroquine a commencé finalement en France, sous la direction de l’Inserm (!), qui veut "refaire les expérimentations dans d’autres centres médicaux indépendants », ce qui prendra 6 semaines de plus"...
    Presqu’aucun média n’en parle.

    A vous d'enquêter et de nous dire ce qu'il en est !

     

    A cela, nous pouvons apporter quelques éléments de réponses.

    Le Dr Raoult est « un des experts mondiaux en matière de maladies infectieuses et tropicales. Il est à la tête de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, dans la deuxième ville de France.»
    Selon, M. Tassé, le Dr Didier Raoult s'est mis à dos les "compagnies pharmaceutiques qui n'aiment pas que quelqu'un propose un traitement à partir d'un médicament qui ne coûte presque rien.


    Mais il y a pire :

    1. Il a remis en question le modèle darwinien de l'évolution
    Le Dr Raoult a osé remettre en question le Darwinisme, vache sacré des chercheurs de tout poil : En effet, en 2009, il osait décrire à l'Agence France Presse la composition génétique de certains virus géants, qui ont un patrimoine génétique composite, ce qui remet en question la notion darwinienne d'ancêtre commun à toutes les espèces.

    2. Il a osé remettre en question les données sur le réchauffement climatique
    En 2014, au grand dam des gauchistes qui s'improvisent climatologues, il remet en question les données sur le réchauffement climatique et se trouve classé parmi les «climatosceptiques» donc exclu de l'élite des chercheurs reconnus mondialement.

    3. Il manque de modestie et se gausse de l'élite scientifique de France
    « Le 25 février, il a annoncé que la chloroquine, antipaludéen bien connu (Nivaquine, Plaquenil), est « le traitement le moins cher et le plus simple pour traiter le Covid-19 ». « Le 16 mars, il dévoile les premiers résultats de ses essais: sur 24 malades, les trois quarts n'étaient plus porteurs après six jours. « C'est l'antibiotique des virus, faut pas chercher midi à quatorze heures» (...). »
    Les infectiologues qui mettent en garde contre les «effets d'annonce», les «faux espoirs», les « médicaments miracles», il les les traite de « petits marquis parisiens».


    Bref, il a tout pour déplaire.

  • Les retraites ? A quel point le Référendum nous manque ! par Christian Vanneste

    La semaine qui commence va être une nouvelle épreuve pour notre pays. Une fois de plus, va se poser le problème de la capacité de la France à mettre en oeuvre des réformes nécessaires. La question des retraites n’est pas nouvelle. Elle tient essentiellement à deux problèmes distincts : celui du financement de retraites capables d’assurer une vie digne à tous les retraités ; celui de l’équité des situations entre les retraités. L’espérance de vie, la démographie et le chômage ont creusé des déséquilibres entre les cotisations et les prestations. Les 42 régimes fondés sur la solidarité interne à une profession ont créé des inégalités issues de caractéristiques professionnelles qui ont changé et qui vont encore évoluer.

    3309368304.jpgLa solution la plus paresseuse consistait à allonger progressivement la durée de la vie au travail. Il était plus ambitieux de passer à un nouveau système : celui qui permettrait une plus grande équité, qui poserait la base d’une solidarité nationale plus que professionnelle, et tiendrait davantage compte de l’économie du pays. Pour autant, il fallait aussi que soit pris en compte le parcours personnel du travailleur, souvent rendu plus complexe aujourd’hui qu’à l’époque où l’on pouvait n’exercer qu’une seule profession dans une seule entreprise durant toute sa vie. C’est encore souvent le cas dans le secteur public, et ça ne l’est plus dans le privé, cette inégalité criante de la société française à laquelle il faut mettre fin, sauf, en ce qui concerne les métiers à risques inscrits dans la fonction régalienne de l’Etat.

    Un système universel par points est donc une bonne idée. C’est le choix de la Suède et j’y avais fait référence à l’Assemblée, en évoquant les « comptes notionnels à la suédoise » lors du débat sur les retraites, en septembre 2010. Je considérais qu’une réforme structurelle était indispensable, et que celle qui nous était proposée était insuffisante. C’était il y a presque dix ans. A l’époque, je défendais aussi l’instauration de la TVA sociale, autre modèle scandinave, qui est logique avec le premier, puisqu’il fait glisser le financement des dépenses sociales de la cotisation sur l’impôt, son coût de la production sur la consommation, ce qui dope la compétitivité des entreprises nationales, et favorise leurs produits aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’exportation. Cette mesure d’autant plus indispensable en France que l’Euro nous interdit toute dévaluation me paraissait à la fois la seule à lutter efficacement contre le chômage et à pouvoir davantage financer en partie la protection sociale sur la solidarité nationale, et donc sur des choix de politique nationale. Dès lors que ce n’est plus une cotisation qui paie une prestation à un autre cotisant passé ou présent, celle-ci peut à mon sens inclure, une préférence nationale. J’observe que le pouvoir actuel a préféré la CSG à la TVA, et s’en est déjà pris pour ce faire aux retraités. C’était bien maladroit avant d’annoncer une réforme « systémique » des retraites.

