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  • Année Henri IV : premières informations...

                Afin que vous puissiez d'ores et déjà avoir une petite idée de ce qui se prépare dans votre région et à Paris, et pour pouvoir éventuellement vous organiser en conséquence, nous vous communiquons ci-après, et comme nous les avons reçues, une deuxième listes d'annonces de manifestations déjà prévues dans le cadre de l'Année Henri IV.

                Vous retrouverez notre première liste (du 22 novembre) en tapant "Année Henri IV" dans le cadre "Rechercher", en haut et à droite de la page d'accueil, juste en dessous des cadres "Devises" et "Donnez des moyens à vos idées".....

                Nous vous donnerons d'autres informations, et de plus amples précisions, au fur et à mesure que nous les rcevrons....

    HENRI IV LOGO.jpg
    Logo officiel de l'Année Henri IV
     

    - Février :                      : Paris                           : Exposition Henri IV (Société d'Histoire du protestantisme).

    - 25 mars                      : Béziers                        : Conférence Jacques Perot.

    - Fin mars/début avril     : Paris                           : Lancement du Site internet officiel Henri IV (Palais de Soubise).

    - 30 mars                      : Pau                             : Inauguration Exposition Henri IV.

    - Début avril                  : Paris                           : Conférence Henri IV et le Canada français (Centre culturel Canadien).

    - 6 avril                         : Saint Germain en Laye : Concert à l'Église.

    - 1er mai                       : Chantilly                     : Exposition Henri IV.

    - 14 mai                        : Paris                           : Cérémonie rue de la Ferronnerie.

    - 14 mai                        : Paris                           : Dîner de quartier, Poule au pot des Béarnais (Mairie du 1er arrdt, Béarnais de Paris).

    - 18 mai                        : Paris                           : Messe Chapelle de l'Hôpital Saint Louis.

    - 4/5 juin                       : La Flèche                    : en préparation (Prytanée militaire).

    - 17/18/19 juin               : Pau                            : Colloque international Henri IV (Château de Pau, Société Henri IV).

    - 30 juin                        : Lescar                         : Concert à la Cathédrale.

    - 15 juillet                     : Florence (Italie)            : Inauguration Exposition Henri IV.

    -1er octobre                  : Saint Germain en Laye : Inauguration Exposition Henri IV.

    - 13 octobre                   : Fontainebleau              : Inauguration Exposition Henri IV.

    - Octobre/novembre       : Paris                           : Colloque Henri IV, le Grand dessein (Musée de l'Armée).

    - 17/18/19/20 novembre : Paris                           : Colloque Henri IV (INHA).

  • POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE ”MARIAGE POUR TOUS” (11) - Michel Maffesoli et Hélène Strohl : ” Normaliser le mariage

    Sans titre-1.jpgNous mettons en ligne, aujourd'hui, une réflexion  de Michel Maffesoli et Hélène Strohl* sous le titre : "Normaliser le mariage ?".

    Une dernière contribution suivra encore. Notre dossier, désormais à la disposition de tous, comportera donc, en fin de compte, un total de douze documents constituant notre dossier : "POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE "MARIAGE POUR TOUS" **. 

    Normaliser le mariage ?

    Il ne se passe pas un jour sans qu’on en parle. Qu’on somme les personnalités d’avouer leurs aventures, les hétérosexuels à confesser leur peu d’attirance physique pour les personnes de leur sexe, les citoyens à avouer tous les fantasmes qui traversent leur esprit, les délicieuses montées de désir avec lesquelles ils agrémentent l’ennui des réunions comme les regards un peu appuyés avec lesquels ils rompent la monotonie du trajet quotidien en métro.

    La sexualité est devenue et Foucault l’avait bien montré, la chose la moins cachée du monde. On peut même dire en tordant à peine l’ancien adage « passion avouée est totalement pardonnée ». Il est ainsi plus dans l’air du temps de divorcer et de se remarier à l’envi plutôt que de vivre ensemble les cahots de la vie, les escapades solitaires et les retrouvailles passionnées d’un vieux couple.  Et quand l’on éprouve le désir d’expérimenter des pratiques autres que celles de la classique hétérosexualité monogame, il est de bon ton d’en faire une identité.

    Deux types de comportement sont désignés comme anomiques : ceux des minorités diverses, qui ne peuvent pas satisfaire à des  règles juridiques qui leur sont inadaptées (les homosexuels par exemple) et ceux qui ne se conforment pas aux règles imposées par l’institution, celle du mariage en particulier.

    Dès lors l’entreprise de normalisation va poursuivre deux buts, qui ne sont qu’apparemment contradictoires : faire entrer dans le moule institutionnel les comportements marginaux bien répertoriés, le couple homosexuel qui va pouvoir se marier ; pourchasser, notamment chez les grands de ce monde, tous les écarts faits à la morale conjugale, l’infidélité en particulier.

    Dans les deux démarches, le débat est déplacé, ce qui serait en jeu est toujours un  intérêt supérieur : les enfants dans le cas du couple homosexuel, le droit à l’information politique dans l’inflation journalistique de faits divers concernant la sexualité des hommes politiques.

     La discussion sur la sexualité homosexuelle devrait se concentrer sur la question de savoir si une relation d’amour peut durer sans une institutionnalisation, sans une reconnaissance sociale, une contrainte (une responsabilité) commune (des enfants), un projet commun et reconnu (un patrimoine) et dès lors traduire les interrogations qui touchent tous les membres de la société. Mais ce débat s’est figé sur la question des enfants : les homosexuels seront-ils de bon parents ?[1]

    Le lien du mariage qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel n’infère pas magiquement la qualité de bon parent ; en revanche on peut se demander si la volonté d’étendre le mariage aux homosexuels ne resortit pas plutôt d’une volonté totalitaire de faire entrer toutes les relations sexuelles et amoureuses dans le modèle du couple monogame.

    Cette entreprise de normalisation peut aussi se lire dans la tendance toujours croissante des média à traquer tous les écarts à la sexualité monogame quand elle est le fait d’hommes ou de femmes politiquement en vue. Certes cette idéologie de la transparence, traduit simplement la stratégie commerciale  de journalistes, qui sont bien plus malins que les paparazzi, en présentant ces croustillantes histoires d’alcoves sous les couleurs de l’investigation politique.

    Mais dans les deux cas, celui de l’extension du mariage comme celui de la volonté de faire savoir ce qui se passe dans le secret des couples, on se trouve face à une tentative d’encadrer, de domestiquer cette « anormalité » qui toujours resurgit, ce mal que l’on voudrait tant cacher et, finalement, n’est ce pas une ultime tentative de cacher l’animalité de notre nature humaine, de notre sexualité ?

    Pense-t-on  que lorsque les couples homosexuels seront mariés, ils se conformeront à la stricte fidélité exigée par le Code civil ?  La fidélité conjugale est-elle le prix que doivent payer ceux dont Roland Barthes disait que leur privilège était ce droit au papillonnage, aux aventures toujours renouvelées ?

    D’une certaine manière, et contrairement à ce que pense le camp dit conservateur, étendre le mariage, c’est le conforter, de la même façon que traquer tout manquement à ses principes. Ce moralisme monogame se manifeste également dans la furie  de certaines et certains à vouloir éradiquer les rapports sexuels tarifés, paradigme immémorial de la relation sexuelle hors mariage. Madame Boutin rejoint ainsi les militantes féministes les plus hystériques. “Au nom de la pureté, du mariage, de la femme, de l’amour” et contre le sexe bestial.

    Prenons garde que le « mariage pour tous » ne devienne pas un mariage imposé par la puissance publique, un mariage d’Etat. Et qu’il ne faille pour pouvoir exercer une quelconque responsabilité sociale montrer patte blanche et fidélité sans faille. Ou « divorce propre », divorce expliqué aux enfants, divorce bien organisé.

    En bref, pendant le mariage rien n’est permis, mais avant et après le mariage, rien n’est interdit. Y compris de présenter aux enfants plusieurs images d’adultes parentaux contradictoires : un “couple parental” qui ne se témoigne plus ni amour, ni même estime réciproque ; un beau-père et une belle-mère qui ne doivent pas être considérés comme des figures parentales.

    Il se construit ainsi une figure du mariage et de la famille totalement déconnectée de la vraie vie. Celle du quotidien, de l’autorité parentale de tous les jours, de la protection et de l’affection. Celle du couple confronté aux aléas de la vie, des rencontres, des hauts et des bas, des rythmes sexuels et émotionnels parfois divergents. Le mariage pour tous se réduirait ainsi à n’être que “le plus beau jour de ma vie” comme disent les midinettes des publicités.

    Une société qui construirait ses relations sociales sur des valeurs aussi abstraites, des figures aussi peu incarnées, un mariage soluble et réitérable à volonté, un masculin et une féminité assignés à un seul genre, la normalisation et l’assignation à identité de toute pratique sexuelle hors couple, la volonté de tout savoir et l’incapacité à préserver ou comprendre l’intimité, cette société ne pourrait que créer une inflation de comportements pervers, parfois violents.

    Car vouloir forcer chacun à dire, à proclamer, avec qui et dans quelle position il couche, quels sont ses préférences et ses habitudes, voire ses fantasmes, c’est s’exposer à détruire la fragile barrière entre l’imaginaire et la réalité, entre le fantasme et le passage à l’acte, entre le fait d’éprouver un désir et le fait d’y céder.

    C’est aussi appauvrir le champ des possibles des relations humaines charnelles et émotionnelles que de vouloir les contenir dans une forme prédéterminée, fût-elle la plus libérale possible.

    Car la normalisation est créatrice d’anormalité, normer c’est désigner la frontière entre le normal et le pathologique, et c’est donc aussi créer l’anormal et le pathologique.

    Peut être conviendrait-il plus modestement de s’accommoder de notre faiblesse face aux forces du désir et de la passion, d’accepter l’aspect noir et aventureux du vivre ensemble et d’en limiter les règles.

    Préférer dès lors à un ordre externe imposé par le pouvoir de la loi et de l’Etat un ordre interne plus chaotique, impur sans doute, mais concret et congruent.

     

    (1) : Alors qu’on s’interdit de poser cette question de la capacité parentale face à nombre d’enfants, dont on constate qu’ils sont maltraités ou en tout cas “non éduqués” par des parents en très grande difficulté, parce que le lien du sang prédisposerait “naturellement” à être bon parent.

    * Michel Maffesoli, membre de l’Institut universitaire de France,

      Hélène Strohl, Inspectrice Générale des Affaires sanitaires et    Sociales (IGASS).

     

    ** Précédentes mises en ligne :

    > 14.01.2013 : Jean-François Mattéi article du Figaro : "Mariage pour tous et homoparentalité".  

    > 22.01.2013 : Chantal Delsol, entretien avec Jean Sévillia (Figaro Magazine).

    > 29.01.2013 : Thibaud Collinarticle dans Le Monde du 15 janvier. 

    > 5.02.2013 : Hilaire de Crémiersnote parue sur le site de Politique Magazine, le 15 janvier.   

    > 12.02.2013 : Sylviane Agacinski, conférence dans le cadre des Semaines sociales. (VIDEO) et entretien sur Europe 1 (VIDEO).

    > 19.02.2013: Bruno Nestor Azérot, député de la deuxième circonscription de la Martinique (GDR), discours prononcé le mercredi 30 janvier  à l'Assemblée Nationale(VIDEO).

    > 26.02.2013 : Daniel Godard, professeur de Lettres Classiques, une réflexion dont l'originalité est de se placer d'un point de vue linguistique qui fait entendre, dans ce débat, "la voix de la langue française".  

    > 06.03.2013 : Bertrand Vergely, le point de vue du philosophe et théologien, la question du mariage gay appelle dix remarques.

    > 12.03.2013 : Danièle Masson, agrégée de l'Université, "Paradoxe et mensonges du mariage pour tous"

    > 20.03. 2013: réflxion de Fabrice de Chanceuil du point de vue de l'écologie humaine.

     

  • Réponse à Pierre de Meuse, par Jean-François Mattéi

    mattei en attente.jpgDans son article sur mon ouvrage, Le Procès de l’Europe (PUF, 2011)*, Pierre de Meuse** soulève une question difficile sur le statut de l’universel, cet objet de pensée inventé et diffusé par les Européens et qui est aujourd’hui le partage de tous les peuples. Qu’il s’agisse de l’universel théorique, disons la vérité, recherchée dans toutes les universités et les laboratoires du monde sous forme de théories scientifiques, ou de l’universel pratique, disons la justice, imposé par toutes les institutions juridiques sous la forme éthique des « droits de l’homme », et la forme politique de la « démocratie », cette double forme de l’universel, c’est-à-dire la rationalité, régit le monde actuel sans que l’on puisse imaginer un autre modèle de connaissance et d’action.

    Pierre de Meuse en convient, mais m’oppose une objection redoutable : « Si, comme le dit Mattéi, “la raison européenne s’est toujours identifiée à son ouverture vers l’Universel” (p. 182), si la culture européenne n’est pas une culture mais une métaculture, alors elles ne nous appartiennent pas ». Les critiques de l’idée européenne, de Jacques Derrida qui veut déconstruire l’« européocentrisme » à Ulrich Beck qui voit dans l’Europe une « vacuité substantielle »  (comment d’ailleurs le « vide » pourrait-il avoir une « substance » ?), auraient donc raison de condamner l’impérialisme européen. Son mode de pensée et d’action, s’il est véritablement universel, ne lui appartient pas puisqu’il est commun à toutes les civilisations. L’universel est un partage et non une possession et aucun peuple, ni aucune culture, ne saurait prétendre le posséder.

    Présenté sous cette forme logique, qui s’appuie d’ailleurs sur un raisonnement rationnel de type européen depuis les Grecs, cette objection est justifiée. Personne, serait-ce Galilée, Descartes, Newton ou Einstein, n’a l’exclusivité de l’universel, et le théorème de Pythagore est commun aux Grecs, aux Égyptiens et aux Mayas. Parallèlement, la dignité de l’homme affirmée par la tradition philosophique européenne, qu’elle soit religieuse ou laïque, ne concerne pas les seuls Européens, blancs et chrétiens, héritiers des Grecs et des Romains, mais tous les peuples et toutes les races de la terre. L’humanité est le partage égal de tous les hommes.

    Le nœud du problème, que ne semblent pas voir les adversaires d’une identité ou d’une spécificité de l’Europe, tient à ce que l’Europe, un continent particulier, a inventé au cours des siècles l’idée de civilisation. Or, la civilisation, définie par l’établissement des sciences, de la philosophie, de la culture, de la politique et de la morale, donc d’un monde de civilité opposé à la sauvagerie et à la barbarie, est l’avènement de l’universel. Comment concilier la particularité de l’Europe, soulignée par Herder et l’universalité de son message, démontrée par Hegel ? Le paradoxe n’est qu’apparent et se trouve résolu par l’histoire elle-même. L’Europe, ce « petit cap du continent asiatique » selon la formule de Valéry, a mis en œuvre de façon systématique l’universel présent dans toute l’humanité et l’a enseigné, parfois imposé, aux autres peuples, tout aussi particuliers que les peuples européens. La civilisation européenne est donc à la fois particulière et universelle au même titre que les autres civilisations, ainsi nommées par les Européens qui ont inventé le terme au XVIIIe siècle, sont à la fois universelles et particulières. 

