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  • Jeanne d'Arc 2021 : un hommage suivi et réussi !, par Guillaume de Salvandy.

    L’Action fran­çaise est de retour, une réa­li­té que de nom­breuses per­sonnes vont devoir inté­grer. Le record de par­ti­ci­pa­tion au CMRDS de 2020 indi­quait le suc­cès crois­sant de nos ana­lyses et le maillage du ter­ri­toire natio­nal que notre mou­ve­ment opère.

    6.jpg2021, mal­gré les res­tric­tions sani­taires, s’annonce comme une grande année pour l’AF, et la réus­site de ce week-end de Jeanne d’Arc en est un bon indice.

    Le same­di, où se déroule nor­ma­le­ment un col­loque, a vu cette année se tenir un mee­ting, retrans­mis sur You­Tube, qui a réuni plus de mille-cinq-cents télé­spec­ta­teurs ; au pro­gramme : la liber­té, ou pour être plus exact les liber­tés, que l’État s’ingénie à sus­pendre voire même à sup­pri­mer depuis plus d’un an.

    Après une brillante intro­duc­tion du pro­fes­seur Rou­villois, il revient à Jean-Phi­lippe Chau­vin de nous exhor­ter à reprendre nos liber­tés loca­le­ment, et de décrire com­ment la liber­té abs­traite ins­crite sur les fron­tons de nos édi­fices publics s’est oppo­sée à nos liber­tés réelles. L’État s’impose par­tout au mépris des réa­li­tés locales, le salut face à la Répu­blique tota­li­taire ne peut venir que d’une monar­chie royale, res­tau­ra­trice des liber­tés com­mu­nales, pro­vin­ciales et cor­po­ra­tives : les liber­tés charnelles.

    Me Thier­ry Bou­clier lui suc­cède sur la néces­si­té de défendre ses droits, ses liber­tés ; il constate avec quelle faci­li­té l’État les a sup­pri­més, mais aus­si avec quelle pla­ci­di­té les fran­çais l’ont accep­té. L’État manie le droit à la san­té, ce droit doit être sou­mis à un autre que la classe poli­tique nie, le droit à res­ter fran­çais. La puis­sance exé­cu­tive se met à plat ventre devant les « droits humains » de la CEDH, mais une volon­té forte pour­rait les abolir.

    Oli­vier Per­ce­val s’attaque à la matrice idéo­lo­gique de ces pré­ten­dus droits de l’Homme : le libé­ra­lisme qui est l’ennemi des liber­tés. La main invi­sible chère à Adam Smith sait se trans­for­mer en main de fer quand les ouvriers se révoltent face aux grandes entre­prises et aux trusts. Seul l’État fort, stable, capé­tien : royal a le pou­voir de s’opposer à ces forces internationales.

    C’est au tour de Phi­lippe Mes­nard d’intervenir sur ce que le libé­ra­lisme a vou­lu détruire : nos chères liber­tés anciennes. Il revient tour à tour sur les pri­vi­lèges que l’Ancien Régime garan­tis­sait pour cha­cun (chartes locales, cou­tumes des métiers et cor­po­ra­tions, cou­tumes pro­vin­ciales…), et montre que l’État jaco­bin fait fi de ces réa­li­tés, les détruit. Aujourd’hui l’État pour­suit cette poli­tique en nous impo­sant des res­tric­tions qui n’ont de sani­taire que le nom, et aucune jus­ti­fi­ca­tion scientifique.

    Tho­mas Cla­vel, qui a récem­ment publié un roman dys­to­pique aux édi­tions de la Nou­velle Librai­rie traite quant à lui de la liber­té sous le Covid-19 : pour les grandes entre­prises mon­dia­li­sées, se libé­rer de la tutelle du consu­mé­risme et du mar­ché c’est se mettre en dan­ger et mettre en dan­ger ses voi­sins. Il convient de se réar­mer idéo­lo­gi­que­ment pour pré­fé­rer nos liber­tés à la sécu­ri­té que nous pro(im)pose l’État. La crise sani­taire ne doit pas empê­cher de bâtir notre idéal face au nihi­lisme général.

    Autre mal de notre siècle, la fin de la liber­té d’importuner et donc la fin de la liber­té d’expression. Me Gil­bert Col­lard donne de nom­breux exemples, de la cen­sure d’un docu­men­taire sur les fêtes johan­niques d’Orléans au pré­texte qu’une jour­na­liste de droite, Char­lotte d’Ornellas, en fait le com­men­taire, à l’amende du CSA contre CNews pour les pro­pos d’Éric Zem­mour, en pas­sant par la cen­sure en ligne des GAFAM. « On met des menottes aux mots, vous roya­listes qui hono­rez Louis XVI qui fut un roi-ser­ru­rier, vous avez un rôle dans la fabri­ca­tion des clés qui nous libé­re­ront de la pen­sée unique. ».

    Puis c’est Me Benoît Dakin qui conclue ce mee­ting : la France, mère des liber­tés, ne sau­rait tolé­rer l’esclavage pro­duit par le libé­ra­lisme qui a suc­cé­dé au com­mu­nisme. Il nous faut retrou­ver notre génie par­ti­cu­lier en che­vau­chant face à l’adversité comme jadis nos héros, nos rois et nos saints.

    Cor­tège d’hommage à Jeanne d’Arc

    Le len­de­main, le dimanche 9 mai, avait lieu l’hommage tra­di­tion­nel à Jeanne d’Arc. Alors que nous avions été pri­vés, l’an der­nier, de la célé­bra­tion en grande pompe du cen­te­naire de l’instauration offi­cielle de cette fête, mais aus­si parce que 2021 marque les 30 ans de la « Jeanne inter­dite » de 1991, cette année notre hom­mage avait une saveur toute par­ti­cu­lière. La Sainte de la Patrie n’allait pas nous être reti­rée une deuxième fois, c’est ce sen­ti­ment qui était par­ta­gé par un grand nombre de per­sonnes venues par­ti­ci­per à cette marche.