    Celle-ci sera présentée dans deux jours. Si on compare la méthode suivie par le gouvernement français à celle du gouvernement suédois, on mesure la différence. En Suède, entre l’annonce du projet en 1991, et sa mise en oeuvre définitive en 2001, dix ans ! Une concertation politique entre majorité et opposition pour obtenir avec succès un consensus, de 1991 à 1994, trois ans ! Le projet actuel a donc trente ans de retard dans sa conception et plus de vingt ans pour sa mise en oeuvre. Il arrive alors que beaucoup de retraités suédois considèrent qu’ils y ont perdu, d’une part parce que pouvant choisir l’âge du départ, ils sont pour la plupart obligés de le repousser en raison de la diminution de leur pension à l’âge légal où le choix est possible, en second lieu, parce que la valeur du point dépend de l’état global de l’économie suédoise, et que celle-ci connaît des hauts et des bas. Et, il tombe sur un pays qui a connu un an de crispation sociale qui a miné la confiance dans son gouvernement. Ce qui pouvait être proposé et lancé dans une concertation politique en 2017 le peut d’autant moins aujourd’hui que la rugosité des affrontements politiques et syndicaux de notre pays n’a rien à voir avec le climat de la politique suédoise. Une fois de plus, c’est la défiance et non la confiance qui règne en France : chaque profession se sent ciblée et évalue les pertes que ses membres subiront par rapport à la situation actuelle. Chacun entrevoit la mesure d’équilibre budgétaire dont il va être la dupe, et peu la tentative d’établir plus d’égalité entre les retraités. La maladresse suprême a résidé dans l’incertitude sur le point de départ du nouveau régime : dans cinq ans ou seulement pour ceux qui rentrent sur le marché de l’emploi. Il n’en fallait pas plus pour insuffler l’inquiétude et susciter la réticence. C’est la raison pour laquelle, si beaucoup de Français perçoivent aujourd’hui le caractère injuste et scandaleux de certains régimes spéciaux, ils n’en soutiennent pas moins une grève désastreuse, qui est la protestation par procuration à laquelle la majorité ne peut se livrer.

    Une fois encore, le seul moyen qui subsiste pour la France de procéder à des réformes structurelles indispensables est ce que proposaient les « gilets jaune », et que j’avais défendu par une Proposition de Loi, l’instauration d’un Référendum d’Initiative Populaire. Le projet est présenté par le gouvernement. Une pétition est lancée et le débat s’instaure durant un an, avec le souci d’un parfait équilibre entre le soutien et l’opposition, puis les Français décident de leur avenir, comme une vraie nation, et non comme une addition de « communautés » professionnelles et d’intérêts égoïstes.

  • Il y a un an : le feu à Notre Dame ! (II/II) : Le point sur les travaux...

    Notre-Dame de Paris en cours de restauration, 2019

    Commençons par un petit rappel/mise au point concernant les dons promis lors du traumatisme du 15 avril 2019 : 

    • sur un total de 922 millions d’euros de promesses de dons, entre 400 et 500 millions ont déjà été récoltés;

    • sur ces promesses de dons, 600 millions d'euros proviennent de grandes fortunes françaises et 70 millions de l'étranger, dont 40 millions des États-Unis;

    • pour l'instant, la "phase de consolidation et de sécurisation" de Notre-Dame a coûté 85 millions....

     

    Et maintenant, examinons en quatre points les questions principales que l'on peut se poser aujourd'hui sur ce monument, au coeur de Paris, au coeur de la France"...

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    1. Notre-Dame est-elle ou n’est-elle pas encore sauvée ?

    Penser qu'aujourd'hui encore le monument pourrait s’écrouler entièrement, comme cela a failli arriver pendant l’incendie, semble exclu, bien que nul ne puisse affirmer quoi que ce soit avec une certitude de 100%...

    Mais si Notre-Dame a bel et bien été sauvée d'un écroulement complet au soir du 15 avril 2019 par l'héroïque intervention des Pompiers de Paris, il subsiste des risques réels pour la voûte, percée en plusieurs endroits (ci dessus)...