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     Il se trouve que la condition humaine tient à ces trois pôles de l’universel, du particulier et du singulier. Je suis un homme singulier, distinct des autres hommes singuliers, mais appartenant à une communauté particulière, la culture française. Cela ne m’empêche en rien de posséder, comme tout autre homme, la caractéristique universelle de l’humanité. Les droits qui s’y attachent, la dignité et la liberté parmi d’autres, en concernant les hommes singuliers et leurs attaches particulières, sont néanmoins inscrits dans l’universalité de l’homme. Ce qui justifie d’emblée la possibilité d’une Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Si Joseph de Maistre, comme le rappelle Pierre de Meuse, n’avait jamais rencontré « l’homme », c’est-à-dire le concept ou l’idée abstraite d’humanité, mais seulement ces individus particuliers que sont les Français, les Anglais, les Italiens, les Espagnols, etc., cela n’empêchait pas de Maistre de savoir qu’il partageait son humanité avec les autres hommes. Telle est bien l’invention de l’Europe : l’humanisme qui fonde son universalité dans l’universalité du cosmos, comme on le voit avec l’Uomo universale de la Renaissance italienne, par exemple chez Léonard de Vinci. Les lois universelles de la nature, appréhendées par la science théorique, se reflètent dans les lois universelles de l’homme, appréhendées par l’action pratique, dans le droit, la politique et la morale.

    Pierre de Meuse se demande si l’Europe, à force d’ouverture vers l’universel, ne s’est pas empoisonnée avec ses propres concepts. C’est bien ce que je soutiens dans mon livre. L’ouverture aux autres peuples, qui a permis de créer l’ethnologie, une invention purement européenne, tend toujours à se perdre dans ces autres peuples pour mieux critiquer, de leur point de vue, les défauts de la raison européenne ou ses perversions (guerres de religion, massacres, colonialisme, guerres mondiales, et j’en oublie !). Quand Montesquieu fait appel à un Persan, et Diderot à un Tahitien, c’est sans doute pour connaître d’autres peuples et reconnaître leur existence. Mais c’est surtout pour dénoncer l’infidélité des Européens à leurs principes humanistes. Au demeurant, qui parle dans Les Lettres persanes ou dans le Supplément au voyage de Bougainville ? L’indigène, de son point de vue particulier, ou l’Européen, de son point de vie universel ?

    Ce n’est pas seulement l’Europe qui a joué sur les deux tableaux, l’universalité de son exigence et la particularité de son enracinement. Toutes les autres cultures, dès qu’elles ont accédé à l’’universel par la mondialisation (communication, échange, enseignement, économie, politique), se sont trouvé confrontées au même problème de la coexistence de l’universel avec leurs particularités irréductibles. Comme l’universel est encore plus irréductible, car le théorème de Fermat est aussi valide pour le mathématicien de Montauban que pour le mathématicien de Tombouctou, chaque peuple, y compris les peuples européens, se sent tiraillé entre la fidélité à son héritage spécifique et la nécessité de se plier au mode de vie universel, c’est-à-dire rationnel.

    Le paradoxe sur lequel butte Pierre de Meuse est celui de la critique des concepts européens, en clair la critique de la culture de l’Europe, qui s’est ouverte exagérément et peut-être illusoirement. Cette critique n’est-elle même possible, qu’elle vienne d’un Européen ou d’un non-Européen, d’un chrétien, d’un musulman ou d’un athée, que si elle se fonde sur des outils conceptuels européens (identité, contradiction, méthode, expérimentation, bref usage d’une démonstration rationnelle). La raison, comme le disait Descartes du « bon sens », est la chose du monde la mieux partagée. On ne peut donc la mettre en cause qu’à partir de ses propres postulats, et non à partir de ses applications qui peuvent être erronées ou condamnables. La raison européenne a fait beaucoup de mal, et d’abord à l’Europe elle-même, cette « Europe qui n’aime plus la vie » comme l’écrivait Camus dans L’Homme révolté. Mais le même auteur n’hésitait pas à reconnaître que l’Europe était, malgré tout, « cette terre de l’esprit où depuis vingt siècles se poursuit la plus étonnante aventure de l’esprit humain » (Lettres à un ami allemand, III, 1945). Camus, comme Pierre de Meuse qui termine son article sur un appel au tragique de l’existence, était sensible au « sentiment tragique de la vie », pour parler avec Unamuno. Je le suis également et ne crois pas que la raison épuise toutes les ressources de la pensée et de l’existence. Il reste que, depuis des siècles, l’homme n’a pas réussi à trouver un autre universel que celui de la raison, théorique et pratique, et que, pour l’instant, cette même raison est à la fois juge et partie du litige, comme l’Europe particulière est à la fois juge et partie de l’ouverture aux cultures particulières. Il nous faut vivre avec ce paradoxe qui est peut-être, effectivement, plus tragique que rationnel.

    Jean-François Mattéi

    20 février 2013

     

     ___________________

     * Jean-François Mattéi, Procès de l’Europe, Grandeur et misère de la culture européenne, PUF, 22 €, 264 p.

     ** Pierre de Meuse,  « Le procès de l’Europe de Jean-François Mattéi »  (Lafautearousseau, jeudi 27 décembre 2012)

     

  • Jean Sévillia : « La France catholique n'a pas dit son dernier mot »

     

    Par Jean-Christophe Buisson

    Une interview où Jean Sévillia fait un point fort intéressant sur le poids, l'importance, le positionnement, les orientations, en bref sur la situation des catholiques de France et leur avenir. Un sujet qui concerne actuellement plus que jamais le domaine proprement politique. LFAR    

    Historien, essayiste et journaliste, Jean Sévillia publie un superbe album illustré qui constitue, par le texte et par l'image, un état des lieux du catholicisme en France aujourd'hui. Cette interview a été donnée au Figaro magazine.

    La France catholique : le titre du livre que vous publiez n'est-il pas provocateur ?

    Tel n'est pas son objectif, en tout cas. Evoquer la France catholique, c'est rappeler les faits. En premier lieu en ce qui concerne la population française. S'il est interdit aux organismes publics de procéder à des statistiques sur l'appartenance religieuse, de nombreuses études opérées par des instituts de sondage fournissent des indications fiables. Selon une récente enquête, 56 % des Français se déclarent catholiques, 8 % musulmans, 1,4 % protestants, 1,4 % orthodoxes, 1,3 % bouddhistes et 0,8 % juifs, 27 % des sondés se présentant comme sans religion. 56 % de catholiques déclarés, c'est ce qu'on appelle une majorité. En chiffres, on sait que le pays compte 44 millions de baptisés, ce qui fait, sur 65 millions d'habitants, les deux tiers de la population. Sous l'influence d'une laïcité exacerbée qui voudrait effacer le fait religieux de l'espace public, sous l'incidence, également, du grand nombre de questions intérieures et extérieures touchant à l'islam ou aux musulmans et qui finissent par accaparer les débats, on en viendrait à oublier, et pour certains à occulter, que le catholicisme reste la religion d'origine ou de référence de la majeure partie de la population française.

    Mais une religion qui est de moins en moins pratiquée…

    Certes. Au début des années 1960, environ 90 % des Français se présentaient comme catholiques, dont 35 % de pratiquants réguliers ou occasionnels ; au début des années 1970, les pourcentages étaient encore de 82 % de catholiques déclarés et de 20 % de pratiquants. Aujourd'hui, les catholiques pratiquants représentent entre 4,5 et 6 % de la population. Ce recul spectaculaire tient à des causes multiples: disparition de la vieille société rurale, bouleversements socioculturels des années 1960-1970, sécularisation du monde occidental. D'une société qui, en dépit de la laïcité officielle et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, était héritière d'une société de chrétienté, nous sommes passés à une société du libre choix religieux, dans un contexte d'incroyance généralisée. Néanmoins, en 2015, la France compte 3 millions de catholiques pratiquants réguliers et 10 millions de pratiquants occasionnels, soit 13 millions de personnes. S'il s'agit d'une minorité, cette minorité est numériquement la première minorité de France. Quant au long terme, les projections montrent qu'en 2045, le pays comptera entre 33 et 37 millions de baptisés, ce qui sera encore une masse considérable.

    Mais la France catholique, c'est aussi une culture ?

    C'est un patrimoine de 100 000 édifices religieux, dont 150 cathédrales et 45 000 églises paroissiales. C'est un enracinement bimillénaire qui s'observe dans la toponymie (4 400 communes portent un nom de saint), dans le calendrier civil où les six plus grandes fêtes chrétiennes sont des jours fériés, dans les traditions populaires, de la crèche de l'Avent aux œufs de Pâques. C'est tout un héritage artistique, littéraire et musical. C'est un héritage intellectuel et philosophique: tous les grands penseurs français, même s'ils n'étaient pas chrétiens, ont eu à se situer par rapport au catholicisme, ce qui revenait à reconnaître la place centrale de celui-ci dans notre histoire. La France catholique, ce sont encore les principes de base qui fondent le pacte social: la dignité de la personne humaine, l'égalité entre l'homme et la femme, la solidarité envers les petits et les pauvres, le souci de la justice ou le sens du pardon ont pu être laïcisés, ils expriment une anthropologie tirée des Evangiles. C'est en ce sens que la formule du général de Gaulle selon laquelle «la République est laïque, la France est chrétienne» conserve toute sa pertinence. C'est en ce sens également que les sociologues Hervé Le Bras et Emmanuel Todd ont pu parler récemment d'un «catholicisme zombie», signifiant par là qu'en dépit de la baisse de la pratique religieuse,

    Quel est le poids des catholiques dans la société ?

    Il est énorme, mais il s'exerce de façon discrète. Dans le domaine de l'enseignement, par exemple, une famille française sur deux confie son enfant à un moment ou à un autre de son parcours scolaire à l'enseignement catholique. Même quand les motivations des parents ne sont pas d'ordre religieux, et même quand les établissements fréquentés n'ont qu'une faible identité confessionnelle, les élèves ont un contact, le temps de leur scolarité, avec l'univers catholique. Dans le domaine de l'aide sociale, du caritatif et de l'humanitaire, tant en France que pour les missions françaises à l'étranger, si l'on supprimait d'un trait les associations catholiques, ce serait une perte immense, si nombreux sont les catholiques engagés dans ces secteurs. L'éducation chrétienne, en général, prédispose au bénévolat. Rappelons, par exemple, qu'avec 125 000 membres le scoutisme catholique, toutes tendances confondues, est un des principaux mouvements de jeunesse français.

    Et sur le plan politique, que représentent les catholiques ?

    Politiquement, ils sont divisés. Ce n'est pas nouveau, cela date du XIXe siècle. Il existe des catholiques de gauche, du centre et de droite. Mais, au cours des deux dernières décennies, les équilibres se sont modifiés. Nous avons assisté à la quasi-disparition des chrétiens de gauche, emportés par leurs désillusions consécutives à la présidence de François Mitterrand. Puis à la droitisation du curseur chez les catholiques pratiquants, dont les trois quarts ont voté pour Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle de 2012. Mais le peuple catholique n'est pas différent du commun des mortels: ce qui prédomine chez lui, c'est une méfiance à l'égard des partis et des hommes politiques actuels, accusés de se préoccuper d'enjeux politiciens ou d'objectifs à court terme, et non des vrais problèmes qui engagent notre avenir. L'opposition au mariage homosexuel, toutefois, a manifesté une capacité de mobilisation des réseaux catholiques qui a surpris tout le monde, y compris les organisateurs des grandes manifestations de 2012-2013. Cette mobilisation, qui a dépassé les clivages traditionnels, marque l'entrée dans l'arène d'une nouvelle génération catholique qui sait être une minorité agissante.

    Qu'est-ce que le pontificat du pape François change pour les catholiques français ?

    Méfions-nous des fausses oppositions entretenues, non sans arrière-pensées, par le système médiatique. La majorité des forces vives du catholicisme français, que ce soit dans le clergé ou chez les laïcs, n'a eu aucun problème, au contraire, avec les pontificats précédents. Le témoignage public de la foi chrétienne par les processions ou les pèlerinages, pratiques qui sont en plein renouveau, l'exigence de formation religieuse ou d'approfondissement spirituel, qui caractérisent la nouvelle génération, sont des legs de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Mais l'appel à la radicalité évangélique à laquelle invite François n'a rien pour déplaire à cette nouvelle génération.

    Comment se présente l'avenir pour le catholicisme français ?

    Les évolutions démographiques et sociologiques sont lentes mais implacables. A court et moyen terme, nous allons vers une Eglise de France plus resserrée, plus citadine, où les divisions internes n'auront pas disparu mais se seront déplacées. Dans la mesure où le catholicisme populaire a fondu, le risque est celui de l'entre-soi. La contrepartie de cette homogénéité sociale et culturelle, c'est une vraie cohérence et une garantie de durée. Sur le long terme, si l'on considère le dynamisme de ces mouvements, de ces paroisses et de ces communautés, sans parler de leur vitalité intellectuelle et spirituelle, on peut dire que la France catholique n'a pas dit son dernier mot. 

    Jean-Christophe Buisson 

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    La France catholique, de Jean Sévillia, Michel Lafon, 29,95 €.   

     

  • Migrants : ce que dit (vraiment) le Pape

       Photo: Sipa 

    Une analyse de Frédéric Rouvillois 

    Frédéric Rouvillois analyse ici - pour Causeur -  l'actuel problème des migrants du point de vue de la logique et de la spiritualité chrétiennes. Lesquelles n'ignorent ni la charité que l'on doit aux autres ni celle qu'on se doit à soi-même et à la communauté politique à laquelle on appartient. Cette analyse conduit à proposer en quelque sorte une ligne de crête, conciliant l'une et l'autre exigence, fussent-elles ou sembler être contradictoires. Les lignes de crête, on le sait, ne sont pas de celles que l'on tient le plus aisément. Peut-être même ne sont-elles compréhensibles et tenables que par quelques uns. Nous ne les critiquerons pas. Toutefois, comme nous limitons notre réflexion au domaine politique, nous ne manquerons pas de signaler que les gestes, paroles ou écrits de l'Eglise et du Pape dans l'interprétation qui en sera inévitablement donnée par notre Système politico-médiatique, constituent pour la France et l'Europe un risque supplémentaire considérable dont ces autorités pourraient sans-doute avoir un plus grand souci. Dont elles pourraient traiter avec davantage de prudence. D'un point de vue politique, notre position inchangée est qu'un accueil massif de migrants - s'ajoutant au très grand nombre de ceux que nous avons déjà reçus depuis des décennies - met à l'évidence en péril les sociétés européennes. Dont celle qui nous concerne le plus, la nôtre. Lafautearousseau    

     

    frederic-rouvillois.jpgLe Pape François qui, le 6 septembre 2015, du balcon de Saint-Pierre, demandait à chaque paroisse catholique d’accueillir une famille de réfugiés et suppliait l’Occident d’ouvrir ses portes à la masse des migrants, ne serait-il qu’un doux illuminé ? Un utopiste prêt à tout sacrifier, et notamment les frontières, les Etats et les peuples, au rêve d’une improbable fraternité universelle ? C’est évidemment ce que certains voudraient faire croire, soit pour le lui reprocher, soit pour l’en applaudir. Et c’est en effet ce que ses interventions, astucieusement sorties de leur contexte, semblent parfois laisser croire.