    10h. Peu à peu, les marches de l’Opéra se couvrent de mili­tants et de sym­pa­thi­sants plus ou moins jeunes mais tous enthou­siastes, et il y a de quoi : cette marche attire cette année beau­coup de monde. Les ban­de­roles sont nom­breuses puisque cer­taines sec­tions ont appor­té les leurs, mais il y a aus­si de nom­breux dra­peaux : tri­co­lores, fleur­de­li­sés, de nos pro­vinces, de nos villes, des guerres de Ven­dée et du mou­ve­ment. En plus du dra­peau de l’association Marius Pla­teau (qui regroupe les anciens com­bat­tants de l’Action Fran­çaise) il était à noter le retour de dra­peaux « de tra­di­tion », qui reprennent les codes des pavillons des sec­tions d’AF de l’entre-deux-guerres : un dra­peau de la Res­tau­ra­tion Natio­nale, ain­si que deux dra­peaux de section.

    10h20. Le cor­tège s’élance, en ordre de marche par rangs. Ce sont près de 650 per­sonnes qui réveillent les pari­siens et les quelques tou­ristes en repre­nant les slo­gans, qui sont entre­cou­pés de harangues sur la noci­vi­té du régime répu­bli­cain et du pro­jet de l’Union Euro­péenne. Le grand nombre de par­ti­ci­pants fait forte impres­sion aux nom­breux jour­na­listes, l’Action fran­çaise est pré­sente en grand nombre dans la rue pour hono­rer celle qui a remis en place le régime légi­time : la monar­chie royale.

    11h. La foule arrive en silence autour de la sta­tue de Jeanne. Les dra­peaux se baissent au moment de dépo­ser les gerbes de fleurs. Temps de recueille­ment devant le sou­ve­nir de cette fille du peuple qui a sui­vi la mis­sion divine jusqu’au bout. Puis Hen­ri Bec, pré­sident de la Res­tau­ra­tion Natio­nale – Action Fran­çaise, prend la parole. Il égrène la longue liste des évé­ne­ments qui montrent la décré­pi­tude dans laquelle notre pays est tom­bé, mais aus­si tout ce qui dans le marasme ambiant ne cesse de nous don­ner raison.

    Lors d’un hom­mage à Jeanne d’Arc on honore la sainte, mais on récom­pense aus­si l’engagement des mili­tants, ain­si vingt per­sonnes ont reçu une plaque bleue de ven­deur volon­taire, deux mili­tants sont deve­nus com­mis­saires d’AF en rece­vant une plaque rouge, et un mili­tant de longue date a été fait Came­lot du Roi.

    Puis la Royale, l’hymne de notre mou­ve­ment, est enton­née avec enthou­siasme, et résonne un fort « Vive le Roi ! » au cœur de Paris.

    Enfin cette mati­née se ter­mine dans les jar­dins des Tui­le­ries autour d’un pique-nique entre mili­tants et sympathisants.

    Aujourd’hui comme hier, que cela soit dit et répé­té : l’AF est par­tout chez elle !

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • El-Azhar entre politique et religion, par Annie Laurent.

    Annie_Laurent.jpgAnnie Laurent poursuit - dans la Petite Feuille Verte - son étude sur El-Azhar, dont nous avons relayé déjà les deux premiers numéros(El-Azhar, Vatican de l'islam ? puis El-Azhar, « phare de l’islam sunnite »).

    Elle s'intéresse ici à la ligne doctrinale suivie par cette institution au cours des dernières décennies. Loin d’ouvrir la voie à une rénovation de la pensée islamique, comme pouvaient le laisser entrevoir les travaux d’intellectuels musulmans à partir du début du XXème siècle et jusqu’à nos jours, l’approche d’El-Azhar est demeurée centrée sur une vision conservatiste. En témoignent notamment les contraintes et sanctions disciplinaires que cette institution impose aux « nouveaux penseurs ».

    Annie Laurent s’arrête ici au seuil de la révolution qui s’est déroulée en Egypte en 2011, dans le contexte des « printemps arabes ». La prochaine Petite Feuille Verte exposera la manière dont El-Azhar a vécu cet événement, en particulier l’arrivée au pouvoir du militant Frère Musulman, Mohamed Morsi, en 2012, suivie du coup d’Etat du maréchal Abdelfattah El-Sissi, en 2013. Elle présentera aussi les réponses apportées par El-Azhar aux exigences du président égyptien en vue d’une réforme de l’islam.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

    El-Azhar, "phare de l’islam sunnite", par Annie Laurent

    El-Azhar entre politique et religion

    « Depuis sa création et de par sa place centrale dans la société égyptienne et dans la ville du Caire, El-Azhar a hébergé différentes mouvances politiques et religieuses. Dans l’entre-deux-guerres, elle est devenue le centre de la lutte entre les Anglais, les leaders nationalistes et la nouvelle monarchie du roi Fouad. Ensuite, les Frères musulmans prirent de plus en plus d’importance au sein de l’université et celle-ci devint le foyer de manifestations politiques et idéologiques » (Oriane Huchon, Les clés du Moyen-Orient, 21 avril 2017).

    De fait, tout au long de son histoire, l’institution a souvent été mêlée à la vie politique et aux débats idéologiques de l’Égypte et du monde islamique. Le XXème siècle, époque où les pays arabo-musulmans, libérés de la tutelle ottomane, cherchaient à réorganiser l’Oumma, tandis qu’émergeait au Levant l’attrait pour les États-nations imités des modèles occidentaux, n’a pas échappé à ces interférences.

    EL-AZHAR ET LA MODERNITÉ

    C’est en partie des rangs d’El-Azhar qu’est issu le « réformisme », terme qui peut être source de confusion. En effet, fondé au Caire en 1883, ce mouvement est souvent considéré comme le promoteur d’une modernisation de la pensée islamique. En réalité, freinant l’élan émancipateur inauguré par certains intellectuels musulmans à la même époque, le « réformisme » a œuvré à la restauration de la religion « authentique », purgée des « innovations blâmables » (bidaâ), formule désignant les éléments étrangers qui s’y étaient greffés (cf. PFV n° 64-65). C’est ce qu’illustrent propos et actions de ses principaux responsables.

