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Nous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000. Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies. LFAR
1ère partie : l’Homme Masse
« De Caillaux à Giscard » : le système libéral
L'homme qui donna au capitalisme une nouvelle vigueur ne se préoccupait pourtant pas, du moins au niveau du discours, de mettre en œuvre les théories de Keynes. Lord Beveridge, quand il publia en 1944 « Full employement in the free society » qui préconisait le « Welfare State » l’Etat Providence prétendait ne se soucier que du bonheur du peuple. Il s'agissait de libérer les individus des « trois craintes », crainte de la maladie, grâce à la sécurité sociale, crainte de la misère, grâce au salaire minimum garanti, crainte du chômage grâce à des interventions de l'Etat, destinées à stimuler la demande.
Les pieuses dissertations du philanthrope dissimulaient un raisonnement cynique. Il convenait de pousser les gens à consommer des biens produits en grande série. Pour cela, on retirerait de l'argent aux riches afin de donner aux pauvres, sous prétexte de réduire les inégalités sociales. Les riches sont, en effet, de mauvais consommateurs, dans la mesure où ils recherchent le luxe. Ils détournent ainsi une fraction importante des revenus disponibles qu'il importe de redistribuer, au moins partiellement, afin qu'elle serve à l'achat de biens fabriqués en grande série. De plus, l'individu qui craint pour son avenir met de l'argent de côté. Il thésaurise. Keynes a exposé de façon irréfutable que l'épargne qui n'est pas investie, l'or qui se cache dans le bas de laine devient un facteur de déséquilibre. Il ne « travaille pas » et quand il réapparaît dans le secteur économique, il devient un facteur d'inflation puisqu'il correspond à une création de monnaie ex nihilo. On encouragera donc « l'épargne-logement » et d'autres systèmes du même genre afin que les ménages financent leur endettement.
La production de masse supposant des investissements à long terme, il faut surtout qu'elle soit assurée que la consommation ne fléchira pas et même continuera de croître. Le salaire minimum garanti, la sécurité sociale, les allocations chômage fournissent la garantie que les crises conjoncturelles n'auront désormais qu'une incidence limitée sur les revenus des ménages d'autant que l'Etat va se munir d'un certain nombre d'indicateurs : comptabilité nationale, budget économique prévisionnel. A partir de là, il pourra jouer des deux menaces qui semblent s'annuler : l'inflation et le chômage. Il semblait démontrer, statistiquement, que plus l'inflation augmentait, plus le chômage diminuait et réciproquement. Dans ces conditions, il suffisait de trouver un équilibre entre un taux d'inflation et un taux de chômage également tolérables en favorisant, selon la tendance, l'offre ou la demande, l'investissement ou la consommation.
Ces « conquêtes sociales » que les syndicats ouvriers se flattent d'avoir « arrachées au patronat » servirent au développement de la société de consommation et fournirent au capitalisme financier de fructueuses occasions de profit. Ainsi les congés payés permirent l'essor des industries du tourisme et du loisir, en élargissant leur clientèle. D'où une rentabilité exceptionnelle des placements bancaires dans ce domaine. Lord Beveridge, avec son pragmatisme de prédicant avait d'ailleurs expliqué aux industriels réticents que l'expansion du capitalisme dépendait de l'extension de l'Etat Providence. Certes, il se heurta à l'opposition du petit patronat, qui craignait, non sans raison, que l'alourdissement des charges sociales ne conduise à une concentration des entreprises, au profit de grands groupes financiers. Ce qui se passa effectivement.
La massification de la société provoquait la bureaucratisation du syndicalisme, des « permanents » se substituant aux délégués élus, qui n'ont plus qu'un rôle de sous-officiers, afin d'assurer la direction des syndicats. Même là où l'on conserve une apparence de débat démocratique, comme à la C.F.D.T. ou à F.O., ce n'est pas la base qui choisit les permanents mais les dirigeants déjà en place. A la C.G.T., ces pudeurs ont disparu. Progressivement, les dirigeants durent s'entourer de conseillers, juristes et économistes, pour conduire des négociations complexes avec les hauts fonctionnaires de l'Etat et les experts du patronat. Ce beau monde sort des mêmes écoles, touche des salaires équivalents, fréquente le même milieu, noue des liens familiaux. Seule la C.G.T. fait exception, par sa prétention à s'assurer le contrôle exclusif des masses mais le mécanisme de sélection n'est guère différent. Le « centralisme démocratique », que les réformistes reprochent aux communistes, constitue une pratique commune à toutes les organisations, à ceci près que le marxisme-léninisme l'a codifié, la portant à son point de perfection.
Même si la C.G.T. se donne des objectifs révolutionnaires, dans le quotidien des luttes, il lui faut, comme les autres syndicats, proposer des revendications ponctuelles. Dans la mesure où la révolution mondiale se situe dans le long terme, la C.G.T. si elle veut maintenir son influence sur la masse doit pratiquer un réformisme, sans doute extrême, démagogique autant qu'elle le pourra mais un réformisme tout de même. En effet la masse est incapable de viser le long terme, sinon de façon chimérique — l'utopie. De son mouvement spontané, comme l'avait fort bien compris Lénine, elle ne s'intéresse qu'à l'amélioration de sa vie matérielle. Cela convient parfaitement au capitalisme financier. Plus la vie matérielle de la masse s'améliore, plus elle consomme, plus elle consomme, plus l'industrie produit, plus le grand commerce vend, plus le capitalisme financier gagne d'argent. La collusion des « experts » syndicaux, patronaux ou étatiques exprime cet accord de fond. Les intérêts des divers groupes s'opposent dans le détail. Ils n'en restent pas moins convergents dans la durée. Telle concession que le patronat s'efforcera, avec plus ou moins de bonheur, de refuser, du moins momentanément, afin de satisfaire sa base, petits et moyens entrepreneurs qui craignent les charges qu'elle implique, finira par être accordée ce qui provoquera quelques faillites de P.M.E. mais se traduira globalement par un surcroît de profits.
En effet, le capitalisme financier, qui contrôle les organisations patronales, ne peut pas avouer qu'il est d'accord, sur le fond, avec les syndicats ouvriers. Cela provoquerait la révolte des P. M. E. Que constate-t-on néanmoins ? Ce sont ses mandataires politiques, élus grâce aux voix de la bourgeoisie, qui ont pris les mesures législatives destinées à la détruire, de Caillaux à Giscard. Millionnaire en francs-or Caillaux avait toutes les apparences du grand bourgeois. Cependant ce fut lui qui, à la veille de la première guerre mondiale, fit voter, grâce à une « majorité d’idées », où les socialistes se retrouvaient aux côtés de députés libéraux ou conservateurs, élus grâce aux caisses électorales du grand patronat, l'impôt sur le revenu. Caillaux ne dissimulait pas qu'il s'agissait de mettre en pratique le principe de l'égalité. Chacun devait contribuer aux besoins financiers de l'Etat selon ses moyens. En fait la progressivité de l'impôt chargeait davantage les classes moyennes que le reste de la population. Symboliquement le nouvel impôt ouvrait, avec prudence, la voie à l'Etat Providence, qui utilisera la fiscalité, puis les prestations sociales, pour redistribuer les revenus, donnant aux uns ce qu'il prenait aux autres.
Giscard allait mener à son terme le processus. Lui-même reconnaissait qu'au-delà de 40 % les prélèvements obligatoires changeraient la nature de la société. A la fin de son septennat, ils avoisinaient 42 %. La France était effectivement devenue un Etat socialiste. Les Français en tirèrent la conséquence. Ils élirent des socialistes. Désormais, après prélèvements obligatoires, le salaire d'un cadre supérieur, qui travaille parfois quinze heures par jour et qui a fait de longues études, n'était supérieur que de quatre fois à celui du smicard et encore cela semblait beaucoup trop à l'intelligentsia de gauche qui rêvait de réduire encore l'écart.
Il fallait, pour justifier cette évolution des prétextes vertueux. La réduction des inégalités sociales, confortait les belles âmes. En réalité, comme c'est toujours le cas, la rhétorique moralisante dissimulait un calcul sordide. La faute, dont la bourgeoisie se voyait accusée, ne relevait pas du juste ou de l'injuste mais de la nécessité économique. Elle consommait mal. Elle employait des domestiques, elle s'habillait chez le tailleur ou la couturière, elle occupait ses loisirs à lire, à voyager, à s'occuper de son jardin. Plus grave encore, elle thésaurisait. Rien-là qui soit, du point de vue de l'économiste ou du financier, rentable. Il convenait de transférer les revenus dont elle se servait si mal à la masse qui en ferait meilleur usage.
Encore qu'elle ait profité de la prospérité générale, son niveau de vie, s'il a augmenté en valeur absolue a effectivement diminué, en valeur relative. Surtout il s'est modifié. Désormais la bourgeoisie, même si elle peut se procurer des produits de meilleure qualité, consomme, comme les autres Français des biens fabriqués en série. Léon Bloy, qui n'avait qu'une bonne, se tenait pour un traîne misère. Maintenant c'est un luxe que seuls s'offrent les plus fortunés mais tout le monde possède des appareils ménagers. Les hôtels se sont transformés en usines à sommeil et le téléviseur a remplacé le petit déjeuner dans la chambre. Le wagon restaurant, a disparu au profit d'une médiocre restauration à la place. Bientôt constatait un chroniqueur gastronomique, il ne restera rien entre Bocuse et le « fast food ». Il n'existe plus une clientèle suffisante pour payer les prix qu'il faudrait pratiquer du fait de l'accroissement des salaires et. des charges sociales. Dans tous les domaines, y compris la table, le quantitatif a remplacé le qualitatif.
La bourgeoisie a donc été délibérément sacrifiée, non à de nobles principes mais aux exigences de la rentabilité. Son mode de vie a disparu. Comment expliquer qu'une classe, qui, selon les marxistes, détient le pouvoir économique se soit appauvrie, au moins relativement afin d'enrichir la masse, de propos délibéré ? Il faudrait lui attribuer une grandeur d'âme qu'on ne lui reconnaît pas volontiers. De fait, elle a résisté tant qu'elle a pu et Caillaux a eu beaucoup de mal à faire voter l'impôt sur le revenu. Considérons plutôt comment les choses se sont passées. Ce type d'impôt existait, sous des formes différentes, en Prusse, l'einkommensteuer, et en Grande Bretagne, l'income tax. En fait, le Sénat ne se résignera à le voter que le 15 juillet 1914, à la veille de la guerre mondiale et il ne sera vraiment établi que par la loi du 31 juillet 1917. En d'autres termes, seul le retard économique de la France explique qu'il n'ait pas été créé plus tôt. Il coïncide avec l'avènement de la production de masse, imposée par la nécessité d'alimenter le front en armements. La justice sociale n'intervient qu'au niveau du discours. « Le Figaro » du 15 janvier 1914 se trompe-t-il qui soutient que « le ministre (Caillaux) ne peut être que le complice obéissant » de la Haute Banque ? Le bruit ayant couru que le projet d'impôt sur le revenu exonérerait les rentes d'Etat, un superbe coup de bourse, dont Caillaux a peut-être profité, donnera corps à l'accusation. Même si elle n'était pas fondée, les liens de Caillaux avec la haute banque sont notoires. Ne préside-t-il pas deux « crédits fonciers », l'argentin et l'égyptien ?
Sa généalogie est beaucoup plus instructive. Ancien ministre de Mac Mahon son père a fini président du P.L.M., après être entré, par un brillant mariage, dans. une « dynastie bourgeoise » pour reprendre l'expression de Beau de Loménie, d'ailleurs trompeuse. Ces dynasties-là ne doivent rien à la bourgeoisie, du moins au sens habituel du terme. Elles se moquent bien de ses intérêts. Pourquoi s'en soucieraient-elles ? Elles ne se sont pas enrichies par le travail, l'épargne, l'esprit d'entreprise mais par le pillage de l'Etat. Républicaines plutôt que bourgeoises, elles ont commencé sous le Directoire ou le Consulat leur immense fortune. Du moins Beau de Loménie à force de comparer la composition des assemblées parlementaires, des conseils d'administration, de la haute administration, a-t-il prouvé que certaines familles, qui parfois, comme les Broglie ou les d'Ormesson, s'enracinent dans l'ancienne France ou d'autres sortent d'un lointain ghetto, ont joué, du fait de leur puissance financière, des postes qu'elles n'ont cessé d'occuper, des alliances matrimoniales qu'elles ont nouées, d'un réseau serré de relations mondaines, un rôle parfois déterminant, toujours important dans l'évolution de la société française. Tout ne s'explique sans doute pas par leur influence et Beau de Loménie leur accorde trop de poids. Celui qui leur reste paraît suffisant. En tous cas ni l'impôt sur le revenu ni même celui sur les grandes fortunes ne les ont empêchées de continuer de s'enrichir plus vite que n'augmentaient les prélèvements obligatoires. Elles, du moins, ont préservé leur mode de vie.
Il n'y a jamais en histoire un principe unique d'explication. Beau de Loménie a trop systématisé. Il a sous-estimé la complexité des comportements et n'a pas tenu assez compte des rivalités internes, des jalousies, des haines parfois, qui déchirent les familles. Néanmoins, il reste que l'existence de groupes sociaux qui vivent en parasites de l'Etat ne saurait être contestée. Elle remonte à la plus haute antiquité. Que l'on se souvienne de la place que tiennent les publicains dans les évangiles. Dès l'origine, l'Etat a jugé commode de confier la perception de l'impôt à des compagnies privées. L'usage s'était perpétué dans l'ancienne France. Nos rois dépendaient des traitants, encore qu'ils en pendaient deux ou trois pour l'exemple, de temps à autre. Ce qui servait de leçon aux survivants pendant quelques années. Louis XIV fut le dernier à user de cette heureuse coutume. Aussi Gaxotte constate-t-il qu'à la veille de la révolution si la France était riche, l'Etat était pauvre. Du puissant fermier général à l'humble maltôtier de sénéchaussée, une caste de gens de finance se nourrissait de sa substance. Dans son « Turcaret », Lesage brossera le portrait de l'un deux, valet brutalement métamorphosé en opulent brasseur d'argent.
Une autre sangsue saignait l'Etat. En instituant la vénalité des offices François Ier soumettait la justice au pouvoir de l'argent. Les parlements cessaient d'être des assemblées de légistes, fidèles serviteurs de la monarchie. Arguant d'anciens privilèges ils tentaient de la régenter et se posaient en défenseurs des libertés tandis que les féodaux, dont le pouvoir avait été brisé par Richelieu, en conservaient la nostalgie. Ainsi se constituait l'équivalent français de l'établissement britannique. Le Roi faisait obstacle à son ambition. Louis XV entreprit même, avec le chancelier Maupeou et l'abbé Terray de faire l'économie de la révolution, en tentant de constituer une administration de la justice et des finances, indépendantes de l'argent, donc de fonder l'égalité devant l'impôt et devant la loi. Grâce aux intellectuels à gage qu'ils entretenaient, fermiers généraux et parlementaires, se fondant sur l'exemple d'une Angleterre libérale, ameutèrent l'opinion. Louis XVI céda mais dans sa volonté de reconstituer une armée capable de rivaliser avec celle de la Prusse, il institua, pour l'accès aux grades supérieurs, les quatre quartiers de noblesse. Cette mesure ne visait pas la bourgeoisie, que le métier des armes attirait peu mais les financiers qui les achetaient, pour leurs fils. Le commandement effectif était assuré par des nobles sans fortune auxquels tout espoir d'avancement se voyait refusé. Même s'il légua à la France l'armée qui permit les victoires de la Révolution et de l'Empire, ce ne fut pas pardonné au Roi.•
(A suivre - A venir : « De Caillaux à Giscard : Le système libéral » suite)
C'est, selon son habitude, à une fine analyse que Roland Hureaux se livre ici [Causeur - 16.07]. Rappelons simplement qu'il fut l'un des participants au colloque d'Action française du 7 mai 2016, à Paris, « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » LFAR
Depuis qu’il a été élu président de la France, il virevolte avec ce qui semble du brio. Ses discours, comme celui qu’il a récemment prononcé devant le Congrès réuni à Versailles, ont du style.
Beaucoup de Français pensent que notre pays est mieux représenté par lui. Il a, à un degré caricatural, l’assurance bien connue des hauts fonctionnaires français – qui, sur la scène internationale, ne plait pas à tout le monde et ne signifie pas non plus qu’il ait des idées.
L’OPA magistrale qu’il a réalisée sur la France au printemps 2017 était assurément le signe d’une certaine intelligence. En ce temps de confusion de toutes les valeurs, avoir contourné les règles républicaines fondamentales qui tiennent chez nous les juges éloignés des processus électoraux passe non pour une faute mais pour un exploit : bravo l’artiste, dit-on ! La subversion du clivage gauche-droite qu’il a opérée n’est pas nouvelle mais jamais elle n’avait été poussée aussi loin.
Un président psychorigide ?
Macron fait preuve d’une incontestable habileté politicienne. Il est vrai que la bêtise d’une certaine droite, contaminée par les logiques techniciennes, lui facilite la tâche : en lançant des réformes qui plaisent à celle-ci comme celle du code du travail ou de la SNCF ou encore la sélection à l’entrée des universités, il conduit une partie de l’opposition républicaine à l’approuver et, dès lors, les Français à se demander à quoi elle sert.
Il reste que l’intelligence, la vraie intelligence politique, ce n’est pas de savoir vibrionner au jour le jour ou de gérer sa « com », c’est la capacité à s’adapter au monde tel qu’il est.
Ses nombreux faux-pas diplomatiques, tant à l’égard des Etats-Unis que de l’Italie ou des pays du groupe de Višegrad, tout comme le conformisme de ses réformes, amènent à douter que le nouveau président soit vraiment aussi clairvoyant qu’on le dit et qu’il le croit.
Or sur ce plan, Macron donne, il faut bien le dire, des signes inquiétants de psychorigidité. D’abord, sur l’Europe. Discours après discours, il présente un plan de relance de l’Europe supranationale, d’un idéalisme exalté, sans paraître voir que cela n’intéresse plus personne : ni aucun de nos partenaires, ni personne en France. Le président en est resté sinon à Jean Monnet, du moins aux années 2000, au temps des grands débats sur la Constitution européenne et il n’a sûrement jamais compris pourquoi le non l’avait emporté en 2005. Depuis, il y a eu le Brexit qu’il n’a pas avalé non plus ; et il y a l’opposition forcenée du groupe de Višegrad à tout approfondissement : loin de tendre la main à ces vieux pays, amis historiques de la France, il les insulte et se les met à dos. La classe politique allemande, paralysée, s’arc-boute pour empêcher la montée de l’AFD, parti eurocritique. Les Italiens viennent de montrer qu’ils ne veulent pas de l’Europe de Bruxelles : Macron les rappelle à l’ordre avec arrogance, ignorant visiblement combien les Italiens détestent les leçons de morale venues de France – surtout après avoir été contraints d’accueillir seuls près de 800 000 réfugiés. Irrité de voir que les choses ne vont pas comme il le souhaiterait, il ressort la vieille rengaine que l’Europe n’aurait pas dû être élargie, et va même jusqu’à qualifier de « lèpre » le « populisme » de ceux qui résistent au projet européen. Demain des « vipères lubriques » ? On le dit ouvert mais il refuse le pluralisme, moderne, mais il refuse l’histoire.
Macron, le dernier des européistes
L’évolution de l’opinion publique n’est pas le seul signe de l’usure du projet européen : pour maintenir l’euro à flot, la Banque centrale européenne (BCE) poursuit sa fuite en avant inflationniste (c’est le sens du quantitative easing) : jusqu’où ? Le vaisseau Europe fait eau de toute part ; Macron seul ne semble pas s’en apercevoir : est-ce le fait d’un homme éclairé ? Dans la défunte Union soviétique nul doute que Macron aurait été plutôt du côté de Brejnev (ou de Souslov !) que de Gorbatchev.
Le projet européen de Macron pourrait intéresser l’Allemagne sous un seul angle : la récupération de notre industrie de défense. Après le démantèlement d’Alstom dont il porte largement la responsabilité et au motif de faire l’Europe de la défense, le GIAT (le char Leclerc), la DCN (le Charles de Gaulle) sont en train de passer subrepticement sous pavillon allemand. Aveuglement ou volonté délibérée de laminer la singularité française ? Beaucoup se le demandent.
Même oubli de l’intérêt national au bénéfice de l’idéologie dans les rapports avec la Russie : si le front ukrainien semble un peu calmé – grâce à Trump plus qu’à Macron -, les sanctions à l’encontre de la Russie que Fillon voulait lever ne sont pas près de l’être et lèsent toujours autant les intérêts de la France. Si les Russes avaient apprécié l’invitation surprise du nouveau président à célébrer la visite du tsar Pierre le Grand à Versailles, par-delà les ronds de jambe, rien n’a changé quant au fond dans la relation franco-russe : les Russes s’en sont certainement aperçus.
Macron le continuateur
Les changements à la tête d’un Etat ont toujours servi à corriger la ligne politique d’un pays quand elle était mal engagée, sans que le nouveau président ait à se désavouer. Or elle l’avait été rarement aussi mal qu’en Syrie sous Sarkozy et Hollande : la rupture totale des relations diplomatiques, le soutien constant aux milices djihadistes, les mêmes qui se félicitaient bruyamment des attentats en France (quand elles ne les avaient pas organisés), la diabolisation hystérique et – infantile quand on sait comment se manipule aujourd’hui l’opinion internationale – du gouvernement syrien, tout en constituant une trahison des chrétiens d’Orient, nous ont aliéné inutilement un pays, ancien mandat français, qui avait été au cours des deux dernières décennies un partenaire précieux. Or Bachar a aujourd’hui pratiquement gagné la guerre, les augures du Quai d’Orsay (la « secte » néoconservatrice) qui prédisaient en 2011 sa chute en huit jours en sont pour leurs frais. Visiblement, Macron reste sur la même ligne que ses prédécesseurs ; au lieu de s’adapter à la nouvelle donne, il laisse son ministre des Affaires étrangères, le médiocre Le Drian, accuser Assad de massacrer son peuple. Des forces spéciales françaises, armées d’hélicoptères, sont présentes dans le nord de la Syrie, on se demande pour y faire quoi : même Sarkozy et Hollande n’étaient pas allés jusque-là. Alors que Trump retire ses forces du pays, Macron y augmente les siennes ; prétendant de manière ridicule avoir convaincu Trump de rester, il s’attire un démenti cinglant. Tout aurait pu changer sur ce front et rien ne change. Loin de déplacer les lignes, comme Trump a su le faire à sa manière avec la Corée du Nord, Macron reste sur le même rail.