    Pourtant, si François peut être considéré comme révolutionnaire, il ne l’est pas plus que le christianisme lui-même, ni que la sainteté. Et pas plus que le christianisme, il n’entend répudier le « réalisme politique », dont il s’est même explicitement réclamé dans son encyclique Laudato si'*. Réalisme politique qui le conduit à des positions moins stéréotypées, moins simplistes et surtout moins émotionnelles que celles que l’on présente, la réalité ainsi prise en compte n’étant jamais toute d’une pièce, mais constituée d’éléments complexes.

    Et c’est justement ce que l’on constate à propos du problème des migrants, le Pape, et l’Église, s’efforçant de concilier deux impératifs apparemment incompatibles dans le creuset d’un même réalisme évangélique.

    Le première impératif, aime ton prochain comme toi-même, conduit à ouvrir les bras à l’autre. Et en l’occurrence, à refuser l’engrenage de la terreur qui conduit des millions de personnes, créatures de Dieu et faites à son image, à quitter leurs maisons et à demander l’hospitalité. Ceux-là, en tant que chrétien, je ne puis les laisser à la porte, sauf à ressembler au mauvais riche que son égoïsme condamne irrémédiablement au tourment éternel. À l’égard de mes frères souffrants, un devoir s’impose sans discussion, celui que le Pape rappelait à Rome le 6 septembre : « être le plus prochain des plus petits et des plus abandonnés ». Concrètement, ce précepte justifie une pratique de l’accueil qui ne distingue pas entre une migration politique et une migration économique – distinction  moralement contestable, celui qui s’enfuit avec sa famille pour ne pas mourir de faim n’ayant pas moins le droit d’être accueilli que celui qui émigre parce qu’il estime que sa liberté d’expression ou son droit de vote étaient violés dans son pays d’origine. En somme, l’opposition à  la « culture de mort » suggère une politique d’ouverture et de charité.

    Mais à ce premier impératif s’en ajoute un second, qui commande de s’aimer soi-même en tant que l’on est une créature de Dieu, et que l’on a par là-même des devoirs envers soi. Benoît XVI soulignait à ce propos que « l’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter »**. Or sa nature est d’être un animal social, qui va constituer avec ses proches un groupe particulier, une société dotée de certaines caractéristiques dont procèdera sa propre identité.

    On ne saurait en effet confondre le Peuple de Dieu, composé de tous les hommes en tant qu’ils sont frères, puisqu’issus du même Père céleste, et les peuples humains, qui s’y découpent comme les pièces dans un puzzle, chacune d’entre elles étant dotée de sa propre forme, de sa couleur et de sa place. Tout homme, appartenant au Peuple de Dieu, appartient aussi, simultanément, à un peuple particulier, à une patrie où généralement il est né, à une culture qui l’a modelé, à une terre et à une histoire où il s’enracine.

    Cette réalité, les papes contemporains en ont souligné l’importance dans la construction de l’homme : sans elle, expliquent-ils, l’homme est déraciné, perdu, privé de ce qui le constitue, un être sans ombre et sans épaisseur, victime idéale des nouveaux marchands d’esclaves.

    Or, ce second impératif s’oppose, lui, à ce que les portes soient ouvertes de façon inconsidérée à des masses de plus en plus considérables. Si les identités sont indispensables, on ne peut en effet accepter un processus qui conduit de façon certaine des millions de personnes, séduites par le miroir aux alouettes du consumérisme, à rompre avec leurs racines, et des millions d’autres à subir ce qu’ils ressentent comme une invasion, une dilution de leur identité et une mise à mal de leur culture.

    Mais comment concilier ces deux impératifs ? Le christianisme distingue à cet égard quatre vertus cardinales, la prudence, la tempérance, le courage et la justice : toutes les quatre sont à l’œuvre pour résoudre cette difficulté.

    La justice, qui vise à donner à chacun le sien, pousse à aider ceux qui ont tout perdu et à leur rendre une dignité, celle qui leur appartient en tant que créatures de Dieu ; mais sans pour autant léser ceux qui, ici, souffrent également de la pauvreté sous toutes ses formes.

    La prudence consiste à peser le pour et le contre. Et à constater qu’il faut bien entendu recueillir, au moment présent, ceux qui se noient à quelques encablures des côtes européennes. Il faut les recueillir, tout en faisant comprendre aux autres, à tous les autres, qu’il s’agit d’un cas d’exception, d’un moment transitoire. Bref, qu’il n’y a pas de place ici pour les dizaines de millions qui, un jour peut-être, seraient tentés de venir s’installer en Europe. Pas de place, parce qu’un afflux excessif, à la libanaise, entraînerait à coup sûr un surcroît de misère et, à terme, de violence, voire de guerre civile, les envahis ne pouvant accepter indéfiniment l’injustice de leur propre situation. Même Saint Martin ne donna au pauvre que la moitié de son manteau. La prudence consiste donc, du côté des décideurs, à refermer progressivement mais fermement les frontières, tout en agissant dans les pays d’origine de telle sorte que le flux migratoire finisse par se tarir. Bref, à agir en véritables politiques, qui savent que leur rôle est de traiter les causes du mal, pas simplement ses symptômes les plus visibles.

    La tempérance, elle, consiste accepter de restreindre notre train de vie afin d’aider, là-bas, des populations si misérables que sans cette aide, elles seraient tentées de tout quitter pour venir chez nous. Elle enseigne qu’en perdant un peu en confort matériel, nous pouvons espérer sauver l’essentiel : notre identité spirituelle, et peut-être notre vie.

    Le courage, enfin, est ce qui peut nous conduire, d’une part à ne pas baisser les bras, et de l’autre à ne pas craindre d’intervenir – en prenant une part active à l’éradication des causes du problème. « L’espérance chrétienne est combative », déclarait encore le pape François le 6 septembre. Le christianisme n’est pas une religion de la passivité, et il y a des moments où, au nom de la justice et même de la prudence, le courage commande d’agir. Avant qu’il ne soit trop tard.

    Et les catholiques de France, dans tout ça ? Il leur revient, pour rester fidèles à ce réalisme évangélique, de tenir fermement les deux bouts de la corde sans sacrifier l’un à l’autre – le devoir d’amour d’un côté, qui leur commande d’ouvrir les bras et, de l’autre, le devoir de maintenir la cité conditionnant la réalisation de cet amour, qui les pousse à la vigilance. Ni oublier que tous deux constituent des formes complémentaires de la charité.   

    Frédéric Rouvillois

     

  • État, patrie, nation

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgLe réel revient au grand galop. Nos politiques y sont confrontés : patrie, nation, frontières, État, voilà à quoi se rattachent les peuples.

    L’état d’urgence, décrété par François Hollande après les attentats du 13 novembre en application de la loi du 3 avril 1955, a été voté une première fois par le Parlement les 19 et 20 novembre 2015 à une quasi unanimité pour une prolongation de trois mois, soit jusqu’au 26 février 2016. Le gouvernement, au regard de la situation, se voit dans l’obligation en ce début février d’en demander encore la prorogation jusqu’à la fin mai. Il pense qu’il pourra, à ce moment là, utiliser, le cas échéant, la nouvelle règle constitutionnelle en préparation qui lui évitera les éternelles discussions de la vie démocratique. Christiane Taubira qui était opposée à cette réforme, a démissionné le 27 janvier, laissant le ministère de la Justice à Jean-Jacques Urvoas qui, lui, était déjà totalement impliqué dans la rédaction de la nouvelle loi. C’était une question de cohérence.

    L’état d’urgence

    On s’en souvient : François Hollande, lors de son discours à Versailles devant le Congrès, avait annoncé sa décision de constitutionnaliser l’état d’urgence pour en faire une arme permanente à la disposition des pouvoirs publics.

    Pour faire bonne mesure et obtenir l’approbation nécessaire de la droite à une telle réforme constitutionnelle qui exige l’accord des 3/5e du Congrès, François Hollande avait cru bon de joindre au texte concernant l’état d’urgence, un autre qui visait la déchéance de nationalité des binationaux convaincus de crime terroriste ou, selon l’expression du projet de loi aussi étrange qu’inconnue en droit pénal, « constituant une atteinte grave à la vie de la nation ». Crime ou délit, a-t-il été précisé, ce qui étend le champ des applications de la loi.

    Ce faisant, Hollande pensait se rallier une large et suffisante majorité de parlementaires et se gagner l’opinion des Français, acquis dans leur ensemble à ces deux mesures.

    Et voilà que tout se complique. Sa gauche se rebiffe une fois de plus. Taubira en sera l’égérie ! Elle l’annonce. Les magistrats et les robins de tous états font entendre un sourd grondement de protestation, car l’autorité judiciaire, à les entendre, serait bafouée dans ses prérogatives : n’est-elle pas constitutionnellement la gardienne de la liberté individuelle ? La Ligue des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe, l’Onu elle-même signifient leur inquiétude.

    Le problème de la déchéance de nationalité

    Enfin, des gens fort sérieux, de droite comme de gauche, ont fait savoir publiquement leur désaccord. à quoi sert l’état d’urgence, disent les uns ; il y a un arsenal de lois suffisant pour réprimer le terrorisme, sans qu’il soit besoin d’installer le pays dans un état permanent d’effervescence.

    Quant à la déchéance de nationalité, disent les autres et quelquefois les mêmes, en ne visant que les binationaux, elle créerait une discrimination inutile entre les Français selon leur origine ; elle n’aurait aucun effet dissuasif sur des criminels décidés à passer à l’acte ; et elle mettrait la France en porte-à-faux dans ses relations internationales.

    Les conseillers de l’Élysée et de Matignon, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la présidence d’Urvoas, ont donc travaillé sur une rédaction qui puisse obtenir la majorité requise. La binationalité et autres questions de citoyenneté seront ainsi renvoyées à des textes d’application. Il est question de « réhabiliter » la peine d’indignité nationale, applicable à tous les citoyens, pour assurer ainsi « l’égalité devant la loi » !

    Le président et le Premier ministre sont maintenant, tous les deux, obligés de réussir leur coup. Car, au-delà de toutes ces arguties juridiques, comment ne pas soupçonner une intention électorale en vue des élections présidentielles de 2017 ? Dans tant de débats aussi discordants que superficiels, on joue avec le droit et les mots sans se soucier de la vérité politique.

    François Hollande se met à parler de patrie, mot qui lui était parfaitement étranger, à lui comme à ses pairs. Or, à aucun moment dans ses propos, il ne la désigne sous ses traits singuliers ; il est évident qu’il ne la comprend pas, qu’il ne la sent pas ; il n’en communique ni l’amour ni le respect. La patrie pour lui, c’est équivalemment la République, une abstraction, et la République en fait, c’est sa chose à lui ; il se l’est appropriée. Valls a la même conception idéologique et totalement subjective ; il suffit de l’écouter pour savoir que dans son esprit domine une équation de la simplicité radicale d’un fondamentalisme religieux : France = République = Valls !

    Ils sont tous pareils, dans le même état d’esprit, à droite, à gauche, au centre. Lisez leur bouquin à chacun, quel qu’en soit le titre : partout le même narcissisme républicain ! L’intelligence, c’est moi ; l’action, c’est moi, l’État fort, c’est moi ; la liberté, c’est moi ; la sincérité, c’est moimoi, moi, moi ! Pas des hommes d’État, des moi, tous du même acabit.

    Patrie et nation

    Or la patrie a, d’abord, une signification charnelle : elle est la terre des pères ; elle est un sol, un territoire, un paysage, un patrimoine incorporé aux lieux aimés ; elle parle des générations qui se sont succédé, d’un art de vivre, de la religion, des mœurs et du labeur de nos familles. Bref, tout ce que la République a décidé – et encore récemment – de ne plus connaître, voire de supprimer. Et la nation dit, d’abord, la naissance : c’était vrai déjà dans les acceptions du langage courant dès le XVIe siècle. La nation, avant d’être un contrat, est un fait. Nous appartenons tous à une nation et ce caractère distinctif marque à tout jamais notre origine et, sauf exception, détermine notre avenir. Il est possible, sans doute, de changer de nationalité, de s’insérer dans une autre nation ; encore faut-il le faire en respectant cette donnée de fait qu’est la nation. Il n’est pas besoin d’évoquer Taine, Renan, Barrès, Maurras ou Péguy pour adhérer d’esprit et de cœur à ces claires certitudes, le plus beau partage qui nous soit échu et qui établit en France notre communion historique. Car l’histoire est là, prégnante.

    Le grand problème de nos dirigeants, c’est qu’il y a longtemps qu’ils ont jeté cet héritage aux orties. Ils sont internationalistes, mondialistes, européistes. En même temps qu’attachés au jacobinisme d’État le plus archaïque qui justifie leurs prébendes ! D’où leur indifférence profonde pour la paysannerie qui se meurt, pour l’artisanat de chez nous, pour tous les métiers de nos pays, pour nos industries et notre écologie vraie qui est constituée de terroirs, de clochers, de traditions, de populations qui ne sauraient être submergées par l’étranger. Vendre des Rafale et des Airbus, ça ne suffit pas !

    Leurs lois s’inscrivent toutes dans la médiocrité d’une défense républicaine et non dans l’élan d’une reconquête française. Comment dans ces conditions avoir une politique intérieure de sécurité et de justice, quand tout n’est plus que clientélisme de parti et de syndicat et quand des banlieues entières, bientôt des villes, telle Calais, sont littéralement abandonnées à cause de leur incurie ? Comment opérer les réformes nécessaires quand l’esprit public est perverti ? La réforme du travail ? Allons donc, un rapport de plus pour le vieux Badinter ! Plus gravement, comment faire la guerre, la soutenir dans la durée, s’obliger au sacrifice nécessaire, quand les moyens sont continuellement rabotés ? Comment mener une politique extérieure quand on ne sait même plus ce que sont les intérêts du pays et quand on renie l’âme de la France ? Comment enfin sauver nos finances quand plus aucune décision souveraine n’est possible qui mette à l’abri des cataclysmes à venir ?

    Leur œuvre aboutit au néant, mais ils tiennent la République et sa loi. Ils sont contents ; ils sont comme des enfants gâtés. Ce sera leur joujou jusqu’au bout.   