    Mohamed Abdou, pilier du « réformisme »

    Mohamed Abdou

    Diplômé d’El-Azhar, Mohamed Abdou (1849-1905) fut d’abord journaliste puis cadi (juge) et mufti (consultant en droit). Dans son Traité de l’unicité divine (1897), il recommandait le retour aux sources tout en démontrant que l’islam est une religion éminemment raisonnable. « Toutefois, elle [la raison] doit s’incliner devant Dieu seul et s’arrêter aux limites posées par la religion », écrivait-il (cité par Faouzia Charfi, Sacrées questions, Odile Jacob, 2017, p. 81).

    « En cette fin de XIXème siècle, où des appels à la Nahda [Renaissance] du monde arabe commencent à se manifester dans les domaines politique et culturel, c’est une Nahda religieuse que prône Mohamed Abdou » (Robert Solé, « Réformer l’islam », Ils ont fait l’Égypte moderne, Perrin, 2017, p. 109).

     

    Mustafâ El-Marâghi et l’exclusivisme islamique

    Mustafâ El-Marâghi

    La restauration du califat, dont le siège aurait été au Caire, désirée par Mustafâ El-Marâghi (1881-1945), deux fois recteur d’El-Azhar au XXème siècle (cf. PFV n° 80), ne pouvait s’accommoder de la reconnaissance de partis politiques non religieux pour lesquels il « affichait le plus profond mépris » (Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, Khartala, 2005, p. 121).

    Ainsi, il combattit le mouvement nationaliste Wafd (Délégation en arabe), laïcisant, libéral et très populaire fondé en 1918 par Saad Zaghloul. Vainqueur des élections législatives en 1924 (195 élus sur 214 sièges), ce parti parvint au pouvoir en 1926. Il sera dissous par Nasser en 1953.

    Le Wafd attirait en son sein de nombreux coptes, ce qui lui valait d’être discrédité par ses adversaires, parmi lesquels Marâghi. Dans un discours prononcé le 11 février 1938, ce dernier s’en prit aux chrétiens : « Ceux qui veulent séparer la religion de la vie sociale sont en vérité les ennemis de l’islam […]. Ils veulent vous dominer et faire disparaître ce qui subsiste de la grandeur de l’islam, du culte musulman. Vous vous êtes fiés à leur amitié, allant ainsi à l’encontre du Livre de Dieu » (Ibid., p. 129-130). Lors de la campagne électorale qui suivit, les oulémas déclareront dans leurs sermons qu’« un vote pour le Wafd est un vote contre l’islam » (ibid., p. 131).

    Le réformisme a ouvert la voie à l’islamisme, dont la matrice est représentée par les Frères musulmans (FM), fondés en 1928 à Ismaïlia par l’Égyptien Hassan El-Banna avec un double objectif : restaurer le califat et établir un Etat islamique appliquant la charia. Sur les FM, cf. Olivier Carré et Gérard Michaud, Les Frères musulmans, Gallimard, coll. Archives, 1983 ; Gilles Kepel, Le Prophète et Pharaon, La Découverte, 1984.

     

    Youssef El-Qaradaoui, diplômé d’El-Azhar et Frère musulman

    Youssef El-Qaradaoui

    Né en Egypte en 1926, Qaradaoui « est le fils de ce courant intellectuel musulman qui a voulu depuis les années trente régler ses comptes avec la civilisation occidentale dans ses deux dimensions, libérale et socialiste », écrit Amin Elias dans un article consacré au parcours de ce prédicateur très influent sur les réseaux sociaux (Confluences Méditerranée 2017/4, n° 103, p. 133-155).

    Dès l’âge de 16 ans, Qaradaoui choisit de devenir un « soldat » de la cause islamique en adhérant aux FM dont il avait rencontré le fondateur. Cela ne l’empêcha pas d’être admis à la faculté des sciences religieuses d’El-Azhar où il entra en 1950. Il y déploya une activité de militant, créant en 1953 avec plusieurs amis le « Comité de la Renaissance d’El-Azhar » dont l’objectif était de « réveiller la conscience islamique, créer une nouvelle génération capable de comprendre l’islam et de mener le combat pour sa cause, à rassembler les fils d’El-Azhar autour de cette cause sublime ». En 1973, il a soutenu une thèse de doctorat portant sur les sciences du Coran et de la Sunna.

    Auteur de plusieurs livres, dont Islam versus laïcité (Le Caire, 1980), Qaradaoui a fondé à Londres en 2004 l’Union internationale des savants musulmans (UISM) dont il est le président et qui œuvre à rétablir le califat « sous une forme moderne », apte à tenir un rôle de magistère concurrent d’El-Azhar. Il a également créé le Conseil européen de la Fatwa (décret politico-religieux) et de la Recherche, largement financé par l’émirat de Qatar. Établi à Dublin, ce Conseil dispense des enseignements et des conseils aux musulmans résidant en Europe.

    Ce n’est qu’en 2013, avec l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, que Qaradaoui, impliqué aux côtés des FM dans la révolution égyptienne de 2011, a été déchu de son poste de membre du Comité des savants d’El-Azhar.

     

    CENSURES ET CONDAMNATIONS D’INTELLECTUELS

    El-Azhar a une longue pratique de la censure et des sanctions contre les auteurs novateurs ou iconoclastes. En voici quelques exemples :

    Ali Abderrazik

    Ali Abderrazik (1888-1966). Dans son essai L’islam et les fondements du pouvoir (Le Caire, 1925 ; traduction française aux éd. La Découverte, 1994), ce titulaire d’un doctorat d’El-Azhar préconisait la séparation du temporel et du spirituel. Il contestait le caractère sacré du califat, d’abord parce qu’il est ignoré par le Coran, ensuite parce qu’il lui semblait inadapté aux temps nouveaux. « Ce sont les manuels du fiqh (jurisprudence) qui ont créé une équivoque à ce sujet », remarque le Père Henri Lammens dans son commentaire de l’œuvre d’Abderrazik (L’islam, croyances et institutions, Dar el-Machreq, Beyrouth, 1943, p. 145). Dès la parution du livre, Abderrazik fut exclu d’El-Azhar, décision approuvée par le gouvernement égyptien du roi Fouad 1er qui cherchait alors à restaurer le califat.