    Une grande partie des travaux réalisés, soit à l'extérieur (les cintres placés sous les arcs-boutants) soit à l'intérieur ("frettage" des deux piliers de la nef fragilisés), ont réellement permis de bien consolider la structure (et lui permettre, notamment, de bien se comporter pendant le retrait de l’échafaudage, qui avait été monté... pour la restauration de la flèche de Viollet-le-Duc ! Celle-là même qui, en s'écroulant, en flammes, perça la voûte, occasionnant le plus gros des quatre "trous"...

    (Etayer, en termes de travaux, c'est soutenir : le frettage est à rapprocher de l'étaiement; "fretter" un pilier sert à consolider/conforter une pile de maçonnerie subissant une compression trop forte ou un éclatement. On peut "fretter" pour soulager une pile pendant le report d'une surcharge le temps nécessaire de travaux sur des arcs et voûtes : le pilier est entourée d'attelles puis cerclé de câbles ou de plats métalliques, et enfin serré afin de le contenir dans sa surface d'origine...)

     

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    2. La voûte (ci dessus) peut-elle vraiment s'écrouler ? A l'inverse, peut-elle vraiment être sauvée ?

    En réalité, l’état de la cathédrale, compte-tenu de l’incendie qu’elle a subi, est beaucoup moins mauvais qu’on ne pouvait le craindre lorsqu'on s'est rendu compte de l'étendue du désastre, juste après la tragédie.

    En dehors des dégâts connus, toutes les mesures effectuées démontrent que la structure est solide. Et ces mesures sont nombreuses, Note-Dame ayant été littéralement truffée de capteurs de tous types, à tous les niveaux, enregistrant le moindre mouvement dans le moindre recoin...

    Notre-Dame est donc entièrement surveillée, et les données recueillies en permannce par cette armée de capteurs sont formelles, et convergentes : la voûte ne bouge quasiment pas...

    Un accident est évidemment toujours possible, mais il est peu probable.

    On peut, sinon être tout à fait certain, du moins espérer avec des raisons sérieuses que non seulement Notre-Dame est sauvée, mais que la voûte le sera probablement... Bravo, les constructeurs du Moyen-Âge, qui nous ont laissé un monument d'une telle solidité, et qui a pu "encaisser" un sinistre d'une telle ampleur !

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    3. Quelles seront les prochaines étapes de travaux ?

    D'abord le démontage de l’échafaudage (ci dessus), et son enlèvement total.

    Jusqu'à la fin complète de cette très délicate opération, rien ne sera possible, rien ne sera fait...

    Avant le confinement lié à la crise sanitaire du Covid 19, qui a interrompu totalement les travaux, la fin de ce démontage/enlèvement était prévue en juin 2020...

    Ensuite, un parapluie roulant sera mis en place sur la nef, puis sur le chœur, afin que des cordistes, guidés par des archéologues, puissent enlever les débris de la charpente qui se trouvent encore sur les voûtes...

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    Au secours ! L'un des "projets fous" pour la restauration (l'assassinat, plutôt...) de Notre Dame...

    "En réalité, et en conclusion, ce qui menace le plus la cathédrale, ce sont... les décisions politiques !"

     

    4. L’engagement d’une restauration de Notre-Dame  "pour 2024" est-il réaliste et tenable ?

    Notons d'abord qu'il est amusant de voir que l’objectif de cinq ans pour la restauration complète de Notre-Dame et celui d’un "concours international" pour celle de la flèche, tous deux donnés par Emmanuel Macron, se contredisent réciproquement...

    Soyons sérieux : l'objectif de cinq pour une restauration complète est intenable, tout simplement parce que... il est évidemment impossible de restaurer entièrement Notre-Dame en cinq ans (déjà un an a passé...). Et on ne pourra pas multiplier le nombre d’ouvriers qui travaillent et travailleront sur le chantier, même si certains pensaient naïvement, par là, "accélérer" la restauration....

    Cependant, l’analyse des dégâts montre que ceux-ci sont moindres qu’on ne pouvait le craindre : là aussi, bravo, les constructeurs du Moyen-Âge !

    Ce qu'il faut, c'est ne pas perdre un temps précieux à imaginer des solutions différentes d’une reconstruction à l’identique de la charpente. De même, la restitution à l’identique de la flèche permettra/permettrait d’aller beaucoup plus rapidement.

    A ne pas perdre de vue : il faudra également, nettoyer l’intérieur de la cathédrale et la débarrasser du plomb dû à l’incendie, ainsi que restaurer les grandes orgues, et là aussi, cela prendra du temps...

    En réalité, et en conclusion, ce qui menace le plus la cathédrale, ce sont... les décisions politiques !