  • La stratégie de Poutine au Moyen-Orient

    Au lendemain de la rencontre de Vladimir Poutine avec le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, Hadrien Desuin* analyse pour le Figaro - avec pertinence selon nous - les enjeux  de la guerre en Syrie. Un nouvel équilibre des forces au Moyen-Orient se met en place. Lequel, soit dit en passant, relativise et renvoie au passé, les violentes critiques portées par les Etats-Unis, l'Union Européenne, la diplomatie française et maints observateurs, à l'encontre de la Russie et de Vladimir Poutine. Les échecs qu'on lui prédisait, ainsi d'ailleurs que la chute d'Assad annoncée comme imminente il y a trois ou quatre ans, ne se sont pas produits. Et cette politique nous a fait perdre ces mêmes trois ou quatre années, au cours desquelles Daech s'est considérablement renforcé, où le chaos s'est répandu à travers le Moyen-Orient tout entier, avec, pour nous, Français et Européens, les conséquences que l'on sait. Cette politique, nous l'avons toujours dénoncée, ici. Et sans-doute avions-nous raison.  LFAR 

     

    LE FIGARO - Le président russe Vladimir Poutine a rencontré lundi à Moscou le Premier ministre israélien Nétanyahou au sujet de la guerre en Syrie. Selon Haaretz, cette visite semble refléter « le manque de foi [de ce dernier] dans la capacité et la volonté des Etats-Unis à protéger les intérêts sécuritaires israéliens. » La Russie est-elle un nouvel acteur majeur dans la région ? 

    Hadrien DESUIN - Les derniers renforcements russes en Syrie frappent l'imaginaire collectif. Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide et l'intervention soviétique en Afghanistan, l'armée russe s'apprête à intervenir au Moyen-Orient. Les Russes avaient conservé leur base de Tartous et fournissaient en armes l'armée syrienne mais Poutine a changé de braquet: désormais c'est l'armée russe qui frappe. Il s'agit d'un événement majeur qui va marquer l'histoire des relations internationales: un nouvel équilibre des forces au Moyen-Orient se met en place. Il faut se souvenir que les interventions américaines dans le Golfe ont été rendues possible par la chute de l'URSS. Mais progressivement la Russie poutinienne restaure les positions soviétiques au Moyen-Orient, ce que n'aurait pas déplu à Evgueni Primakov qui vient de disparaître. 

    Il faut toutefois nuancer. La stratégie russe n'est pas une logique de guerre froide et d'opposition aux armées occidentales mais plutôt d'aiguillon. L'idée est de participer à la coalition anti-Daech en s'appuyant sur l'armée syrienne et non les «rebelles». Rebelles qu'à l'exception de quelques idéologues, on peine à distinguer des groupes djihadistes proches d'Al-Qaïda. La Russie ne veut pas apparaître comme un trublion mondial. Au contraire, elle souhaite jouer un rôle dans le nouveau monde multipolaire qui s'ouvre après la fin de l'hégémonie américaine post-URSS. 

    Côté israélien, il y a une vraie déception vis-à-vis des Etats-Unis et un certain pragmatisme. Marqué par le conflit contre le Hezbollah au Liban-sud, le chef du Likoud a d'abord misé sur la chute de Bachar Al-Assad. Le premier ministre israélien a dès lors voulu jouer le Capitole contre la Maison-Blanche ; mal lui en a pris. Ses réseaux dans le parti républicain n'ont pas suffit. Même les électeurs juifs démocrates n'ont pas suivi son obsession anti-iranienne. Peut-être aussi que la droite nationaliste israélienne voit d'un bon oeil l'émergence de Daech, qui peut cyniquement diviser le camp djihadiste, notamment le Hamas. 

    Par dépit, Netanyahou se tourne vers Moscou qui pourtant applique une politique pro-iranienne dans la région. Il s'agit sans doute d'une simple coordination technique entre les états-majors aériens. Netanyahou en profite aussi pour marquer sa désapprobation vis-à vis de l'administration Obama. Avec l'idée que le grand retour de la Russie au Moyen-Orient ne manquera pas d'être exploité par les républicains qui pointent la prudence excessive de Barack Obama. 

    Comment expliquer ce basculement alors que la Russie était la cible de violentes critiques de la part des EU et de l'UE ? 

    Le principe de réalité finit toujours par prendre le dessus sur les émotions morales. La stratégie occidentale est en échec en Syrie depuis quatre ans. Le groupe des amis de la Syrie qui avait exclu les positions iranienne et russe n'a jamais pu apporter la preuve de la crédibilité de l'armée syrienne libre (ASL) et sa branche politique, le conseil national syrien. La Russie, de son côté, a toujours proposé ses bons offices diplomatiques pour dénouer le nœud syrien et trouver une solution interne au régime des Assad.

    Pour l'opinion occidentale, les crimes de Daech sont désormais nettement plus insupportables que les tentatives de Bachar Al-Assad de rester au pouvoir. C'est donc la position russe qui apparaît la plus juste mais aussi la plus réaliste. On joue sur les mots mais plus personne en haut lieu n'appelle à un changement de régime à Damas. Mutatis mutandis, les occidentaux s'alignent sur la position russe. C'est-à-dire la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme islamiste. 

    La Russie semble être le pays le plus déterminé à attaquer Daech . Comment expliquer la lenteur des pays européens et des Etats-Unis à s'allier avec Moscou ? 

    On disait l'économie russe à genoux, le pouvoir politique de Poutine vacillant, isolé sur la scène internationale. Il n'en n'est rien. Comme disait Bismarck, «la Russie n'est jamais aussi forte ni aussi faible qu'il n'y paraît.» Largement surestimée au cours de la guerre froide, la Russie a, depuis 25 ans, été négligée au Moyen-Orient. Mais l'image d'une armée russe en déliquescence dans les années 90 n'est plus d'actualité. Poutine et ses généraux se sentent suffisamment forts désormais pour se projeter au Moyen-Orient et déployer le meilleur de leur technologie. 

    Comme à son habitude, Vladimir Poutine a manœuvré en discrétion pendant tout le mois de septembre jusqu'à ce que son appui à l'armée syrienne ne puisse plus être contesté. Comme en Crimée et en Géorgie, Poutine ne veut pas provoquer mais les Occidentaux sont mis en douceur devant le fait accompli, sans déclaration tonitruante ni fanfaronnade. Les rôles s'inversent puisque jusqu'à présent ce sont les Occidentaux qui mettaient bruyamment la Russie devant le fait accompli. 

    Pour autant, les puissances occidentales, échaudées par leurs échecs successifs dans la région réalisent au fur et à mesure que Poutine et Lavrov peuvent poursuivre le rôle positif qu'ils ont joué dans les négociations avec l'Iran. 

    Laurent Fabius s'est montré hostile à la visite de parlementaires français en Crimée, et opposé à la vente des Mistral à Moscou. La France est sous embargo alimentaire russe depuis 2014 après les sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie… Comment analysez-vous l'attitude de la diplomatie française envers la Russie? La France est-elle en train de manquer une rapprochement de poids avec Moscou ? 

    La position de Laurent Fabius reste arc-boutée sur le départ de Bachar Al-Assad comme s'il vivait encore dans le mirage des printemps arabes. Mais Daech a pris de plus en plus d'importance jusqu'à la prise de Mossoul. Les Occidentaux ont alors été contraints de prendre la défense de Bagdad et les militaires ont fait pression pour élargir les opérations à la Syrie. Jean-Yves Le Drian en France, John Kerry et Ashton Carter [actuel secrétaire d'Etat américain à la Défense, ndlr] aux Etats-Unis ont été les premiers à pousser à reprendre le dialogue avec Damas. C'est eux qui tirent François Hollande et Barack Obama à se rapprocher de la position russe. 

    Laurent Fabius, toujours en retard d'une guerre, semble encore penser le monde des années 90. Depuis trois ans, il réclame le départ préalable de Bachar Al-Assad sans tenir compte de la position russe. Dans un entretien paru aujourd'hui dans Le Figaro, il trouve pour la première fois absurde de demander des excuses à Assad avant toute discussion. Mais si on négocie avec un chef d'État, c'est reconnaître sa légitimité et sa capacité dans l'avenir à mettre en place l'accord. Ce qui n'est pas compatible avec une exigence de départ à court ou moyen terme. 

    Sur les questions de sécurité, Laurent Fabius qui se comporte en Vice-président, accumule les revers. Ses rapports avec la Russie ont semblé en opposition avec le ministère de la Défense dont l'approche est nettement plus réaliste. Engoncé dans un discours moralisateur, Laurent Fabius est en décalage avec les événements et semble avoir perdu tout crédit pour diriger la diplomatie française. Son départ en décembre, à la faveur du remaniement post-élections régionales pourrait permettre de renouer les liens traditionnels avec la Russie et redonner des marges de manœuvre à François Hollande. 

    * Ancien élève de l'École spéciale militaire de St-Cyr puis de l'École des officiers de la Gendarmerie nationale, Hadrien Desuin est titulaire d'un master II en relations internationales et stratégie sur la question des Chrétiens d'Orient, de leurs diasporas et la géopolitique de l'Égypte, réalisé au Centre d'Études et de Documentation Économique Juridique et social (CNRS/MAE) au Caire en 2005. Il a dirigé le site Les Conversations françaises de 2010 à 2012. Aujourd'hui il collabore à Causeur et Conflits où il suit l'actualité de la diplomatie française dans le monde. 

    Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières  

     

  • LE CAMP DES SAINTS, C'EST MAINTENANT

    Jean Raspail. Il fut qualifié « d'implacable historien de notre futur » par l'écrivain Jean Cau à la sortie du Camp des Saints

     

    PAR GILLES VARANGE

    Désarmée sur les plans intellectuel et moral par des décennies de propagande pro-immigrationniste, l'Europe, devenue « le ventre mou de l'Occident », est désormais menacée de submersion démographique.

    « Le tiers monde s'est mis en marche vers le paradis de l'homme blanc. Il n'a pour armes que sa multitude et la pitié qu'il inspire : arme absolue (...) Une flotte pacifique s'est échouée dans la nuit de Pâques sur les côtes du Midi de la France, chargée d'un million d'immigrants. D'autres flottes sont en route. L'Occident retient son souffle et attend. Au matin de la Résurrection, la marée du tiers monde commence à envahir nos rivages. Faut-il céder à la pitié et s'y noyer soi-même et définitivement, ou employer la force et la férocité contre la seule faiblesse ? » Ainsi, dans le rabat de couverture de son roman Le Camp des Saints, paru en janvier 1973, Jean Raspail présentait-il cet ouvrage appelé à faire de lui, ainsi que l'avait immédiatement discerné Jean Cau, « l'implacable historien de notre futur ».

    Cela ne lui fut pas pardonné et lui barra à jamais le chemin de l'Académie française à laquelle ont depuis accédé tant de médiocrités satisfaites ne possédant pas même un centième de son talent. Les plus anciens d'entre nous se rappellent encore avec quels cris d'indignation ou de dégoût l'intelligentsia de la rive gauche - et aussi maints critiques de l'autre rive, soucieux de leur carrière - accueillirent ce livre, trop brillant pour qu'on pût l'ignorer, mais que le lecteur était invité à parcourir en se pinçant le nez. À vrai dire, ce qui le rendait insupportable à tout ce joli monde, c'était la féroce alacrité et la sauvage lucidité avec lesquelles étaient disséquées les mille-et-une lâchetés prévisibles de nos hiérarchies - politiques, administratives, militaires, ecclésiastiques - résignées d'emblée à tous les abandons plutôt que de se dresser avec courage et bon sens contre les commandements absurdes de la vulgate démocratique et droit-de-l'hommiste. La loi Pleven avait été votée un an plus tôt, conçue dès son origine comme un instrument de culpabilisation et de répression envers tous ceux qui persistaient à voir dans la nation française le fruit d'une longue histoire singulière issue d'un peuple et d'un sol particuliers.

    LE DÉSARMEMENT DES ESPRITS

    Comme l'avait prévu Raspail, cette idéologie, prétendument antiraciste mais fondée, en fait, sur une haine sournoise de la civilisation européenne et des peuples qui l'ont forgée au cours des millénaires, a peu à peu corrompu les esprits au point de rendre possible, sinon probable, la thèse qui soutenait son roman : celle, jugée hier encore délirante, d'une submersion démographique librement consentie par les populations de notre vieille Europe. Cette même submersion dont nous menaçait naguère le président algérien Houari Boumediene lorsqu'il écrivait : « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les milliards d'êtres humains, en quête de survie, qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional ». Nous y sommes. Mais, si les faits lui donnent cruellement raison, l'auteur du visionnaire Camp des Saints sait ne devoir s'attendre à nulle reconnaissance : la République n'a jamais écouté, aimé et honoré que les faux prophètes, ceux qui trompent ou se trompent.

    L'un des signes les plus probants de l'aveuglement de nos dirigeants tient au motif même du sentiment d'urgence qui paraît les avoir gagnés soudain : ce n'est pas l'incroyable flot de centaines de milliers de réfugiés déferlant vers les rivages de l'Europe depuis dix-huit mois qui les inquiète, ce n'est pas la perspective d'un demi-million d'autres migrants illégaux prêts à embarquer dans les prochains mois qui les affole. Non, ce qui les met en transe et les pousse à se réunir toutes affaires cessantes pour adopter une série de mesures aussi hâtives que vaines, c'est l'annonce par les médias, à grand renfort de larmes de crocodile, qu'un millier de ces demandeurs d'asile auraient perdu la vie, ces dernières semaines, en tentant de franchir la Méditerranée. Chiffres certes désolants mais qui ne permettent pas, comme le faisait tel hebdomadaire parisien, d'affirmer qu' « un drame humain sans précédent » est en train de se dérouler sous nos yeux. C'est oublier allégrement, non pas les quelques milliers, mais les centaines de milliers de boat people vietnamiens, hommes, femmes et enfants, disparus jadis en mer de Chine méridionale dans l'indifférence des Occidentaux. Pire : les journaux de la gauche française, toutes tendances confondues, menèrent à l'époque une campagne ignoble à l'encontre de ces malheureux, accusés de n'être guidés, dans leur fuite éperdue de l'enfer communiste, que par de sordides questions d'intérêt matériel. C'est que ceux-là risquaient de voter mal, une fois accueillis et naturalisés. « À gerber ! » comme on aime à dire chez les anciens combattants de mai 68...

    L'UNION EUROPÉENNE, ÉCOLE D'IMPUISSANCE

    Les leçons de morale en provenance de notre caste politique et médiatique sont d'autant plus insupportables que bien rares ont été les voix à s'élever en son sein pour contester en temps utile les déplorables agressions commises par les puissances occidentàles contre des régimes qui avaient pour principal défaut de ne pas leur plaire et dont l'effondrement est la cause essentielle du drame actuel. Le seul résultat de ces interventions sanglantes et désastreuses a été de plonger en effet la presque totalité du Moyen-Orient et de l'Afrique sahélienne dans un « foutoir sans nom » ainsi que l'avoue le général Martin Dempsey, chef d'état-major des armées américaines. On n'ignore plus rien à présent de la manière dont les Printemps arabes, notamment en Egypte, ont été pilotés et encadrés par cette « usine à révolutions » qu'est le centre Canvas, entièrement financé par le Département d'État américain qui se targue de l'avoir fait intervenir dans une quarantaine de pays. Et l'on ne rappellera que pour mémdire les funestes entreprises de déstabilisation du régime de Damas menées conjointement par Washington, Londres et Paris en s'appuyant sur les pires hordes de fanatiques islamistes avant d'en venir à cette folie suprême que fut le renversement de Kadhafi, mené de bout en bout par Nicolas Sarkozy et David Cameron pour d'obscurs motifs qui défient l'entendement mais qu'il faudra bien tenter d'éclaircir un jour.