    Mohammed Khalafâllah

    Mohammed Khalafâllah (1916-1998). Dans son travail sur l’analyse du texte du Coran, cet étudiant égyptien d’El-Azhar soulignait l’importance « que l’exégète ne reste pas esclave d’une lecture littéraliste mais qu’il ait le souci de saisir le signifié au-delà du signifiant ». Le jury lui interdit de soutenir sa thèse au motif que celle-ci remettait en cause le dogme du Coran incréé et une fatwa émise par des savants religieux l’accusa d’apostasie, accusation qui visa aussi le superviseur de son travail, le cheikh Amin El-Khûli. Tous deux furent interdits d’enseigner les sciences coraniques (Cf. Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l’islam, Albin Michel, 2004, p. 162-172).

    Nasr Abou Zeid

    Nasr Abou Zeid (1943-2010). Cet universitaire égyptien, dont les travaux s’inscrivent dans la ligne de Khalafâllah et Khûli, estimait que « le lien entre études coraniques et étude

  • Solidarité Kosovo : dans La Nef, Le Kosovo toujours sous tension...

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    Site officiel : Solidarité Kosovo

    lafautearousseau "aime" et vous invite à "aimer" la page facebook Solidarité Kosovo :

    https://www.facebook.com/solidarite.kosovo/

     
    Monastère de Visoki Decani au Kosovo © Léopold Beaumont

     

    Le Kosovo toujours sous tension

    Jean-Frédéric Poisson était en septembre au Kosovo, occasion pour notre collaborateur de l’accompagner et faire un point sur place sur une situation qui demeure toujours très tendue. Reportage.

     

    «En Irak, en Syrie, au Liban… Je n’avais jamais vu ça. » Vendredi 24 septembre vers 19h, Jean-Frédéric Poisson, Président de VIA – la Voie du peuple (anciennement Parti Chrétien-Démocrate), partage sa surprise avec les membres de son bureau et les élus de son parti qui l’accompagnent. Nous sommes devant le portail monumental du monastère orthodoxe serbe de Visoki Decani, au Kosovo-Métochie. Quelques minutes plus tôt, nous avons franchi les chicanes installées au pied d’un mirador dont le projecteur éclaire la route de sa lumière crue ; elles ont été posées en 1999 par des soldats de la Kfor chargés de protéger le monastère ; 22 ans plus tard, ils sont toujours là : du « jamais vu », donc, d’après M. Poisson, qui a pourtant rencontré les chrétiens persécutés de nombreux pays d’Orient. Pendant quelques jours, il est allé à la rencontre de ceux qu’il appelle « les chrétiens d’Orient d’Europe » : les Serbes orthodoxes du Kosovo.
    Le monastère de Visoki Decani est un des cœurs de l’orthodoxie serbe. Il est aussi un parfait symbole de l’histoire mouvementée et difficile des Serbes, particulièrement au Kosovo. Il se trouve à l’ouest du Kosovo, dans une région que les Serbes appellent « Métochie », « Terre de l’Église », parce qu’elle appartenait presque tout entière à l’Église orthodoxe serbe et aux nombreux monastères qui s’y trouvent. Dans tout le Kosovo, sur une superficie un peu inférieure à celle de l’Île-de-France, on compte 26 monastères et plusieurs centaines d’églises. Le monastère de Decani est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis juillet 2004.
    Quelques mois plus tôt, le 17 mars, le Kosovo s’enflammait : une rumeur attribuant la responsabilité de la mort de deux enfants albanais à des Serbes déclenchait deux jours de pogroms antiserbes dans toute la région. Malgré la présence des troupes de la Kfor, dix Serbes furent tués, 35 églises et monastères détruits, plus de 700 maisons serbes incendiées et plus de 4000 personnes contraintes de quitter leurs terres. Le monastère de Decani fut lui aussi pris pour cible, mais ici les troupes de la Kfor n’hésitèrent pas à utiliser leurs armes pour faire reculer la foule, armée de cocktails molotov, qui s’approchait du monastère. Sept grenades furent lancées sur les terres du monastère, qui vinrent s’ajouter aux quinze grenades lancées en février et juin 2000, toutes sans faire de victimes et sans provoquer de dégâts majeurs. Une autre frappera le mur de l’église en mars 2007. « Nous sommes convaincus d’avoir été protégés, et pas uniquement par la Kfor, glisse le Père Sava Janjic, Père Abbé du monastère, pendant son entretien avec Jean-Frédéric Poisson. Il y a là quelque chose qui tient du miracle. » Une conviction qui n’empêche pas la prudence : lors de notre passage, et contrairement à ce qui est fait habituellement, l’éclairage nocturne de l’église est éteint, suite à des menaces récentes lancées contre le monastère : « Ça compliquerait un peu la tâche de quelqu’un qui voudrait tirer depuis les montagnes qui entourent le monastère… »