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    La cathédrale que nous voulons, restituée à l'identique en son dernier état connu, comme le stipule la Charte de Venise (et comme l'on fait, par exemple, pour La Fenice de cette même ville de Venise, entièrement détruite par un incendie, et intégralement restituée, dans le respect absolu de ses moindres détails)...

    lafautearousseau

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort, par François Schwerer (1)

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en commencerons la publication dès lundi (du lundi au vendredi inclus), comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort

    Nous donnons juste, aujourd'hui, le plan de l'étude, et son court préambule : rendez-vous lundi, pour le premier chapitre de cette publication, dont nous sommes persuadés qu'elle fera date : Les étapes de la décadence...

     

    Retrouvez l'ensemble de cette chronique dans notre Catégorie :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

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    Schwerer.jpgLa France confrontée à une culture de mort

     

    « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

    Code civil art. 16

     

    « Tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide, tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale,les contraintes psychologiques, tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes, ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes ».

    Gaudium et Spes (n° 27)

      

    Plan de l’étude

     

    1. Les étapes de la décadence

     

    • Un processus téléologique

     

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

     

    • La stratégie progressiste

     

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

     

     

    1. « Pour une nouvelle croisade »

     

    A - Une faible résistance

     

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

     

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

     

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

     

    ANNEXES

     

    • La France confrontée à une culture de mort : les lois de bioéthique

     Une politique des petits pas

    Des fuites orchestrées

    Des éléments de langage

    Un rôle ambigu des Pouvoirs publics pour une culture de mort

     

    • Le projet de loi Bioéthique : une horreur peut en cacher une autre

    • La dénaturation de l’acte médical
    • L’enfant, « objet » d’un contrat entre adultes irresponsables
    • Demain les chimères
    • Quelles seront les étapes à venir ?

     

    • La loi de bioéthique est essentiellement une loi discriminatoire

     

    • Bioéthique : on a ouvert la boite de Pandore

    • Une procédure extraordinaire
    • Des amendements provocateurs
    • Des questions juridiques inextricables

     

    • La loi de tous les dangers

    • La destruction de la famille et de son chef
    • L’enfant n’est plus qu’un objet, sans droits, que l’Etat cherche à s’approprier
    • Pourquoi prendre tous ces risques ?

     

    • Sondage IFOP pour les compte des AFC

     

    • Prière de saint Jean-Paul II (Evangelium vitae)

     

    • Quelques statistiques

     

    • Lettre pastorale de l’évêque de Bayonne

     

    --------------------

     

    La transformation sociétale qu’une petite minorité organisée veut imposer au pays ne rencontre d’opposition que de façon désordonnée et sporadique. Certes, cette opposition donne lieu à des images qui sont diffusées avec succès par les médias du monde entier mais laisse toujours, une fois l’exaltation retombée, un sentiment diffus de colère – pour n’avoir pas été écouté – ou de découragement – à quoi bon ? –. Dès lors, la décomposition du pays peut s’accélérer sous les coups d’une élite auto-proclamée, qui se veut minorité éclairée et agissante et qui évolue à un rythme et selon un schéma qui sont calculés au fur et à mesure en fonction de ce que l’opinion publique est capable de supporter.

    Le programme ne peut pas être véritablement dévoilé parce que l’ordre dans lequel les événements s’enchaînent ne résulte pas d’un plan précisément structuré et figé, subsidiairement parce qu’il ne faut pas effrayer ceux qui n’en veulent pas. Il ne faut pas risquer d’être lâché par une immense majorité pourtant incapable d’assumer l’idée de ne pas être ouvert au « Progrès ». C’est pourquoi, à mesure que cette évolution « progresse » la minorité agissante se sent un peu plus confortée et devient de plus en plus arrogante et agressive.

     Par moments cependant, lors de certaines « avancées », la majorité silencieuse – la « majorité réservée » – se ressaisit et, l’espace d’un instant, cherche dans de grands monômes aussi spectaculaires que stériles comme une excuse à sa simple lâcheté. Chacun considère son devoir accomplit, mais le soufflet se dégonfle aussi vite qu’il avait enflé. La désillusion s’ensuit inexorablement et les tempéraments les mieux trempés finissent par s’étioler.

    Quelle a donc été la trajectoire suivie par la société française qui, de chrétienne qu’elle était, est aujourd’hui ballotée au gré des modes, désunie, perdue, sans repère et sans but ?

    Il est primordial que le peuple réponde à cette question s’il veut conserver à la France sa grandeur et lui permettre d’échapper à la culture de mort (1) qu’on veut lui imposer.