    Spectacle surréaliste : après avoir sciemment détruit tous les États peu ou prou organisés qui constituaient un obstacle naturel au déferlement de multitudes humaines vers les rivages de l'Europe, voilà pourtant nos dirigeants pris au dépourvu comme si notre continent se trouvait menacé par les vagues d'un tsunami né d'un déplacement fortuit de plaques tectoniques. Où ces gens qui se noient d'ordinaire dans chaque goutte d'eau pourraient-ils trouver, de toute façon, la subite capacité d'affronter le gigantesque raz-de-marée qu'ils ont eux-mêmes provoqué ? Après avoir proféré quelques fugitives menaces à l'encontre des passeurs de clandestins, ils ont donc préféré recourir à leur stratégie habituelle face aux défis qui se présentent à eux : ils ont sorti piteusement leur portefeuille pour tripler avec notre argent les sommes allouées aux missions de « surveillance et de sauvetage » en Méditerranée, créant ainsi, de l'aveu du ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière, autant de « nouveaux ponts vers l'Europe ».

    DES CHIFFRES ÉLOQUENTS

    Il est vrai que le président du Conseil européen, le polonais Donald Tusk, enfant chéri de Washington et des milieux d'affaires, avait d'emblée fermé la porte à toute solution de fermeté en affirmant : « Nous ne sommes pas des Australiens ». C'est vrai : depuis les traités de Maastricht et de Lisbonne, nous ne sommes plus rien. Si Libyens, Syriens, Éry-thréens, Éthiopiens, Somaliens, Africains de l'Ouest, se lancent par centaines de milliers vers les côtes de l'Europe, c'est qu'ils savent n'avoir plus en face d'eux que des fantômes d'États, des ectoplasmes de gouvernements prenant des ersatz de décisions. Rien qui puisse les arrêter. Impuissante à exister réellement, l'Union européenne agit à l'égard des malheureuses nations qui la composent comme ces trous noirs avalant et détruisant tout ce qui se trouve à leur portée. Le pire est que les islamistes l'ont compris aussi bien que les demandeurs d'asile, ce qui incite Gilles Kepel, spécialiste du monde musulman, à nous en avertir : « C'est l'Europe qui est le ventre mou de l'Occident. C'est elle qu'il faut attaquer en premier ».

    À titre de symbole de la sombre folie de nos dirigeants, retenons pour finir ces deux chiffres, plus éloquents que n'importe quelle démonstration : le gouvernement français a accordé l'année dernière près de 5o millions d'euros de subventions publiques à l'association immigrationniste France-Terre d'Asile, mais 47 millions seulement à la Direction générale de la sécurité intérieure, chargée de la lutte contre le terrorisme dans notre pays. Dans son Camp des Saints, Jean Raspail fait dire à l'un de ses héros, soumis à la malveillance des soutiens de l'immense armée des immigrants en train de débarquer : « Je me demande si vous êtes des cons ou des salauds ». Nous connaissons maintenant la réponse : les deux à la fois...

     

  • La France désarmée, par Hilaire de Crémiers

     

    2945744152.jpgEt d’abord, politiquement. Car la classe politique ne pense qu’aux prochaines échéances électorales. C’est la seule stratégie des partis qui accaparent le pouvoir. 

    Il aurait mieux valu y penser avant. La guerre est là, omniprésente. Les guerres, devrait-on dire. Pas seulement, celles, horribles, d’Al-Quaïda, de Daech, de Boko Haram, pas seulement celles que fomentent les fous et les truands des sectes fanatisées, mais toutes les autres guerres, celles que mènent les nations, les peuples, les États, les ethnies,  pour leurs intérêts, leur vie, leur survie, leur raison même d’exister.

    Il suffit d’écouter les discours qui se profèrent sur toute la planète et jusque dans les enceintes internationales pour comprendre que rien n’a changé fondamentalement dans les rapports, les équilibres et surtout les déséquilibres qui affectent l’avenir du pauvre monde. échanger des milliards d’information en quelques secondes et se rendre d’un bout à l’autre de « la machine ronde » en quelques heures ne modifient pas les données fondamentales de la politique. 

    Les États-Unis mènent une politique qui, sous couvert de grands principes libéraux, n’a en vue que la sauvegarde de leur domination, même et surtout quand ils imposent sous forme contractuelle leur conception stratégique ou commerciale comme dans l’OTAN ou dans le traité de libre-échange transatlantique. Barack Obama, tout progressiste qu’il soit, n’échappe pas à la règle.

    Le retour des nationalismes

    Il est de bon ton dans les cercles intellectuels qui  parlent de « la mondialisation heureuse » comme d’une divinité bienfaisante, d’exiger des Russes qu’ils sacrifient à cette déesse et à sa religion aussi moralisatrice que calculatrice, c’est-à-dire concrètement qu’ils cèdent tout, puissance, territoires, richesses, influences, à des adversaires déclarés qui veulent les réduire à néant ; les Russes s’y refusent ; ils connaissent leur histoire et n’y renoncent pas.

    La Grande-Bretagne dans les mois qui viennent fera parler d’elle et l’Europe aura à connaître une fois encore que l’Anglais est, d’abord, anglais et qu’au milieu des pires déliquescences son ressort ultime est son nationalisme. L’Allemagne fédérale avait fixé dans les principes de sa constitution de 1947 la règle intangible de sa réunification. Le chancelier Kohl l’a réalisée sans coup férir et sans demander l’autorisation à personne, comme il a décidé souverainement de l’équivalence du mark « est » et du mark « ouest » que les Français ont donc subie. Ce qui justifiera par la suite l’euro, monnaie fondamentalement allemande, Mitterrand et Chirac s’étant trompés lourdement sur le sujet. L’Allemagne, malgré ses déficiences, est maîtresse de l’Europe : l’euro durera tant qu’elle le voudra. Angela Merkel connaît son peuple qui se définit in principio comme souverain. La Pologne éternelle renaît, malgré le libéralisme révolutionnaire qui la ronge comme jadis : elle sait faire valoir ses intérêts et a, pour elle, face à la Russie, la voix du président de l’Europe qui est fils de la Pologne. Quelle revanche !

    L’Espagne et l’Italie, dans leurs élites, malgré des institutions défectueuses ou absurdes, savent fort bien où se situent les principes de leur prospérité. Ainsi de l’Irlande au Portugal, de la mer Baltique aux Balkans, les nations européennes face à des situations tragiques internes et externes gardent encore dans leur mémoire vivante les forces spirituelles qui les caractérisent et qui se refusent à la mort. Tel est le cas de l’Autriche et, plus encore, de la Hongrie : le passé y est garant de l’avenir.

    L’Europe apatride où se mirent les songe-creux de la politicaillerie européiste et française – Moscovici en est l’exemple type ! – a touché le terme de ses possibilités. Ni l’union bancaire ni l’union budgétaire, artificielles comme le reste, ne changeront les impératifs de souveraineté qui sont les conditions de la sortie de crise. Les monstrueux désastres des politiques migratoires, livrées maintenant – il fallait s’y attendre – à de modernes négriers, ne font que confirmer dans l’espace Schengen l’inhumanité profonde et l’irréalisme sordide de l’ensemble des directives européennes et, donc, des dirigeants européens. Une France souveraine qui traiterait avec les états, sauverait des populations perdues.

    Quant au cas grec, il risque d’être l’épreuve décisive de la construction européenne et de l’union monétaire. Dans les mois qui viennent.

     Le monde est dangereux

    Tourner les yeux vers l’Asie permet de changer le tableau mais non la réflexion de fond. Partout, malgré le ralentissement économique, malgré  les bouleversements de la modernité, les peuples prennent conscience de l’urgente nécessité de leur cohésion nationale dans un monde de plus en plus difficile. Le Japon réarme militairement et moralement. La Chine  se resserre sur elle-même et gonfle toutes ses ambitions. L’Australie a décidé d’être australienne et le fait savoir hautement. L’Inde renoue avec le nationalisme, le Vietnam aussi et ainsi de toutes les nations d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est.  

    L’Afrique va très mal, à quelques exceptions près, et tout le monde le sait, mais feint de l’ignorer. Bernard Lugan a tout dit sur le sujet (Osons dire la vérité à l’Afrique, éditions du Rocher) et c’est pourquoi, sans doute, il est interdit de parole en France. L’Afrique est retournée à ses démons. Ses populations la fuient. Ce n’est que tueries et prévarications dans l’indifférence des élites mondialisées qui en profitent. Que ne ferait ici une France souveraine, si elle avait des hommes d’état ?

    Et de même vis-à-vis du monde arabe. Les responsables musulmans qui ont le sens de l’état et de l’avenir, et qui se refusent à la barbarie, comme les présidents tunisien, égyptien, n’attendent que ce soutien de la France, ils le disent clairement. Heureusement ces pays ont encore des élites civilisées, souvent francisées, qui peuvent reprendre la main. Le chaos djihadiste qui a presque tout emporté au Moyen-Orient, au Yémen, en Libye, en Somalie, est dû en grande partie à l’impéritie des nations occidentales. Un démocratisme idiot et de mauvais aloi a jeté le feu dans des barils de pétrole et de gaz. Le Chaos syrien de Randa Kassis et d’Alexandre del Valle (Dhow Editions) montre les origines proprement islamiques de cette prétention à un Califat musulman qui était le danger qu’il fallait prévoir : un état qui ne serait pas un état et subvertirait tous les états, au nom d’un islam radical. Le Djihad à la conquête du monde de Laurent Artur du Plessis (Ed. Jean Cyrille Godefroy) décrit les procédés de cette guerre d’usure qui n’est qu’à son début, comme l’annonce également Mathieu Guidère dans son étude Terreur, la nouvelle ère (Ed. Autrement). 

    Or, tous les moyens de lutte mis en œuvre aujourd’hui, militaires, policiers, techniques, n’auront de véritable efficacité que s’ils sont coordonnés à une vision politique et diplomatique. Guerre conventionnelle, guerre terroriste, guerre de l’information, cyberguerre, tout se combine aujourd’hui pour disperser les efforts et déstructurer les plans de combat. La France a encore de remarquables services et d’excellents exécutants, mais la politique française dans ses principes et ses institutions n’est pas à la hauteur des circonstances, à l’heure où sous le regard papelard d’un François Hollande qui ne songe qu’à 2017, le ministre de la Défense Le Drian discute du bout de gras avec le ministre des Finances Michel Sapin. Nous n’avons pas plus de politique étrangère que de politique intérieure cohérente. La Ve République finissante ressemble de plus en plus étrangement à la IIIe qui a mené au désastre de 1940.  

  • Nuit, Silence et Amulettes… par Champsaur

    A Fort Meade, au plus près des oreilles de la NSA

     

    Etonnements, indignations, imprécations, tartufferie et cris d'orfraies ont suivi les pseudo « révélations » de Libération et Médiapart, Edwy Plenel et Laurent Joffrin réunis. Et dans cette affaire, tout est posture et gesticulation. Les grandes oreilles ne se sont pas ouvertes d'hier, pour les besoins de la communication et de la réclame des protagonistes.

    Le jeudi 14 novembre 2013, nous avions publié dans Lafautearousseau une note fort intéressante signée Champsaur et qui avait pour titre : « Nuit, Silence et Amulettes…  ».

    L'actualité nous y ramène. Extraite des riches archives de notre site, cette étude nous paraît tout aussi pertinente qu'elle l'était il y a deux ans. LFAR 

     

    L’auteur a passé une quinzaine d’années dans les Services Spéciaux français, dans des activités opérationnelles, SDECE nom changé en DGSE. C’est donc perplexes et éberlués que nous sommes nombreux à avoir observé le déluge sur des activités de la NSA, sigle ne signifiant nullement Nuit, Silence et Amulettes, mais National Security Agency.

     

    Ce département de la communauté du renseignement américain est très connu des professionnels ainsi que de la littérature spécialisée, ce qui représente au niveau international beaucoup de monde. Même s’il ne l’est pas du grand public …

     

    Et donc cette vague d’étonnements, de surprises feintes, d’indignations théâtrales, d’affabulations accusatrices ont certes occupé des pages et des heures de média, mais sans que l’on perçoive le but de cette agitation, qui de toute évidence ne modifiera pas l’utilisation intensive de moyens techniques sophistiqués pour la promotion des intérêts des États Unis d’Amérique.

      

    http://www.liberation.fr/monde/2013/06/26/a-fort-meade-au-plus-pres-des-oreilles-de-la-nsa_914019

     

    Les Services Spéciaux ont toujours cajolé des devises ronflantes. La DGSE affiche un Nox generat lumen, ou Ad augusta per angusta. La NSA américaine « They serve in silence ».

    Il est très cocasse de lire ou d’écouter des anciens des Services français, ayant vaguement tenu des postes de responsabilités, venir doctement offrir des explications, alors qu’ils furent plutôt inexistants lorsqu’ils étaient en fonction… 

    Un peu de vocabulaire

    Une série de synonymes : codage et code secret, chiffrement et chiffre, encryptement, cryptologie, les mêmes mots pour désigner l’action rendant illisible un message. Une fonction d’un service d’écoute est de « décrypter » le signal intercepté. C’est donc la course entre l’épée et le bouclier. Il est important de souligner que la France possède depuis l’origine de cette fonction (vers 1900) les meilleurs spécialistes des codes secrets, spécifiquement en la personne des mathématiciens des laboratoires de mathématiques de Normale Sup et de l’X, tel Jacques Stern.  

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     Jacques Stern

     

    http://www2.cnrs.fr/presse/communique/947.htm 

     

    Classifié : c’est la mention attribuée à une information qui décide de son niveau de confidentialité et du droit à son accès, protégé par la Loi. Les échelles de classification sont variables selon les pays. Peu d’industries en sont pourvues.

    Les natures du signal à transmettre, il n’y en a que trois : voix, texte ou image.

    Les supports : il n’y en a que deux, le fil (aujourd’hui la fibre optique), et les ondes, transitant majoritairement par satellites.

    Il n’y a que trois manières de récupérer du renseignement, ce que Richard Nixon appelait les Arts de la nuit :

      Par source humaine (donc un agent qui trahit; un de nos maîtres nous enseignait que recruter un agent, c’est fabriquer un traitre);

      Par intrusion clandestine dans des locaux;

    •  Enfin par moyens techniques, autrement appelés interceptions.

    En dernière analyse, il n’y en a pas d’autres. 

    Un peu d’histoire

    La NSA américaine fut créée formellement en Novembre 1952, en agrégeant plusieurs services d’écoutes qui fonctionnaient depuis l’entrée en guerre des États-Unis.

    (Lienhttp://fr.wikipedia.org/wiki/National_Security_Agency)

     

    1367797017.jpgAvec le Projet Manhattan (fabrication de l’arme atomique), la nécessité apparut de renforcer la protection du secret contre l’espionnage soviétique dès le début des recherches (1942). Un des résultats le plus connu fut l’arrestation et l’exécution des espions soviétiques Julius et Ethel Rosenberg (photo), les États Unis préférant essuyer une violente campagne des relais de Moscou plutôt que de dévoiler la source de leurs informations (en l’espèce les interceptions radio).