Dans les affaires intérieures, beaucoup louent le dynamisme du nouveau président, ses multiples efforts pour faire « bouger la France ». Il donne le vertige par la multiplication des projets de réforme. Mais quelles réformes ? La vérité est que loin d’être originaux, les projets de Macron étaient tous dans les cartons des ministères et ne sont que le prolongement des réformes effectuées au cours des quinze ou vingt dernières années, lesquelles ont si bien réussi à la France comme on sait !
Au titre de la réforme de la fonction publique, il annonce la rémunération au mérite des fonctionnaires ; sait-il qu’elle a été instaurée dès 2001 par une loi bien connue appelée « Lolf », mise en œuvre par Sarkozy et dont on connait déjà les effets pervers ? Faute de critères de rendement fiables, la porte a été ouverte à l’arbitraire, parfois à la promotion canapé, l’ambiance s’en est trouvée détériorée et le zèle découragé. Les deux piliers de l’Etat que sont le ministère des Finances et la représentation locale de l’Etat ont été gravement désorganisées. Macron veut aller encore plus loin…
Les Ordonnances travail, auxquelles certains trouvent cependant quelques aspects positifs, sont-elles autre chose qu’une mise aux normes européenne ? Comme l’est l’adhésion au Ceta, laquelle intervient au moment où un Jacques de la Rosière, ancien patron du FMI, remet en cause une partie des dogmes libre-échangistes.
Le spectacle permanent
La réforme de la SNCF est la transposition mécanique d’un règlement de Bruxelles. Déjà affaiblie par la séparation, économiquement absurde mais imposée par le dogmatisme de la commission, des réseaux et de l’exploitation, la SNCF le sera plus encore.
En décembre dernier, le gouvernement s’est réuni au grand complet à Cahors pour marquer son intérêt pour la « France périphérique ». Il n’en est pas sorti une seule idée. Est annoncée, au contraire, la fermeture de milliers d’écoles rurales pour renforcer les ZEP et sans doute celle de nombreuses petites lignes de chemin de fer. L’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km à l’heure, va d’abord toucher ces zones.
La réforme annoncée du bac est dans les cartons du ministère depuis des années. Elle s’inscrit dans la progressive déconstruction du système éducatif : course à la facilité, dilution de la notion de discipline scientifique, notes de gueule.
Il est vrai que, par exception, l’enseignement primaire semble géré par le ministre Blanquer plus intelligemment que par ses prédécesseurs : il faudrait voir dans ce retour au bon sens l’influence de Brigitte Macron. Dommage qu’on ne la voie pas ailleurs !
De cette réformite sans imagination, deux lectures. Celle de l’oligarchie économique, médiatique, technocratique, des think tanks libéraux qui tous font chorus : la France a besoin d’être réformée ; tout le monde sait quelles réformes il faut faire. Si on ne les a pas encore faites, c’est que les gouvernements successifs ont manqué de « courage ».
L’autre lecture se réfère à Guy Debord : la société du spectacle (disons de communication) dans laquelle nous sommes entrés a besoin de s’étourdir de réformes, lesquelles, au point où nous en sommes, ne sauraient faire aller les choses que de mal en pis : « La société du spectacle dans sa phase avancée (…) n’est plus pour l’essentiel réformable. Mais le changement est sa nature même, pour transmuter en pire chaque chose particulière ». Dans cette optique, la réforme est d’abord un produit de communication (de « spectacle »).
Macron ne comprend pas la France
Les réformes de type technocratique ne font que suivre les logiques de celles qui les ont précédées et qui sont précisément les causes des problèmes. Avec Macron, nous les voyons à l’œuvre de manière caricaturale. Comment espérer trouver les remèdes aux maux de l’Education nationale dans les cartons d’un ministère qui est le responsable de ces maux ? La technocratie française élabore des projets de réforme qui, chacune dans son domaine, suit un schéma simple, voire simpliste, ignorant la complexité des choses, en général le même depuis quarante ans : regrouper les communes, fusionner les services, étendre le mode de gestion privé, flexibiliser l’emploi, mettre aux normes européennes ou internationales (celles de l’OCDE pour le bac). Face aux résistances, jamais, au grand jamais, leurs initiateurs se demanderont si dans ces résistances, il n’y aurait pas quelque chose de légitime. On se contente d’y voir l’effet de l’archaïsme, de la routine, d’un conservatisme « bien français ». Nul n’imagine que ce pourrait être à la technocratie de s’adapter. Penser qu’il pourrait y avoir de bonnes et de mauvaises réformes comme il y a de bons et de mauvais remèdes, est une question hors du champ épistémologique de ceux qui nous dirigent, comme dirait Foucault. Réformer est devenu intransitif comme communiquer ou changer. Face à ces blocages, « enfin Macron vint », selon une expression dont on peut penser qu’elle était ironique. Cette fois, ça passe où ça casse.
Macron, c’est jusqu’à la caricature l’incapacité à critiquer à partir d’une connaissance du terrain (qu’il n’a pas) ou d’idées neuves (qu’il n’a pas non plus) les projets des administrations que la plupart du temps, le gouvernement avalise. Loin d’apporter la touche du vrai chef (« l’œil du maître ») comme le faisait par exemple un Pompidou, homme supérieurement intelligent, lui, et critique lucide des logiques technocratiques, Macron ne doute pas que les services aient, sur tous les sujets, raison. Comme en politique étrangère, il est sur les rails et il y reste.
Erreur sur la personne ?
Tragique malentendu : les Français étaient las d’une classe politique usée, et en réalité d’une technocratie dont les projets étaient avalisés passivement par les politiques. Voulant du nouveau, ils élisent quelqu’un qui ne propose rien d’autre que de donner un coup d’accélérateur aux réformes qu’inspire ladite technocratie.
Or la France d’aujourd’hui rencontre des problèmes graves qui, comme jamais jusqu’ici, conditionnent son avenir. Ces problèmes : démographie, désindustrialisation, dépenses publiques excessives, justice et insécurité, déliquescence de l’Education nationale. Il y a là de quoi être inquiet : Macron, prisonnier des logiques du passé, ne semble armé intellectuellement pour se saisi
L’article 21 de la Constitution est pourtant clair : « Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement », lequel — article 20 — « détermine et conduit la politique de la Nation ». Le moins qu’on puisse dire est que Jean Castex n’aura pas fait longtemps illusion et qu’il finit de discréditer une fonction à laquelle Sarkozy, traitant Fillon comme un vulgaire collaborateur, avait déjà porté un coup certain.
Mais c’est sous Hollande, puis sous Macron que la fonction de Premier ministre a fini de perdre toute crédibilité et, surtout, toute dignité, ni Ayrault, ni Valls, ni Philippe, ni Castex ne réussissant à imposer aux membres du gouvernement la cohésion nécessaire pour, précisément, déterminer et conduire la politique de la Nation.
UN PREMIER MINISTRE DISCRÉDITÉ
Il est vrai que, la présidentialisation du régime aidant, le gouvernement ne détermine et ne conduit plus rien, ou presque. Mais il faut au moins sauver les apparences et ne pas apparaître comme un gentil directeur d’école sans autorité, incapable de siffler la fin de la récréation. Or Jean Castex, que l’histoire de France a déjà oublié, s’est montré incapable de diriger l’action du gouvernement en assurant sa cohésion sur un point important, primordial même : les politiques pénale et de sécurité, qui vont de pair, Darmanin et Dupond-Moretti se chamaillant par médias interposés à propos d’un éventuel « ensauvagement » de la société, sur lequel le pays légal est bien le seul encore à s’interroger, le pays réel le subissant tous les jours.
Macron étant, manifestement, le seul auteur de ce gouvernement, il est vrai que Castex a trouvé dans son trousseau de premier ministre, en application du « en même temps », à deux postes complémentaires, deux ministres aux sentiments opposés : un sarkozyste à l’intérieur et, à la justice, un avocat médiatique de gauche promouvant le scandale, droit-de‑l’hommiste, immigrationniste et adversaire rabique du Rassemblement national qu’il souhaitait, il y a peu encore, faire interdire.
DARMANIN, DUPOND-MORETTI : DEUX MINISTRES DE LA PAROLE ?
Sont-ils, pour autant, si étrangers l’un à l’autre que cela ? L’un et l’autre instrumentalisent une origine modeste (leur mère femme de ménage) et immigrée : Dupond-Moretti a la double nationalité italienne et française, tandis que Darmanin, le jour de sa passation de pouvoir avec Castaner, traite d’immigré son grand-père, dont il porte en second le prénom (Moussa), alors qu’il s’agit d’un patriote français musulman, ancien tirailleur algérien et résistant dans les FFI. Mais il faut bien donner des gages à la gauche immigrationniste. L’un et l’autre, également, ont été instruits dans des collèges religieux — comme FrançoisRuffin de la France insoumise, comme Macron, comme Castex, comme tant d’autres du pays légal, ce qui interroge sur la faillite de l’enseignement catholique. Mais surtout, l’un et l’autre remplissent un ministère de la parole et, sur ce point, Dupond-Moretti a une longueur d’avance : pour la simple et unique raison que la parole est le domaine propre de l’avocat, de la justice et du droit, où elle commande l’action, voire est action — elle est alors performative, dit-on en langage savant —, quand elle ne devrait faire qu’accompagner l’action dans le domaine de la sécurité. Bref, même en se contentant de parler, Dupond-Moretti naguère avocat, aujourd’hui ministre de la justice, agit ; en se contentant de parler, Darmanin se ridiculise.
C’est par la parole, en effet — une « preuve » elle-même devant parler — que l’avocat de la défense, mais aussi celui de l’accusation ou le représentant du ministère public agissent pour déterminer l’innocence ou la culpabilité d’un accusé que la délibération des jurés (la parole encore) conduira à acquitter ou à condamner. L’art que les sophistes ont enseigné dès l’antiquité ne devant périr qu’avec l’homme, il suffit que la persuasion épaule le mensonge pour que Socrate soit coupable ; ou pour qu’un ministre de la justice détermine et conduise une politique pénale faisant de chaque criminel une victime de la société ; ou, encore, ouvre les frontières à un bateau de migrants considérés comme autant de « réfugiés », considérés eux-mêmes comme autant de chances pour la France — et on peut déjà être certain du laxisme de Dupond-Moretti en ces deux matières. De même, il suffit que la persuasion épaule le mensonge pour que le ministre de la justice, garde des sceaux, avec une majorité complice, décide que deux personnes de même sexe peuvent se marier, qu’un enfant a deux mères, mais pas de père, ou deux pères, mais pas de mère, ou que la mise à mort d’un foetus parfaitement viable la veille de l’accouchement n’est pas un infanticide… Tout cela s’appelle le règne du sophisme. Dupond-Moretti marche dans les traces de Taubira.
CYNISME CONTRE AUTISME IDÉOLOGIQUE
Oui, en matière de justice et de droit, la parole commande l’action, voire est action. Malheureusement — ou heureusement —, il n’en est pas de même en matière de sécurité, et ce qui a été perdu, par lâcheté et souci économique à courte vue depuis plusieurs décennies, ne saurait être rattrapé parce que Darmanin saute comme un cabri en répétant « Ensauvagement ! », « Ensauvagement ! ». On mesure évidemment à quel point, chez Dupond-Moretti, l’idéologie a chassé toute lucidité, voire tout bon sens, quand il ose soutenir : « L’ensauvagement, c’est un mot qui développe le sentiment d’insécurité. Pire que l’insécurité, il y a le sentiment d’insécurité. » On a peine à croire qu’un ministre de la justice ait pu prononcer de telles paroles, ne dénonçant en même temps, dans le viol par un récidiviste, suivi de meurtre, d’une jeune fille à Nantes, qu’une « surenchère populiste » (sur Europe 1, le 1er septembre dernier). Il y a donc pire, pour notre ministre de la justice, que le cadavre de cette jeune fille violée et assassinée : la peur d’autres jeunes filles de subir le même sort de la part d’un récidiviste ! Le « populisme » pire que le viol et le meurtre : Dupond-Moretti n’est pas seulement déconnecté de toute réalité, en ne voyant dans l’insécurité qu’un sentiment dangereux, et non une réalité vécue au quotidien par nos compatriotes : l’idéologie a manifestement étouffé en lui tout sentiment humain.
Toutefois, comment prendre le parti de Darmanin, lorsque, disciple d’un Sarkozy qui a aboli la « double peine », supprimé les renseignements généraux et pratiqué une politique immigrationniste forcenée — on en mesure les conséquences alors que s’ouvre le procès des attentats islamiques de janvier 2015 —, il sait très bien — en aurait-il le désir — qu’il n’aura pas les moyens de déterminer et de conduire une politique de sécurité qui impliquerait à la fois des réformes législatives courageuses, nécessitant pour certaines de passer outre le Conseil constitutionnel en demandant directement son avis au peuple, et des moyens importants tant en hommes qu’en matériels ? Bref une volonté politique qui, pour exister, devra s’inscrire dans l’action et le dur. Ou la parole ne suffira pas à faire advenir davantage de sécurité, alors qu’elle peut suffire à l’augmenter. Alors, tout aussi cynique que son collègue de la justice est enfermé dans son autisme idéologique, il multiplie les déclarations mais, lui, au risque de se ridiculiser, ordonnant et médiatisant des actions qui se traduisent, comme à Grenoble, par la confiscation de deux scooters… Qui, de nos deux ministres, méprise le plus un peuple dont ils se prétendent issus ?
En Macronie, Darmanin et Dupond-Moretti se chamaillent dans les médias, pour tromper l’électorat de droite, mais ne s’opposent pas. Ils se complètent. Le pays légal, aidé des médias officiels, en parlant sans cesse de sentiment d’insécurité, ne cherche rien d’autre qu’à déréaliser le réel, à convaincre ces Français-qui-ne-sont-rien que le réel qu’il subisse— |‘insécurité, la misère, la précarité — n’est qu’un ressenti qu’il s’agit de traiter, mais en eux, comme une maladie. Darmanin, au bout du compte, aura nécessairement fait reculer l’insécurité puisque son collègue Dupond-Moretti aura convaincu les gogos que la réalité de celle-ci n’est en fait qu’un dangereux sentiment populiste — le pire de tout ! Une autre épidémie, à éradiquer, grâce à un masque porté, celui-là sur les yeux. Chacun fait le job, comme on dit aujourd’hui, aux dépens de ces Français modestes dont ils osent pourtant se réclamer : déterminer et conduire la politique du pire, à savoir la réélection de Macron.
Tous les nouveaux chemins mènent à Rome... ou nulle part
Jean Castex incarne-t-il le tournant politique annoncé par Emmanuel Macron au moment du déconfinement et attendu par les Français ? Le "En même temps" s'observe-t-il d'avantage dans la méthode de gestion politique que dans la vision politique qui est censée l'accompagner ?
Atlantico.fr : Le nouveau Premier ministre choisi par Emmanuel Macron, Jean Castex, incarne-t-il le tournant politique annoncé par le président au moment du déconfinement et attendu par les Français ?
Edouard Husson : Emmanuel Macron est face à plusieurs contradictions. L’une est liée à sa personne: le président de la République doit être, d’une manière ou d’une autre « l’homme de la nation »; or le président, fondamentalement, est mal à l’aise avec les électeurs français; d’où son besoin de premiers ministres apparemment plus proches des électeurs: Jean Castex, comme Edouard Philippe, est un élu local. La deuxième contradiction est liée au refus, qu’il partage avec ses prédécesseurs, d’assumer le modèle gaullien: l’homme de la nation devait, selon le modèle institué par le Général de Gaulle, vérifier régulièrement qu’il avait la confiance des Français. La crise des Gilets Jaunes a été une telle secousse qu’il était indispensable, à moins d’abimer encore un peu plus le système politique français, de provoquer des élections législatives ou une présidentielle anticipée. On dit d’ailleurs qu’Emmanuel Macron a joué avec ces deux idées depuis la fin du confinement; pour finalement proposer juste un changement de Premier ministre. La troisième contradiction, elle aussi partagée avec ses prédécesseurs - y compris le Général de Gaulle - vient du refus de l’importance des partis pour structurer la vie politique française. De Gaulle pensait avoir réintroduit l’héritage de la monarchie dans la République: le président devait être au-dessus des partis; mais dès l’élection de 1965, on a vu que l’élection présidentielle tend à polariser la vie politique française. Et il aurait fallu aller au bout de cette logique. La tradition anglo-saxonne sait bien qu’il n’y a pas de vie démocratique sans des partis solides pour canaliser l’opinion populaire, la polariser en mimant la guerre civile, pour mieux la résoudre. La Constitution de la Vè République permet de stabiliser la vie politique française, enfin, loin du rêve de l’unanimisme (comme si la monarchie n’avait pas été traversée de luttes de factions terribles) comme de l’émiettement de ce que de Gaulle appelait « système des partis ». C’est bien ainsi que les choses ont commencé sous Pompidou, Giscard et Mitterrand. Mais la cohabitation, pensée par Giscard et réalisée par Mitterrand, a cassé une véritable alternance à la française. On est entré dans une République hybride, où les petites manoeuvres au centre s’accompagnent d’une présidence forte et de l’exclusion d’une partie de l’opinion de la représentation (le Rassemblement National) au gouvernement. Voilà où en est Macron, qui finit par concentrer les dysfonctionnements de la Vè République, les caricature, avec son autoritarisme, d’une part, et ses manoeuvres au centre pour casser LR, d’autre part.
Mathieu Mucherie : Je n’en sais rien ; je ne soupçonnais pas l’existence de cet individu jusqu’à cette semaine. Comme Edouard Philippe avant le printemps 2017, en fait. Je ne sais pas bien quel est son métier, et comme il n’a pas publié grand-chose, allez savoir. Il parait qu’il est à la fois haut fonctionnaire et élu de terrain, sarkoziste et gaulliste social, et macronniste, en même temps, dans la même journée. Il existe aussi des poissons volants, même si ce ne sont pas les plus nombreux de l’espèce.
On en revient toujours aux mêmes problèmes avec Macron : a/ le manque d’épaisseur du banc (en lien avec une victoire volée en 2017), les difficultés RH en dépit d’une cour pléthorique, un vivier qui n’est qu’un marigot, b/ étant donné le manque total d’idées, la sur-communication sur les questions de personnes, mais en contradiction entre elles, et en contradiction avec le point a/. Le simple fait d’avoir eu Castaner de Toulon au ministère de l’intérieur donne une idée du vide et du danger. Heureusement pour Macron, la droite classique et lettrée, conservatrice ou libérale, n’existe plus vraiment dans le pays : elle a été remplacée par une élite managériale complètement débile ; sans quoi il serait soumis à une pensée critique et à de vrais contrôles (je n’appelle pas contrôle un Conseil d’Etat qui annule de justesse une grave menace contre la liberté d’expression ; ça c’est le minimum).
Etant donnée la situation des finances publiques, de la sécurité publique et du débat public après 3 années de macronneries diverses, il faudrait un premier ministre légitime, une figure, une autorité susceptible d’équilibrer un gamin narcissique et de remettre un peu d’ordre dans la pagaille des conflits d’intérêts (dans le secteur de la santé, et au-delà), et capable de peser suffisamment dans les arbitrages pour ne pas avoir à créer un caca-nerveux compensatoire comme les 80 km/h par exemple. Un choix aux antipodes vient d’être effectué, avec un personnage qui n’a pas de consistance politique propre ; ce qui m’incite à penser que le but du jeu est de gérer vaguement le pays, et d’éviter au passage toute concurrence interne potentielle, pour préparer les seules choses qui comptent, les élections en 2022. Une présidence de classes prépas, de bout en bout, nous le disions il y a quelques temps dans ces colonnes ; sans priorités, puisque tout y est prioritairement prioritaire.
Ce n’est pas un tournant, c’est le tournis. Et les chaises musicales, dans l’indifférence générale. La toupie Macron continue, protégée par des institutions dont le but d’origine était de protéger la décision, non l’indécision. On a eu droit à la convention citoyenne toute truquée, on aura peut-être droit à un référendum à choix multiples (mais sans sanction : gaullisme de pacotilles), et à des initiatives pseudo-vertes contre notre pouvoir d’achat et contre nos libertés, mais on n’aura pas le droit à un vrai moment de vérité démocratique (des législatives anticipées, ou mieux : des présidentielles sans trop d’intrusion du parquet socialiste financier), ou à de vrais choix publics assumés (discours plus vert que vert, subventions à Airbus, Renault et Air France… ; statues indéboulonnables, mais pas vraiment).
Le "en même temps" si cher à Emmanuel Macron s'observe-t-il d'avantage dans la méthode de gestion politique que dans la vision politique qui est censée l'accompagner ? Emmanuel Macron sait-il où mène le chemin qu'il souhaite tracer ?
Edouard Husson : Il y a plusieurs composantes dans le radical-socialisme autoritaire de l’actuel président. Nous venons de voir comment la Vè République a évolué loin du point d’équilibre qu’elle aurait dû atteindre après l’élection de François Mitterrand, celui d’une vraie alternance entre la droite et la gauche. Il y a aussi la composante personnelle. Emmanuel Macron est un enfant de 1968. Il est victime de l’effondrement du système d’éducation et du système scolaire consécutif à la poussée hyperindividualiste des années 1960. Le « en même temps » est fils du « Il est interdit d’interdire ». On ne doit pas faire de choix car le choix exclut en choisissant un des termes aux dépens des autres. Les soixante-huitards ont adhéré à l’Europe sans frontières et à la domination de la finance car cela permettait d’assouvir tous les désirs. Emmanuel Macron est un concentré de volonté de puissance, mais non pas celle qui construirait pour un dessein plus grand que lui. Non, il ne veut rien, au fond, pour la nation; il n’est pas non plus un constructeur d’empire. Il veut assouvir une ambition purement personnelle, qui ne mène nulle part. Le « en même temps » et le gouvernement au centre sont une manière de tout attirer à lui, de vampiriser le système politique. Le président est beaucoup plus habile pour détruire le système politique existant qu’en construire un nouveau. Il sait détruire LR, progressivement. En revanche il n’a rien construit avec LREM, qui reste un assemblage hétéroclite.