     

    (1) : « La culture de mort est un cercle vicieux qui se nourrit du désespoir et le produit ; tel un parasite, elle vit de nos renoncements à la vie. Ainsi, la meilleure façon de survivre à la culture de mort, c’est de vivre pleinement et de la combattre par les vertus » (Grégor Puppinck, La Nef, septembre 2019, p. 25).

    A suivre...

  • Alain de Benoist : « Entre PMA et GPA, le réel est perçu comme une menace inacceptable pour la liberté individuelle… ».

    En marge des débats sur la et la GPA, on a vu, ces derniers temps, diverses personnalités tenir des propos surprenants. Jean-Louis Touraine, député LREM : « La mère était jusqu’ici la femme qui accouche. Eh bien, ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, c’est celle qui décide d’être mère. » Agnès Buzyn, ministre de la Santé : « En rien un donneur de gamètes n’est un père. Un père, ce peut être n’importe qui. » Hervé Saulignac, député de l’Ardèche : « Il va peut-être falloir suspendre la mention du sexe à l’état civil tant que l’enfant n’est pas en mesure de dire librement quel est son choix. » Ignorance, provocation ou délire ?

    1.jpgAgnès Buzyn est praticienne hospitalière, Jean-Louis Touraine est professeur de médecine. Sans surestimer leurs capacités cognitives, je suppose qu’ils savent quand même que les enfants ne naissent pas dans les choux. Leurs déclarations sont donc grotesques, mais elles ne sont pas innocentes. Du point de vue de la théorie du genre, elles sont même parfaitement logiques. Pour Judith Butler et ses disciples, la vie sexuelle n’a strictement rien à voir avec le sexe au sens biologique du terme. Elle relève exclusivement du « genre », lequel peut à tout moment faire l’objet d’un choix personnel. Affirmer que la filiation n’est pas biologique, mais qu’elle n’est qu’une construction sociale – car c’est bien ce que disent les personnalités que vous citez – relève du même raisonnement. Il s’agit de masquer qu’un enfant ne peut avoir qu’un seul père biologique et une seule mère biologique. Bien entendu, ce père ou cette mère peut être absent ou défaillant, et quelqu’un d’autre peut être amené à les remplacer, mais ces remplaçants, si excellents qu’ils puissent être, n’en deviendront pas pour autant de véritables parents car ils ne sont pour rien dans le stock génétique de l’enfant.

    Un enfant est le produit du croisement de deux hérédités, l’hérédité maternelle et l’hérédité paternelle – et au-delà, il récapitule aussi ses ancêtres, qu’il actualise d’une certaine façon en sa personne. C’est très précisément ce que l’on cherche à faire oublier à une époque où le mariage a cessé d’être une alliance entre des lignées pour ne plus être qu’un contrat entre des individus. L’allusion à la « construction sociale » ne doit ici pas faire illusion. Bien sûr que la vie sexuelle est en partie une construction sociale, et il en va de même de l’engendrement. Mais une construction sociale ne se fait jamais à partir de rien : il y a toujours une réalité biologique pour en constituer le fond. Et c’est aussi pour cela que le « choix » est lui-même limité : on ne choisit une « construction sociale » que sur la base des tendances innées qui nous portent vers ce choix.

    Vous remarquerez, par ailleurs, l’incohérence de ces propos. Ce sont les mêmes qui affirment que l’origine compte pour rien et qui soutiennent le droit des enfants nés sous X à connaître l’identité de leurs géniteurs. Comment justifier ce droit si l’origine biologique est sans importance ? Ce sont les mêmes, aussi, qui déclarent qu’une adolescente n’est pas capable de consentir librement à une relation sexuelle avec un adulte et qui proclament qu’elle est, en revanche, parfaitement capable de décider de son sexe ! On est en plein délire.

    De la Révolution française aux totalitarismes du siècle dernier, la théorie d’un « homme nouveau » ne date pas d’hier. Mais pourquoi la détestation du réel est-elle en passe de devenir la religion de notre temps ?

    Tout simplement parce que le réel est perçu comme une menace inacceptable pour la liberté individuelle. L’idée que nous ne puissions pas tout choisir ou décider par nous-mêmes, que nos choix et nos décisions puissent être en partie déterminés par quelque chose qui se situe en amont de nous, est insupportable à nos contemporains. Leur attitude envers les géniteurs biologiques ne diffère pas de leur attitude envers le passé ou les traditions. Le passé n’a rien à nous dire, il représente un poids inutile dont il faut s’affranchir. L’hérédité est une « fatalité ». C’est la forme postmoderne de la damnatio memoriae.