    Notons que la NSA n’a jamais réellement caché la puissance de ses moyens et son efficacité. L’action la plus spectaculaire vers le public ayant été en Juillet 1995 la déclassification de quelques archives (autour de 2.900 télégrammes soviétiques du KGB vers des illégaux aux USA, une goutte d’eau) de l’opération Venona, avec parfois des pseudonymes transparents (confirmation que Pierre COT était un agent soviétique), et d’autres conservant leur mystère (un ou une collaboratrice immédiate de De Gaulle à Alger en 1943, source soviétique, et identité connue des seuls Américains).

    (Lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Venona)

    Au cours des cinquante dernières années la proportion de renseignements obtenus par moyen techniques a considérablement augmenté, représentant par exemple 90% de la production de la DGSE. La raison en est la facilité, moins dangereux que les deux autres procédés. De surcroit intercepter des ondes ne relève pas de l’atteinte à la vie privée. D’où la considérable montée en puissance de la NSA. Qui se chiffre par son budget. On répertorie seize services de renseignement américains pour un budget de 53 milliards $ (soit presqu’exactement la totalité du budget de la défense français; à noter que l’activiste américain Steve Aftergood avance le montant de 75 milliards $ …). Dans cette enveloppe la NSA pèse 11 milliards $, ce qui est absolument considérable (soulignons la disproportion avec le budget total de la DGSE soit 780 millions $, plus 73 millions $ de fonds spéciaux)

    La France est suspendue aux Services américains pour son propre renseignement, autant qu’elle est une cible.

    4179073374.jpgLa lutte contre le terrorisme avancé par Washington, est un prétexte éventé depuis longtemps. Les quelques affaires dites françaises, proposées au public par nos Services dans ce domaine (DCRI) viennent de chez eux. Nous savons depuis bien longtemps que la mission de la NSA est le renseignement politique et économique dans le seul intérêt des États Unis d’Amérique, avec une surveillance tout azimut. En Mars 2000 le patron de la CIA, James Woosley (photo), déclarait dans le Wall Street Journal que le renseignement américain espionnait tous les concurrents pour des raisons économiques.

    Une bonne synthèse du bond technologique accompli ces dernières années par la NSA est toute entière dans la revue « Wired » de Mars 2012, détaillant la construction d’un gigantesque centre de stockage et de traitement dans l’Utah :

    http://www.wired.com/threatlevel/2012/03/ff_nsadatacenter/all/ 

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Utah_Data_Center

     

    Il faut être très clair qu’il n’y a aucune possibilité de légiférer pour contrôler cette activité qui n’empiète qu’à la marge sur la vie privée. Un appel via un téléphone portable suit un circuit très complexe dont une branche est par nature en transmission radio, donc ouvertement accessible.

    Cette montée en puissance considérable de la NSA va de pair avec le développement des « data centers » où la France et l’Europe ont un retard dommageable, voire auront d’énormes difficultés à en retrouver la maitrise, si jamais…

     

    La réponse de la France à cette situation est médiocre et relève du coup de menton. Ce fut à partir de 2003 une agitation pusillanime autour du concept foireux de « l’intelligence économique », et du « patriotisme économique », beaucoup de salive, beaucoup de papiers, beaucoup de temps perdu. Alors que les Américains ont créé les structures simples pour distribuer au mieux le produit du renseignement industriel et commercial vers leur tissu économique, la France n’a cessé de se pénaliser en s’interdisant de fournir la maigre moisson de ses Services à ses entreprises. Les plus acharnés à organiser cette frontière sectaire entre l’activité économique privée et l’État, n’ont pas eu la décence de se taire depuis que les media glosent abondamment sur les activités de la NSA. Sans le talent de John Le Carré.

    Les cris de chat huant poussés par certaines autorités de la France peuvent laisser penser que les fonctionnaires ne lisent pas les journaux ! Alors qu’est public le budget de la défense américain qui est égal à la somme des budgets de la défense de tous les autres pays du monde.

    Rien n’est confidentiel dans ce qui est écrit ici et la littérature professionnelle à la disposition du public est particulièrement copieuse.   • 

     

  • La rentrée théâtrale à Paris : des spectacles à ne pas rater par Bruno Stéphane-Chambon

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    Le rideau rouge s'ouvre sur une belle rentrée pour la Comédie Française et le Théâtre de Poche-Montparnasse.

    Madame Mayette-Holtz, administratrice générale de la Comédie Française, a présenté en juin dernier par deux fois le programme de la prochaine saison théâtrale. La Salle Richelieu était comble, ce qui prouve l'intérêt des amateurs et professionnels pour cette prestation très médiatisée.   

    Pour mettre en scène les chefs d'œuvre annoncés, de nombreux artistes de l'extérieur ont été sollicités. Toutefois, Madame Mayette-Holtz, a aussi privilégié la participation d'acteurs de la troupe, pensionnaires, sociétaires actuels ou honoraires, afin de monter les grands classiques et des créations. Cette politique permettra d'exploiter au mieux le savoir faire et le talent de nos comédiens de " l'Illustre Théâtre " sur les planches des trois lieux dont il dispose.

     Dans la salle mythique de la Salle Richelieu

    Place Colette Paris Ier

    Location - Téléphone : 08 25 10 16 80

     

    Du 20 Septembre au 17 Février

    Le Tartuffe de Molière

    Dans une nouvelle mise en scène audacieuse de Galin Stoev, artiste d'origine bulgare, qui travaille entre la Belgique, la France et la Bulgarie.

    Metteur en scène d'origine bulgare, Galin Stoev vit et travaille entre la Belgique, la France et la Bulgarie. Il a déjà collaboré avec la Comédie-Française où il a monté en 2007, La Festa de Spiro Scimone, en 2008, Douce Vengeance et autres sketchesde Hanokh Levin et L'Illusion Comiquede Corneille et dernièrement en 2011 Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux.

    Du 26 Septembre au 2 Décembre

    AntigonedeJean Anouilh

    Enfin le grand auteur est de retour avec une mise en scène Marc Paquien, déjà connu dans ce théâtre où il a présenté Les affaires sont les affaires d'Octave Mirbeau, ainsi que La Voix humaine de Jean Cocteau, précédée de La Dame de Monte-Carlo de Jean Cocteau et Francis Poulenc.

    Pièce sur la résistance et ses contradictions au travers d'un grand mythe de la tragédie antique illustré par Sophocle.

    Du 8 Octobre au 14 Janvier

    Un chapeau de paille d'Italied'Eugène Labiche

    Giorgio Barberio Corsetti, est un metteur en scène de réputation européenne qui a travaillé autant en Italie qu'au Portugal ou en France, et a été directeur de la section théâtre de la Biennale de Venise de 1999 à 2001.

    Chef-d'œuvre du théâtre comique, cette pièce marquée par un destin loufoque est la consécration de l'art du quiproquo

    Du 17 Octobre au 16 Décembre

    Dom Juan ou Le Festin de Pierre de Molière

    La mise en scène est de Jean-Pierre Vincent, ancien administrateur de la Comédie Française (1983-1986) il a déjà monté de nombreuses pièces classiques et créations dans ce théâtre.

    Du 29 Novembre au 1erMars

    La double inconstance de Marivaux

    Mise en scène par Anne Kessler, Sociétaire de La Comédie Française, dont la formation et l'expérience nous révèlera les aspects secrets et protéiformes de ce grand auteur.

    Du 17 Décembre au 22 Mars

    Le Misanthrope de Molière

    Dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger, entré dans la troupe en 2005 il nous présente une pièce en vers, parfois controversée. Cette pièce de Molière est une confrontation entre le naturel et une Cour sophistiquée et surannée.

    Dans la salle du Vieux-Colombier. Un théâtre chargé d'histoire !

    21, rue du Vieux-Colombier,Paris VIème

    Location - Téléphone : 01 44 39 87 00/01

    Du 17 Septembre au 26 Octobre

    Trahisons d'Harold Pinter

    Dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, qui après avoir enseigné la philosophie s'est consacré à la mise en scène de théâtre, d'opéra ainsi qu'à l'écriture de scénarios.

    Harold Pinter, Comédien, scénariste, dramaturge anglais, a reçu le Prix Nobel de littérature en 2005. La cruauté et le réalisme de ses œuvres ont été qualifiés de "Théâtre de la Menace".

    Les relations du couple sont au cœur de ses pièces. On se souviendra de La Collection (1961) et de L'Amant (1962). Trahisons renoue avec ses thèmes de prédilection : le mari, la femme, l'amant et la destruction de ce trinôme.

    Du 12 Novembre au 1erJanvier

    George Dandin de Molière

    Entré en 2007 à la Comédie Française et nommé sociétaire en 2011, le metteur en scène, Hervé Pierre, s'attache à retrouver dans cette pièce, son côté farce avec musique et danse sans ignorer la profonde humanité des personnages.

    Studio-Théâtre, un plateau pour la découverte.

    Galerie du Carrousel du Louvre

    Place de la Pyramide-Inversée

    99, rue de Rivoli, Paris Ier

    Location - Téléphone : 01 44 58 98 58

     Du 27 Septembre au 2 Novembre

    Cabaret Barbara

    Direction artistique de Béatrice Agenin

    Le parcours de la dame en noir qui jouait du piano. Monique Serf, dite Barbara.

    (1930-1997), auteur, compositeur et interprète, réapparaît dans le cadre intime du Studio-Théâtre. Son parcours, du cabaret jusqu'à devenir l'icône de la Chanson française est évoqué, par petites touches, avec poésie et émotion. Béatrice Agénin, pensionnaire puis sociétaire de la Comédie-Française de 1974 à 1984, a monté ce spectacle avec le talent et la sensibilité qu'on lui connaît.

    Du 4 Octobre au 2 Novembre

    Si Guitry m'était conté

    Interprété par Jacques Sereys, mise en scène Jean-Luc Tardieu.

    Sacha Guitry, homme de théâtre et de cinéma, renaît au cours de ce portrait nourri d'anecdotes. Sa passion des femmes et son regard cynique sur la société de son temps et celui d'antan, nourrissent une œuvre trop souvent qualifiée de fantaisie. Ce spectacle permet d'apprécier une certaine profondeur et humanité de ce poète mondain, grand écrivain qui donna avec élégance  une certaine idée du bonheur.

    Cerise sur le gâteau, Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, interprète ce personnage hors norme avec son talent et sa maestria. La mise en scène est assurée par Jean-Luc Tardieu, complice et compagnon depuis dix ans de cet exceptionnel acteur.

    Du 20 Novembre au 4 Janvier

    La Petite Fille aux Allumettes d'Hans Christian Andersen

    Dans une mise en scène d'Olivier Meyrouw.

    Voyage dans l'univers merveilleux d'un écrivain de contes, évocation aussi de l'humanité dans un cadre onirique.

     

    Un théâtre qui monte en puissance ! - Le Théâtre de Poche-Montparnasse

    75, boulevard de Montparnasse, Paris 6ème

    Réservations : 01 45 44 50 21

    ww.theatredepoche-montparnasse.com

    Places : 10 /35 €

    Le journaliste, écrivain et chroniqueur théâtral, Philippe Tesson, en compagnie de sa fille, Stéphanie a repris le lieu mythique du théâtre de Poche Montparnasse animé auparavant par  la talentueuse famille des grands acteurs Bierry. Il est à présent doté de deux salles, le Poche et le Petit Poche.

    Après une saison brillante dont on a beau apprécié le Legs, de Marivaux, pièce chantée avec Bernard Menez et Estelle Andrea, et du remarquable Voltaire Rousseau, avec Jean-Paul Farré et Jean-Luc Moreau, une nouvelle saison s'annonce brillante. Elle devrait faire date par son choix de pièces et d'interprètes de premier plan.

    Au Poche

    À partir du 2 septembre 2014

    Chère Eléna de Ludmilla Razoumovskaïa

    Avec Myriam Boyer dans le rôle d'Elena. Une très grande actrice dans une mise en scène de Didier Long.

    La pièce fut créée en 1981 à Tallinn, capitale de l'Estonie, en plein univers communiste, elle rencontra un grand succès mais fut interdite dès 1983 en raison de son caractère subversif par les autorités soviétiques.

    A 21h du mardi au samedi et dimanche à 15h

    Du 4 septembre au 2 novembre

    L'entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune de Jean-Claude Brisville.

    La confrontation des deux des plus grands intellectuels français interprétés par Mesguich, père et fils. Duel ou psychanalyse ? 

    A 19h du mardi au samedi et dimanche à 17h30

    Du 4 Novembre au 1er mars

    Fratricide

    De Dominique Warluzel

    Mise en scène, Delphine de Malherbe

    Avec Pierre Santini, Jean-Pierre Kalfon et Bertrand Nadler

    Un affrontement entre deux acteurs ou plutôt deux monstres de la scène.

    A 19h du mardi au samedi et dimanche à 17h30

    Au Petit Poche

    Du 9 septembre au 9 novembre 2014

    Le Médecin malgré luide Molière, dans une mise en scène de Brice Borg.

    Une farce en apparence, un drame dans la réalité.

    A 19h du mardi au samedi, dimanche 17h30

    Jusqu'au 26 octobre 2014

    Stupeur et Tremblements d'Amélie Nothomb

    Adaptation, mise en scène et interprétation, de Layla Metssitane

    A 21h du mardi au samedi et dimanche à 15h

    Du 28 Octobre au 11 Janvier

    Huis Clos

    De Jean-Paul Sartre

    Mise en scène, Daniel Colas

    Avec Marianne Épin, Daniel Colas, Mathilde Penin, Philippe Rigot

    La distribution brillante devrait contribuer à rajeunir cette pièce un peu usée. (Avis personnel et subjectif du rédacteur sur cette œuvre)

    A 21h du mardi au samedi et dimanche à 15h

    Du 12 Novembre au 14 janvier

    Aucassin et Nicolette

    Chantefable anonyme du XIIIème siècle

    Traduction et conception, Stéphanie Tesson

    Avec Brock et Stéphanie Tesson

    A 19h du mardi au samedi et dimanche à 17h30

     

  • En lisant Philippe de Villiers

     

    par Hilaire de Crémiers

    Dans Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu, Philippe de Villiers exprime tout son dégoût d’un système corrompu et corrupteur. Mais, au-delà du réquisitoire, se dégage un discours de politique empirique.

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgUn livre vient de paraître dont la pertinence politique est aujourd’hui d’une absolue évidence. Accessible à tous. Le moment est venu de dire ce que j’ai vu (Albin Michel) de Philippe de Villiers éclaire de l’intérieur le drame français. Comment se fait-il que la France, l’un des pays les plus puissants au monde, soit arrivé à ce point de décrépitude en quelques décennies ?

    Philippe de Villiers, sans faire de théorie, en expose les causes, en livrant le récit – haut en couleurs, il est vrai – de ce qu’il a vécu. Son expérience personnelle d’homme politique suffit, mais d’un homme politique qui a l’innocence de croire à ce qu’il dit et l’intelligence de donner du sens à ce qu’il fait. Apparemment, c’est extrêmement rare. Incompatible, en tout cas, avec le système en vigueur.