Mathieu Mucherie : Macron trace un chemin, le sien. Mais c’est un chemin assez sinueux, plus un typhon qu’une voie à suivre. La question vers 2017 était : cette toupie du Touquet qui ne manque pas de toupet va-t-elle agréger assez de monde assez longtemps ? et puis : pour faire quoi, au juste ? Les éléments de réponse commencent à apparaitre de plus en plus clairement (ils étaient très clairs pour moi dès le départ…) : en trichant un peu avec une formule de Churchill : Macron, c’est comme Christophe Colomb, en beaucoup moins bien ; il sait où il voudrait aller (a) mais il ne sait pas vraiment où il se trouve, et quel est le bon chemin (b), il en est fier, et tout cela se fait avec l’argent du contribuable (c).
a/ il sait où il voudrait aller : la République eurolandaise franco-allemande. Un machin encore en vogue chez nos énarques de centre-droit et de centre-gauche, qui se figurent que c’est la dernière chance pour eux de peser un peu dans les affaires du monde ; alors qu’en réalité l’Europe féfédérale ne se fait pas, et quand elle se fait c’est à Francfort et à Luxembourg, sur des bases très peu avouables. Dans les faits, l’Allemagne n’en fait qu’à sa tête (depuis 20 ans, on ne parle plus du « couple » que dans les médias parisiens), et 25 peuples sur 30 n’ont pas l’air franchement enthousiastes, et Macron lui-même flirte depuis quelques semaines avec des notions souverainistes et protectionnistes pratiquement à chaque phrase, en contradiction totale avec ses discours d’il y a moins de trois ans !
b/ il ne sait ni où il est, ni quel est le bon chemin : comme un navigateur qui débarquerait aux Bahamas en pensant trouver la Chine (mais il a moins d’excuses que le Génois), Macron débarque dans une contrée en crise (un pays qu’il connait mal, et un pays peu estimable en plus, puisque selon lui coupable de crime contre l’humanité en Algérie !), pays qu’il confond un temps avec une start-up ; et il commence son œuvre par une loi de moralisation de la vie publique sans rien faire contre le pantouflage, sujet qu’il connait pourtant par cœur ; puis il se dit que la seule façon d’aligner de faire converger cette meute de réfractaires avec les donneurs de leçons germaniques est de moderniser les entreprises françaises depuis l’Elysée (contre-sens total : c’est l’Etat qu’il faudrait réformer en France !) ; le plus drôle est qu’il n’a aucune chance d’atteindre son but tant que les allemands garderont la même mentalité (et la même constitution, comme nous l’a rappelé la Cour de Karlsruhe début mai), a fortiori depuis notre confinement raté. Drôle en effet, sauf qu’il met tous ses échecs sur le compte de l’équipage, ou du gros temps, sans jamais trop se poser des questions dérangeantes ni sur la fiabilité de sa boussole, ni sur la compétence de ses officiers de bateaux-lavoirs (c’est toutefois assez logique de sa part : quand Amélie de Montchalin parle de Macron, on croirait qu’elle a vu le Christ),
c/ et tout cela se fait avec l’argent du contribuable : Toutanmakron lâche des milliards aux classes moyennes face aux gilets jaunes (là où il ne coutait rien de se débarrasser de dizaines de lois liberticides et vexatoires, là où il coûtait très peu de remettre une partie de leurs dettes issues du crédit revolving à l’âge des taux « bas »), en contradiction avec sa « stratégie allemande », puis il lâche tout le budget de 180 dynasties égyptiennes pour réparer ses erreurs épidémiologiques face au coronavirus (le confinement le plus absurde du monde, des gens verbalisés sur des plages désertes en plein vent, plusieurs points de PIB perdus bêtement), en attendant de nouvelles bacchanales budgétaires et réglementaires pour les besoins de la triangulation plus-vert-que-moi-tu-meurs-de-chaud (en contradiction, bien souvent, avec le « redressement » des entreprises françaises ; passons). Après tout, pourquoi pas diront les cyniques : les taux d’intérêt sont nuls ou négatifs, et il faut bien arroser en vue d’une qualification du chef au 2e tour de 2022. Mais alors, par pitié, pas dans le cadre le plus hypocrite jamais vu depuis au moins Toutmosys III : en déclarant tous les jours qu’on ne montera pas les impôts (!), mais que, dans le même temps, la BCE n’annulera jamais les dettes placées à son bilan (!!) ; et puis quoi encore, se dit le bas peuple, qui épargne donc logiquement en vue du choc fiscal dans 24 mois.
Ce n’est donc pas que Macron n’a aucune vision politique, c’est que cette vision est si datée et contradictoire (et impossible à financer durablement) qu’elle en devient ridicule et comme inexprimable. Il lui faut désormais avancer masqué (je veux dire, encore plus que d’habitude), et colorer son « action » des dernières modes, le vert et le néo-souverainisme politiquement correct en ce moment, et tout ce qui passera à hauteur à peu près mainstream d’ici 2022, le tout « en même temps ». Il va suivre le mouvement et feindre de l’organiser, comme les français font semblant de consommer et comme les parlementaires font semblant d’auditionner Buzyn ou Bachelot. Je le vois bien demander une commission d’enquête internationale sur le virus en Chine, et nommer Benjamin Stora ambassadeur du FLN à Paris, si ce n’est pas déjà fait. Puis en 2022 il demandera à être jugé sur ses intentions, pas sur ses réalisations. Et il continuera, au maximum, à faire du bruit en présentant de multiples facettes. C’est le destin de la toupie de continuer tant qu’il lui reste de l’énergie, et même si cela n’a plus aucun sens.
Alors qu'Emmanuel Macron renforce ses responsabilités présentielles par la nomination de Jean Castex au poste du chef de gouvernement, peut-il proposer aux Français la vision dont ils ont besoin ?
Edouard Husson : Emmanuel Macron ne sait pas ce qu’est la France. Il est capable un jour d’aller célébrer Jeanne d’Arc à Orléans et quelques jours plus tard d’expliquer en Algérie que la colonisation française est un « crime contre l’humanité ». Le président attend de Jean Castex que, mieux encore qu’Edouard Philippe, il s’occupe des Français pour que lui-même puisse se projeter sur la scène européenne et mondiale - au moins en paroles. C’est pourquoi je crois plutôt qu’il va laisser un espace à son nouveau Premier ministre, exactement comme pour Edouard Philippe. Il faut bien quelqu’un pour s’occuper des Français ! Emmanuel Macron ne s’intéresse pas aux Français. Il a été élu par effraction, suite au suicide de LR (lorsque Nicolas Sarkozy et Alain Juppé se sont entendus pour tuer François Fillon) et il entend profiter de ce cadeau inattendu de la « droite la plus bête du monde » pour rester au pouvoir coûte que coûte, alors même que sa façon d’être, une arrogance assumée, et ses centres d’intérêt européistes et mondialistes, devraient le mener tout droit à la défaite. Jean Castex est un système de réassurance pour un Emmanuel Macron qui se préoccupe moins de la vision des Français que de sa propre projection sur la scène internationale. Si tout se passe comme le président de la République l’espère, il finira son second mandat à l’âge de cinquante ans ! Au même âge, Giscard était au début de son septennat et aucun des autres présidents de la Vè République n’avait été élu. Il serait en position de choisir le poste qu’il veut dans la gouvernance mondiale qu’il appelle de ses voeux. La réélection en 2022 vaut bien un Jean Castex.
Édouard Husson est historien. Professeur des universités, il est ancien directeur général de l’ESCP Europe. Il a été élu en 2009 professeur d’histoire contemporaine à l’université de Picardie puis en 2018 à l’université de Cergy-Pontoise.
Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s’exprime ici à titre personnel.
Un terme ouune expression peuvent être utilisés dans leur sens usuel, consacré par une longue histoire et répertorié dans les dictionnaires. Ils peuvent aussi être utilisés de façon artificieuse, fourbe, spécieuse. On est alors en face d’une opération de désinformation. Dans ce cas, un mot ou une expression d’apparence claire cachent, en fait, une réalité floue, obscure, équivoque. Ainsi en va-t-il du terme extrême-droite.
C’est sans doute une des expressions les plus usitées dans la vie politique française. Très péjorative, elle désigne des gens déplorables, indignes de toute considération morale. Ils sont ce qu’il y a de pire dans l’univers politico-médiatique : des êtres dangereux, immoraux, infréquentables. Ils sont les parias de la République, qui s’affirme démocratique, sans pouvoir se passer de boucs-émissaires.
L’utilisation de ce terme agit comme un répulsif. Gare au politicien, à l’écrivain ou au journaliste qui en est affublé. Il sera stigmatisé. Comme les lépreux du Moyen-Age, il devra éviter les contacts. Il n’est pas accidentel que M. Macron ait, un jour, dénoncé la lèpre du populisme (synonyme pour lui d’extrême-droite). Autre métaphoreà succès, l’extrême-droite est « nauséabonde ». Elle tient d’ailleurs des proposconformes. Bref, elle est à fuir. On parlera même de dresser, contre elle, un cordon sanitaire.
Mais une question se pose d’emblée : qu’est-ce au juste que l’extrême-droite ? Là, que de complications ! Questionnez votre entourage. Pas une définition ne correspondra à une autre. Comme disent les Anglais : sous chaque bonnet une opinion différente.
Faut-il s’en étonner ? Non, car, ce que l’on désigne par extrême-droite est une nébuleuse : elle peut désigner des nazillons, des monarchistes, des cathos tradis, des conservateurs, des patriotes, des anti-immigrationnistes, des nostalgiques du gaullisme, des laïques anti-islamistes, des écolos attachés au terroir. La liste n’est pas exhaustive.
Essayons d’y voir clair. Jadis, droite et gauche correspondaient à une position dans l’hémicycle parlementaire. Ultérieurement, l’habitude s’est enracinée de considérer la gauche comme plus soucieuse de justice sociale et la droite comme plusportée au conservatisme. Avec, bien entendu, tout ce que ce clivage a d’irréel et de trompeur. Ajoutons qu’au fil du temps, sont apparues des gauches et des droites.
Or, s’il est admis que la gauche française est ramifiée et scindée en factions ; elle se félicite de sa diversité. Un Jospin a ainsi pu se dire « fier » d’avoir des communistes dans son gouvernement.
Plaignons ce malheureux !
En revanche, la droite officielle dite classique, républicaine ou modérée se veut ramassée et homogène. Elle a très peur d’être contaminée par « l’extrême-droite ». Elle s’en méfie, s’en tient éloignée et, pour tout dire, ne recule devant aucune mesure prophylactique pour éviter la contagion.
La droite s’impose de n’être que légèrement teintée de conservatisme. Elle se doit d’être, ô oxymore, « fermement centriste » ou « modérée ». Trop de traditionalisme ou de fierté patriotique sont mal vus de cette droite-là, car ils mènent à l’étiquette infâmante : « extrême-droite ».
La droite officielle n’est ferme que sur un point : elle est attachée aux valeurs républicaines. Qu’est-ce au juste ? N’essayez pas de savoir : là encore, sous chaque bonnet un avis diverge. Néanmoins, il y a une grande césure : les valeurs républicaines, c’est le Bien emblématique, l’extrême-droite, c’est le mal absolu, l’antithèse même de ce qui est respectable. Cette considération, un peu floue, n’empêcha pas M. Gaudin de Marseille d’appeler à voter, localement, pour un communiste contre un « extrême-droite ».
Plaignons aussi ce malheureux.
Longtemps, le critère de l’appartenance à « l’extrême-droite » fut l’antisémitisme. Celui-ci a bien reculé en France, depuis la seconde guerre mondiale, jusqu’à une époque très récente où il a resurgi, porté cette fois par le djihadisme. Alors, patatras ! Il a fallu redistribuer les cartes, car, lier antisémitisme et djihadismerisquait de stigmatiser la communauté musulmane. Donc, l’on s’est contenté de lier antisémitisme et antisionisme. Le président de la République l’a fait officiellement.
L’extrême-droite a été, de ce fait, rejetée dans les phobies : homophobie, islamophobie, xénophobie, europhobie. En somme, toujours le vocabulaire médical. Mais le racisme est difficile à définir. Certains le distinguent mal de la simple fierté nationale, et tendent à le dénoncer dans toute manifestation d’opposition à la politique (certains diront la non-politique) d’accueil des immigrés légaux ou illégaux. Bref, le critère permettant d’identifier cette déplorable extrême-droite est très flou.
Toutefois, l’accusation de racisme n’est pas toujours brandie à tout va. Souvent, les media dominants qui sont, certes, massivement favorables à l’immigration, se contentent d’euphémismes ou d’allusions. Vous êtes opposé à l’accueil des étrangers, alors vous n’êtes pas « ouvert à l’autre ». Vous êtes pour le rétablissement des frontières, alors vous êtes pour une France « frileuse ». Attention aux rhumes ! Courez à votre Actifed !
Mais l’accusation de relever de l’extrême-droite est bien plus infâmante que ces petites accusations euphémiques pourraient le laisser croire. Quelles que soient vos convictions réelles, seriez-vous un simple écolo, un simple laïque, un simple disciple de De Gaulle, un brave français de base râleur ou une victime d’agression n’ayant jamais fait de mal à personne, vous serez immédiatement assimilé à ce que le sigle extrême-droite couvre de plus ignominieux : le nazisme. Vous serez vu, au moins par ceux qui brandissent le sigle à tout va, comme un national-socialiste. Et alors, ceci marchera, le réflexe pavlovien de méfiance s’installera, car, en France, cette manipulation fonctionne.
Quelques déclarations absurdes, intempestives, de quelques nazillons eux-mêmes manipulés, ou de quelques personnages égarés ou ineptes, parachèveront la manœuvre. Pour reprendre une expression amusante : vous serez « adolphisé ».
Dans les milieux de gauche dits « progressistes », le réflexe pavlovien est bien en place. L’extrême-droite a beau être une nébuleuse touffue, trouble, le terme a beau être fumeux, filandreux, vaseux à souhait, ou précisément à cause de cela, il fonctionne. L’expression désigne un empilement de gens n’ayant rien en commun, chacun, justement, croit savoir de quoi l’on parle. On amalgame sans état d’âme. Cette désinformation est loin d’être inefficace. Portée par les media conformistes dominants, elle influence bien des milieux et bien au-delà de la gauche. Surtout en période électorale, ça marche et ça fait marcher. Suivez mon regard.
En résumé, si vous n’êtes ni communiste, ni socialiste, ni républicain modéré, ni conservateur centriste patenté, prenez garde : vous risquez la flétrissure. Vous vous retrouverez lépreux, contagieux, nauséabond et de plus moralement indigne. Car, la morale, il faut s’en persuader est à gauche, et un tout petit peu au centre sans plus. Le reste appartient aux démons.
La désinformation est là. A qui profite-t-elle ?
En ce mois de juillet de « post confinement » nous avons voulu offrir à nos lecteurs ces belles pages d’hommage à Jean Raspail parues dans le dernier numéro de la revue d’Action française : « Le Bien Commun ».
Un bel antidote contre le Coronavirus et la sinistre mise en scène qui l’accompagne et une occasion de prendre de la hauteur. (Af.net)
Nous ne savions trop comment condenser les hommages exprimés à Jean Raspail, soleil de nos imaginaires monarchistes, parti rejoindre le Père.
Alors, nous lui avons écrit.
Cher Jean,
Parti au crépuscule de votre vie terrestre par la porte qui conduit au Ciel, c’est désormais d’en haut que vous nous gardez. Grâce à vos écrits, nous possédons les clefs d’un idéal à tenir et nous tâcherons de ne rien lâcher, quoiqu’il advienne.
Certains de vos amis tenaient à vous remercier en partageant avec les lecteurs du Bien Commun quelques souvenirs, en attendant de les revivre lorsque nous nous reverrons, s’il-plaît à Dieu.
C’est avec beaucoup d’humilité qu’ils ont couché sur le papier ces mots, et c’est avec autant d’émotion que nous avons recueilli ces tranches de vie.
Bonne lecture, cher Jean, et à Dieu.
Pour commencer, Bruno Gollnisch nous rapporte vous avoir rencontré lors de sa première apparition publique, en 1983. Il s’agissait d’une réunion du Front National. Discret jusqu’alors sur le plan politique, il était la seule personnalité lyonnaise à pouvoir accueillir Jean-Marie Le Pen.
C’est donc à cette occasion que, face à face au dîner, vous avez pu discuter de quelque aventure sur les terres du Japon, que M. Gollnisch connaît très bien, et qui vous intéressait prodigieusement pour inspirer un hypothétique roman que vous n’avez finalement jamais écrit. L’ancien vice-président du Front National se souvient que, comme les japonais, vous aimiez les gens qui « mettent leur peau au bout de leurs idées », les héros malheureux et les destins pittoresques. M. Gollnisch rappelle également qu’invités à une réunion organisée par Bernard Antony à la Mutualité à Paris, vous avez dîné tous les trois, partageant « une pensée résolument réactionnaire ». Partageant avec vous un sentiment monarchiste, Jean Sévillia revient sur ces rassemblements que vous ne manquiez jamais :
« J’avais lu le Camp des Saints à sa parution, en 1973. Dur et désespéré, ce roman montrait assez que Jean Raspail était férocement rebelle à l’esprit de l’époque, mais ne laissait pas deviner ses fidélités monarchistes. Ma génération avait découvert celles-ci quand l’écrivain prit l’habitude de répondre positivement aux invitations que lui adressaient les organisateurs des rassemblements royalistes des années 1970 et 1980, aux Baux-de-Provence, aux Essarts ou aux Landes-Génusson, en Vendée, où il prononçait des discours flamboyants qu’il faudrait retrouver. Je crois n’en avoir manqué aucun. C’est à Jean Raspail, à sa ténacité, que l’on doit d’avoir organisé sur la place de la Concorde, le 21 janvier 1993, l’inoubliable cérémonie du souvenir pour le bicentenaire de la mort de Louis XVI. J’y étais encore. » Bruno Gollnisch quant à lui vous a souvent croisé aux défilés du premier mai pour les fêtes de Jeanne d’Arc, rue de Rivoli : vous étiez toujours sur le trottoir. De même que sur le plan spirituel, vous étiez un chrétien du Narthex.
« Je le revois, nous dit Jean Sévillia, dans la cathédrale de Senlis, le 2 mai 2009, sanglé dans son uniforme blanc d’Écrivain de marine, pour le mariage du prince Jean. Pour autant, Raspail n’était ni un partisan, ni un militant.
C’était un écrivain, un démiurge, un créateur d’univers et de personnages. Mais si la figure du roi, du Jeu du Roi (1976) au Roi au-delà de la mer (2000), a tenu une place si importante dans son œuvre, c’est qu’elle en avait une éminente dans son cœur ». « Le Jeu du Roi n’est certainement pas un appel à la désertion donc ! », selon les propos rapportés par Agnès Marion, « mais un havre pour reprendre des forces, en rompant en bonne compagnie avec la médiocrité de notre époque, avant de repartir de plus belle prendre et donner des coups dans la bataille ! ».
Pour autant, Raspail n’était ni un partisan, ni un militant. C’était un écrivain, un démiurge, un créateur d’univers et de personnages.
Agnès Marion, aujourd’hui mère de six enfants et engagée en politique sur les terres lyonnaises, nous parle de votre première rencontre alors qu’elle était encore adolescente. « La première fois que j’ai rencontré Raspail, je devais avoir quinze ans. Avec Sire, la légende se mêlait à l’Histoire, et le réel au merveilleux ; je recevais seize siècles de France en héritage, l’aventure prenait une dimension politique, elle était exigeante mais surtout…
Elle était belle. C’est peu dire que cette rencontre a compté. Avec sa fidélité inoxydable à ses idéaux de jeunesse, son souci des civilisations vacillantes, celles au-delà des mers comme la nôtre, son attachement à nos vieilles mœurs, on dit de Raspail qu’il est le chantre des causes perdues. Ce ne serait que cela que ce serait déjà quelque chose dans ce nouveau monde où un engouement chasse l’autre et où on recherche le changement sans voir qu’il est souvent errements. Mais Jean Raspail a, je crois, bien largement dépassé la posture romantique qui contemple, avec une désolation d’esthète, le monde qu’il affectionne se découdre. Il n’est pas décadent, au contraire. Car l’écrivain invite aussi à l’Aventure. Au sens propre quand il va et nous embarque à la rencontre des peuples que l’uniformisation du monde voue à la disparition. Dans un domaine plus politique parfois. Ainsi, un 21 janvier 1993. J’étais jeune, mais je me souviens d’un tour de force, laissant caresser l’espoir d’une réconciliation française quand, en forçant l’hommage à Louis XVI, Jean Raspail offrit aux Français un contrepoint historique, après les célébrations très univoques du bicentenaire de la révolution en 1989… On dit même qu’avec sa détermination élégante et cultivée, il avait titillé les vieilles amours du Président… » Mais votre vie politique ne s’arrête pas aux terres de France : elle s’étend par-delà les mers pour accoster en Patagonie. La description brossée par Agnès Marion en dessine les contours : « Et puis il y a ce royaume de Patagonie dont il fut le consul Général et dont j’ai l’honneur d’être sujet. » Elle vous cite : « La Patagonie, c’est ailleurs, c’est autre chose, c’est un coin d’âme caché, un coin de cœur inexprimé. Ce peut être un rêve, un regret, un pied de nez. Ce peut être un refuge secret, une seconde patrie pour les mauvais jours, un sourire, une insolence. Un jeu aussi. Un refus de conformité.
Sous le sceptre brisé de Sa Majesté, il existe mille raisons de prêter hommage, et c’est ainsi qu’il y a plus de Patagons qu’on ne croit, et tant d’autres qui s’ignorent encore » et reprend : « La Patagonie n’est pas un royaume facile et idéal qui nous permettrait de nous complaire dans une épopée confortable et stérile en délaissant les enjeux français finalement ô combien plus tragiques ! En convoquant le panache, le sens du sacré, le goût du geste gratuit, le respect des traditions, l’émerveillement devant la beauté du monde ou encore la force du rêve éveillé, le “jeu de Roi” est au contraire un terreau dans lequel se fourbissent les armes nécessaires aux combats politiques plus prosaïques. Après tout, demander la victoire et ne pas se battre pour l’obtenir, selon les ressources et les talents qui sont les nôtres, quelle sorte de patagon ne trouverait pas cela mal-élevé ? » Votre plume, tantôt politique, tantôt littéraire, est toujours audacieuse. Ainsi, votre fameux Camp des Saints que beaucoup présentent comme une prophétie est évoqué en ces termes par Laurent Dandrieu : « Le propre des prophéties est hélas de n’être reconnues comme telles que lorsqu’elles ont été rattrapées, voire dépassées, par le réel… Le Camp des Saints a surtout apporté une preuve éclatante de l’incapacité de nos pseudo-élites à entendre les avertissements qui leur sont adressés. Dieu merci, il y a aussi chez les Patagons beaucoup de représentants d’élites authentiques, des “élites réelles” si l’on peut dire, qui par leur naturalisation patagonne ont bien montré qu’ils ne se reconnaissaient pas dans celles qui sont censées tenir les rênes du pays. Toute la question est de savoir si ces “élites réelles”, patagonnes et au-delà, vont trouver le moyen de prendre la main sur le pays légal, en lieu et place des imposteurs qui l’occupent. » Vous avez été l’un de ces rares écrivains qui ont su créer un monde. Votre œuvre, un monument de la littérature française, a séduit des générations de la jeunesse de France, cette jeunesse éternelle que les rides n’altèrent pas lorsque l’on en garde l’état d’esprit, pour reprendre les mots du Général Mac-Arthur : « Vous êtes aussi jeune que votre Foi ».
« Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule face au soleil couchant par la porte de l’ouest qui n’était plus gardée ». Toute votre œuvre est dans cette phrase nous dit un officier de la Légion étrangère. « L’engagement de celui qui choisit le cheval plutôt que le moteur pour se lancer au loin dans une quête, une aventure. Tout est-il perdu ? La Ville. Urbs. Athènes, Rome ou la civilisation, Paris ou la France éternelle, la terre de nos pères. Celle pour laquelle une poignée d’hommes et de femmes est prête à donner sa vie. Le crépuscule d’une civilisation que l’on a pu croire éternelle et qui renonce à elle-même ». Que l’on défend malgré tout, pour l’Honneur.
« Une certaine idée de soi-même et de sa place dans la création. Le soleil éperdu qui jette ses derniers feux sur une porte que l’homme moderne se refuse de garder parce qu’il a abdiqué toute dignité ». A l’instar de ses cavaliers, Raspail nous invite au contraire à garder « tête haute, sans se cacher, car ils ne fuyaient pas… » Ècrivain comme vous, Jean Sévillia confie : « Nous échangions systématiquement nos parutions. En 1998, un an après mon Zita impératrice courage, il avait publié son Hurrah Zara ! (aujourd’hui réédité sous le titre Les Pikkendorff) qu’il m’avait envoyé avec cette amicale dédicace : ” Zita, Zara, même combat ! “. » Laurent Dandrieu se remémore votre première rencontre en 1993, dans le cadre d’une interview pour la revue Réaction. Il appréhendait quelques peu votre discussion, car il venait de signer une critique de Sire, certes enthousiaste, mais il reprochait « néanmoins le côté “boy-scout” et “Signe de piste” de ce roman ». Inquiet que vous puissiez lui en tenir rigueur, vous avez au contraire salué avec fierté ce que Laurent Dandrieu prenait pour un défaut, car vous avez toujours tenu « Le Prince Éric pour un des chefs-d’œuvre de la littérature française contemporaine ».
C’est cette jeunesse et cet imaginaire fougueux que souligne l’amoureux du cinéma et chroniqueur de Valeurs Actuelles lorsque nous lui avons demandé comment le vieil écrivain que vous êtes pouvait encore toucher autant de monde et de générations :
« D’abord, Jean Raspail avait su, justement, ne pas devenir un “vieil écrivain”. C’était resté un enfant, fidèle aux rêves, aux jeux, aux enthousiasmes et aux dégoûts du petit garçon qu’il avait été. Cet esprit d’enfance, quand il est préservé chez un adulte qui a su créer un monde à partir de lui, exerce toujours une immense fascination : voyez Tolkien ! Et plus encore à une époque comme la nôtre où, si la puérilité abonde, l’esprit d’enfance s’est fait si rare. Et puis, alors que le roman français est si souvent engoncé dans un réalisme sinistre, l’œuvre de Raspail a l’immense mérite de faire souffler le grand vent de l’imaginaire, du rêve, des légendes immémorielles et des épopées fondatrices. » Il poursuit en disant que chacun de vos lecteurs a pu « puiser dans son imaginaire des leçons de courage, de dignité, de hauteur, de noblesse, y apprendre à se tenir droit et à rendre témoignage à la vérité au milieu des pires désastres. » Vous avez bien connu l’éditeur Christophe Parry, qui nous fait partager notamment un souvenir professionnel : « Nous travaillions dans son bureau – au milieu des livres, des mappemondes, des maquettes de bateaux, des fanions scouts et patagons, sous le regard de ses soldats de plomb vendéens qui partaient en procession bannières au vent – à l’édition d’une partie de ses œuvres dans la collection Bouquins (Là-bas, au loin, si loin…) où je travaillais alors. Je voulais pouvoir ajouter aux titres choisis pour figurer dans le volume un texte inédit, de quoi surprendre même ses lecteurs les plus anciens et les plus fidèles. Mais d’inédit, m’a-t-il répondu, catégorique, foin ! » Et pourtant… Vous avez fait l’honneur à Christophe Parry d’être le premier éditeur de Miséricorde, un livre qui « restera pour moi un ouvrage à part, une de mes plus grandes émotions d’éditeur… ». Quelle fierté pour ce monsieur, ému de parler de vous dans le monde parisien de l’édition : « Jean Raspail a toujours occupé une place à part dans le milieu de l’édition, une place que n’explique pas seule l’imposante liste de ses œuvres – depuis Terre de feu Alaska, en 1952 – ou de ses prix littéraires – le premier en 1966, pour Secouons le cocotier ; le plus important peut-être en 2003, le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre ; celui sans doute dont il était le plus fier en 1997, le prix T.S. Eliot Award de Chicago pour Le Camp des Saints.
Alors que la mort de Jacques Chirac a provoqué une véritable émotion chez les Français, celle de Giscard d’Estaing les a laissés plutôt froids. Certes, la pandémie n’a permis à aucun sentiment populaire de se manifester. Mais la radio et la télé auraient pu compenser par des émissions ad hoc cette impossibilité.
Or le fait est également qu’aucune radio ni aucune chaîne de télé ne s’est mise en « édition spéciale » toute la journée, comme ce fut le cas pour Chirac. Comme si chacun savait que le divorce par consentement non mutuel de 1981 entre Giscard et les Français avait été définitif. Du reste, si Giscard ne voulait aucun hommage national, c’est qu’il n’avait jamais surmonté son humiliation de ne pas être réélu en 1981 après avoir tant fait, croyait-il pour « libérer » la société française. Comme quoi, ce n’était peut-être pas ce que les Français attendaient en priorité de lui en 1974. Il était également vexé que toutes ses tentatives de revenir dans le jeu politique se soient soldées par des échecs ou des demi-échecs. Quant à sa grande œuvre, le traité constitutionnel européen, les Français le rejetèrent à une large majorité. En clair, cet homme qui disait ne pas vouloir rester dans l’histoire de France fut dans la mort comme dans la vie : modeste par orgueil…
Chacun pourra toujours trouver quelque chose à glaner dans une vie politique aussi riche et une vie personnelle aussi longue. Il a fait son devoir, et courageusement, à dix-huit ans, en s’engageant en 1944 pour la libération du territoire ; il a respecté la volonté de Georges Pompidou s’agissant de Beaubourg — un des ensembles culturels les plus originaux d’Europe — et il a sauvé la gare d’Orsay de la destruction pour en faire un des musées les plus beaux du monde ; il a eu ses bonnes œuvres, aussi. Tout personnage est complexe. Et sa politique extérieure s’inscrivit peu ou prou dans les pas de ses deux prédécesseurs.
Mais revendiquer pour maîtres Monnet et De Gaulle, c’était aller au-delà du paradoxe. Et déjà pratiquer le « en même temps » de son fils spirituel, qu’est Macron. Sur son cercueil, du reste, deux drapeaux : le français et l’européen. Si, pour certains esprits superficiels, cela peut n’être pas antinomique, la double paternité revendiquée l’est, en revanche. Car Monnet, ce ne fut pas seulement le pire ennemi De Gaulle auprès et au service des Américains, ce fut aussi celui dont le projet européen, co-construit, comme on dit aujourd’hui, avec les Américains, avait pour seul but de détruire la souveraineté des nations européennes, le Royaume-Uni excepté, comme Churchill, qui participait à la manœuvre, le déclara d’emblée. Or, quoi qu’on pense par ailleurs de De Gaulle, sur ce plan-là, le projet gaullien était aux antipodes du projet de Monnet. C’est pourquoi l’élection en 1974 de Giscard peut être considéré comme une revanche du second sur le premier. J’ignore si Giscard aimait ou n’aimait pas la France. En amour, il n’y a que des preuves d’amour. Or le fait est que Giscard, qui se plaisait à regarder la France au fond des yeux… mais de l’extérieur, comme un étranger — un Huron devenu président de la République —, n’a pas cessé de rabaisser notre pays. Après une campagne menée à l’américaine, inspirée de celle de JFK près de quinze années plus tôt, c’est en anglais qu’il s’exprime le soir de son élection, afin de bien montrer qu’il s’inscrit dans une modernité de rupture, laquelle ne parle pas français.
La France était, de fait, dépassée pour Giscard — comme elle l’était pour Monnet et comme elle le sera pour Mitterrand — « La France est notre patrie, l’Europe notre avenir » — et l’est aujourd’hui pour Macron. Mais Giscard faisait dans le symbole, quand Macron, esprit bien moins fin et bien moins cultivé, fait dans la provocation. La France de Giscard, c’est celle qui ne doit plus se concevoir que comme représentant 1 % de la population mondiale, afin de justifier son tropisme européiste. D’où, bien sûr, cette recherche d’une nouvelle légitimité, cette invention artificielle d’un peuple européen à travers l’élection au suffrage universel du parlement européen, dont les membres étaient alors désignés par les parlements nationaux, comme le sont toujours ceux du Conseil de l’Europe. C’est aussi le système monétaire européen, qui succède au serpent, et qui est une préfiguration de la monnaie unique, que Mitterrand mettra en chantier. Ce sera aussi ce traité constitutionnel de 2005 : Giscard rêvait de devenir le premier président de l’Europe, la France était bien trop petite pour lui. Devant l’impossibilité de réaliser son vœu, le « projet » européen ne cessant de prendre du retard, il se prit à rêver à devenir son refondateur, un nouveau père de l’Europe, en s’impliquant dans le traité constitutionnel. Repoussé par les Français, on sait comment la forfaiture de Sarkozy et du Parlement permit sa ratification en 2008…
Giscard, c’est aussi une France toujours plus petite, moins présente sur la planète : indépendance de Djibouti (où désormais les Américains ont une base militaire) et des Comores, avec le largage prémédité, contre la volonté de sa population, de Mayotte, auquel l’Action française et Pierre Pujo s’opposèrent victorieusement. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur sa politique en matière d’indépendance industrielle. Pensons également à l’instauration du regroupement familial, piège qui s’est refermé sur la France par une décision du Conseil d’Etat durant le septennat suivant, qui ne sera pas remise en cause par le régalien — déjà les prémices du gouvernement des juges.
Faut-il revenir sur le Giscard « modernisateur » de la société française ? C’est celui que les media mainstream ont le plus commémoré. Et pour cause. Pierre Boutang a écrit, dans son Précis de Foutriquet, sur « le menteur, le pourrisseur et le fossoyeur » des pages définitives — « un acquis pour toujours » comme aurait dit l’historien Thucydide —, qui sont en même temps un réquisitoire contre une société « qui n’a que des banques pour cathédrales », comme Boutang le dira en conclusion de Reprendre le pouvoir. Giscard fut, pour la France, un des architectes de cette société-là, qui repose sur un profond mépris du peuple, partagé par Macron. Mais là où Giscard faisait dans la condescendance — éducation oblige — en allant dîner chez les Français, en jouant de l’accordéon ou au foot, en invitant des éboueurs à partager avec lui un petit-déjeuner à l’Elysée, Macron, fait encore et toujours dans la provocation, sans filtre. Avec le sobriquet de Foutriquet, Boutang renvoyait Giscard à Thiers. Il est tout aussi possible d’y renvoyer Macron, tant par son absence totale d’empathie pour le peuple et ses souffrances réelles, que par sa brutalité, dont l’expression était contenue chez Giscard, mais explose chez Macron : il apparaît ainsi, lui aussi, comme un de ces grands bourgeois voltairiens du XIXe siècle sûrs de leur fait.
Au fond, Giscard est celui qui a normalisé la France à la mondialisation naissante et Macron est celui qui veut achever le travail, qu’il s’agisse de l’Europe, de la soumission économique de la France, du mépris de la langue française, de l’immigration, ou des questions dites sociétales, notamment la destruction de la famille. Sur ce plan, la mesure giscardienne la plus neutre fut certainement la majorité à dix-huit ans. Le plus jeune président élu de la Ve pouvait-il faire moins pour montrer sa jeunesse ? Ce fut aussi la mesure la plus ironique : car les tout nouveaux jeunes électeurs en profitèrent, dès la présidentielle suivante, pour porter leurs voix, comme plus proche d’eux, sur un vieux briscard de la IVe décoré de la francisque. Macron, devenu à son tour le plus jeune président élu, tente, lui aussi, de séduire la jeunesse, en s’adressant notamment à elle par ses canaux de prédilection… Il n’est pas certain qu’il la convainque davantage. En revanche, il n’est pas certain non plus que la classe politique sache, d’ici quelques mois, faire surgir de son sein un remplaçant crédible…
Le « nouveau monde » n’est que l’achèvement de « la société libérale avancée » — et on sait le sens que Boutang donnait à l’adjectif « avancée ». Dans les lignes suivantes, Boutang rapprochait Foutriquet (Thiers-Giscard) de Badinguet (Napoléon III). Or elles semblent avoir été écrites aussi pour Giscard et Macron : « Ce qui rapproche les deux hommes est le service de Mammon et la complaisance infinie pour la pourriture qu’ils confondent avec ce que Machiavel nomme “esprit du temps” et qui n’en est que le déchet. Si horrible que soit ce temps… »
Raphaël Juan : Michel Maffesoli dans votre dernier livre paru, La nostalgie du sacré, vous poursuivez une réflexion, entamée avecLa parole du silence, qui revient aux sources du mot religion (du latin religare, relier) et dévoile le ciment social que créée la conscience d’une sacralité commune. Ce sacré d’où provient-il et comment le définiriez-vous ?
Michel Maffesoli : Je précise que mes analyses sont en ce qui concerne La Parole du silence (Cerf 2016) et La Nostalgie du sacré (Cerf 2020) à rattacher à une perspective socio-anthropologique et ne concernent pas ce qui relèverait du théologique, à savoir la foi. Le sacré ou plutôt le sacral décrit la religiosité ambiante, la religion comme phénomène social alors que la foi est à comprendre dans l’intimité de chacun, dans le « for interne ». De nombreux auteurs, je pense en particulier à Emile Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse ou encore Gilbert Durand dans Sciences de l’homme et tradition, montrent bien comment de diverses manières, mais avec une grande constance, la religion est un élément de fond de la vie sociale. Durkheim allant même jusqu’à parler pour bien souligner ce phénomène de « divin social ». Suivant les époques, celui-ci est plus ou moins mis en valeur. Ainsi durant toute la modernité, du 17e à la première moitié du 20e siècle, le rouleau compresseur du rationalisme évacua progressivement cette dimension religieuse, aboutissant à ce que Max Weber a bien analysé en parlant de « désenchantement du monde ». Il semblerait et c’est en tout cas mon analyse, que contemporainement, en cette postmodernité naissante, le sacré, voire même le sacral revienne à l’honneur. Quelle en est la source ? quelle en est l’origine ? il est difficile de donner une définition exacte de ce que l’on nomme le sacré. Mais l’on peut constater, dans la foulée des auteurs que je viens de citer qu’il s’agit d’une structure anthropologique, rendant attentif au fait qu’on ne peut bien saisir le visible qu’en fonction de l’invisible. Ou encore et cela a été souligné par de nombreux bons esprits, on ne peut comprendre le réel qu’à partir de ce qui est réputé irréel. C’est ce retour d’un imaginaire religieux que j’essaie, dans cet ouvrage comme dans La Parole du silence, d’analyser.
RJ : Votre livre insiste sur la nécessité du mystère qu’implique toute sociabilité empreinte du sacré, c’est-à-dire pour vous toute sociabilité authentique. Vous évoquez des figures étranges comme ce Roi clandestin dont parle le sociologue Georg Simmel. Qu’est-ce que ce Roi clandestin ? A-t-il quelque chose à voir avec le Roi du monde dont parle René Guénon ?
MM : Soyons en effet attentifs au fait que dans la foulée de la philosophie des Lumières, se développant au 18e siècle et se poursuivant tout au long du 19e siècle, le mystère a été durablement relativisé, voire dénié. Pour ma part, je rappelle, dans la suite de cette dialogie existant entre le visible et l’invisible, que le clair-obscur est une des caractéristiques essentielles de toute espèce humaine. C’est en ce sens qu’il convient de comprendre le terme même de mystère qui tout à la fois insiste sur l’importance de l’ombre et sur le fait que c’est ce phénomène de l’ombre qui partagée constitue la socialité de base.
C’est en ce sens que ce penseur important que fut Georg Simmel a, à plusieurs reprises, parlé du « roi clandestin ». Je ne sais pas si cette expression peut être comparée à ce que René Guénon nomme « le roi du monde ». L’idée même du roi clandestin rend attentif au fait que à côté d’un pouvoir surplombant, pouvoir institué, pouvoir établi, il existe une société officieuse, pour ce qui me concerne ce que l’on appelle la souveraineté populaire, qui tout en étant cachée n’en est pas moins réelle et régulièrement tend à s’affirmer et à être reconnue comme telle. Ce sont ces diverses métaphores qui soulignent l’importance qu’il convient de donner ou de redonner au mystère comme étant un élément structurant de tout être ensemble. Faut-il le rappeler, il existe une proximité sémantique entre des mots tels que mystère, mythe, muet, mythique etc. Mots qui rendent attentif au fait qu’au-delà d’une attitude quelque peu paranoïaque consistant à tout expliquer, il y a aussi, au sein même de la connaissance sociétale, des éléments secrets qui permettent de comprendre, au sens fort du terme, ce qu’est cette socialité de base, celle de la vie quotidienne qui ne peut pas être expliquée seulement à partir de la raison raisonnante. Pour ma part j’ai d’ailleurs consacré un livre, Eloge de la raison sensible, au fait qu’il faut compléter la raison, celle des Lumières, par le sensible qui renvoie à l’ombre constituant, également, la vie individuelle et la vie collective.
RJ : La fermentation, l’œuvre au noir, l’obscurité, le secret, le silence vous semblent être des dispositions essentielles pour faire germer, à titre individuel ou collectif, le divin. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur cette « stratégie des ténèbres » ?
MM : Il est en effet important d’observer que « l’œuvre au noir » ou ce qui est secret, est constitutif tant d’un point de vue individuel que d’un point de vue collectif de toute existence humaine. On peut, à cet égard, parler d’une « stratégie des ténèbres ».
Pour bien me faire comprendre je rappelle que le terme latin qu’utilisait la philosophie médiévale, la discretio renvoie à la nécessité d’être discret et c’est cette discrétion qui aboutit à ce qui est peut être la caractéristique essentielle de notre espèce animale, le discernement. Donc plutôt que de mettre l’accent purement sur la dimension explicative de la raison raisonnante, le silence est aussi une manière de comprendre et ce dans le sens strict du terme, le fondement de toute vie sociale, ce que j’appelle pour ma part socialité. Expliquer, c’est déplier le réel, relier chaque phénomène à une cause, comprendre, c’est saisir l’ensemble des phénomènes dans leur interaction, ce qu’on nomme un écosystème. Expliquer relève de la pure recherche des causes rationnelles, comprendre prend en compte les rêves, les émotions, tout ce que le pur rationalisme avait laissé de côté.
Ainsi, alors que la sociabilité est la conséquence d’un social purement rationnel, la socialité quant à elle prend en compte l’entièreté du mystère sociétal.
RJ : Ce livre est, entre autres choses, une apologie du génie du catholicisme qui aurait su comprendre l’humaine nature mieux que les autres religions, et notamment que le protestantisme. Communion des saints, culte de la vierge, piété populaire, intégration de l’héritage gréco-romain, Trinité, « tolérance » du pêché sont des idées et pratiques qui retiennent votre attention, pourquoi ?
MM : Il me semble en effet qu’à l’opposé de ce que fut la dimension très rationnelle du protestantisme à partir du 16esiècle, le génie du catholicisme a su garder ce que le philosophe Jacques Maritain nommait « un humanisme intégral ». Humanisme s’exprimant bien, dans le catholicisme traditionnel par le culte des saints, la dévotion mariale, la piété populaire sous ses diverses manifestations et bien évidemment par l’accentuation très forte donnée au mystère de la Trinité. Dans chacun de ces cas, ce qui est en jeu, c’est, au-delà d’une foi simplement individualiste, le fait que l’essence même de la religion est toujours un relationisme, c’est-à-dire une manière de mettre en relation, de relier. De ce point de vue, je consacre quelques pages à ce mystère dans mon livre, l’idée trinitaire qui est une particularité du christianisme traditionnel que le catholicisme met en valeur, explique bien ce primum relationis ou pour le dire à la manière du philosophe catholique Max Scheller un ordo amoris qui est le propre de tout échange et de tout partage. Il ne faut pas avoir peur de mettre en relation cet ordo amoris trinitaire avec le dogme de la communion des saints qui met l’accent sur ce qu’il convient d’appeler la réversibilité comme étant un élément important de tout être-ensemble. C’est cette réversibilité que l’on peut retrouver dans le partage, l’échange, l’entraide que la culture numérique aidant, on voit revenir avec force dans toute société. Ce qu’on appelle actuellement la société collaborative en est un bon exemple.
RJ : Vous semblez convaincu qu’il y a un retour des jeunes générations vers le catholicisme. Or, en France (la situation est sans doute différente en Italie voire en Espagne), le déclin des pratiques et notamment de la fréquentation de la messe est quantifiable et constante depuis le milieu des années 1960. Quels signes et indices retenez-vous qui vous invitent à parier sur un retour en force du catholicisme chez les jeunes ?
MM : Cette nostalgie du sacré est particulièrement repérable dans les aspirations et les pratiques des jeunes générations. Certes, on ne peut nier qu’il y a une sécularisation croissante dans de nombreux pays. Disons tout net que cette sécularisation est la conséquence du rationalisme des Lumières du 18e siècle et du mythe du progrès qui s’élabora tout au long du 19e siècle. Mais à côté de cette sécularisation il est non moins intéressant d’observer que depuis quelques décennies il y a un retour à des dimensions spirituelles de plus en plus affichées et dont on peut repérer les indices multiples. Par exemple le développement des communautés charismatiques, l’importante renaissance des pélerinages, la reviviscence des communautés monastiques, le tout particulièrement repérable grâce aux divers réseaux sociaux qui fleurissent sur Internet. Il y a dans ces réseaux sociaux des groupes de recherche et d’échange sur la philosophie thomiste, sur la méditation et sur diverses voies d’accès à la contemplation. Voilà quels sont les indices (index, signifie ce qui pointe) du retour en force du catholicisme dans les jeunes générations, qui par après contamine toutes les autres couches de la société.
RJ : Vous insistez sur la tradition qui constitue la source à laquelle s’abreuve l’imaginaire des peuples pour vivre et créer. Quelle est la tradition que vous défendez, est-ce l’immémoriale sophia perennis, celle du christianisme des origines, les traditions populaires des villages, le passé mythique ? Comment peut-on favoriser la transmission de cette tradition aujourd’hui ?