    Kant a ouvert la voie en affirmant sottement que nous sommes d’autant plus humains que nous nous affranchissons de la nature. L’idée que la culture contredit la nature n’a cessé d’être reprise depuis lors par des gens qui ne parviennent pas à comprendre qu’elles se complètent l’une et l’autre. Les philosophes des Lumières, de leur côté, considéraient les enfants à la naissance comme une cire vierge ou une table rase. La personnalité était censée résulter de la seule influence de l’éducation et du milieu. Sous Staline, Lyssenko prétendait démontrer l’hérédité des caractères acquis, thèse absurde qui resurgit pourtant constamment. Je l’ai souvent constaté chez des parents adoptifs. Ils vont chercher des nouveau-nés à l’autre bout du monde et sont convaincus qu’avec une bonne éducation, ils en feront d’excellents petits Français. Moyennant quoi, vingt ans plus tard, ils se retrouvent avec, dans leur foyer, un sympathique Sénégalais ou un petit Chinois qui raisonne comme un Chinois. D’innombrables travaux empiriques ont montré qu’un enfant, tant sur le plan physique qu’intellectuel ou tempéramental, ressemble toujours plus à ses parents biologiques, même quand il ne les a pas connus, qu’à ses parents adoptifs, qui l’ont pourtant élevé. Rappeler l’existence de l’hérédité fait aujourd’hui froncer les sourcils. Et malheureusement, ceux qui l’admettent très bien croient trop souvent que « génétique », « héréditaire » et « héritable » sont des synonymes !

    L’objectif final, c’est l’indifférenciation des sexes, c’est-à-dire l’annulation de la différence sexuée qui est fondatrice dans toutes les espèces d’animaux supérieurs, à commencer par la nôtre. S’y ajoute l’offensive des harpies qui pensent que, pour combattre le patriarcat, il faut en revenir au matriarcat supposé des sociétés pré-néolithiques. Leur drapeau symbolique pourrait être le bouquet de cols de l’utérus implanté dans les jardins du Petit Palais par l’« artiste contemporain » Jeff Koons, qui nous les présente comme des « tulipes » !

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier.

    (Source Boulevard Voltaire)

  • Bureaucratie, centralisation, désindustrialisation, 35 heures, culte de l’Etat et du fonctionnariat, par Aristide Renou.

    3834054413.33.jpgCe sont les ingrédients de la débâcle actuelle et PAS le « manque de moyens »

    « Dans la lutte contre le coronavirus, l’Allemagne semble faire beaucoup mieux que nous. Avec une population de 83 millions d’habitants (67 millions en France), notre voisin ne compte à ce jour «que» 1800 morts contre plus de 10.000 en France (chiffres du 8 avril). Il faut être prudent. La cinétique de l’épidémie outre-Rhin peut être différente. Ce n’est qu’in fine que l’on pourra juger de l’efficacité des politiques sanitaires. Cela étant, il est des chiffres, des éléments objectifs incontestables, qui montrent l’excellence du système allemand.

    Avant la crise, le pays disposait de 28.000 lits de réanimation, contre 5000 en France. Aujourd’hui, il a été capable de porter sa capacité à 40.000, alors que nous essayons péniblement d’atteindre les 14.000. Il ne manque pas de masques et parvient à réaliser 70.000 tests par jour (contre 12.000 en France).

    Les facteurs d’explication de cette efficience sont multiples. On peut d’ores et déjà en exclure un et en évoquer quelques-uns.

    La qualité du système de santé allemand ne résulte pas de dépenses de santé supérieures. D’après l’OCDE, la part du PIB allemand consacré à la santé est de 11,25% contre 11,3% en France. La ressource étant comparable, c’est dans l’organisation qu’il faut rechercher les causes.

    La principale raison est la gestion du système de santé et de la carte hospitalière parles Länder. Le ministère fédéral est en charge des règles générales régissant l’assurance maladie et des grandes orientations de santé publique. Mais c’est au niveau local, du ministre-président du Land et de son ministre des affaires sociales que se prennent les décisions concrètes d’investissement et d’allocations des moyens. L’ouverture ou la fermeture d’un établissement hospitalier est directement du ressort de l’échelon de proximité. Le maillage territorial en tire grand avantage.

    L’Allemagne dispose en moyenne de 8,2 lits pour 1000 habitants, contre 6 en France. Chez nous, la politique de santé et la carte hospitalière est décidée par les agences régionales de santé (ARS), organes déconcentrés de l’État qui fixent les PRS (projets régionaux de santé). Quiconque les a un peu pratiqués connaît leur dimension bureaucratique et leur obsession comptable. Le mot d’ordre est le regroupement des plateaux hospitaliers. La presse régionale regorge de récits de combats épiques d’élus locaux pour sauver leur hôpital ou leur maternité. La décentralisation effective avec sanction électorale à la clef est le facteur déterminant de l’efficacité allemande.