    Un conflit ethnique
    « Le conflit qui a déchiré le Kosovo en 1999 était un conflit ethnique, précise le Père Sava Janjic : c’était Serbes contre Albanais. Et si la religion, dans les Balkans, se superpose souvent à l’ethnie, c’est vers 2014 qu’on a commencé à sentir que l’islamisme devenait un danger en tant que tel pour le monastère et plus largement pour les Serbes au Kosovo. » En 2015, des graffitis sont découverts sur la muraille qui entoure les terres du monastère. On y retrouvait bien sûr le classique « UCK », du nom de la milice indépendantiste albanaise ayant commis de nombreuses attaques contre les Serbes, mais aussi contre les Albanais partisans du dialogue, entre 1996 et le conflit de 1999. Mais on y trouvait aussi des tags « ISIS » et « Califate is coming ». Moins d’un an plus tard, en février 2016, quatre hommes armés sont arrêtés devant le monastère par les hommes de la Kfor ; on trouve sur eux des textes de propagande islamique.
    « Avant la guerre, l’islam au Kosovo était très modéré : la plupart des Albanais mangeaient du porc et buvaient de l’eau-de-vie, comme les Serbes », se souvient le Père Sava. Aujourd’hui, sous l’influence des pays du Golfe, on voit apparaître un islam radical qui ne fait que rajouter une couche de haine antichrétienne par-dessus la haine antiserbe. Le Kosovo est, avec la Bosnie, le territoire européen ayant envoyé le plus de combattants – proportionnellement à leur population – dans les rangs de l’État islamique. En ce qui concerne la Bosnie, c’est d’ailleurs « un juste retour des choses », puisque des militants islamistes sont venus y combattre dans les années 90… « Ces centaines de combattants sont revenus au Kosovo ; sont-ils, sur le chemin du retour, devenus des militants de la paix ? », feint de s’interroger le Père Sava Janjic, avec un léger sourire entendu. Une chose est certaine : quand ils passeront à l’action, les Serbes orthodoxes seront évidemment leurs premières cibles, parce que Serbes et parce que chrétiens. En octobre 2018, quatre Albanais du Kosovo ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête sur la préparation d’attentats en France et en Belgique ; ils comptaient également s’en prendre à l’église Saint-Dimitri de Mitrovica, cette ville du nord du Kosovo coupée en deux, et à des bars de l’enclave serbe de Gracanica, près de Pristina. Plus tôt cette même année, en mars 2018, quand le ministre serbe en charge du Kosovo, Marko Djuric (aujourd’hui ambassadeur de Serbie à Washington) a été violemment arrêté par la police spéciale du Kosovo puis traîné dans les rues de Pristina, c’était aux cris de « Allah akbar ».
    En 2008, le Kosovo déclare son indépendance. Les anciens commandants de l’UCK, transformés en hommes politiques avec l’aide de l’ami américain – on voit sans doute dans tous le Kosovo plus de drapeaux US que de drapeaux officiels du Kosovo –, poursuivent pourtant toujours le même objectif : « nettoyer » le Kosovo de ses Serbes et effacer toutes les traces de la présence multiséculaire des Serbes dans la région. Mais le Kosovo ayant gagné son indépendance, dynamiter des églises – 150 l’ont été entre 1999 et 2005, malgré la présence de la Kfor – devient plus délicat : même si Américains et Européens n’avoueront jamais que le Kosovo, leur création, est un échec, il ne faut pas non plus exagérer.

    Une violence larvée
    D’une violence ouverte, on passe alors à une violence larvée, faites de brimades systématiques, de discriminations absurdes et de dénis de justice quotidiens. Les autorités du Kosovo jouent en permanence sur deux tableaux : en public, aux yeux de la communauté internationale, ils jouent leur rôle de dirigeants démocratiques tolérants et pacifiques, mais laissent en fait les mains libres aux autorités locales – officielles ou non – pour multiplier les persécutions contre les Serbes et contre l’Église orthodoxe. Là aussi, le monastère de Decani en est un exemple parfait : à la fin de la guerre, 24 hectares de terres lui appartenant ont été volés par la municipalité de Decani. La Cour constitutionnelle du Kosovo finira par donner raison au monastère, sans trop se presser cependant puisque ça lui prendra rien moins que 16 ans, malgré la pression internationale. Cinq ans plus tard, la municipalité n’a toujours pas corrigé son cadastre pour prendre en compte cette décision, et les tweets insistants que publie chaque année l’ambassadeur des États-Unis à Pristina n’y changent rien. Mais le monastère a de la chance : un tribunal a daigné se pencher sur son cas. Les Serbes des enclaves, eux, n’espèrent même plus que la police prenne en compte leurs plaintes, même après des agressions caractérisées, même quand elles sont enregistrées. En juillet 2021, on a dépassé la barre des 100 attaques contre les biens et les personnes serbes depuis le début de l’année : vols de bétail, cambriolages, agressions physiques, négations du droit de propriétés, etc. Quand un Serbe est visé, les coupables ne sont jamais retrouvés. Jamais retrouvés, les assassins de quatorze paysans serbes à Staro Gracko en juillet 1999, malgré les promesses faites devant les caméras du monde entier par Bernard Kouchner, alors administrateur du Kosovo ; jamais retrouvés non plus, les assassins de deux jeunes enfants serbes près de Gorazdevac en août 2003. Le lendemain de notre visite à Decani, le président de l’association des disparus d’Orahovac et de Velika Hoca nous expliquait avoir attendu jusqu’à neuf ans l’autorisation de mener des recherches sur les lieux supposés d’une fosse commune de disparus serbes. Ils sont 500 dans tout le Kosovo, dont on a encore retrouvé aucune trace depuis leur disparition entre 1996 et 1999.

    Des monastères isolés
    Autour du monastère de Decani, comme autour de tous les monastères orthodoxes au Kosovo, a été tracée une « zone de protection », officiellement reconnue par les autorités de Pristina. Depuis plusieurs années, la construction d’une route reliant la commune de Decani au Monténégro voisin à travers les montagnes qui entourent le monastère est en cours. Le début du tracé de cette route reprend celui de la petite route qui mène au monastère, celle où sont postés les soldats de la Kfor. Dès qu’ils en ont pris connaissance, les moines ont signalé que cette route passait donc dans la zone protégée, et même qu’elle longerait la muraille du monastère, à peine à une cinquantaine de mètres de son église. Comment les moines pourraient-ils encore vivre leur vie de prière et de silence avec une voie rapide bordant leur réfectoire ? Les travaux ne risqueraient-ils pas d’endommager les bâtiments vieux de presque 700 ans ? L’accès facilité au monastère ne le mettrait-il pas à la merci de ceux qui veulent sa destruction en compliquant la tâche des troupes de la Kfor ? Ces arguments poussèrent les moines, mais aussi la communauté internationale, à exiger la mise en place d’un nouveau tracé évitant la zone de protection ; une proposition a même été faite en concertation avec les moines, repoussant cette route à quelques centaines de mètres du monastère, dans une vallée parallèle. Qu’importe : les travaux ont été relancés plusieurs fois. Toujours sur le premier tracé. À chaque fois, une réaction forte des représentants étrangers au Kosovo a permis de les suspendre, mais ils n’ont pas été officiellement arrêtés : le premier tracé reste clairement celui que Pristina veut mener à bien.
    Le monastère de Decani, trésor inestimable de l’orthodoxie serbe mais aussi de toute la chrétienté, est donc encore en danger aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qu’a conclu l’an dernier l’organisation Europa Nostra, qui l’a placé dans sa liste des sept sites les plus menacés d’Europe. Une nomination qui a bien entendu fait grincer des dents à Pristina. Alors que pendant la guerre le monastère a accueilli de nombreux réfugiés albanais pour les protéger des combats, et que le Père Sava Janjic était accusé à l’époque, par certains à Belgrade, d’être un agent albanais en raison de ses appels à la paix, de nombreux médias albanais du Kosovo se sont empressés de l’accuser de crime de guerre, donnant ainsi raison à Europa Nostra de la plus éclatante des façons.
    Plus largement, c’est bel et bien la présence serbe au Kosovo qui est toujours remise en question aujourd’hui : « Nous ne partirons pas, affirme le Père Sava, avec toujours la même douceur dans la voix. Même s’il faut mourir ici, nous resterons. Aujourd’hui, nous ne pouvons compter que sur une prise de conscience de la communauté internationale pour avoir une chance de survivre au Kosovo. »