MM : Ainsi que je l’ai souvent indiqué, et tout au début de ma carrière j’y ai consacré tout un livre, le progrès fut le grand mythe du 19e siècle, qui ne l’oublions pas, est l’apogée de la modernité (La violence totalitaire, 1979). Le propre de ce progressisme consistait, en tirant toutes les conséquences de la philosophie de l’Histoire avec Hegel, à se déraciner du passé tout comme de l’espace d’ailleurs, afin d’atteindre le paradis à venir : la société parfaite. Certains bons esprits, je pense en particulier à Karl Löwith n’oubliaient pas de souligner que ce progressisme était la forme sécularisée du messianisme judéo-chrétien. Le paradis n’étant plus à réaliser au ciel, mais devant se concrétiser sur terre, ultérieurement.
C’est ce mythe du progrès qui, en quelque sorte, invalidait la tradition, c’est-à-dire ce qui se rattachait au passé, à la lente sédimentation des cultures humaines. Il me semble, ce que l’on peut résumer avec l’expression de Léon Bloy, « le prophète est celui qui se souvient de l’avenir », qu’au-delà ou en deçà de la recherche futuriste d’un bonheur à venir, il y a de diverses manières un retour de la tradition. C’est cette tradition que le magistère de l’Eglise catholique a jusqu’ici su conserver. Ce qui est particulièrement repérable en effet dans les pratiques populaires enracinées dans les terroirs, celles du culte des saints en particulier ou des multiples pélerinages locaux. Cette tradition est en effet l’expression d’une sagesse populaire, « sophia perennis » qui d’une manière plus ou moins discrète reprend force et vigueur dans les divers festivals ou rassemblements historiques traditionnels, rappelant ce qu’est la force du rythme de la vie, à savoir (rythme : rheein, couler) qu’il ne peut y avoir écoulement qu’à partir d’une source.
Pour reprendre l’oxymore que j’utilise fréquemment, depuis de longues années, la tradition ne peut qu’exprimer l’enracinement dynamique, c’est-à-dire la reconnaissance que comme toute plante, la plante humaine a besoin de racines pour croître et se développer.
RJ : On sait que les relations entre les organisations de la Franc-maçonnerie et l’Eglise catholique sont complexes et même souvent conflictuelles, pour diverses raisons. Vous vous référez souvent à Joseph de Maistre qui était à la fois un catholique intransigeant et un franc-maçon de haut-grade. En quoi la figure de Joseph de Maistre – grand défenseur, lui aussi, de la tradition – vous semble être en prise avec notre temps et pensez-vous qu’une réconciliation entre la franc-maçonnerie et le catholicisme soit possible à court terme ? Cette réconciliation vous semble en tout cas souhaitable, si je vous comprends bien…
MM : Il est certain que les relations entre la Franc-maçonnerie et l’Eglise catholique ne furent pas toujours des relations d’apaisement. Cela dit, dans la diversité des obédiences franc-maçonnes, certaines que l’on qualifie de « régulières » gardent le souci du spirituel, voire de l’ésotérisme comme étant des caractéristiques essentielles de leur manière d’être ensemble.
Joseph de Maistre qui est pour moi toujours une source d’inspiration, a écrit de très beaux textes sur la franc-maçonnerie traditionnelle tout en étant un farouche défenseur de la catholicité. En ce sens ses écrits peuvent aider un rapprochement qui n’est plus une utopie lointaine entre la franc-maçonnerie et l’église catholique. Je rappelle à cet égard un très bel écrit de mon maître Gilbert Durand, Un comte sous l’acacia (réédité in Gilbert Durand, Pour sortir du 20esiècle, CNRS éditions 2010) qui rappelle en des pages inspirées comment la pensée de Joseph de Maistre s’inscrit dans une tradition mystique qui est un élément important de l’église catholique.
RJ : Vous vous dites mécréant mais l’on voit bien à travers vos livres récents que vous vous détachez progressivement de l’orgiasme païen développé dans L’ombre de Dionysos, par exemple, pour vous rapprocher du grand silence des monastères catholiques. Est-ce que, personnellement, vous attendez ou espérez la Grâce ?
MM : Il m’arrive de dire, inspiré en cela d’Auguste Conte et peut-être de Charles Maurras que je suis catholique et non chrétien. Je rappelle que grâce au culte des saints et à la vénération mariale, l’église catholique a maintenu une certaine forme de polythéisme. Dans mon livre L’Ombre de Dionysos, je montre que certains cultes des saints, par exemple Saint Pothin à Lyon, avaient pour origine la vénération d’une divinité ithyphallique que l’église catholique avait su, avec subtilité baptiser, si je peux m’exprimer ainsi. Je pense également que la mystique développée dans les monastères catholiques est tout à fait en phase avec l’esprit du temps postmoderne. Je n’ai pas à exposer ce que j’attends personnellement d’un tel mouvement, d’une telle évolution, mais je rappelle que grâce, ou à cause du mystère de l’incarnation qui est une très belle métaphore, le catholicisme a pu développer ce que j’ai souvent nommé la transcendance immanente. Cette immanentisation de l’invisible dans le visible se retrouve dans la pensée de St Thomas d’Aquin lorsqu’il rappelle qu’il n’y a rien dans l’intellect qui n’ait d’abord été dans les sens (nihil est in intellectu quod non sit prius in sensu).
Dans le livre que je suis en train d’écrire et qui fera suite à La Nostalgie du sacré, m’inspirant du très beau livre du cardin
Ancien officier Breveté de l’Ecole de guerre Source : l’Opinion
Une tribune d’un ancien officier de l’armée de terre, 150 ans après la défaite de 1871 (Reprise dans la lettre de l’ASAF)
Depuis de nombreuses années, nos forces armées interviennent plus qu’efficacement aux quatre coins du globe, faisant l’admiration de nos alliés, la France étant l’un des rares pays à pouvoir projeter un système de forces complet à des milliers de kilomètres de ses bases.
Avec moins de 5 000 hommes, notre pays contient les poussées islamistes au Sahel, fixe une partie de ses ennemis et ceux de l’Occident loin de nos terres sur une superficie équivalente à celle de l’Europe, soit un rapport coût-efficacité exceptionnel.
Mais ces actions admirables cachent une situation critique pour nos armées et laissent entrevoir le spectre inquiétant du Second Empire où des forces expéditionnaires aguerries n’ont pu faire face à la résurgence d’une menace majeure nécessitant de mobiliser des moyens en masse.
A l’heure du retour des Etats-puissance, la France n’est en effet pas prête à un conflit d’ampleur face à une armée conventionnelle classique bien équipée, ce que les spécialistes appellent un conflit « symétrique ».
Aujourd’hui, si notre force opérationnelle terrestre (FOT) de 77 000 hommes, renforcée suite aux attentats de 2015, est sur le papier capable de tenir la dragée haute aux 100 000 hommes véritablement opérationnels de l’armée de terre russe, Moscou dépensant autant que Paris pour sa défense avec des effectifs au moins trois fois supérieurs, il n’en est rien dans les faits.
Tout d’abord par la faiblesse du niveau de préparation opérationnelle de nos armées qui sont marquées par un suremploi et un sous entraînement, embolisées, notamment, par les déploiements de Sentinelle au rapport coût-efficacité discutable. Depuis le lancement de cette opération dite « intérieure », mobilisant jusqu’à 10 000 militaires quotidiennement, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par soldat de l’armée de Terre n’a plus été atteinte, stagnant à 80 jours. De même, les nouvelles normes d’entraînement prévues, destinées à évaluer la capacité des équipages sur cinq matériels majeurs en service dans les forces terrestres – Leclerc, AMX 10RCR, VBCI, VAB et CAESAR – n’ont été réalisées qu’à 57 % en 2019. Or, l’efficacité d’une armée en opérations, qui plus est dans un conflit majeur, est d’abord le fruit de la résilience de ses petites unités, des groupes primaires au sens sociologique, là où tout le monde se connaît et partage le même quotidien. Or, cette résilience ne se décrète pas le jour du péril venu, quels que soient le soutien de la population et la motivation initiale des troupes. Elle se forge à travers des entraînements exigeants qui permettent aux individus de se connaître individuellement et collectivement comme de développer leur confiance en eux, en leur unité, à travers la maîtrise parfaite de systèmes d’armes de plus en plus complexes nécessitant un haut niveau de coordination. N’oublions jamais cette citation de Napoléon rappelant qu’ « À la guerre les trois quarts sont des affaires morales ; la balance des forces réelles n’est que pour un autre quart. », la sueur lors des entraînements épargnant le sang et le défaitisme lors des combats.
Ce sous entraînement chronique est aggravé par le manque de disponibilité des matériels, notamment les hélicoptères de manœuvre et les avions de transport dont à peine plus d’un sur deux est en état de voler ou les véhicules blindés de transport de troupes et de combat d’infanterie dont un sur trois ne peut sortir des hangars.
Cette situation est le fruit d’un sous-investissement récurrent du pays dans sa défense, pourtant assurance-vie de la Nation. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que tous les économistes s’accordent sur le fait qu’un euro investi dans les forces armées rapporte à l’économie nationale entre un et deux euro(s), à court comme à long termes, grâce à une base industrielle et technologique de défense (BITD) performante, aux emplois très peu délocalisés et à forte intensité technologique, ce qui irrigué en aval beaucoup de secteurs d’activité dans une logique keynésienne toujours ici opérante. Nous sommes ainsi passés d’un effort de 5 % du produit intérieur brut (PIB) au début des années 60à 1,8 % aujourd’hui.
Si des déclarations ambitieuses sont régulièrement effectuées par les gouvernements successifs, notamment lors de la définition des lois de programmation militaire (LPM) quinquennales, laissant à penser aux citoyens que les efforts sont consentis et qu’ils sont bien défendus, le compte n’y est pas. Les lois de finances annuelles rabotent systématiquement les trajectoires prévues à tel point qu’aucune loi de programmation n’a été respectée depuis 1985 ! Et celle en cours 2019 – 2025 n’échappera vraisemblablement pas à la règle, l’essentiel des ressources additionnelles étant prévues à compter de… 2023. Tous les 5 ans, c’est ainsi une année d’investissement en équipements qui est perdue, soit une dizaine de milliards d’euros. Non seulement nos armées disposent de matériels vieillissants dont le coût d’entretien explose, mais les décalages successifs dans les livraisons de matériels neufs augmentent le coût unitaire de chacun, les coûts fixes des chaînes de montage des industriels perdurant, ces deux phénomènes ne faisant qu’accentuer la pression budgétaire. Ainsi, le coût unitaire des frégates multimissions (FREMM) de la Marine nationale a‑t-il augmenté de 67 % entre la commande initiale et aujourd’hui, le volume étant passé de 17 exemplaires à 8 à coups d’étalements successifs des livraisons.
Si la tendance actuelle se poursuit, nous passerons d’une baisse conjoncturelle de l’effort de défense, récurrente dans l’Histoire au gré des tensions géopolitiques, à un déclin structurel qui met en péril notre souveraineté dans son essence même, soit notre liberté en tant que peuple. La différence entre ces deux notions ? Dans un premier cas, on limite le volume et/ou l’engagement de nos forces sans compromettre nos capacités à les régénérer sur court préavis, soit le maintien de capacités industrielles et de compétences technico-tactiques, dans l’autre, on renonce à des pans entiers de notre assurance-vie qui ne peut être que tous risques, nos adversaires profitant de toutes les failles d’une police d’assurance au tiers. Pourquoi ? Parce que, n’ayant plus la maîtrise technologique pour concevoir et produire toute la palette des systèmes d’armes nécessaires pour faire face à l’éventail des menaces, nous devenons dépendants d’éventuels alliés de circonstance.
Aujourd’hui, alors que la branche énergie d’Alstom, qui fabrique les turbines de nos sous-marins nucléaires et du porte-avions Charles de Gaulle, est passée sous pavillon américain, pourrions-nous encore nous opposer à Washington comme en 2003 alors que notre effort de défense était indépendant de la bonne volonté des Etats-Unis ? Si quelques années de négligence suffisent à remettre en cause une défense autonome et crédible, il faut au moins une génération pour retrouver les compétences et les capacités pour concevoir puis produire des systèmes d’armes de pointe. Ainsi, 30 ans après la chute de l’Union soviétique, la Russie de Poutine ne parvient toujours pas à recouvrer son autonomie stratégique en dépit des discours nationalistes et d’efforts financiers colossaux, le budget de la défense russe ayant augmenté de plus de 200 % depuis 2000. Pour preuve, la mort dans l’âme, Moscou a dû consentir à l’achat de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la France, membre de l’OTAN, en 2010, avant que cette vente ne soit annulée en 2015 par Paris suite à l’invasion de la Crimée par les forces russes. La Russie paie encore les conséquences de dix ans de relâchement de son effort de défense.
La France entame ainsi aujourd’hui de funestes choix qui remettent en cause notre capacité de défense « tous azimuts » pendant que les périls montent et qu’il n’y a plus de frontières aux menaces. Alors qu’un effort salutaire a été consenti pour doter les armées françaises de capacités offensives dans ce nouveau champ de bataille qu’est le cyberespace, effort qui reste à décliner sur le terrain tant les systèmes d’armes sont aujourd’hui digitalisés au plus bas niveau tactique, nos forces conventionnelles pâtissent toujours de trous capacitaires en cas d’engagement majeur. Si nos militaires sont enfin équipés en drones armés et de surveillance, ils dépendent toujours du bon vouloir de Washington au Sahel, notamment en matière de transport aérien tant stratégiqueque tactique, tout cela pour un déploiement, rappelons-le, de moins de 5 000 hommes. Si la livraison des dernières FREMM est prévue à l’horizon 2025, à supposer qu’aucun coup de rabot n’intervienne dans l’intervalle, notre Marine manque cruellement de moyens pour contrôler notre zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de km2, la deuxième au monde, soit de patrouilleurs hauturiers, le programme qui figurait dans la LPM 2014 – 2019 ayant été reporté faute de moyens. Or, les enjeux sont colossaux, tant géopolitiques qu’économiques, nos fonds marins abritant des ressources considérables et stratégiques au XXIe siècle, aiguisant les convoitises, comme les fameuses « terres rares » nécessaires à notre monde de plus en plus digitalisé, mais aussi environnementaux, la France abritant, en grande partie grâce à cette ZEE, 10 % de la biodiversité mondiale.
Face au tragique du monde et aux enseignements de notre passé, gardons en mémoire qu’un relâchement de notre effort de défense se paie tôt ou tard très cher, par un asservissement et tant de sueur, de sang et de larmes pour tenter de recouvrer notre indépendance. La responsabilité d’hommes et de femmes d’Etat qui pensent à la prochaine génération avant la prochaine élection est de préparer en permanence l’imprévu comme l’impensable, soit de préparer un « conflit de survie » engageant toutes les forces vives du pays à commencer par nos forces militaires. Notre liberté n’a pas de prix. « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. » affirmait Charles De Gaulle.
Ah, la peur généralisée, depuis la merveilleuse expérience de la terreur en 1793, on n’a jamais cessé d’affiner le concept avec, il faut le reconnaître, moins d’effusion de sang aujourd’hui et plus de fantasmes
Mais la peur, reste un excellent outil de conditionnement que savent utiliser intelligemment les libéraux qui ont mis en place, là aussi comme une liberté nouvelle, le concept d’individualisme.
Belle trouvaille que cette notion d’individualisme qui affranchit l’Homme de toute tutelle et lui permet de décider seul de ses choix. Mais malheur à l’homme seul, car sa solitude le rend fragile devant les prédateurs. Il ne s’agit pas de nier ici l’existence de la personne individuelle, mais seulement de rappeler que l’Homme est un animal social, ce qui lui donne l’avantage de pouvoir construire une société, laquelle est naturellement fondée sur la solidarité, et qu’elle suppose une organisation structurée. Du reste il est significatif de constater que cette revendication individualiste induit paradoxalement des comportements formatés, grégaires, uniformes, délateurs et accusateurs envers ceux qui s’exposent en nageant à contre-courant. Cet individualisme se transforme alors en une marée conformiste, et la peur aidant, agressivement intolérante à toute sorte de manquement aux règles édictées par les « sachants » élus sans doute par « la main invisible »
Ce ne sont plus, aujourd’hui, « les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics », qui provoquent « le regard oblique des passants honnêtes », mais ceux qui se promènent dans la rue sans masque.
La peur vous dis-je !
Cela me rappelle un roman de Bradbury où la population est contaminée par une plante extraterrestre qui annihile la pensée et contrôle l’humanité : pour passer inaperçu dans la foule, et ne pas être lynché, il faut afficher un visage inexpressif, un masque en somme. La peur est un excellent stimulant pour l’obéissance aveugle à une autorité non incarnée, ce qui donne le sentiment trompeur d’être autonome.
Le meilleur des mondes du visionnaire Aldous Huxley ne nous dit pas autre chose : Dans ce monde, nous sommes sur le chemin du rêve transhumaniste et le Soma, une drogue bienfaisante, accompagnée par une libération sexuelle médicalement et digitalement assistée, permet d’être éternellement heureux. Ce roman décrit aussi une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, les évasions et les rêves proscrits. Bref, une dictature parfaite, comme aimeraient nous l’offrir ceux qui dirigent et pensent le monde pour nous. Les peuples encombrants et remuants, les gaulois réfractaires, doivent être anesthésiés et obéissants.
Ainsi pourra-t-on contrôler la démographie, brasser les populations arrachées à leurs cultures (cancel culture et décolonialisme) et gérer la production et la consommation pour une société parfaite et harmonieuse.
C’est du reste ici que se rencontrent le courant libéral et le courant libertaire. La galaxie bobo, urbano-écologiste, anti-spéciste, LGBTXY, pacifiste en principe, mais prête à cautionner les pires violences quand c’est un Français mâle, blanc, hétérosexuel qui est la cible. Cette galaxie voit tout l’intérêt de participer à une société post-moderne contrôlée par le capitalisme mondial anonyme.
Philippe de Villiers, dans son dernier ouvrage nous révèle, ce que certes nous savions déjà, mais ici avec des arguments étayés que : « Big pharma, Big data, Big finance, la fondation Bill Gates, le Forum de Davos, composent une sorte de directoire d’influence mondiale supérieur aux puissances publiques. » Il nous apprend aussi que, si aucune preuve n’indique que le virus du COVID 19 a été volontairement diffusé à partir du labo de Huan, il apparait pour l’élite globalisée comme une aubaine. C’est ce que dit notamment Klaus Schwab, le fondateur et président du forum économique mondial de Davos ; C’est écrit dans son manifeste : Covid 19, la grande réinitialisation, ou « Great Reset »
Évidemment, (peut-être même ici), va-t-on crier au complotisme, pourtant, lorsque Philippe de Villiers annonce cela sur les plateaux télé, personne ne moufte ; Il n’y a pas de scandale et bien sûr il n’y a pas eu d’assignation au tribunal, pour la bonne raison que le projet est affiché au grand jour par cette élite et porté plus particulièrement par le très sérieux et très influent Klaus Schwab.
Ainsi donc, il y a bien un complot, mais un complot si j’ose dire à ciel ouvert, brandi sans complexes par les comploteurs eux-mêmes, avec le soutien des chefs d’état occidentaux pour lesquels la doctrine libérale est incontournable.
Quoi faire ?
La Révolution, résume Maurras, « nous a fait passer de l’autorité des Princes de notre sang » sous celle « des marchands d’or »
Alors, on peut se demander où cela va finir ? Et quelles parades on peut opposer à cet abandon une à une de toutes les protections du peuple, ce peuple que chez nous on appelle le pays réel.
On voit bien que Macron avec ses « pieds nickelés et poings liés », lui-même issu de la banque est complètement acquis à l’idéologie libéro mondialiste. Quant à Marine Le Pen, dont on ne peut contester le patriotisme, elle semble aussi fragile qu’un roseau face au vent moderniste, jusqu’à s’accommoder avec plus ou moins bonne grâce de l’autorité de Bruxelles qui devient fréquentable. Elle rêve d’être de son temps et porte comme un fardeau tout ce qui peut rappeler la vieille France. Et si elle accepte une certaine forme de nationalisme, c’est bien sûr le nationalisme jacobin auquel elle pense. On ne lui signera certainement pas un chèque en blanc.
Nous devons donc œuvrer pour la restauration de l’État, et pas n’importe quel état, mais l’État royal qui dispose de l’indépendance face aux lobbies et autres groupes de pression y compris les plus puissants sur le plan international, à la manière des capétiens. A ce sujet, pour ceux qui pensent que l’État ne pèse guère face aux superpuissances oligarchiques, qu’ils sachent, qu’un état fort dispose du droit à l’exercice de la violence légitime. Un de mes fils me racontait l’autre jour, un passage d’une saga, qui semble être assez prisé par la jeunesse d’aujourd’hui, en français « jeu de trônes », où un riche marchand, chargé en outre de la gestion des finances du royaume, expliquait à la jeune reine de ce pays, que sans lui elle n’était rien, et que c’était lui qui possédait tout pouvoir de décision. Après qu’il eut fini sa démonstration, la reine appela ses gardes et leur ordonna : « mettez cet homme à mort » et le riche bourgeois d’implorer aussitôt à genoux la clémence de la reine » On retrouve dans ce récit l’esprit capétien qui s’est toujours exercé avec ceux qui prétendaient dominer l’État. Le roi dispose de l’indépendance garantie par la violence légitime, mais aussi de la durée et de la légitimité historique.
Le roi capétien est empereur en son royaume.
La dimension sociale reste au cœur du rôle protecteur du chef de l’État, il faut donc, comme le fit Colbert en son temps, redonner du sens au monde du travail en révélant son potentiel dynamique et créatif en le préservant et le protégeant. Et l’État, dans ce domaine ne doit pas développer une bureaucratie couteuse et pléthorique, mais faciliter la réorganisation du travail par les travailleurs eux-mêmes, par métiers et filières.
Un mouvement comme le nôtre, composé sociologiquement d’un nombre important de corps de métiers devrait pouvoir intégrer les organisations syndicales et mutualistes sans se laisser embarquer, voire même corrompre par des considérations idéologiques. De même, le monde des PME doit être investi, et beaucoup d’entre nous sont déjà parties prenantes.
Chers amis, il nous appartient d’observer attentivement aujourd’hui les bouleversement politiques, économiques et sociaux qui rendent la République de plus en plus fragile, et ça ne sera pas de notre fait, la rendant incapable de protéger la France qui la subit du reste depuis deux cents ans comme la tunique de Nessus. La tentative imminente qui s’annonce de dissoudre la France et les autres nations, dans un amalgame, sans caractère, sans histoire, sans originalité, sans culte ni culture, sous surveillance d’un ordre capitaliste mondial échouera, tant qu’il restera dans ce pays quelques vrais Français. Il nous appartient à nous, l’Action française de les fédérer, pour renverser cette société idéale rêvée par les grands libéraux qui œuvrent depuis les lumières, et qui n’est en réalité que la société du veau d’or.