    Ce circuit décisionnel court a le mérite de réduire le poids de la technostructure. En Allemagne, il n’y a que 24,3% des personnels hospitaliers à assumer des missions administratives, contre 35,2% en France. Sur une fonction publique hospitalière française, forte de 1,2 million d’agents, ces 9 points de différence représenterait 100.000 soignants de plus…

    La gestion des ressources humaines y est aussi singulièrement efficace. L’hôpital allemand n’a pas eu à souffrir de la désorganisation des 35 heures. La réforme Aubry aurait dû s’accompagner de la création de 37.000 postes. Faute de moyens budgétaires, 10.000 d’entre eux n’ont pas été pourvus et l’AP-HP croule sous les RTT qui déstructurent les services. En Allemagne, les salariés sont sous un régime de droit privé, travaillent 40 heures, mais bénéficient de salaires nettement plus élevés, au moins 20% de plus. Marque s’il en est de la considération apportée à ces fonctions humaines si essentielles, la rémunération des infirmières est de 13% supérieur au salaire moyen, alors qu’il est en France inférieur de 5%.

    De plus, ayant échappé au funeste numerus clausus, la démographie médicale y est infiniment meilleure, avec 4,3 médecins pour 1000 habitants (3,4 en France). C’est d’autant plus efficace que la culture du partenariat public-privé, du Sozialpartnerschaft, fait des médecins libéraux des acteurs à part entière des politiques de santé. Leurs représentants siègent dans les instances consultatives des Länder, comme les cliniques privées. Le scandale sanitaire français des cliniques vides de malades alors que les hôpitaux débordent serait inimaginable outre-Rhin.

    Enfin, pour répondre au défi spécifique de la crise du coronavirus, l’Allemagne peut s’appuyer sur sa base industrielle et technologique, sur les PME et les ETI qui sont au cœur de son dynamisme. Elle dispose encore d’une industrie chimique puissante, capable de produire en masse des réactifs. Sa plasturgie a modifié ses chaînes pour assurer un approvisionnement efficace en charlottes et surblouses. La société Dräger sera capable de livrer en deux semaines 10.000 respirateurs. Autant d’éléments stratégiques globaux qui permettent de regarder avec une certaine sérénité la vague qui monte.

    La part de chacun de ces facteurs devra faire l’objet d’une étude approfondie une fois la crise passée. Mais on peut d’ores et déjà en tirer des leçons. Les maîtres mots devront être décentralisation et débureaucratisation. Demain, les politiques de santé devront être confiées aux départements ou aux régions, comme les anciennes DDE (directions départementales de l’équipement) ont été transférées aux départements. La chasse aux doublons, aux organigrammes compliqués devra être impitoyable, avec priorité absolue donnée aux soignants.

    L’exemple allemand est la preuve que l’efficience d’un système ne dépend pas seulement des moyens. Il dépend d’abord d’une organisation, d’un état d’esprit et d’une autorité bien calibrée, au bon niveau. Sans nos héros en blouse blanche qui sont montés courageusement au front, même mal équipés, notre système de santé, prétendument «le meilleur du monde», aurait totalement failli. L’économie sociale de marché allemande est en train de vivre ses plus belles heures. Avec le choix de politiques sociales ciblées sur l’essentiel - la santé, en l’espèce -, avec le mot d’ordre martelé par Gerhard Schröder en 2003, «encourager et exiger», avec le programme de réformer l’État-providence pour le sauver, elle témoigne de sa capacité à assumer la fonction essentielle de la puissance publique, celle de protéger. »

    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/jean-louis-thieriot-l-efficacite-de-l-allemagne-contre-le-virus-contredit-l-argument-du-manque-de-moyens-20200408?fbclid=IwAR27LmETHP-yRmS_Li2w_uU5vis5M0Y2DA0VFbe9Hwqb8vGhw3JrOdQFFHs

  • La liberté statutaire du Roi pour ordonner l'économique au bien commun par Jean-Philippe Chauvin

    Se battre pour une cause n’est pas forcément inutile, au contraire de ce que suggèrent les partisans du désordre établi et les fatalistes de tout acabit, et le royalisme, aujourd’hui marginalisé, mérite ainsi toute l’attention que l’on peut porter à une école de pensée et de pratique politique qui évoque le bien commun plutôt que la carrière de ses amis. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui, la question sociale semble, plus que jamais irrésolue et le pays déchiré autour du souci des retraites et de leur financement nécessaire. Or, s’il n’est pas de sauveur suprême, comme le chantaient jadis les marxistes, il n’y a pas pour autant de fatalité en ce domaine et la justice sociale n’est pas une option facultative mais une obligation, un devoir d’Etat qui, d’ailleurs, participe à fonder une part de sa légitimité.