    Léopold Beaumont

    © LA NEF n°341 Novembre 2021

  • La France de Macron, une dictature post-démocratique, par Michel Geoffroy.

    Depuis le forum de Polémia consacré à cette problématique en novembre 2019, la question de la dictature, en particulier de la dictature sanitaire, s’est invitée dans le débat politique, au grand dam du pouvoir et de ses soutiens. Emmanuel Macron a même cru bon de s’en défendre à plusieurs reprises[1].

    Pourtant un sondage IFOP réalisé pour le JDD les 11 et 12 août dernier, montre que pas moins de 43 % des personnes interrogées estiment que la France devient une dictature, du jamais vu dans notre pays. De même, durant tout le mois d’août – ce qui est également tout à fait nouveau –, des centaines de milliers de manifestants défilent chaque samedi dans de nombreuses villes de France, au cri de « liberté », contre l’instauration du passe sanitaire et la vaccination obligatoire des enfants.
    Manifestement, la question de la dictature ne se réduit pas à un fantasme complotiste…

    Circulez, il n’y a rien à voir !

    Vivons-nous donc désormais en dictature ?

    Non, répondent à l’unisson les intellectuels médiatiques, fidèles soutiens du système.

    Dans Le Parisien, Raphaël Enthoven a donné le ton : « Tant qu’Emmanuel Macron n’aura pas aboli le droit de vote, je tiendrai les gens qui disent qu’on vit en dictature pour des illuminés. C’est-à-dire des obscurantistes[2]. »

     

    « France, la dictature que le monde nous envie », titre ironiquement de son côté un éditorial de la sérieuse Revue des Deux Mondes[3] : « la France, malgré ses imperfections, est le pays où l’État, à travers ses lois, n’est ni raciste, ni fascisant, ni islamophobe. Mais protecteur des droits individuels de chacun. Et défenseur de l’égalité hommes-femmes, des droits des homosexuels et de la liberté de conscience », lit-on sous la plume de Valérie Toranian

     

     

    Des exemples parmi d’autres, mais significatifs.

    L’argumentation consiste en effet à déduire du fait que, comme le pouvoir ne revêt pas en France les formes prises par les totalitarismes européens des années trente ou par les pronunciamentos sud-américains, nous ne vivons pas en dictature.
    En d’autres termes, nous ne vivons pas en dictature parce qu’Emmanuel Macron ne porte pas un uniforme ni une petite moustache comme Hitler, parce que les opposants ne sont pas envoyés au goulag ou parce que les chemises brunes ou les gardes rouges ne patrouillent pas dans les rues, la matraque à la main.
    Les défenseurs de la macronie affirment aussi que nous ne vivons pas en dictature parce que les libertés individuelles seraient garanties dans notre pays par le fameux état de droit. En somme, nous ne vivons pas en dictature parce que nous avons le droit de « venir comme nous sommes » comme chez McDonald’s ou parce que nous pouvons rouler à vélo sur les trottoirs.

    On n’évoquera enfin que de façon incidente ceux qui glosent à l’infini, pour noyer la question, sur le terme dictature en rappelant que, sous l’Antiquité, celle-ci n’avait qu’un caractère fonctionnel et non pas péjoratif. La belle affaire !
    Ces arguties ne sauraient masquer ce que tout le monde comprend de nos jours sous le terme dictature : comme l’écrit le dictionnaire Larousse, c’est bien « le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes (junte) qui l’exercent sans contrôle, de façon autoritaire ».

    Mais finalement tous ces commentateurs officiels nous disent la même chose : circulez, il n’y a rien à voir !

    Une vision simpliste de la dictature

    D’abord, on objectera que cette façon d’analyser la dictature est totalement réductrice et montre surtout que, pour l’oligarchie au pouvoir, la reductio ad Hitlerum reste l’horizon indépassable de sa communication, sinon de sa réflexion.

    C’est oublier que les totalitarismes du xxe siècle ne se réduisent pas à l’usage de la violence physique ; et que toute dictature repose sur une certaine acceptation, même tacite, de la population. C’est oublier aussi que les dictateurs n’ignorent pas les élections, bien au contraire, puisque en général ils se font élire à une majorité écrasante, ce que semble oublier M. Enthoven…

    C’est surtout oublier que l’oppression peut prendre des formes variées et que l’histoire ne s’est pas arrêtée en 1945.
    Il est d’ailleurs savoureux de voir tous ces intellos issus de la gauche éclairée et qui prennent aujourd’hui la défense de la « démocratie » macronienne oublier l’école de Francfort dont ils se montraient si friands dans les années 1960. Une école de pensée influente qui, après la Seconde Guerre mondiale, affirmait mettre en lumière la persistance des comportements autoritaires en Occident (avec notamment l’analyse de la « personnalité autoritaire ») malgré la fin des fascismes.
    Pourquoi donc un tel « oubli » ? Emmanuel Macron n’incarnerait-il pas justement un nouvel avatar de cette fameuse « personnalité autoritaire » ?
    Pourquoi oublier aussi le livre prophétique que Roland Huntford publie au début des années 1970 et intitulé : Le Nouveau Totalitarisme[4]. Huntford analyse en effet la social-démocratie suédoise pour démontrer que les libertés personnelles sont tout aussi menacées par l’intrusion de l’État-providence dans l’intimité des personnes, le conformisme, l’hygiénisme, le fiscalisme, la réduction du rôle éducatif de la famille et la « libération des mœurs[5] » que par la violence des milices en chemise noire ou rouge.
    Certes, ce nouveau totalitarisme ne tue plus, mais il étouffe, il réduit au silence ou au suicide. Quel progrès !