Le combat sera dur et épuisant, mais nous arrivons à l’âge des héros, et je laisse la conclusion à Pierre Boutang :« L’âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n’est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche : même aux âges simplement humains, où les familles, lassées de grandeur, confiaient à quelque César leur destin, à charge de maintenir le droit commun, le pouvoir reconstruit gardait quelque saveur du monde précédent. Notre société n’a que des banques pour cathédrales ; elle n’a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n’y a, d’elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »
Nul ne l’ignore, la devise de la République française est Liberté, Égalité, Fraternité. La triade a son importance car la Liberté sans l’Egalité, c’est la licence; l’Égalité sans la Liberté, c’est la tyrannie; or la Liberté et l’Egalité avec la Fraternité, voilà qui évite les impasses dans lesquelles conduisent la Liberté seule ou l’Égalité seule.
Les États-Unis, par exemple, ont le souci de la Liberté sans l’Egalité et Cuba celui de l’Egalité sans la Liberté. La droite aime la Liberté mais ne se soucie guère de l’Egalité; la gauche vénère l’Egalité mais se moque bien souvent de la Liberté.
Mais qui parle de la Fraternité? Qui et quand? C’est le parent pauvre de la République, or ce devrait être la valeur cardinale autour de laquelle réconcilier les français des deux bords et d’ailleurs. Si l’on veut, comme c’est mon cas, défendre la liberté comme la droite et l’égalité comme la gauche, alors une politique de la Fraternité permet de réunir les deux rives du même fleuve.
Le covid révèle nombre de choses sur l’état de notre pays, de l’Europe et de notre civilisation, dont cette évidence que la Fraternité est devenue le cadet des soucis de la plupart. On sait que le gouvernement au service de l’État maastrichtien a failli. La débandade de cet empire néo-libéral en formation apparait désormais dans le plein jour de l’Histoire: les pays se sont repliés sur eux-mêmes pour faire face au traitement de la pandémie. A la première pluie, chaque État est rentré chez lui pour se sécher… Face à l’Italie qui sombrait et la France qui perdait pied, l’Allemagne a retrouvé le chemin du nationalisme intégral.
Le chef de l’État français a tergiversé, c’est le moins qu’on puisse dire… Depuis janvier 2020, il y a donc tout juste un an, quiconque voulait savoir pouvait savoir: ce serait bel et bien une pandémie planétaire, la Chine n’aurait pas, sinon, confiné une ville de onze millions d’habitants…
Macron n’a pas protégé les Français, aveuglé par son idéologie doublée par son incroyable égotisme: il donne l’ordre d’aller chercher les expatriés français en Chine et offre une permission aux militaires ayant assuré le rapatriement sanitaire; il laisse les avions en provenance d’un pays contaminé effectuer leurs innombrables rotations en déversant chaque jour des centaines de touristes chinois potentiellement contaminés sur le territoire français; il proclame avec force l’inutilité des masques parce que l’impéritie des gouvernements maastrichtiens, dont il est solidaire, a renoncé aux stocks; il aurait pu affirmer que cette pénurie dont il n’était pas directement responsable nous obligeait à fabriquer des masques maisons à partir d’un tuto fourni par le ministère de la santé, c’eut été une variation sur le thème des taxis de la Marne, il ne l’a pas fait; il n’a pas fermé les frontières sous prétexte que le virus les ignorait, aujourd’hui il reconnait les frontières: entre les individus, entre les villes, entre les régions, entre les pays, entre les continents; il décrète l’interdiction des remontrées mécaniques au sport d’hiver et celle des salles de spectacle en même temps qu’il autorise l’entassement dans les avions et les aéroports, mais aussi dans les gares et dans les trains; il laisse les supermarchés ouverts, il ferme les petits magasins; il décrète une vaccination massive avant d’inviter à se hâter lentement faute d’avoir prévu, là encore, l’achats des doses; il décide seul dans un bunker entouré de Diafoirus à la Légion d’honneur dans un total mépris des élus (maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux, présidents de région, députés, sénateurs), et dans le plus profond mépris et de la démocratie et de la république; il contracte le virus dans une soirée de politique politicienne donnée à l’Élysée qui jette par-dessus bord les mesures sanitaires - plus nul que ça, tu meurs…
On dira que la Fraternité n’est pas le souci prioritaire de ce président de la République. Il est vrai que cette vertu suppose sympathie, empathie, estime d’autrui, affection, et que toutes ces qualités ne passent pas pour saillantes chez cet homme glacial quand on n’a pas un genou en terre devant lui.
Mais il est plus étonnant de voir que cette Fraternité semble également le cadet de soucis du moraliste André Comte-Sponville assez remonté (contre moi à qui il a envoyé un mail de remontrance très professoral…) qu’on comprenne bien, hélas, ce qu’il dit! Car il n’a pas été fuyant, il écrit et parle clairement, c’est d’ailleurs l’une de ses vertus, quand il s’adresse aux jeunes dans la matinale d’Europe 1 en leur disant: «Ne vous laissez pas faire! Obéissez à la loi mais ne sacrifiez pas toute votre vie à la vie de vos parents et de vos grands-parents. Résistez au pan-médicalisme, au sanitairement correct et à l'ordre sanitaire qui nous menace.» Avant de conclure: «On ne peut pas sacrifier indéfiniment les libertés à la santé des plus fragiles, donc des plus vieux.» (15.X.2020)
Il remet le couvert à France-Info: «On vit dans une société vieillissante. Or, plus on vieillit, plus on est fragiles en termes de santé. On a donc tendance à faire passer la santé avant tout, car nous sommes à mon âge plus fragiles que les jeunes. Il y a un cercle vicieux: puisqu’on fait de la santé l’essentiel, on privilégie les plus fragiles, c’est-à-dire à nouveau les plus âgés. Mais l’avenir de nos enfants est pour moi encore plus important. Je me fais davantage de souci pour l’avenir de nos enfants que pour ma santé de quasi septuagénaire.» (10.XI.2020)
Pas besoin d’être agrégé de philosophie pour comprendre qu’André Comte-Sponville invite les jeunes à ne pas se sentir concernés par «l’ordre sanitaire», autrement dit: le confinement, les gestes barrières, le port du masque, l’usage du gel hydro-alcoolique. Certes, en bon sophiste qui manie à ravir la rhétorique normalienne, il a pris soin de préciser en amont qu’il fallait obéir à la loi. Mais comment obéir et résister en même temps? Sans la citer, il emprunte cette idée au philosophe Alain, dont il est l’un des disciples, et qui, dans l’un de ses célèbres Propos d’un Normand daté du 4 septembre 1912, invitait à «obéir en résistant». Or, on sait par la récente publication de son Journal longtemps inédit qu’Alain obéissait plutôt sans vraiment résister ce qui lui fait opter pour de mauvais choix dans les années d’Occupation… Sachant cela, on devrait éviter d’utiliser l’outil d’Alain, il est ébréché, émoussé, pas fiable.
Quand l’impératif catégorique sponvillien lancé à destination des jeunes est: «ne vous laissez pas faire», que croit-il que les jeunes en question vont comprendre eux qui ne possèdent pas les Propos d’un Normand sur le bout des doigts?Qu’ils vont obéir en résistant? Il se trompe lourdement, voilà qui est trop subtil et d’ailleurs intenable, sauf à résister mentalement tout en se soumettant dans les faits… Non, ils vont résister en désobéissant et ils auront pour eux la caution de l’auteur du Petit Traité des grandes vertus.
Par ailleurs, André Comte-Sponville écrit: «On ne peut pas sacrifier indéfiniment les libertés à la santé des plus fragiles, donc des plus vieux.» Autrement dit: d’abord la liberté, ensuite la santé des vieux. Ce qui veut dire, plus clairement: je revendique l’exercice de ma liberté, c’est-à-dire le pouvoir de faire ce que je veux, fut-ce au détriment de la santé des vieux! S’ils doivent mourir, ils mourront, il est de toute façon pour eux l’heure d’y songer prestement. Et le philosophe de faire semblant de se sacrifier en rappelant qu’il est quasi septuagénaire et qu’il «préfère attraper la covid-19 dans une démocratie plutôt que de ne pas l’attraper dans une dictature». Mais il ne lui est pas venu à l’esprit qu’il pouvait aussi préférer ne pas attraper le covid dans une démocratie qui l’en protégerait? Il semble que non…
Car on ne peut exciper du peu de morts dus au covid, comme le fait André Comte-Sponville pour asseoir sa démonstration, et oublier que, c’est justement parce qu’il y a confinement et politique sanitaire planétaire qu’on peut à cette heure, fin janvier 2021, ne déplorer que deux millions de morts dans le monde. C’est une erreur de causalité de dire: la mortalité étant très basse, cessons donc cette politique sanitaire qui ne sert à rien puisque c’est très exactement cette politique sanitaire qui produit ce taux de mortalité bas. Paralogisme dirait-on rue d’Ulm. Nul besoin de mettre le chiffre des morts du covid en relation avec ceux de la peste au moyen-âge, des morts par cancer, des accidents vasculaires cérébraux ou des infarctus contre lesquels il n’existe pas de prévention possible, sauf salamalecs de nutritionnistes et prêches des vendeurs de statines… Quant à confisquer les morts de faim, il n’est pas très cohérent de les déplorer quand on proclame son engagement aux côtés des socio-démocrates en général, et de Macron en particulier, une sensibilité libérale dont les morts par malnutrition dans le monde sont le cadet des soucis puisque la paupérisation est le premier de ses effets!
La même logique anime Nicolas Bedos qui, le 24 septembre 2020, publie un texte explicite sur les réseaux sociaux: «Vivez à fond, tombez malades, allez aux restaurants, engueulez les flicaillons, contredisez vos patrons et les lâches directives gouvernementales. Nous devons désormais vivre, quitte à mourir (nos aînés ont besoin de notre tendresse davantage que de nos précautions). On arrête d’arrêter. On vit? On aime. On a de la fièvre. On avance. On se retire de la zone grise. Ce n’est pas la couleur de nos cœurs. En ce monde de pisse-froids, de tweets mélodramatiques et de donneurs de leçons (!), ce texte sera couvert d’affronts, mais peu m’importe mes aînés vous le diront: vivons à fond, embrassons-nous, crevons, toussons, récupérons, la vie est une parenthèse trop courte pour se gouter à reculons.» Il avait raison, probablement au-delà même de ce qu’il imaginait: ce texte de donneur de leçons fut en effet couvert d’ordures par les donneurs de leçons…
Inutile d’en rajouter. L’argumentation s’avère toujours préférable.
On ne saurait comme le fait Nicolas Bedos opposer la tendresse et les précautions parce que, pour nos aînés justement, la tendresse est une précaution et la précaution une tendresse.
De même, quand il invite à ne pas respecter le confinement, sauf avec des parents très fragiles, il oublie qu’il n’y a pas que soi et les parents au monde quand on est avec eux, car il y a aussi sur son visage, ses mains, ses vêtements, ses cheveux, sa peau, les virus du restant du monde qu’on aura côtoyé, touché, caressé, tripoté, croisé, palpé, trituré avant de visiter ses anciens qu’on risque ainsi de contaminer. Dans le tête-à-tête avec un parent âgé, il y a entre lui et nous ce que l’on aura rapporté du métro, du taxi, des poignées de portes, des boutons d’ascenseur, des touches de digicode, des pièces et des billets récupérés chez les commerçants, des courses rapportées du marché, du journal: la charge virale mortelle pour les plus fragiles, mais pas seulement.
Idem pour Frédéric Beigbeder qui, dans Les Grandes Gueules (5.V.2020), affirme: «Je ne comprends pas cette soumission des citoyens qui ont obéi de manière aussi docile… En voulant se protéger de la mort, on supprime la vie en ce moment. Cette trouille nous empêche de vivre alors moi je pense que… on l’a fait pendant deux mois, c’était très utile, c’était très bien, (…) mais maintenant ça fait deux mois ça fait plus qu’au Moyen Age les gars, au Moyen Age c’était quarante jours, là on en est à cinquante! Il faut exiger de récupérer toutes nos libertés le plus tôt possible, le prix à payer est trop cher pour cette maladie: je prends un exemple, quand y’a eu des terroristes qui ont descendu tout le monde au Bataclan et qui ont attaqué les terrasses des cafés, qu’est-ce qu’il s’est passé, on a continué à vivre comme avant, on n’a pas arrêté d’aller aux terrasses des cafés. Pourquoi est-ce qu’un virus obtient plus de résultats que des terroristes assassins, y’a un moment il faut prendre conscience de ce qu’on est en train de perdre!»
Laissons de côté l’usage un peu obscène de la tragédie terroriste du Bataclan effectuée par l’écrivain, car elle n’a pas causé deux millions de morts sur la planète et ne menace pas d’en faire autant si rien n’est fait - comparaison n’est pas raison, ici, c’est même franchement déraison. Frédéric Beigbeder ajoute: «Ne supprimons pas toute notre civilisation pour une pneumonie»! On peut se demander: qu’est-ce que «toute (sic) notre civilisation» pour l’auteur de 99 euros? Il donne sa réponse même s’il glisse de la civilisation à la culture (les philosophes allemands n’aimeraient pas…): «C’est la fin de la culture des bars, des terrasses, des discothèques.»
Si la civilisation ici confondue à la culture ce sont les bistrots où l’on picole la «vodka haut-de-gamme» écoresponsable qu’il vient de mettre au point et qu’on trouvera, nous dit-on, à La Closerie des Lilas, les terrasses germanopratines où l’on mate les filles et les discothèques où l’on sniffe de la coke, en effet, le confinement est blâmable comme la prison des fascismes rouges ou bruns parce qu’il met en péril nos libertés fondamentales de boire, de draguer, de se camer, autrement dit: de se civiliser et de se cultiver selon la définition qui s’en trouve donnée dans les beaux quartiers de Paris!
Que périssent en effet les plus fragiles si les plus forts peuvent vivre à leur guise, boire, manger, sortir, danser, flamber leur argent, sniffer de la poudre, en confondant licence, qui est revendication de faire ce qu’on veut, quand on veut, comme on veut, et liberté, qui est pouvoir de faire ce que la loi issue de la souveraineté populaire a édicté ou n’a pas interdit. La licence est le tropisme de l’enfant roi; la liberté, la conquête du citoyen après que la révolution française eut aboli la théocratie et le pouvoir des seigneurs sur leurs serfs.
Autre philippique contre le confinement, le court livre de BHL, moins de cent petites pages avec gros caractères qui semblent destinés aux malvoyants: Ce virus qui rend fou. La thèse est simple: ce virus n’est pas le problème, le problème c’est «le virus du virus», autrement dit la réaction inappropriée du monde entier avec ses mesures sanitaires pensées, via Foucault abondamment sollicité, comme une menace pour les libertés fondamentales.
On a vu que, chez Nicolas Bedos ou Frédéric Beigbeder, ces fameuses libertés fondamentales qui, menacées, autorisent qu’on en appelle à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et, c’est nouveau chez BHL, à La Boétie, sont: la possibilité de s’installer aux terrasses des cafés pour y boire de l’alcool, celle de craquer son argent dans des restaurants, celle de danser et de draguer, sinon de se camer dans des boites de nuit, ajoutons à cela celle de prendre des avions pour voyager partout sur la planète tout en invitant à en prendre soin bien sûr... La trace carbone, c’est tout juste bon pour ces nazis de Gilets Jaunes!
BHL écrit sous quel signe il réfléchit aux raisons de «cette extraordinaire soumission mondiale». Révolutionnaires de tous les pays, amusez-vous, voici une révélation, c’est Lui qui parle: « j’avais avec moi, toujours précieux, mon (sic) Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie». J’aime que, dans son domicile de Saint-Germain-des-Prés, son Ryad marocain, son appartement new-yorkais, son autre domicile à Tanger, l’ancien nouveau philosophe qui affirme « J’ai trop de maisons et il y a trop d’endroits où il me faut être dans le monde», nous apprenne qu’il ne se déplace jamais sans son La Boétie dans la poche. Lui qui ne côtoie que des puissants, on imagine qu’il se sert souvent de cet auteur que les puis
Anne Coffinier n’est pas une inconnue pour ceux qui suivent habituellement le site https://www.actionfrancaise.net. Après avoir été remerciée par le conseil d’administration de la fondation pour l’école dont elle était elle-même la principale fondatrice, Anne Coffinier diplômée de Normale sup et de l’ENA a fondé la Fondation Kairos pour l’innovation éducative dans le but de soutenir et développer les écoles hors contrat basées sur la liberté pédagogique et libérées des contraintes d’une administration national centralisée, souvent fort éloignée du terrain.
Anne Coffinier a publié une tribune dans le magazine Marianne, dont voici les principaux éléments :
Avec le Covid et l’essor de la conscience écologique, nous sommes de plus en plus nombreux à nous sentir une vocation de néo-ruraux. Le luxe, c’est le temps, c’est l’espace, comme dit la publicité. C’est aussi l’air pur et la beauté. Le retour à la terre, au charnel, à l’enracinement, l’écologie et la permaculture, en réaction à ce monde d’arrachement et de virtualisation des relations…. Bien sûr, bien sûr ! Mais la ruralité en 2021, c’est aussi la cohabitation hasardeuse avec ceux qui n’ont jamais quitté leur vallée ou leurs montagnes et qui ne comprennent pas la passion soudaine des citadins à venir jouer les Jean de Florette là où eux-mêmes peinent à vivre et à faire encore société. La grande ruralité, c’est aussi les territoires en forte déprise démographique, où la couverture internet est capricieuse quand elle n’est pas inexistante, où les services publics sont réduits à la portion congrue, la vie culturelle minimaliste, les transports chronophages…
L’ÉCOLE RURALE EN DANGER
Ce qui est certain, c’est que la grande ruralité n’a pas d’avenir si elle ne trouve pas le moyen de garder ou d’attirer des jeunes familles sur son territoire. Et ça passe d’abord par les écoles. La Fondation Kairos pour l’innovation éducative vient d’organiser un séminaire-action sur ce sujet à l’Institut de France, réunissant des élus ruraux et nationaux, des créateurs et développeurs d’écoles pour identifier les moyens d’assurer l’avenir de l’école rurale.
L’école rurale, et nous n’en sommes peut-être pas assez conscients, est l’archétype même de l’école communale, qui a d’ailleurs été historiquement pensée et conçue pour le monde rural. Aujourd’hui encore, 20% des élèves étudient en ruralité et 34% des écoles en France sont rurales. Pour le chancelier Darcos, président de la Fondation et ancien sénateur de Dordogne, « l’école rurale est un mythe au sens barthésien du terme de l’histoire française. (…) L’école est conçue comme le lieu scolaire mais aussi le lieu central de la commune. »
C’est dans cette école à classe unique ou multiniveaux que tant d’inventions pédagogiques ont été faites et cette formule pédagogique donne aujourd’hui encore, pour le primaire, de meilleurs résultats que ceux des écoles de centre-ville. En revanche aujourd’hui, à la différence des écoles normales, les INSP ne forment hélas plus à enseigner dans ce type de contexte pédagogique, en classes multiniveaux, avec une forte implication dans la vie communale. Ce sont des traditions fécondes qui sont ici menacées.
Malgré son succès académique et son importance pour la vitalité du village dans son ensemble, les écoles rurales sont fermées à tour de bras, selon une logique de rationalisation budgétaire, l’étape intermédiaire étant souvent le regroupement des enfants en RPI (regroupement pédagogique intercommunal). C’est souvent un drame. Les familles ne sont pas prêtes à faire des kilomètres et finissent par abandonner leur village parce qu’il n’a plus d’école. Ces fermetures ont été décidées unilatéralement par l’Éducation nationale, qui, comme l’explique Max Brisson, sénateur des Hautes-Pyrénées et inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, se pense (à tort) comme une administration régalienne et n’a pas la culture de la concertation et de la contractualisation avec les territoires. Comme l’explique David Djaïz, haut fonctionnaire et essayiste, il faudrait faire davantage confiance aux acteurs et davantage coopérer que nous ne le faisons aujourd’hui, et définir les RPI ou la carte scolaire en étroite coordination avec ces élus locaux. Mais, comme le disent les sociologues des organisations Oivier Borraz et Henri Bergeron : « La France est un pays saturé d’organisations mais qui organisera les organisations ? »
Face à ces logiques administratives brutales, des acteurs de terrains se battent pour préserver leurs classes, innover et expérimenter. Encore faut-il que l’État laisse les territoires expérimenter et déroger aux lois générales, comme c’est toléré de la part des territoires de REP+ en banlieues. C’est ce que réclament les élus locaux, tel le député du Loiret, Richard Ramos, ou Valentin Josse, maire et vice-président du conseil départemental de Vendée, qui dit ne rien attendre d’autre de l’État que la latitude nécessaire pour expérimenter au niveau local.
« Je crois au pluralisme des solutions, dit le sénateur Brisson. Il faut sortir donc d’une culture au cordeau et à l’équerre. (…) Faire de vraies conventions issues du terrain et non pas descendant de la rue de Grenelle et imposée aux territoires (…) La confiance de ces derniers est érodée car les conventions de ruralité ont souvent été le faux nez pour fermer les écoles. » Et Xavier Darcos, ancien ministre de l’Éducation nationale, d’abonder à ces propos girondins : « c’est une utopie que de croire qu’on puisse depuis Paris gérer de manière unique et totale l’ensemble du système éducatif. »
LES ÉCOLES LIBRES, UNE SOLUTION ?
Certains élus ont su soulever des montagnes pour innover localement malgré la pesanteur administrative de la capitale. Ainsi Sophie Gargovitch a‑t-elle sauvé de la fermeture son école de village en la convertissant son école publique en école Montessori, ce qui a convaincu de nombreuses familles, de nouveaux commerces et professions libérales de venir s’installer chez elle, à Blanquefort-sur-Briolance dans le Lot-et-Garonne… C’est aussi le cas de Tursac en Dordogne.
Mais la plupart des expériences innovantes de redynamisation scolaire de village ruraux se sont réalisées à travers la création d’écoles libres, à l’initiative ou avec le fort soutien de la municipalité.
Le sénateur Max Brisson a souligné lors du colloque de la Fondation Kairos que « la guerre scolaire est un luxe qu’on ne peut pas se payer dans un territoire en grande déprise démographique. » Fonder une école libre est évidemment une solution pragmatique, pour assurer la continuité scolaire, se substituer à l’école publique fermée par l’État, et développer une offre scolaire au plus près des attentes des parents locaux et des atouts du territoire.
« Pourtant, ces actions de revitalisation rurale ne reçoivent aucun encouragement ni aucun financement public »
C’est ainsi que se sont développées de nombreuses écoles libres associatives à l’instigation directe de maires ruraux déterminés à rouvrir leur école. Comme l’école libre Montessori de Saint-Pierre-de-Frugie ouverte par Marcel Chabaud, dans le cadre d’un projet global donnant une forte place au patrimoine et à l’écologie. Son initiative intégrée a rencontré un succès exceptionnel et a conduit le village à passer de 360 à plus de 500 habitants. Il ne compte pas moins de 52 élèves inscrits pour la rentrée prochaine. Autre exemple, la renaissance de l’école de Puy-Saint-Vincent dans les Hautes-Alpes grâce à l’ouverture d’une école libre par le maire Marcel Chaud. Fondation qui a convaincu l’Éducation nationale de rouvrir une classe dans ce village de Montagne. On pourrait citer aussi l’école maternelle et élémentaire libre ouverte à Montherlant dans l’Oise, ou l’école libre ouverte à Céré-la-Ronde, grâce à la mobilisation financière du maire et des conseillers municipaux qui sont allés jusqu’à donner leur solde d’élus pour rémunérer les professeurs.