    396556_jean-philippe-chauvincorr.jpgMais la République macronienne reste la République, et elle n’est pas, qu’on le veuille ou non, sociale, ne serait-ce que parce que son mode de fonctionnement favorise les rhéteurs et les « prêteurs » plutôt que l’intérêt supérieur de la nation et de ses peuples. Le mode de désignation du Chef de l’Etat, pourtant pensé par le général de Gaulle pour écarter les partis politiques, a, après lui, nourri les jeux politiciens et financiers : qui n’a pas le soutien d’un appareil (fût-il récent et largement artificiel dans le dernier cas vécu, mais toujours sous la forme de réseaux propre à l’époque et au système même) et des banques nécessaires à son bon fonctionnement, n’a guère de chance de pouvoir concourir et encore moins de conquérir la place ! M. Macron, habile ministre des finances sous M. Hollande et issu de la Banque, a su jouer des malheurs du favori de Droite comme de ceux de son propre tuteur élyséen pour se frayer un chemin vers la magistrature suprême de la République, profitant aussi du « dégagisme » pourtant théorisé par d’autres que lui, voire même opposés à lui dans la joute électorale du printemps 2017. Mais l’énergie utilisée à prendre le pouvoir est déjà une énergie perdue pour son exercice et elle est vite « revendiquée », plus ou moins discrètement, par ceux qui l’ont alimentée, que ce soit les puissances d’argent ou les catégories sociales dominantes ou « clientes » (classes supérieures et mondialisées, et classes moyennes consommatrices et connectées, dans le cas de l’élection de M. Macron).

     

     

    Une Monarchie royale « à la française », elle, ne doit rien aux jeux de la Banque et des partis, parce que la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat donne, par essence même, une indépendance statutaire au monarque : la naissance ne s’achète pas, quand l’élection se monnaye ! Ainsi, le Roi est-il libre de décider sans l’aval des puissances financières, ce qui ne signifie pas que le monarque du moment soit forcément indifférent aux affaires financières et économiques du pays. Mais l’économique, « l’intendance » comme l’appelait le général de Gaulle, doit suivre et non « être suivie » : c’est le politique qui décide, et « la politique de la France ne se décide pas à la Corbeille », pour citer encore le fondateur d’une Cinquième République qui s’est faite à nouveau éminemment républicaine quand son père est parti, chassé par le suffrage référendaire. Cela est sans doute plus facile à théoriser qu’à pratiquer mais, la volonté du général s’en étant allée en même temps que sa personne du faîte de l’Etat, il s’agit d’enraciner cette volonté par le statut même de la magistrature suprême de l’Etat, et seule la Monarchie héréditaire et successible peut le faire, détachée du « choix des autres » qui, souvent, n’est que le paravent de celui de quelques uns, comme l’a démontré la dernière élection présidentielle…

     

    Cela signifie-t-il qu’en Monarchie royale sont bridées les expressions électorales et populaires ? Non, bien au contraire : la liberté statutaire de la magistrature suprême autorise les libertés réelles, citoyennes et professionnelles, provinciales et communales, et peut offrir plus de consistance aux pouvoirs locaux et sociaux. Cela pourrait redonner d’ailleurs du crédit à la discussion politique par la concrétisation locale de celle-ci à travers des décisions qui seraient prises conjointement par les administrés et les administrateurs communaux, professionnels, régionaux, après débats et expressions, y compris par le suffrage. C’était la motivation forte du royaliste La Tour du Pin quand il évoquait « la monarchie dans l’Etat, la démocratie dans la commune ».

     

     

    En tout cas, la Monarchie royale doit profiter de sa situation au-delà des jeux économiques et politiciens (les uns étant souvent liés aux autres en République) pour imposer les conditions véritables de l’équilibre social et incarner la justice sociale, y compris au risque de mécontenter les puissances financières qu’il ne s’agit pas de détruire mais d’ordonner au bien commun, comme les rois capétiens et suivants surent le faire jusqu’au XVIIIe siècle : les Fouquet contemporains doivent vivre dans cette crainte salutaire d’un Louis XIV embastilleur. Cette crainte serait le commencement de la sagesse pour eux, et l’assurance de leur serviabilité au bénéfice du pays et de ses forces vives et populaires…