    L’avènement de la post-démocratie autoritaire

    Les défenseurs de la « démocratie » macronienne se gardent bien en effet de reconnaître que notre système politique et social a profondément changé depuis la fin du xxe siècle et singulièrement depuis la chute de l’URSS. Ils continuent d’invoquer la république sur l’air des lampions, pour faire croire que nous serions toujours sous un même régime. Mais en réalité nous en avons changé, pour entrer dans l’ère de la post-démocratie autoritaire, qui est une soft dictature.

    Car, si l’on définit, comme le dit la Constitution de la Ve République, la démocratie comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, force est de constater que nous ne vivons justement plus dans un tel régime.

    La post-démocratie repose en effet sur des principes tout différents : d’abord et avant tout sur la suprématie des droits des « minorités » sur ceux des majorités – réduites au silence –, sur l’idéologie des droits de l’homme et la marginalisation de la citoyenneté qui en découle, sur la suprématie des juges sur les législateurs, sur la supranationalité et sur la dérégulation de l’économie et de la finance[6].

    Car la post-démocratie tire la conclusion politique de la révolution intervenue en Occident après la fin de la guerre froide et qui a vu l’émergence d’un pouvoir économique et financier mondialisé, délocalisé et dérégulé, indifférent au bien commun, désormais plus riche et plus puissant que les États, lesquels se trouvent au contraire en phase de déconstruction avancée et réduits au rôle d’exécutant des desiderata de cette nouvelle oligarchie.

    Sur le plan idéologique, la post-démocratie correspond au fait que le libéralisme – en fait le capitalisme – s’est désormais séparé de la démocratie, mettant fin à la parenthèse des Lumières. Comme le disait si bien l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Parce que justement l’Union européenne se conçoit avant tout libérale avant d’être démocratique.

    La fin des libertés collectives, terreau de la soft dictature post-démocratique

    Ceux qui vantent les libertés individuelles dont nous bénéficions, pour récuser la dictature, oublient opportunément également que les libertés collectives – et au premier chef la souveraineté des peuples – ont été déconstruites par les post-démocrates libéraux. Lesquels ne conçoivent la liberté que comme un individualisme absolu, indifférent au bien commun, c’est-à-dire dans un sens exclusivement libéral et marchand car on n’autorise que ce que le marché peut satisfaire.

    Or, quand les libertés collectives disparaissent, les libertés individuelles ne peuvent durer longtemps, comme le démontre le sort des « démocraties populaires » soumises au régime de la souveraineté limitée soviétique.

    Ce que démontrent aussi de nos jours la déconstruction des frontières et la dérégulation de l’immigration, qui conduisent de plus en plus à réduire la liberté d’opinion des autochtones. En France, le gouvernement a dissous l’association Génération identitaire sous le prétexte que sa critique de l’immigration constituait, selon le parquet, une incitation à la haine, créant un précédent redoutable. Car, vis-à-vis de l’immigration, les autochtones n’auront désormais plus qu’un droit : celui de se taire et d’accueillir toujours plus d’immigrants.

    En post-démocratie, le peuple autochtone lui-même devient suspect, coupable de tous les crimes historiques : Emmanuel Macron ne se prive d’ailleurs pas d’allonger la liste des prétendues fautes imputables aux Français ! En post-démocratie, donner la parole au peuple – ce qui est de plus en plus rare – se trouve dévalué sous le vocable « populisme ». Et lui donner la priorité devient hautement discriminatoire !

    Un nouveau pouvoir sans limite

    L’avènement de la post-démocratie, qu’incarne l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, signifie surtout que les catégories classiques de la science politique n’ont plus cours en France : les principes d’équilibre et de séparation des pouvoirs, de souveraineté populaire, de responsabilité politique, de suprématie de la loi sont devenus obsolètes. Dans ces conditions, invoquer les élections ou la république pour réfuter la dictature, comme si nous étions en 1958, repose sur une supercherie.

    Car l’autorité est désormais de plus en plus économique et technologique, et non plus politique : ce qui signifie qu’elle n’est plus limitée par les contraintes inhérentes à la responsabilité politique et à l’adhésion populaire. En d’autres termes, on se trouve confronté à un pouvoir que de moins en moins de pouvoirs viennent refréner, à rebours de ce que préconisait Montesquieu.
    La crise du coronavirus a renforcé cette tendance à la marginalisation des institutions politiques, réduites au rôle de chambre d’écho des prescriptions des « experts » médicaux, des médecins de plateau télé, des comités Théodule et de Big Pharma.

    De même, les médias, devenus propriété des puissances économiques et financières, ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir m

  • Verbe haut et main molle, par Aristide Renou.

    Pourquoi Emmanuel Macron ne fera pas mieux que ses prédécesseurs en matière de de sécurité.

    Depuis trop longtemps, lorsqu’il est question d’insécurité, nos responsables politiques ont le verbe haut mais la main molle. Il n’est sans doute pas un Français aujourd’hui qui n’ait compris que, lorsque l’un de nos dirigeants déclare, le sourcil froncé et le regard noir, que tel crime ou atteinte à l’ordre public est « intolérable » et que le gouvernement sera « intraitable » dans sa réponse, cela signifie en réalité que nous allons devoir apprendre à vivre avec un niveau de violence accrue.

    Vendredi 28 août, lors d’une rencontre avec l’Association de la presse présidentielle, selon le journal 20 minutes, Emmanuel Macron a déploré une « banalisation de la violence » qui se serait « durcie » mais face à laquelle le gouvernement serait – devinez quoi ? – « intraitable ».

    Puis il a rappelé qu’il avait augmenté les moyens alloués aux forces de l’ordre, notamment en embauchant près de 10 000 policiers et gendarmes depuis le début de son quinquennat et a affirmé qu’il fallait « remettre des moyens sur notre justice, en embauchant partout là où c’est nécessaire davantage de juges et de greffiers ».