Parfois c’est l’école catholique qui ferme et qui est reprise et sauvée par des parents qui se réunissent en association à but non lucratif pour sauver l’école. Ce fut le cas tout récemment à Saint-Nicolas De Briennon dans la Loire, à l’initiative d’un groupe de parents catholiques et de professeurs, dont certains issus d’un éco-hameau situé à la Bénisson-Dieu. A la Bussière dans la Vienne, l’école Gilbert Bécaud s’est installée dans l’ancienne école publique, sous les fenêtres du maire. À chaque fois, c’est un village qui renaît !
Pourtant, ces actions de revitalisation rurale ne reçoivent aucun encouragement ni aucun financement public. Le droit en vigueur porte encore les stigmates de la guerre scolaire et interdit presque toutes les subventions de la part des collectivités locales aux écoles libres. Nombre de maires rêveraient de pouvoir utiliser le forfait communal qu’ils doivent verser aux communes voisines pour les élèves provenant de leur commune à une école qui serait située sur leur propre territoire. Mais c’est impossible et ces écoles ne peuvent attendre de secours que des donateurs privés.
« Faut-il encore que la passion égalitariste et technocratique de la France ne prenne pas le dessus sur ces jeunes pousses »
Si l’on veut faciliter l’essor des écoles rurales, il faudrait débloquer les possibilités de financement public sur la base du volontariat, alléger les règles interdisant à des personnes de diriger des écoles si elles n’ont pas cinq ans d’expérience dans un établissement d’enseignement, et améliorer les transports, le droit de l’urbanisme pour que les PLUi cessent d’empêcher les nécessaires constructions pour l’école ou les familles attirées par l’école, apporter du soutien administratif et de la mise en réseau aux maires et créateurs d’école – ce que l’association Créer son école s’est proposée de faire -, innover notamment grâce aux campus connectés pour permettre des poursuites d’études supérieures tout en restant au pays (car aujourd’hui 23% des élèves ruraux, bien qu’ils aient en moyenne de meilleurs résultats, ne poursuivent pas après le bac contre 15% en moyenne nationale).
Les pionniers ont ouvert la route pour assurer un bel avenir à l’école rurale. Faut-il encore que la passion égalitariste et technocratique de la France ne prenne pas le dessus sur ces jeunes pousses. Il faudra être vigilants !
Les élections régionales et départementales ont eu lieu et, comme d’habitude, journalistes, éditorialistes, sondeurs, hommes et femmes politiques, politologues et autres animaux du cirque médiatique, y sont allés de leurs verbigérations pour expliquer que ce qui fut n’a pas été.
Or ce qui fut est simple :
Leçon numéro 1 : les grands gagnants de cette consultation électorale sont les abstentionnistes, comme toujours depuis des années. Près de 70 % des électeurs ne se sont pas déplacés. Mais, pour tout ce monde- là, ça n’est pas une information — pire : ça n’est pas l’information.
Les animaux du cirque ont commenté, sérieusement : il faisait beau, les gens sont restés en famille ; ils ont eu peur du covid et ne sont pas sortis ; c’est la fin du confinement, ils ont voulu en profiter ; les dates de la consultation ont été reportées, ça a perturbé les électeurs ; la confusion des départementales et des régionales a créé un trouble qui les a conduits à ne pas se déplacer ; les professions de foi ont été mal distribuées dans les boîtes aux lettres ; les attributions du conseiller départemental et celles du conseiller régional ne sont pas claires pour beaucoup, ça a démobilisé les votants . Pour ces gens-là, bien payés pour déblatérer des sottises au kilomètre, les Français sont si futiles, si jouisseurs, si bêtes, si abrutis, si demeurés, si incultes, si crétins, si mal informés, si Gilets jaunes, si demeurés en effet ! Tout s’explique …
Je ne voudrais pas parler au nom de tous les abstentionnistes, mais je crois qu’une explication majeure de leur comportement est qu’ils ont compris que les élections relevaient d’une parodie de démocratie. En 2005, lors du référendum sur le Traité européen, sur le principe de la démocratie directe que permet le référendum, les Français ont massivement dit non à ce traité. Or, trois ans plus tard, sur le principe de la démocratie indirecte qui s’appuie sur des représentants, les élus du peuple ont voté contre lui et, de ce fait, annulé sa volonté. 2008 fut un coup d’État des élus du peuple contre le peuple dont on n’a pas fini de mesurer l’écho. Car le peuple a longue mémoire.
Ce même peuple a compris que les médias, apparemment nombreux, mais finalement concentrés entre les mains d’une infime poignée de milliardaires qui défendent un même système, celui du marché libéral maastrichtien, que ces médias, donc, fabriquent une opinion qui, à force de coup de pouces donnés aux Le Pen pendant un lustre moins quelques jours doublés d’une diabolisation in extrémis de ceux à qui on a déroulé le tapis rouge médiatique pendant cinq ans mois une semaine, ils portaient au pouvoir le candidat d’une même idéologie (maastrichtienne) sous des emballages différents (mitterrandiens, chiraquiens, sarkozystes, hollandais, macroniens…) Cette construction de l’opinion s’effectue avec l’invitation des Le Pen et de leurs amis invités sur les plateaux de télévision jour et nuit, y compris ceux du service public, sans que jamais on leur trouve mauvaise haleine, sauf entre les deux tours où on leur associe la puanteur du diable nazi !
Le même peuple a également compris que les députés, les sénateurs ne représentaient pas la France sociologique. La « France légale » et la « France réelle » — une opposition qui se trouve dans Les Misérables de Victor Hugo (les demi-sachants qui croient qu’elle est de Maurras iront voir l’œuvre de Hugo en Pléiade à la page 811) —, ne se recouvrent pas : le Rassemblement national et le PCF ne sont pas représentés au parlement en proportion des votes obtenus…
Des catégories entières du peuple ne sont pas représentées : où sont les petits paysans, les patrons pécheurs, les jeunes au chômage, les travailleurs précaires, les femmes au foyer, les étudiants salariés, les chauffeurs de taxi, de bus, de métro, de train, les ouvriers, les prolétaires, les femmes seules s’occupant d’une famille monoparentale, les petits artisans et les petits commerçants, les éleveurs, les bergers, les vachers, les fromagers, les viticulteurs sur de petites parcelles ou de petites propriétés, les quinquagénaires au chômage, les petits retraités, les veuves avec demi-retraites de leur défunt mari, les fonctionnaires humiliés, maltraités ( instituteurs, enseignants, policiers, gardiens de prison, militaires, infirmières, contrôleurs SNCF, postiers), les ruraux sans permis de conduire ou sans argent qui leur permettent d’aller au cinéma, au restaurant ou en vacances, les Gilets jaunes du départ, ceux des Ronds-Points, où sont-ils représentés ? Par qui ? Quand ? Où ?
Il n’est pas interdit de penser que ceux-là ne se sont pas déplacés pour élire un conseiller départemental ou régional socialiste, macronien, insoumis, communiste ou lepéniste. À quoi bon ? Pour quoi faire ? Pour être trahis le jour où le président de la République maastrichtien les sonne avec pour projet de voter contre le peuple qui les a élus ? Combien de députés ou de sénateurs ont-ils refusé d’aller voter contre leurs élus à Lisbonne*, sinon démissionné, ce qui aurait eu de la gueule ? Aucun… Le peuple n’a pas forcément envie d’être éternellement le dindon de la farce…
Leçon numéro 2 : les instituts de sondage se sont encore trompés. À coup de milliards d’euros, les sondeurs fabriquent une opinion sous prétexte de la mesurer afin… d’influencer l’opinion ! Ils créent la peur lepéniste pour mobiliser le camp présenté comme antifasciste et passent à côté de la vérité populaire.
En 2002, aucun n’avait prévu un : l’échec de Jospin, deux : la présence de Le Pen au second tour, et trois : l’élection de Chirac. On dira que, pour le moins, il s’agit d’erreur et de fautes professionnelles : qui a été démissionné ? Mis au chômage ? Évincé ? Quel institut de sondage a vu sa direction renvoyée à Pôle Emploi ? Lequel a perdu ses clients ?
Les sondeurs nous annonçaient un raz-de-marée lepéniste. Une, deux, trois régions gagnables. Voire plus. Les Darmanin, Macron, Dupond-Moretti, Schiappa et autres seconds couteaux de la macronie, du genre Castex, y allaient de leur cri de guerre antifasciste ! Il fallait éviter que des régions soient gagnées par l’arrière-petite-fille d’Adolf Hitler ! La France ne s’en remettrait pas ! Ces présidents de région risquaient de mettre à feu et à sang la France en se faisant photographier avec des repris de justice effectuant des doigts d’honneur ! Ils allaient recevoir dans leurs hôtels de région des YouTubers qui ne manqueraient pas d’abaisser leur fonction et de faire une galipette sur les pelouses ! Ils allaient soutenir mordicus leurs amis très proches qui, déguisés en policiers, tabasseraient des manifestants sans investiture républicaine ! Ils allaient tellement dévaloriser la fonction qu’ils se feraient gifler par le premier crétin venu ! Il fallait vraiment faire barrage à la menace de ce fascisme-là.
Leçon numéro 3 : le Rassemblement national paie la facture de sa chiraquisation.Retournons la formule de Jean-Marie Le Pen contre sa fille : « les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie ». Les électeurs ont en effet montré que Marine Le Pen, qui s’est limé les dents — c’est métaphorique… — pour être présentable, ressemble comme deux gouttes d’eau au personnel politique dominant : respect pour l’euro, respect pour Maastricht, respect pour Schengen, respect pour la Cour européenne des droits de l’homme, pas d’amalgame pour l’islam. Plus question, si tant est qu’un jour c’eût été une tentation, de Frexit, de sortie de l’euro. Errante sur ces questions lors du désormais fameux débat d’entre les deux tours, elle s’est donné les moyens de ne plus errer : elle pense désormais comme Macron sur tous ces sujets… Elle ne risque plus de confondre monnaie commune et monnaie unique, euro et écu, elle se montre dorénavant une bonne élève de Maastricht. Elle devrait finir par trouver des banques pour financer ses campagnes et des signatures en quantité pour valider sa candidature.
Ajoutons à cela que Marine Le Pen a pris soin récemment de donner des gages au camp du bien en disant combien elle souhaitait ne pas être assimilée à ce gueux d’Éric Zemmour, à ce pestiféré, à ce réprouvé qui dit tant de mal de nos compatriotes musulmans, qui se montre excessif en tout, qui, lui, est vraiment d’extrême-droite ! Elle croyait se dédiaboliser encore un peu plus en brûlant l’Éric sur le bûcher de ses vanités, elle sait désormais qu’elle a perdu les voix qu’elle a cru gagner. Cette fois-ci elle ne pourra pas invoquer l’influence maléfique de tel ou tel conseiller, comme ce fut le cas avec le fantasque Philippot, un faux « gaulliste » aujourd’hui vrai compagnon de route de Francis Lalanne et de Jean-Marie Bigard, jadis sacrifié en bouc émissaire de son échec aux dernières présidentielles. À un moment donné, il faut aussi assumer les conseillers qu’on s’est choisis… On ne peut se contenter d’holocaustes dans sa garde rapprochée. À errer ainsi sans cesse Marine Le Pen a perdu le nord — si je puis me permettre…
Leçon numéro4 : Mélenchon récolte ce qu’il a semé. L’homme qui a d’abord mis en doute les résultats de la dernière élection présidentielle parce qu’ils ne correspondaient pas à son attente qui culminait au niveau de la haute idée qu’il se fait de lui-même ; l’homme qui a affirmé qu’en étant quatrième aux dernières présidentielles il avait failli être élu à peu de voix près ; l’homme qui s’est fait le ventriloque de Jaurès et de Gaulle avant d’estimer, eu égard aux résultats obtenus avec cette palinodie, que ça n’était pas assez payant et, dans la foulée, s’est fait le perroquet de Plenel et de Tariq Ramadan ; l’homme qui a vociféré que la République c’était lui en oubliant les caméras qui filmaient son interminable accès de déraison ; l’homme qui insulte Macron quand il se trouve loin de lui mais qui l’enduit de sucre candi et le bombarde de loukoums quand il le croise sur le port de Marseille ; l’homme qui assimile la police française à une milice fasciste et les militaires inquiets de l’avenir de la France à des factieux et qui, en même temps, trouve des vertus à Robespierre, Trotski, Fidel Castro et Hugo Chavez, tous amateurs bien connus de liberté ; l’homme qui aimait diner à la table de Jean d’Ormesson tout autant qu’à celle de Patrick Buisson ; l’homme qui estime que la Famille Traoré, dont Assa, nouvelle égérie de Louboutin, est une chance pour la France ; l’homme qui croit que la créolisation du pays est un projet de civilisation : cet homme ne fait même plus rire, désormais, il fait peur.
Après les résultats, il a annoncé que tout allait bien pour lui et les siens ; que le système en revanche allait mal ; qu’il fallait le réformer en reconnaissant le vote blanc et en ne validant pas certaines consultations électorales quand elles ne recueillaient pas assez de suffrages. Traduit en mélenchonien cela donnait : quand 70 % de gens s’abstiennent, le si peu de voix qu’il obtient ne signifie rien. Fermez le ban. Les élections qui ne lui conviennent pas, il les annule et voudrait que ce soit gravé dans le marbre de la loi. Ensuite, il part boire une bière avec ses copains nostalgiques de Lénine.
Leçon numéro 5 : les Républicains bénéficient de la chiraquisation de Marine Le Pen. Si elle a pour modèle le Chirac des années soixante-dix, celui du « bruit et de l’odeur », celui des rodomontades de Charles Pasqua et des pipes de Robert Pandraud, celui du lance-flammes d’Ouvéa, on sait ce qu’est son destin : une juppéisation de la France, l’eau tiède maastrichtienne présentée comme un alcool fort néo-gaulliste, un retrait du chef de l’État dans son bureau à compulser des catalogues d’art premier — en 1789, Louis XVI chassait et bricolait ses serrures … Et, loin de la période du Supermenteur de Canal +, des obsèques de héros national ayant tant mérité de la patrie pour avoir annoncé un jour : « la maison brûle et nous regardons ailleurs ».
C’est le moment de citer le bon mot de Marie-France Garaud qui, parlant de ce tigre en papier, disait qu’elle a cru de lui qu’il était « du marbre dont on faisait les statues alors qu’il n’était que faïence dont on fait les bidets ». On peut ne pas avoir un destin de marbre, mais se battre pour avoir celui d’un bidet n’est pas bien digne.
Marine Le Pen a dragué dans les eaux des Républicains, elle les a de ce fait remis en eau. Pour son père, ce ne doit pas être un détail de l’histoire du parti qu’il a créé.
Pas sûr que Xavier Bertrand, qui a le charisme d’un acteur de pub pour Carglass, puisse investir le bureau du général de Gaulle dont il se réclame, mais tellement de comiques s’y sont installés depuis qu’il peut en avoir la prétention. Le ridicule ne tuant pas, sa survie est assurée.
Juppé doit se ronger les ongles en regardant sa télévision en famille, dans un appartement des beaux quartiers de Paris, Bordeaux est si loin, pendant que son disciple affûte ses couteaux : si Édouard Philippe décide en septembre d’y aller, il pourrait ne pas se présenter en vain.
Leçon numéro 6 : les Socialistes bénéficient de la désintégration en vol de Mélenchon. On les croyait morts et enterrés comme DSK, Hollande, Ségolène Royal, Jack Lang, sinon Jean-Marc Ayrault, l’homme au camping-car ; mais le cadavre bouge encore. Ils en sont encore tout étonnés. Mélenchon qui voulait préempter la gauche a raté son coup - trop de pathologies personnelles pour faire un destin, la télévision montre les vérités qu’on croit cacher. Elle révèle l’exactitude d’un être sans lui demander son avis. Ses conseillers en communication numérique débauchés à la sortie de l’école n’en peuvent mais.
Moins d’un an pour faire un programme c’est trop peu. Lors de cette consultation, les écologistes n’ont pas cassé trois pattes à un canard. La compassion pour les sapins de Noël, la pollution carbone des bateaux à voile, la religion de la trottinette, la légalisation du pétard, les menus véganes dans les écoles pour éviter le jambon, le suivisme woke et son compagnonnage avec l’islamo-gauchisme, l’indigénisme, le déconstructionnisme, l’intersectionnalité, le racialisme et autres modalités du néo-fascisme, rien de tout cela n’a convaincu.
Le socialisme des notables a sauvé sa peau à coup de clientélisme — une recette qui a également marché pour LR. Ce ne sera pas suffisant pour trouver un candidat socialiste crédible d’ici un an. D’autant que l’actuel locataire de l’Élysée en est lui-même un, nourri au lait bien gras de François Hollande… Il en a l’idéologie, la rondeur en moins.
Leçon numéro 7 : c’est une déculottée pour LREM, mais Macron va crier au succès. Ce parti fait de rien avec rien pour rien est bel et bien rien. La chose est démontrée ce dimanche 20 juin dans les grandes largeurs. Les caciques de ce faux parti, vrai baltringue, disent qu’il faut du temps pour s’installer dans le paysage politique. Or ça n’est pas du temps qu’il faut mais du talent. Du talent, de la compétence, de la rigueur, de la méthode, du professionnalisme. Et de la passion pour la France et pour les Français. Or tout ça manque cruellement…
LREM est un club d’afficionados créé par et pour un homme qui, sauf peut-être son épouse, n’aime personne d’autre que lui. Son projet ? lui. Son programme ? lui. Son avenir ? lui. Son passé ? lui. Sa ligne ? lui. Or, lui, c’est tout et le contraire de tout, en même temps, c’est une passion affichée sur sa photo officielle pour l’auteur de Corydon et celui des Mémoires d’espoir, c’est une alliance à chaque main, c’est un parti dont l’acronyme est constitué par ses initiales. Il est normal, quand l’homme s’effondre, que son parti épouse son mouvement.
OPINION. La nécessité de sortir de l’Union européenne pour retrouver l’autonomie de notre compétence fait l’objet de beaucoup de débats au sein du camp souverainiste. Si pour beaucoup, le Frexit est indispensable, l’auteur défend une autre stratégie, selon lui, davantage pertinente politiquement.
La Souveraineté d'une nation, c'est sa Liberté et son indépendance politique, militaire, économique, et culturelle. Périclès avait trouvé il y a 2500 ans une formulation remarquable pour souligner l’importance de la Liberté : « Il n'est pas de bonheur sans Liberté, ni de Liberté sans courage. » Peut-être serait-il nécessaire, désormais, d'adapter au temps présent, cette belle formule : « Il n'est pas de bonheur ni d’efficacité sans Liberté, ni de Liberté sans courage et intelligence. »
L'importance politique de la Liberté-Souveraineté est posée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à l’article 3 : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Cette formule vise aussi bien la souveraineté internationale (l'indépendance) que la souveraineté interne (la république).
Or, ce qui fut la Communauté économique européenne des origines (Traité de Rome, 25 mars 1957) a changé de nature, en outrepassant sa finalité initiale par deux traités.
D'abord par celui de Maastricht (1992) adopté par un référendum au score tendu (pour : 51 % des exprimés, et 49,8 % des votants) et après beaucoup de graves mensonges matraqués contre le peuple. Jean-Pierre Chevènement, dans Le Bêtisier de Maastricht (1997), cite les bêtises, parfois méprisantes ou agressives, et les mensonges notamment prononcés par Jacques Delors, Michel Rocard, Jack Lang, Michel Sapin, Julien Dray, Élisabeth Badinter, Martine Aubry, Alain-Gérard Slama, Françoise Giroud, Bernard-Henri Lévy, Simone Veil, Valéry Giscard d’Estaing, Alain Madelin, Bernard Kouchner…).
Ensuite par le traité de Lisbonne (2007) qui, lui, non seulement ne fut pas adopté par référendum mais par le Congrès qui n'hésita pas à violer en 2008 la volonté de rejet par la nation, démocratiquement et nettement exprimée par référendum en 2005 (Rejet par 55 % des Français du projet de traité établissant une « constitution » (sic) pour l'Europe). Et cela en dépit d'une campagne médiatique honteusement orientée. Ce véritable coup d'État anti républicain est de nature à rendre nul et non avenu l'ordre juridique illégitime qui résulte de ce traité deux fois scélérat. À la suite de ces traités et de quelques décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, le peuple français a été dépouillé malgré lui des prérogatives attachées à sa souveraineté et, notamment, du droit : faire ses lois ; battre monnaie ; maîtriser, aux frontières nationales, ou aux frontières externes de l'Europe, les flux de circulation des marchandises, des capitaux, des services, des personnes ; décider de sa politique migratoire ; voter une politique budgétaire et fiscale propre et sociale ; mener une politique industrielle et environnementale dans l'intérêt national ; avoir pour ses services publics une politique nationale ; conduire une politique étrangère ou de coopération qui ne soit pas sous tutelle. Or les Français ont désormais compris que ces asservissements, ces carcans anti-démocratiques, sont la cause de leurs malheurs personnels et des sombres échéances qu'ils sentent venir.
Paradoxalement, bien qu'ayant voté « non » au référendum de 2005, et qu'étant d'accord sur le fait que l'euro a eu des résultats négatifs sur leur sort personnel — sondage TNS Sofres, 26/12 2006 : l'euro, « une mauvaise chose » pour plus d'un Français sur deux ; une écrasante majorité (94%) estime que le passage à l'euro a eu pour conséquence « une aggravation de la hausse des prix » —, les Français sont effrayés à l'évocation d'un sortie de l'euro ou de l'UE. Selon certains, cela serait impossible et selon d'autres ce serait dangereux. Pourtant, les nations d'Europe sont de plus en plus sceptiques sur les résultats de « l'usine à gaz bruxelloise » et elles savent bien que Bruxelles n'est pas l'Europe, mais une dérive non démocratique et inefficace usurpant le nom d'Europe.