    « L’emburenage » politicien

     La classe politique française dans son ensemble – il y a toujours des exceptions – a renoncé à la France. Ceux qui vivent de la politique, en faisant allégeance au régime tel qu’il est, se privent de la liberté première d’être tout simplement français. Consciemment, inconsciemment, c’est ainsi. Des théories absconses dont leurs esprits inconsistants se satisfont et qui fixent tous leurs comportements intellectuels et politiques en les orientant sur on ne sait quel sens de l’histoire, leur ont fait perdre tout sens de la France.

    De Giscard à Hollande, en passant par Mitterrand, Chirac et Sarkozy, c’est manifestement la même fausse logique qui les a tous entraînés à mépriser concrètement la France pour ne prendre en considération que des évolutions générales, dites « modernes », dont le monde, d’après cette théorie simpliste, serait porteur : une sorte d’hégélianisme et de marxisme à la mode libérale et capitaliste, un « sous-Ricardo » indéfiniment revu et corrigé, au gré des circonstances, par les économistes et les penseurs à la mode, leur tient lieu de pensée.

    Rien de français dans ce ragoût idéaliste et matérialiste, les deux à la fois, composé fondamentalement de salmigondis anglo-saxons et germaniques. Mais y- a-t-il encore une pensée française ? Est-il seulement permis de penser français? Les quelques journalistes et intellectuels français, même venus de la gauche, qui commencent à se rendre compte de cet effroyable esclavage de la pensée, s’insurgent à juste titre. Est-ce là l’aboutissement de la République ?

    Eh bien, telle qu’elle fonctionne, oui ! Les vertus dont ils pensaient créditer le régime, n’étaient, en effet, qu’à mettre au crédit de la France. Les politiciens ont toujours vécu de cette ambiguïté : la France vraie, la République de principe, le régime sordide dont ils vivent. La France vivait et vit encore avec ses familles, ses soldats, ses industriels, ses commerçants, ses artisans, ses agriculteurs, ses professeurs et instituteurs, ses magistrats, ses gens de justice, ses ingénieurs, ses ouvriers, ses patrons…

    Cette réalité ne demande qu’à vivre, à prospérer et à se perpétuer dans ses hautes traditions qui savent, d’ailleurs, par elles-mêmes , parfaitement se renouveler ; mais, là-dessus, se hausse un monde politicien qui n’est, dans sa combinaison partisane, qu’une super structure inutile et qui vit sur la « bête ». Seuls ceux qui sont en charge d ’intérêts collectifs réels peuvent appréhender ce qu’est réellement la politique. Mais les professionnels de la politicaillerie – généralement des nantis intouchables de la fonction publique –, sont en réalité des monstres.

    Des forcenés qui ne vivent que pour satisfaire leurs ambitions. Voilà l’origine du malaise des Français, de la société française, jusque et y compris dans sa vie morale et artistique. Ça commence à se dire et à se savoir, tant mieux ! Il suffit de lire Villiers. L ’affaire des colonnes de Buren est de ce point de vue emblématique. De gauche , de droite, ces gens-là nous « emburenneront » jusqu’au cou !

    À voir par exemple, le sort réservé chez nous à un Maurice Allais, l’économiste – prix Nobel – qui a tout prévu de ce qui allait se passer, il apparaît à l’évidence qu’une réflexion française, propre à la France et, par ailleurs, bénéfique pour les nations, ne saurait même être envisagée par la dogmatique dite « républicaine » qui impose aujourd’hui ses articles de foi et son système d’inquisition.

    Cette dogmatique qui ose se dire « française », est totalement aliénée, dépendante de quatre ou cinq lieux communs qui bêtifient les esprits, privent les Français de toute vraie liberté et les livre aux forces ennemies, sur notre territoire même, à l’islamisme singulièrement, au mondialisme financier pareillement.

    Entrer en dissidence

    Une telle pensée, totalitaire à l’intérieur, tout en faisant de la licence sa règle, est, par nature, sur l’extérieur, perméable à toutes les influences étrangères ; elle se laisse dicter ses principes de conduite par les grands cercles mondialistes – est-il besoin de les énumérer ? – et qui, comme par hasard, sont au service d’intérêts économiques énormes, multinationaux, transnationaux, qu’aucun scrupule n’embarrasse ; ils détruisent tout sous leurs rouleaux compresseurs : les peuples, les nations, les moeurs, les lois, les coutumes, les habitudes de vie, les civilisations. Transformer le monde en masses indifférenciées de consommateurs-producteurs, voilà le but. L’immigration de masse ne gêne pas les cosmopolites apatrides!

    Ainsi les dirigeants français, ont-ils tout cédé à une Europe technocratique qui ne leur appartient même plus, sauf à y faire une carrière personnelle juteuse, une Europe qui, d’ailleurs, ne s’appartient plus elle-même et qui s’apprête à se livrer entièrement aux États-Unis et, au-delà, à un vaste ensemble globalisé dont la loi ne sera plus que le profit, l’argent, Mammon : les riches, selon l’aphorisme ricardo-marxiste, devenant toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres.

    Bien sûr, la théorie officielle vous explique doctement que, malgré tout, tout le monde s’enrichit ! En attendant, la France, elle, s’appauvrit. Le « fric », d’un côté, les lois « sociétales » de l’autre, tout ça marche ensemble ; et les financiers qui font marcher cette machine et dont le tartuffe d’Hollande est l’obligé, sont devenus nos maîtres. La France, un pays libre ? Allons, soyons sérieux! Et Bruxelles ? Villiers en fait le tableau : le « Bruxelles » officiel où les lobbies sont à la manoeuvre, avec, au coeur, « le fric » et « LGBT », toujours la même chose!

    Le « Bruxelles » officieux et secret dont il raconte une séance nocturne pour y avoir assisté de manière impromptue ; là, seul y est admis le gros argent mondialisé, avec ses sbires, ses profiteurs, ses maîtres patentés, ses doctes stratèges, tableau sinistre et pourtant d’une drôlerie criante de vérité! Le livre de Villiers est rempli d’anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres, tristes quant au fond, car il s’agit de la France, comiques quant aux personnes concernées, car elles sont ridicules dans leur suffisance insupportable.

    Le régime le veut ainsi : ce sont nos gouvernants ! Leur morgue dissimule mal leur vaniteuse vacuité. Mais voilà : ils ont appris des « trucs » pour gagner. Gagner des élections, gagner de l’argent, gagner des places, gagner des honneurs qu’ils s’attribuent entre eux. « Gagner et, après, on verra », telle est leur formule. Aucune noblesse d’âme, aucune élévation d’esprit, aucune vision historique, aucun sens du bien commun.

    Quelle galerie de portraits, quelle verve à la Daudet! Vouloir le bien dans un cadre pareil non seulement est impossible, mais ne fait que précipiter la catastrophe. Que les tenants d’un redressement national se le tiennent pour dit. C’est l’heure de la dissidence, prévient Villiers. Retenons ce mot de dissidence. De l’Est, elle doit passer à l’Ouest. 

    Directeur de Politique magazine

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre »

     

    Nous suivons toujours attentivement les analyses de Jean-Michel Quatrepoint, notamment dans le cadre des entretiens qu'il donne au Figaro, parce qu'elles sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Ainsi, au lendemain des attentats de Paris, Jean-Michel Quatrepoint en détaille, toujours pour Le Figaro, les conséquences économiques et les solutions possibles, notamment sur le plan militaire.  LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgA l'approche des fêtes, les rues sont désertes. Quelles peuvent être les conséquences économiques des attentats ?

    Les terroristes de Daech poursuivent un double objectif : nous terroriser et asphyxier nos économies. C'est la même stratégie qu'ils ont adoptée en Tunisie et en Égypte. Leurs attentats dans ces pays ont un impact direct sur les recettes touristiques. Toutes proportions gardées, c'est le risque qui nous guette. D'ores et déjà, le chiffre d'affaires du commerce a plongé de 15 % à 30 % selon les secteurs. Les touristes annulent en masse leurs voyages. Or, la période du 15 novembre au 31 décembre est cruciale pour l'activité commerciale. Au niveau macro-économique et budgétaire, ce sont des recettes de TVA en moins, ce qui va creuser le déficit budgétaire. Sans parler de l'impact sur la balance commerciale de la baisse du tourisme.

    Une des erreurs commises ces dernières années est d'avoir cru qu'un grand pays comme la France pouvait faire reposer son économie sur le tourisme et les services, à la place de l'industrie. Les exportations de biens industriels sont beaucoup moins sensibles aux attentats que le tourisme. Pour redonner confiance à une population traumatisée, ainsi qu'aux touristes, il va falloir faire un effort considérable en matière de sécurité. Tout ceci va prendre du temps et coûter fort cher. Il y a une contradiction entre déclarer que l'on est en guerre et ne pas se doter des moyens d'une économie de guerre. Certes, il s'agit d'une guerre d'un type nouveau, asymétrique, mais il s'agit bien d'une agression pilotée de l'extérieur, avec des gens qui ont une volonté de conquête et qui s'appuient sur des alliés à l'intérieur de nos frontières, ce qu'on appelait autrefois la cinquième colonne.

    Comment lutter contre ce double front ?

    Il faut distinguer l'action extérieure et l'action à l'intérieur. À l'extérieur, nous devons concentrer nos faibles moyens sur le Sahel, le Mali. Parce que dans cette région du monde, c'est la France qui a le plus de capacités et de connaissance du terrain. En revanche, il ne faut pas se laisser entraîner dans des opérations au sol en Syrie ou en Irak. Un appui aérien, oui. Mais il appartient aux acteurs locaux de régler le problème Daech. Tout dépend de la Turquie et de son jeu, pour le moins trouble, notamment à l'égard des Kurdes, qui sont les opposants les plus déterminés contre Daech. Mettre tout le monde d'accord va prendre du temps, tant les arrière-pensées des uns et des autres sont grandes. Ce que nous pouvons faire en revanche assez vite, c'est d'asphyxier à notre tour financièrement Daech. En s'attaquant à ses principales sources de revenus: pétrole, trafic d'antiquités, trafic des migrants.

    Avons-nous les moyens de mener cette guerre ?

    Ces actions extérieures ont d'ores et déjà un coût. On tablait sur un budget de 1,2 milliard, cette année. Il sera largement dépassé. Sur le plan intérieur, l'opération Sentinelle mise en place après les attentats contre Charlie Hebdo a épuisé les troupes, policiers comme militaires. Avant le 13 novembre, les mises en garde des syndicats et de la hiérarchie se multipliaient : on ne pouvait pas continuer sur le même rythme. Or, il faut maintenant, bien au contraire, renforcer Sentinelle. Dès lors, se pose le problème des moyens en hommes et en argent. François Hollande a annoncé le recrutement d'ici à fin 2017 de 11 200 fonctionnaires supplémentaires pour la Justice, l'Intérieur et les Douanes. Cela représente un coût de 1 milliard par an. Pour l'armée stricto sensu, on a décidé de suspendre une partie des suppressions de poste prévues dans la loi de programmation militaire. Tout ceci n'est cependant pas à la hauteur des enjeux.

    Mais alors que faut-il faire ?

    Le moment est venu de prendre deux grandes décisions. La première est d'inverser la mécanique de laminage du budget de la Défense qui a été divisé par deux en 30 ans. Il faudrait faire passer en cinq ans de 1,6 % du PIB à 2,6 % du PIB. Pour mémoire, les États-Unis consacrent 3,5 % à leur Défense (plus de 600 milliards de dollars). Et la Russie 4,5 %. Sans parler de l'Arabie saoudite, dont le budget à lui seul est plus du double de celui de la France. Une telle augmentation se traduirait par un budget supplémentaire annuel de 4 milliards d'euros environ, pour l'année 2016. Et de 8 milliards pour l'année 2017. Des montants qui intègrent, bien sûr, les OPEX.

    Ces investissements supplémentaires seront consacrés d'abord au maintien des effectifs - il faut revoir la Loi de programmation - ensuite à leur augmentation. Puis à la mise en place progressive d'un service national civique obligatoire, de quatre ou six mois. Tous les jeunes âgés de 18 ans étant appelés progressivement à y participer. Ils y recevraient une formation militaire de base (l'équivalent des deux mois de classes d'autrefois), une formation au secourisme, ainsi qu'à l'assistance aux populations lors de catastrophes naturelles (inondations, etc.) Pour encadrer ce service national, il faudra recruter en priorité chez les anciens militaires. Tout ceci coûte, mais en même temps cela génère de l'activité sur l'ensemble du territoire. C'est un moyen de réanimer des villes moyennes. Idem pour les équipements. Dans l'armée comme dans la police. Les forces de sécurité doivent avoir des matériels de qualité ce qui n'est plus le cas. Le sous-investissement, notamment en véhicules est chronique. Là aussi, il y a un coût, mais cela génère de l'activité économique. Idem pour les technologies, le numérique. Nos industries de Défense doivent être soutenues. On ne peut pas toujours s'en remettre aux autres, en l'occurrence aux Américains, pour la cyberguerre. Les dépenses militaires , notamment les innovations technologiques irriguent l'ensemble du tissu industriel. Il y a longtemps que les Américains ont compris cela sans parler des Israéliens et des Russes. Nous et les Européens, l'avons oublié depuis vingt ans. J'ai régulièrement écrit dans mes derniers ouvrages, qu'il n y avait pas d'exemple dans l'histoire de territoires riches non défendus qui ne fassent pas l'objet d'une prédation.

    Tout cela va nous faire exploser les déficits ?

    À court terme, oui, mais il faut savoir ce que l'on veut. S'imaginer que l'on peut mener une telle guerre tout en respectant des règles comptables établies à une époque où nous n'étions pas confrontés à de telles agressions et où la croissance était structurellement supérieure de un à deux points est absurde. Vouloir compenser l'augmentation des dépenses de sécurité et de défense par des économies ailleurs est tout aussi irréaliste à court terme. Certes, il va falloir dans le temps mener de profondes réformes, revoir nos systèmes de protection sociale, mais en attendant, il faut accepter une augmentation du déficit. J'ajoute que ces dépenses de sécurité, la mise en place du service national vont avoir un impact positif sur l'emploi.

    Et que dire à Bruxelles ?

    À quelque chose malheur est bon. Le moment est venu d'expliquer à nos partenaires et aux services de la Commission que le premier impératif d'un gouvernement est d'assurer la protection des biens et des personnes qui vivent sur son territoire. Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre. Voilà des années que les pays du Nord et de la Mitteleuropa ont préféré aviver les tensions avec la Russie, plutôt que de faire face à la montée croissante du terrorisme islamiste. Nous sommes en première ligne, comme les Belges et les pays riverains de la Méditerranée. Il s'agit désormais d'une question vitale pour nous. Il faut donc expliquer, gentiment mais fermement, à Bruxelles et aux autres, que c'est ainsi et pas autrement. Il y a un moyen très simple pour que nous respections la lettre des traités budgétaires: sortir les dépenses de Défense des critères de Maastricht. C'est le moment ou jamais de l'exiger. 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell.