Une étude récente analyse les causes et la puissance de la montée de l'euroscepticisme (L. Djikstra, H. Poelman, A. Rodriguez-Pose, Géographie du mécontentement et du mal-être dans l’UE, Telos, 2 mars 2020). D’après cette étude effectuée en 2018, les votes pour les partis modérément opposés à l’intégration européenne au sein de l’UE ont connu un véritable essor, passant de 15% en 2000 à 26% en 2018. Le vote pour les partis radicalement opposés à l’UE a, quant à lui, connu un bond de 8%, de 10 à 18% sur la même période. Ainsi se séparent deux Europe : celle où les partis eurosceptiques progressent (Autriche, Danemark, Hongrie, Italie, France et désormais Espagne et Allemagne), et celle de petits pays, d'adhésion récente, ayant eu une histoire difficile, qui veulent y croire encore (Chypre, Pays Baltes, Irlande, Malte, Roumanie). Les Britanniques (qui pourtant étaient ceux qui souffraient le moins des « émanations toxiques de l'usine à gaz »), en ont déduit une conséquence radicale : le Brexit, qui ne leur a d'ailleurs attiré aucun des cataclysmes annoncés par les pythies bruxelloises.
Pour les pays qui restent — et notamment la France —, l'enjeu hautement crucial est de savoir si, en tous domaines, les principes constitutionnels des nations sont subalternes et soumis aux règles bruxelloises (directives ou règlements, et arrêts de la CJUE). En droit la question est connue comme étant celle de la hiérarchie des normes. Selon une jurisprudence constante de la Cour de Luxembourg (CJCE puis CJUE), la primauté du droit communautaire doit revêtir un caractère « absolu » et aucune règle de droit interne des nations européennes, même incluse dans la Constitution (considérée pourtant comme étant le sommet de la hiérarchie juridique interne), ne saurait faire obstacle à l'application des règles de droit communautaire (Arrêt CJCE Costa, 15 juillet 1964, ensuite explicité, notamment par la jurisprudence Internationale Handelsgesellschaft CJCE 17 décembre 1970, Aff. 11/70.). Ces solutions prétoriennes de la Cour européenne, qui impose la suprématie du droit communautaire sur le droit national même constitutionnel, ne se fondent que sur une idéologie de juges placés à cet effet dans cette juridiction, mais pas sur des fondements juridiques tirés des Traités. Elles sont donc illégitimes et la résistance à la méthode fédéraliste bruxelloise autoritaire, provoque des spasmes juridiques de plus en plus forts des Cours constitutionnelles de plusieurs pays européens (Autriche, Hongrie, Pologne, et en Italie l'arrêt Pozzani : Cour constitutionnelle italienne, 27 décembre 1973, n° 183/73). Toutefois le cas plus digne d'attention est celui de l'Allemagne. Déjà en 1974, dans un série d'arrêts « SoLange » (Laurence Burgorgue-Larsen, Les résistances des États de droit, De la Communauté de droit vers l'Union de droit, J. Rideau (dir.), Colloque de Nice d'avril 1999, Paris, LGDJ, 2000, pp. 423-458.) le Tribunal constitutionnel fédéral (situé à Karlsruhe) avait émis des réserves de constitutionnalité sur certains points essentiels de textes de l'UE, tant qu'ils n'étaient pas compatibles avec les garanties de protection des droits fondamentaux offertes par la constitution allemande. Le Tribunal se reconnaissait en conséquence compétent pour contrôler la conformité des normes de droit communautaire avec la constitution fédérale.
Or, voici que la Cour constitutionnelle allemande vient en 2020 rappeler sa résistance et de réitérer sa position (Arrêt du 05 mai 2020 ; Bundesverfassungsgericht [BVerfG], 5 mai 2020, 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16. Sur un sujet économique ultra sensible, la BVerfG a exigé que la Banque centrale européenne [BCE] justifie son programme d’achat d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires, dit « PSPP » [Public Sector Purchase Programme] lancé en mars 2015. Elle a considéré que la BCE n’avait pas expliqué pourquoi la politique qu’elle menait était « proportionnelle » aux dangers économiques auxquels la zone euro était confrontée à l’époque. C’est la première fois que l’Allemagne refuse d’appliquer une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle avait validé en 2018 le programme PSPP de la BCE à l’occasion d’une question préjudicielle — Jean Claude Zarka, L’arrêt du 5 mai 2020 de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne…, in extenso, 03/07/2020 : « La Banque de Francfort (BCE) est sommée de justifier le bien-fondé de ses rachats de dette publique menés depuis 2015, qui, selon le BVerfG, ont eu des effets négatifs sur des pans entiers de l’économie —.
La Commission Von der Leyen s’est sentie tenue d’enclencher (le 9 juin 2021) une action judiciaire en manquement contre l’Allemagne (Cécile Boutelet et Virginie Malingre, La Commission européenne accuse l’Allemagne de prendre le risque d’une « Europe à la carte », Le Monde 15 juin 2021 ; Anne-Marie Le Pourhiet et Jean-Eric Schoettl, Démocratie contre supranationalité : la guerre des juges aura bien lieu, Revue politique et parlementaire, 1er juillet 2021). Tant il est vrai qu’une seule maille rongée emporterait tout l’ouvrage comme l’assure La Fontaine.
Le prochain et nouveau gouvernement français devra dès mai 2022 (dans neuf mois) mettre à profit son état de grâce pour annoncer son intention de consulter, par référendum, la Nation sur les réformes profondes de nature à enrayer le déclin rapide du pays, et donc de prévenir de graves troubles. Mais le référendum essentiel, s’il ne devait y en avoir qu’un seul, serait celui qui trancherait cette question de la « hiérarchie des normes » et permettrait ainsi à la Nation de reprendre sa Liberté dans les domaines les plus importants, consubstantiels de sa Souveraineté. Ce référendum (en octobre 2022 ?) devrait proposer au Peuple français une profonde réforme de la Constitution pour qu’il retrouve sa dignité et sa liberté républicaines. Ainsi les plus graves des atteintes à la souveraineté de la République seraient abrogées à jamais, et l’Union européenne sauvée d’elle-même.
Le contenu possible du texte référendaire pourrait être :
Un rappel fondamental du Préambule constitutionnel (déjà existant) : « Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. »
La conséquence oubliée de ce préambule dans la question essentielle : « Voulez vous que, pour restituer sa pleine souveraineté à la République et à la France, soient introduits ou ajoutés dans la Constitution les principes suivants ? »(les ajouts et modifications sont en gras) :
Article 3 : La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum, selon les règles des articles 11, 53, 54, 55 bis, 88-1, 89. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Quiconque, français ou étranger, tenterait de porter, ou porterait atteinte aux principes du préambule et du présent article se rendrait coupable de crime contre la Nation, trahison, ou autres crimes d'atteinte à la sécurité nationale. — notons que le code pénal évoque la trahison (art. 411-1 et s.) et le complot (art. 412-1 et s.). Le Code de justice militaire n'évoque pas expressément la haute trahison mais les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation en temps de guerre (art. 476-1 et s.) ce qui renvoie aux infractions du code pénal. Faudrait-il étendre ces incriminations, notamment la trahison, au temps de paix ?
Article 53 : Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées.
Lorsqu'un traité n'est pas applicable sans une modification ou une atteinte à la Constitution ou à ses principes fondamentaux, un référendum est organisé. Tout manquement à cette règle entraîne la nullité de plein droit de la ratification et de l'application de ce traité, la mise en cause pénale du chef de l'état, des membres du gouvernement, pour forfaiture ou haute trahison ainsi, s'il y a lieu, des juges, co-auteurs ou complices de cette forfaiture ou haute trahison.
Article 54 : Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés et sénateurs (au lieu de soixante députés ou soixante sénateurs), a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. Cette révision ne peut être adoptée que par référendum.
Article 55 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. La constitution est la loi suprême du peuple français. Aucune règle même internationale ou européenne ne peut s'imposer à la constitution du peuple français.
Tout manquement à cette règle entraîne la nullité ou l'inexistence de plein droit de tout acte contraire, la mise en cause pénale du chef de l'état, des membres du gouvernement, ainsi que toute autorité institutionnelle, y compris judiciaire, ou étrangère, pour forfaiture, haute trahison, ou atteinte à la souveraineté nationale.
Article 55 bis : Les règles concernant l'immigration, la nationalité, sont établies par référendum, ont valeur constitutionnelle et ne peuvent être modifiées que par référendum. »
Article 88-1 : La République participe à l'Union européenne constituée d’États « souverains » qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent des seuls traités ratifiés par référendum (à la place du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007).
Voilà comment pensons-nous — comme d'ailleurs d'autres juristes — la meilleure façon de rétablir l’essentiel de la souveraineté internationale de la France, sa libération du carcan bruxellois sur les sujets majeurs, sans pour autant tenter l'aventure du Frexit qui serait fatale à la belle idée européenne.
Il resterait à régler néanmoins deux autres questions de souveraineté : celle de la souveraineté interne du Peuple français, qui pourrait résulter d'une systématisation de référendum obligatoires sur les sujets majeurs, ainsi que de l'élargissement des référendums d’initiative, ainsi que celles, épineuses, de la dette et de l'euro. Nous y reviendrons prochainement.
OPINION. La France des oubliés identifiée par le géographe Christophe Guilluy a explosé à la figure d’un système médiatique aveugle à travers les GIlets jaunes. Comment ce phénomène de déclassement géographique a-t-il été enclenché ? Cette France des gens ordinaires parviendra-t-elle à se faire entendre en 2022 ? Éléments de réponse dans cette analyse en trois volets.
La mise en lumière d’une « France périphérique », qui recouvre des territoires urbains, notamment de petites villes et de villes moyennes, périurbains les plus fragiles socialement, et ruraux, permet de souligner la place des nouvelles classes populaires à l’heure de la mondialisation. Face à un processus de désaffiliation universelle, le fait ou le sentiment d’enracinement local est une ressource essentielle pour les catégories populaires. Il apparaît ainsi que ces réseaux relationnels constituent un capital d’autochtonie en France périphérique. L’attachement à un territoire, à une cité, participe à une construction identitaire. La perte de ce capital d’autochtonie est l’une des causes de la fuite des quartiers populaires et banlieues des métropoles, mais aussi du regroupement dans des espaces périurbains et ruraux des catégories modestes d’origine française ou d’immigration ancienne. Le surinvestissement sur le territoire, la maison, son environnement culturel est désormais une tendance lourde dans les milieux populaires.
Au sein de la France périphérique, la part des bas revenus, des chômeurs, des pauvres, des emplois précaires et des propriétaires pauvres y est surreprésentée. Cette nouvelle géographie sociale, qui s’impose en France, depuis 20 ans, révèle les contours d’une nouvelle sociologie, où les catégories sociales se définissent tout autant par leur statut socio-spatial que par leur degré d’intégration à l’économie-monde. Elle contribue à une recomposition du paysage politique entre ceux qui plébiscitent la globalisation libérale et ceux qui la subissent.
Une France périurbaine et rurale
Des marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes jusqu’aux espaces ruraux en passant par les petites villes et villes moyennes, c’est 60 % de la population qui vit à l’écart des métropoles mondialisées. Ces espaces ouvriers et populaires se caractérisent par l’importance des ménages précaires et pauvres.
L’ensemble de ces espaces forme la France périphérique, c’est-à-dire les agglomérations plus modestes, notamment quelques capitales régionales, et surtout le réseau des villes petites et moyennes. Il comprend aussi l’ensemble des espaces ruraux et les communes multipolarisées (dépendantes en termes d’emploi de plusieurs pôles urbains) et les secteurs socialement fragilisés des couronnes périurbaines des 25 premières agglomérations. La France périphérique comprend près de 34 000 communes et regroupe 61 % de la population. Les communes les plus fragiles sont concentrées dans la France périphérique qui regroupe 98 % des communes classées « populaire/fragile » représentant 72 % des Français vivant dans les territoires fragiles.
L’implosion de la classe moyenne du périurbain subi s’illustre parfaitement dans l’exemple du canton de Brignoles. Sa localisation dans ces territoires est subie, dans le sens où si elles en avaient les moyens financiers, ces populations habiteraient probablement en périurbain plus proche ou plus chic. La fragilité sociale des habitants est une des caractéristiques du périurbain subi. Les problèmes financiers sont structurels (ayant du mal à s’acquitter du paiement des traites de leur maison, des nombreux déplacements, de l’obligation de posséder deux voitures) et de l'endettement répandu.
La deuxième circonscription de l’Oise (Noailles/Chaumont-en-Vexin) comprend dans sa partie méridionale un espace périurbain subi, correspondant à des communes pavillonnaires qui ont accueilli des classes moyennes basses ayant fui la région Île-De-France. Dans sa partie septentrionale, elle se compose de territoires ruralo-industriels qui souffrent de la désindustrialisation et du chômage. Ce secteur illustre un contexte picard marqué par une très grande fragilité sociale.
Dans le Sud, les ressorts du ressentiment social tiennent au chômage et à la précarité, mais aussi au séparatisme entre une population autochtone et une population d’origine immigrée plus jeune. Ce cocktail détonnant, que l’on rencontre aussi bien à Fréjus, à Béziers, à Cogolin ou Moissac, alimente la dynamique frontiste, et est essentiellement dû à la surreprésentation des familles immigrées dans le centre-ville et parmi les ménages pauvres.
Initiative de quatre départements, l’Allier, le Cher, la Creuse et l'Allier, « les nouvelles ruralités » visent à s’appuyer sur le potentiel économique de ces territoires en favorisant un processus de relocalisation du développement et la mise en place de circuits courts.
Au sein du rural profond, que ce soit dans la Mayenne, le Cantal ou la Corse, les ménages pauvres ruraux éprouvent des réticences à demander des aides qui les assimilent à des « publics pauvres ». La pauvreté rurale concerne surtout des ménages ouvriers et employés, des chômeurs et souvent des populations jeunes. Les ménages pauvres en milieu rural sont essentiellement des familles à faibles revenus d’activité avec des enfants. Aux populations pauvres déjà présentes (agriculteurs, ouvriers, personnes âgées, chômeurs, jeunes sans qualification) sont venus s’ajouter des néo-ruraux qui se sont installés à la campagne pour des raisons de coût du logement.
Aujourd’hui, ce sont les communes peu denses de la France périphérique qui attirent le plus d’habitants en proportion. Les gens ordinaires n’ont jamais abandonné l’idée de préserver un capital social et culturel protecteur. Ils sont restés attachés à la préservation du bien commun et à une forme d’enracinement.
L’équilibre fragile entre « accueillant » et « arrivant » a été remis en cause par la permanence et l’accentuation des flux migratoires. Il en a résulté l’évitement systématique des quartiers ou immeubles qui concentrent les minorités ethniques. Par ailleurs, on mesure peu le choc qu’a pu constituer l’émergence du multiculturalisme dans des quartiers populaires imprégnés d’égalitarisme républicain. Leurs habitants ont difficilement vécu le développement du différentialisme qui a contribué à une forme de racialisation des rapports sociaux. Cela a conduit les plus modestes à vouloir vivre dans un environnement où leurs valeurs restent des références majoritaires.
Il s’ensuit que le désir de fuir la ville et ses quartiers difficiles, pour les ménages populaires, est plus fort que toute rationalité économique. Les gens ordinaires ne souhaitent pas vivre à côté « d’autres gens » qui utilisent parfois des kalachnikovs pour régler leurs différends. C’est naturel. Ces mêmes gens ordinaires ne souhaitent pas non plus scolariser leurs enfants dans des collèges susceptibles d’accueillir des adolescents violents. Des rapports parlementaires établissent que les dégradations d’immeubles gênent avant tout la population résidente et que les vols à la roulotte affectent plus particulièrement les propriétaires de véhicules à revenus modestes. D’autres rapports de police attestent que « les véhicules des personnes les plus modestes, pour lesquels elles n’ont pas de garage personnel et dont peu sont munis d’alarmes, restent des journées et des nuits entières le long des rues sur des parkings des cités HLM… Ce sont également elles qui fréquentent les grandes surfaces dont les parkings sont un des lieux de prédilection des roulottiers. Pour elles, un vol d’autoradio ou d’accessoires représente, proportionnellement à leurs revenus, une perte importante. »
Si beaucoup d’habitants ont vu leur paysage et leur environnement totalement bouleversé — comme en Seine–Saint-Denis, où en 1997, la population quittant le département était équivalente, à celle qui était accueillie —, sans avoir été consulté, les conséquences des effets destructeurs d’une immigration non maîtrisée ne datent pas d’aujourd’hui. Dans son célèbre essai, Louis Chevalier démontrait qu’un processus mêlant engorgement et déficit d’accompagnement provoquait l’entassement, l’insalubrité et une promiscuité explosive. Avec des conséquences immédiates : maladies, criminalité, peurs sociales. « Injures, graffitis, coups dans les portes, boîtes aux lettres descellées à la barre à mine, porte du hall arrachée, ascenseurs souillés par l’urine » sont souvent la vie quotidienne de nombreux habitants de HLM, et ne sont qualifiés d’incivilités qu’aux yeux de ceux qui en sont prémunis par la distance sociale et les inégalités dans l’habitat. Tout en faisant mine de repeindre les cages d’escalier, on encourage à casser l’ascenseur social. Les logiques économiques et foncières ont créé les conditions de l’éviction des nouvelles classes populaires des lieux de production. Lorsqu’on porte un diagnostic sur l’évolution d’un quartier de logements sociaux où les populations immigrées sont devenues majoritaires, on constate que les catégories populaires d’origine française, souvent des retraités, sont devenues minoritaires. Quant aux DOM-TOM, ils font aussi partie de cette France périphérique. Ces territoires perçoivent avec anxiété les effets de la mondialisation, le recul de l’Etat-Providence et l’intensification des flux migratoires.
Depuis les années 2000, le ressenti des catégories populaires confrontées à l’intensification des flux migratoires, dans le contexte nouveau de l’émergence d’une société multiculturelle, a donné naissance à une insécurité culturelle. Un zonage impersonnel a relégué le peuple dans une « France périphérique » formée de zones éloignées, mal reliées aux centres-villes, peu sûres, constituées des paysages ingrats de cités ou de lotissements sommaires, avec des équipements insuffisants ou dégradés qui attestent l’échec de la « politique de la ville ». (Christophe Guilluy, Atlas des fractures françaises, 2000). Il a fallu l’alerte, bien étouffée, d’un Paul Yonnet, en 1993, observant qu’« après l’ouvrier, l’immigré était devenu la figure rédemptrice de la corruption capitaliste, et en cela, agent d’une inéluctabilité historique, dans l’imaginaire prophétique de la gauche »pour que près de trente ans plus tard, Emmanuel Macron reconnaisse, en 2019, que les bourgeois ne croisent pas l’immigration contrairement aux classes populaires qui vivent avec. Il est vrai que l’élite, dans ses quartiers réservés, échappe à la détérioration sociale jusqu’à en ignorer l’existence.
Institutions, services & marchés négligent de plus en plus les populations périphériques. En effet, plus de 60 % des ouvriers ou employés parisiens n’habitent pas la capitale. Néanmoins, les banlieusards du réseau SNCF parisien empruntent toujours un matériel roulant vieux de plus de trente ans. C’est pourquoi les retards sont devenus banals, affectant en permanence de 10 % à 30 % des trains sur plusieurs trajets. Si la SNCF invoque des actes de vandalisme, elle ne peut malheureusement nier que le confort et la propreté se sont eux aussi dégradés.
La transformation de l’économie française et son adaptation à la mondialisation économique se sont accompagnées d’un double mouvement de désindustrialisation des villes et de métropolisation des emplois.
La France des petites et moyennes villes
Ce sont les villes les plus touchées par la désindustrialisation et le chômage qui enregistrent les plus fortes poussées du Front national, comme Hénin-Beaumont, Saint-Dizier ou Hayange. Particulièrement dans les bassins miniers, la pauvreté s’incruste dans les petites et moyennes villes industrielles. De 2009 à l’été 2016, 1974 sites industriels ont été fermés en France. Ces fermetures se sont poursuivies début 2019 comme Ford à Blanquefort. Néanmoins, depuis de nombreuses années les plans sociaux à Gandrange, Beaucaire ou Lorient se multiplient. Et cela dans des villes où les pertes d’emplois représentent une part très importante de l’ensemble de l’emploi total de la zone concernée. Dans des villes aussi où les licenciements frappent d’abord des petites entreprises qui n’accompagnent pas les salariés par un plan social. Au sein des petites villes où l’emploi industriel était encore important, seuls la présence d’un important secteur « administration publique, enseignement, santé, action sociale » et le développement des services à la personne ont permis d’atténuer les effets de la crise.
Pour la première fois dans l’histoire, les gens ordinaires sont contraints de se déplacer vers les territoires qui concentrent le plus d’emplois. Ces mobilités contraintes sont une des conséquences de la désindustrialisation des territoires périphériques. L’employée d’aide à domicile, l’ouvrière dans l’électronique ou la logistique, la bénévole d’une maison de retraite, le préparateur de commande, l’ouvrier du bâtiment et évidemment le chauffeur routier doivent parcourir des kilomètres et des kilomètres pour accomplir leur journée de travail. À la fin, des journées qui ne cessent de s’allonger et surtout un budget transport qui vient fragiliser des ménages modestes ayant des difficultés à boucler leur fin de mois.
Une centaine de villes ont intégré en 2014 la géographie prioritaire « politique de la ville ». La nouvelle carte des quartiers aidés a été dessinée à partir d’un seul critère, celui de la faiblesse du revenu des habitants. Ce redéploiement de la politique de la ville permet d’intégrer une nouvelle question sociale, celle des territoires les plus à l’écart des zones d’emplois les plus actives. Ainsi, Villeneuve s/lot, Marmande, Joigny ou Beaune y font leur entrée.
Autour de la France périphérique, un réel modèle de développement économique alternatif, basé sur une offre & une demande locale (circuits courts, économie circulaire, économie sociale) peut voir le jour dans la mesure où ces initiatives s’inscrivent durablement dans un processus global de relocalisation des activités industrielles.
Les mécanismes de relégation géographique et culturelle ont alimenté la spirale de la relégation économique des territoires périphériques. Cette recomposition économique et sociale des territoires a cristallisé une nouvelle géographie sociale où les gens ordinaires sont de plus en plus contraints à la sédentarisation. Pour les couches populaires des espaces périurbains, ruraux et industriels, la mondialisation se confond avec une sédentarisation imposée par la faiblesse des revenus. En effet, ce sont des raisons économiques et foncières qui ont en réalité le plus contribué à séparer les catégories populaires en fonction de leur origine. Il est indéniable que la recomposition économique & sociale des territoires a été favorisée par la relégation en dehors des grandes villes des catégories populaires d’origine française et européenne.
FabriceVALLET
Juriste
Juriste de formation et doté de cinq diplômes d’enseignement supérieur, il dirige actuellement une association d’insertion dans les quartiers prioritaires de Clermont-Ferrand. Il a travaillé pour le Ministère de la Cohésion sociale, de la Justice et pour la Présidence de la République.Il est l’auteur de plusieurs articles, notamment « Sauver notre modèle social aujourd’hui » et « L’Euro : croissance ou chômage ? ». Il a participé à Nuit debout et aux Gilets Jaunes.