    Dans son livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Entretien par Alexandre Devecchio             

  • Les « Illusions perdues » de Malika Sorel

     

    CHRONIQUE D'ÉRIC ZEMMOUR, publiée dans l'édition du 12 novembre 2015 du Figaro 

    « Un réquisitoire contre la politique d'immigration suivie depuis trente ans par la droite comme par la gauche. Un témoignage de l'intérieur du système. Implacable. » Il s'agit de Décomposition française, le dernier ouvrage de Malika Sorel-Sutter, en librairie à dater du 16 novembre. Et il s'agit surtout de la trahison des élites politiques françaises. Trahison d'une ampleur inimaginable. Qui fait frémir. Et pourrait bien finir par entraîner de la part du peuple français dans ses profondeurs, au fur et à mesure qu'il en aura pris la pleine conscience, une réaction de rejet qui, comme l'a déclaré Nicolas Dupont-Aignant, hier matin, aux journalistes de France-Inter, en balayera tous les protagonistes. Ce qui nous différencie de Zemmour ? C'est que - sans nier que la République a pu en différentes circonstances, incarner le patriotisme français - l'universalisme, le multiculturalisme, l'utopie d'un peuple hors sol et hors Histoire, sont, selon nous, l'essence même de ce régime et n'en sont pas des accidents. Mais cela est un autre débat. Lafautearousseau

     

    XVM46b79742-8908-11e5-8758-aadd64fa74f8.jpgUn réquisitoire contre la politique d'immigration suivie depuis trente ans par la droite comme par la gauche. Un témoignage de l'intérieur du système. Implacable.

    Théorie du complot. Complotistes. On connaît la rengaine. Dès qu'un livre, un article, un propos mettent en cause les élites, politiques, économiques, artistiques, médiatiques, la réplique cingle, immédiate et imparable : « Théorie du complot. Complotiste. » L'ouvrage de Malika Sorel est une réplique à la réplique ; la preuve par neuf - à la fois témoignage et analyse - de la réalité : « L'un de nos malheurs réside dans le fait que beaucoup de nos élites ne sont pas fières de la France… Ce que j'ai observé chez nos élites est plutôt le résultat d'un cocktail de désinvolture, de cynisme, et d'indifférence envers la nation. »

    Le livre de Malika Sorel n'est pas sans défauts. Il est foisonnant ; hésitant entre l'ordre chronologique et thématique, entre témoignage personnel et analyse théorique ; accumulant extraits d'émissions de radio ou de télévision, citations, anecdotes, dans un style qui manque parfois d'élégance. Un air de déjà-vu, déjà lu, qui gâche l'originalité du propos. Mais l'essentiel est ailleurs. Il se dégage de cet ouvrage une sincérité, une authenticité, qui n'empêche nullement la hauteur de vue. Cette femme, née en France, de parents algériens, ayant passé son enfance en Provence, a reçu une brillante formation scientifique d'ingénieur. Elle aurait pu être Malika, après Rachida, Rama, Fadela, Najat, ou Myriam, toutes ces femmes dont nos présidents raffolent et font des ministres et des vedettes médiatiques.

    Mais Malika n'a pas voulu jouer ce jeu pervers de victimisation et de discrimination positive, de casting et de carriérisme. Elle a souhaité, Malika, devenir française à l'ancienne, en s'assimilant. Mal lui en a pris. Nos élites ne mangent plus de ce pain-là : « Dans la bouche de nos élites politiques, médiatiques et intellectuelles, le terme “populaire” ne renvoie plus aux Français de souche, tout comme “jeunes” ne désigne pas leurs enfants ou petits-enfants.» Malika a cru que Villepin serait son grand homme, avant de l'entendre reprendre l'antienne de la victimisation. Elle a vu Nicolas Sarkozy tenter de détruire la République indivisible, avant que Simone Veil ne lui interdise in extremis sa réforme constitutionnelle qui aurait inscrit la diversité dans le marbre. Elle a été membre du Haut Conseil à l'intégration que le gouvernement Ayrault supprimera pour défense excessive de la laïcité. Elle a entendu une conseillère du président Hollande lui jeter d'un ton rogue : « Nous avons besoin d'optimisme.»

    Malika avait tout faux, puisqu'elle croyait en la France qu'elle aimait d'amour. « Il y a dans l'assimilation une dimension magique, comme dans l'amour. » Malika a assisté à des comités interministériels où chacun rivalisait d'inventivité immigrationniste ; où les Français étaient sommés de s'habituer aux mœurs des étrangers ; où l'immigration était présentée comme la solution à tous nos maux. Où les professeurs, policiers, médecins, les médias, avaient intérêt à améliorer leur « interculturalité ». Elle a écouté les commissaires européens comme les représentants des États membres vanter une Europe multicultuelle comme l'avenir radieux du continent européen ; et réclamer que les programmes scolaires de tous les pays s'y adaptent. On comprend mieux, à la lire, où a été puisée la réforme des programmes de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a entendu une élue socialiste demander au premier ministre qu'on « décloisonne les femmes de polygames » pour qu'elles vivent plus à l'aise dans des appartements séparés. Elle a entendu Jean-Louis Borloo manger le morceau du « grand remplacement » : «Il faut bien que les Français, on ait en tête une chose, c'est que l'avenir du pays se joue là, dans les banlieues. Pourquoi ? Parce que le taux de natalité de ces quartiers est deux fois plus élevé que sur le reste du territoire national. »

    Elle a vu les auteurs d'un rapport gouvernemental effacer subrepticement une phrase tirée de l'enquête Pisa 2012 : « Plus préoccupants encore, les écarts entre les élèves issus de l'immigration et les autres demeurent très importants, même corrigés des variables socio-économiques.» Et faire comme s'ils n'avaient pas entendu que dans les concours d'accès à la fonction publique : « C'est à l'écrit sur copies anonymes que les élèves de l'immigration échouent.» Et pas du fait des discriminations à l'oral ! Elle a compris que c'était pour cette (fausse) raison pourtant que Sarkozy avait supprimé l'épreuve de culture générale de nombreux concours administratifs. Elle a observé « la crème de la crème » du Conseil d'État, faire assaut de subtilité juridique pour autoriser le voile à l'école, pour les élèves d'abord, et puis pour leurs mères qui accompagnent les sorties scolaires, ou permettre aux maires de contourner la loi de 1905 pour construire toujours plus de mosquées. Elle a entendu Erdogan recommander à ses nationaux immigrés de bien conserver des prénoms turcs pour leurs enfants alors que la France n'exigeait plus des prénoms français sur son territoire. Elle a entendu Éric Besson, officiellement ministre de l'Identité nationale d'un gouvernement de droite, proclamer en 2010 : « La France n'est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c'est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n'y a pas de Français de souche, il n'y a qu'une France de métissage. »

    Malika a tout compris. Nos élites ont mis au rencart le peuple français, pour une utopie universaliste de citoyens du monde. « Nous vivons la mise en minorité progressive du peuple autochtone sur ses propres terres. C'est le simple jeu de l'arithmétique, et cela, les élites politiques le savent… Nous ne sommes plus dans un régime de solidarité nationale, mais dans celui, imposé par le haut, d'une solidarité internationale… Politique du dernier arrivé, premier servi. » Non, ce n'est pas un complot, c'est pire, c'est la réalité. Malika est venue, a vu, et a été vaincue. Mais au moins, au bout de cet itinéraire, qui pourrait s'intituler « Illusions perdues », Malika sait. Elle sait que nos élites savaient. Et qu'elles ont voulu ce que, désormais, nous savons. 

    Eric Zemmour            

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    Décomposition française, Malika Sorel-Sutter, Fayard, 310p, 18 €, en librairie le 16 novembre

  • Haro sur Hamon

    Benoît Hamon meeting de campagne a l'Institut national du judo, Paris, le 18 janvier  Libération 

    Par François Marcilhac

     

    4115840658.jpgLa large victoire de Benoît Hamon aux primaires citoyennes du Parti socialiste ne doit évidemment pas occulter le malentendu que celle-ci recouvre. Certes, alors que Valls demandait à Hamon, en mai 2016, de quitter le PS s’il déposait une motion de censure contre le gouvernement sur la loi travail – ce qu’Hamon s’est bien gardé de faire –, il est piquant de constater que c’est Valls que les électeurs socialistes ont décidé de chasser, sinon du Parti socialiste, du moins de la course à l’Élysée. Une belle revanche, en effet, pour ce frondeur… en peau de lapin, qui n’a eu de cesse de ménager l’exécutif durant tout le quinquennat, au bilan catastrophique duquel il a participé comme ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire puis comme ministre de l’Éducation nationale, avant de démissionner fort opportunément avec Montebourg à la fin du mois d’août 2014 – quelques jours avant la rentrée scolaire ! Quel sens des responsabilités pour un ministre de l’Éducation ! Son objectif ? Quitter un navire en voie de perdition suffisamment tôt pour se refaire une virginité avant les primaires citoyennes . Ce qui, semble-t-il, lui a mieux réussi qu’à Montebourg, réduit à jouer les utilités. Benoît Hamon a donc pu faire oublier ses cinq années de compromission avec Hollande, auprès d’électeurs qui ont surtout, selon le bon vieux réflexe poujadiste qui traverse tous les courants politiques, sorti, ou cru sortir les sortants !

    Petits calculs politiques

    Le Parti socialiste explosera-t-il ? Valls attend désormais son heure, espérant comme jadis Mitterrand ramasser à plus ou moins brève échéance un parti à reconstruire tout en recueillant les fruits des échecs de la droite. Car la victoire de l’ex-jeune rocardien Hamon, qui, selon Jacques Sapir, commentant l’élection sur son blogue, est avant tout celle de ses réseaux, ne serait peut-être qu’en trompe-l’œil si, en effet, la sincérité sociale de son programme venait à être ébranlée. Alors, tandis que la droite du PS irait voir du côté de Macron, candidat attrape-tout, la gauche irait renforcer les troupes d’un Mélenchon jugé plus authentique – même si les premiers sondages démentent pour l’instant ce cas de figure. Il n’en reste pas moins que c’est bien l’homme (réputé) le plus à gauche que les électeurs socialistes ont décidé d’investir pour la présidentielle, prouvant que le réflexe identitaire, lui aussi, traverse tous les courants. Le quinquennat de Hollande a brouillé tous les repères d’un électorat pensant en 2012 qu’avec la victoire de leur candidat la finance internationale, enfin, ne dicterait plus ses ordres au gouvernement français, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de Bruxelles ou de Berlin. Or, à peine élu, Hollande a trahi tous ses engagements sans que le pays en tire aucun profit, le chômage ayant même grimpé comme jamais en cinq ans ! À tort ou à raison, c’est donc bien en obéissant à un réflexe identitaire de gauche que les socialistes ont porté Hamon à la candidature – une gauche revenue à ses sources, en dépit de ses évolutions. Car le programme social de Hamon vise à renouer avec un progressisme censé apporter le paradis terrestre. Le travail, malédiction biblique ? Qu’à cela ne tienne ! Nous nous dirigeons nécessairement – tel est le sens de l’histoire – vers la société du non-travail, et le revenu universel et les 35 heures, voire les 32, ne feraient qu’accompagner cette utopie en cours de réalisation. De fait, Hamon tente la synthèse d’un discours social archaïque avec le discours libéral-libertaire – il est notamment favorable à l’euthanasie et à la légalisation du cannabis –, en vue de faire passer la pilule d’un mondialisme toujours plus agressif, la méthode Hollande-Valls d’un ralliement direct au social-libéralisme ayant échoué auprès des Français. Mais, pas plus qu’Hollande ayant menti en 2012 sur sa volonté de renégocier le traité budgétaire européen, Hamon n’envisage vraiment, une fois au pouvoir, de négocier – avec quels partenaires ? – la création d’une alliance interétatique, politique et sociétale (sic) visant à imposer un moratoire de la règle arbitraire des 3 % de déficit imposée par Berlin via Bruxelles. En revanche, on peut lui faire confiance sur sa volonté de fusionner, au détriment des classes moyennes, l’impôt sur le revenu et la CSG ou, comme le souhaite France Stratégie, de s’attaquer au patrimoine des Français, en vue de financer notamment sa politique immigrationniste généreuse. Il veut en effet priver les Français des fruits, péniblement gagnés, de leur travail, transmis à leurs enfants sous forme d’héritage, en utilisant une partie, toujours plus grande, gageons-le, de droits de succession toujours plus onéreux – gageons-le également –, pour financer la « solidarité sociale » qui deviendra sous son quinquennat un véritable tonneau des Danaïdes. Puisque, outre le financement du non-travail, Hamon ouvrira grandes les portes à tous les « migrants » du monde entier : il se veut en effet beaucoup plus généreux en matière de droit d’asile, et, à cette fin, instaurera des visas humanitaires. Il voudrait aussi multiplier par deux le nombre de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile et instaurer un droit au travail sous certaines conditions pour les migrants – un droit dont, en revanche, seraient privés les Français !

    Justin Trudeau de gauche

    Car le programme de ce Justin Trudeau de gauche – Macron n’étant, au fond, que son clone du centre-droit – est cohérent. Valls n’a pas eu tort, durant la campagne des primaires, de dénoncer en lui son manque de clarté sur la laïcité – nous préférons dire : sur l’identité nationale, ce qui n’est pas exactement la même chose. Hamon, qui est favorable au voile islamique, imposerait à marche forcée une communautarisation de la France, déjà bien entamée, au profit de l’islamisme le plus radical, à l’exemple de son fief, la ville de Trappes dans les Yvelines, dont il veut faire le modèle de la France de demain. Plaidant pour des « accommodements qui, dans le respect de la laïcité et des principes de la République (sic), permettront à l’islam en France de trouver une place semblable à celle des autres religions », il mettrait en place deux mesures phares : imposer partout, et même à l’enseignement privé, une prétendue « mixité sociale » visant à dissoudre l’Éducation « nationale » dans une dynamique communautariste ; créer une « brigade de lutte contre les discriminations », qu’il ose présenter comme un « nouveau service public », alors que cette milice, sur le modèle de la Muttawa séoudienne traquant les récalcitrants à l’islamiquement correct, traquerait tous les récalcitrants à ce religieusement correct que serait devenu le communautarisme. Immigrationniste et mondialiste – un pléonasme, c’est vrai –, Hamon est bien le candidat des « territoires perdus de la république » abandonnés à l’islamisme : il en est même le porte-parole. Son élection, dont les premières victimes figureraient parmi la frange la plus populaire, au sens vrai du terme, de son électorat, porterait un coup supplémentaire à l’identité nationale et ferait courir un risque sérieux à la paix civile.

    Jamais une élection n’aura été aussi ouverte, d’autant qu’à l’heure où nous écrivons nous ne connaissons pas les développements de l’affaire – ou des affaires – Fillon, désormais au coude à coude, dans les sondages, avec Macron, tandis que Marine Le Pen stagne. La présentation, ces 4 et 5 février, à Lyon, de ses 144 engagements permettra-t-elle d’enrayer la lente érosion de son électorat ? Tout dépendra évidemment de la teneur d’un programme qui sera, de toute façon, diabolisé par le système. Nul besoin, donc, de chercher à lui plaire ! 

    François Marcilhac

    Action française 2000