    Enfin, se livrant à un exercice théorique qu’il affectionne, le président de la République a brodé sur les causes supposées de cette violence, affirmant qu’il s’agissait d’un « symptôme ou d’un malaise de notre société, qui est un problème d’éducation, un problème d’intégration, un problème de modèle économique », voire même d’un « changement anthropologique ». Il a conclu en appelant à « retrouver le sel du patriotisme républicain » (sic) et en mettant en garde contre toute « solution magique ». Tout cela semblait étrangement signifier : « Il n’y a aucune solution, faites-vous une raison. »

    Préférons les solutions simples aux causes profondes

    En effet, les causes énumérées par Emmanuel Macron échappent très largement à l’action des pouvoirs publics, particulièrement en démocratie où ceux-ci ne possèdent que des pouvoirs très encadrés. Changer de « modèle économique », par exemple, est-il à la portée d’un gouvernement démocratique, même animé de la meilleure volonté ? Sans doute pas. Et si nous sommes face à un « changement anthropologique », il n’y a plus qu’à baisser les bras. Il n’existe pas, à l’Elysée ou à Matignon, de levier sous lequel serait marqué « Changement anthropologique ». En vérité, de tels discours traduisent, ou préparent, la résignation et le fatalisme en matière d’insécurité, à mesure que les pouvoirs publics, inévitablement, échoueront à éradiquer ce qu’ils croient être les « causes profondes » de la violence.

    Fort heureusement, il n’est nul besoin d’agir sur les causes ultimes d’un phénomène social pour l’endiguer ou même l’éradiquer. En matière de délinquance tout particulièrement, le traitement des causes profondes est une chimère dont la poursuite nous éloigne des solutions qui sont accessibles. Car oui, même si, par définition, il n’existe pas de solution « magique », il existe bien des solutions relativement simples pour réduire drastiquement la délinquance, et des solutions qui ne mettent pas des décennies à manifester leurs effets.

    Lorsque William Bratton devint chef de la police de New-York, en 1994, il se fixa publiquement un objectif annuel de réduction de la criminalité de 10 %. Bratton dépassa son objectif, avec une baisse de 12 % cette année-là. L’année suivante il déclara que la police de New York réduirait la criminalité de 15 %. Cette année-là, la criminalité chuta de 16 %. Plus largement, entre le milieu de la décennie 1990 et le début 2010, la ville de New-York a enregistré une baisse de la délinquance dépassant les 80 %. Dans l’ensemble des États-Unis, la baisse a été de l’ordre de 40 %. Les conceptions qui ont permis cette baisse remarquable de la délinquance peuvent être résumées simplement.

    La culture de l’excuse

    La cause ultime du délit, c’est le délinquant lui-même. S’il commet des délits, ce n’est pas parce qu’il serait une « victime de la société » ou qu’il aurait eu une enfance malheureuse – ce qui peut arriver, bien sûr –, c’est d’abord et avant tout parce qu’il est impulsif et paresseux et qu’il désire des choses pour lesquelles il ne veut pas travailler. Jamais une enfance difficile ne pousse à commettre des délits à la manière dont une température négative conduit l’eau à se transformer en glace. La délinquance est, selon l’expression du criminologue canadien Maurice Cusson, une vie choisie. Ce qui dissuade le délinquant de commettre les délits dont il a envie, c’est d’abord la perspective d’une sanction rapide, certaine, et suffisamment sévère. Les délinquants ne sont pas spécialisés, et commettent en général, au cours de leur « carrière », toutes sortes de délits, violents ou non, du plus petit au plus grand suivant l’opportunité.

    Face à cela, la police ne doit pas se contenter de pourchasser les criminels une fois qu’ils ont commis leur crime. Elle doit adopter une attitude proactive envers la délinquance et le désordre, en comprenant que les incivilités et les « petits » délits qui ne sont pas réprimés encouragent la délinquance et préparent les « zones de non droit » qui se répandent aujourd’hui dans notre pays comme un cancer.

    La cause ultime du délit, c’est le délinquant lui-même qui désire des choses pour lesquelles il ne veut pas travailler.

    La justice, elle, doit être prioritairement rétributive, prévisible et compréhensible par les justiciables ordinaires. Elle ne doit pas hésiter à prononcer de courtes peines, et même de très courtes peines de prison dès les débuts d’une « carrière » délinquante, ni à infliger de très longues peines pour sanctionner les crimes violents. Lequel de ces éléments Emmanuel Macron est-il en mesure de réunir ? Aucun, absolument aucun.

    Avec Emmanuel Macron nous avons déjà eu droit à une ministre de la justice, Nicole Belloubet, qui s’est félicitée d’avoir fait baisser la population carcérale de plus de 13 500 détenus et un ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui a publiquement déclaré, à propos de manifestations illégales, que l’émotion dépassait la règle juridique et qui a trouvé des circonstances atténuantes aux violences urbaines dans la « galère » que vivraient les jeunes gens qui les commettent. Aujourd’hui nous avons un Garde des Sceaux qui dit que le « sentiment d’insécurité » est un « fantasme » et qui déclare, en visitant un Centre éducatif fermé : « J’ai toujours pensé qu’il valait mieux construire une école qu’une prison » et « ces gamins-là, qui pour la plupart n’ont pas eu de chance, il faut les aider. » Enfin, Emmanuel Macron lui-même a déclaré, au sujet d’un jeune braqueur en compagnie duquel il avait été photographié lors d’un voyage dans les Antilles : « J’aime chaque enfant de la République, quelles que soient ses bêtises, parce que bien souvent, parce que c’est un enfant de la République, il n’a pas choisi l’endroit où il est né, et il n’a pas eu la chance de ne pas en faire. » Autant de preuves que la culture de l’excuse est solidement ancrée au plus haut niveau de l’État.

    Les prisons absentes

    La France manque terriblement, dramatiquement de places de prison. Cette sous-dotation carcérale grippe toute la chaine pénale et, sans augmentation très importante de la capacité du parc pénitentiaire, rien ne sera possible. Aucune augmentation du nombre de policiers ou de juges ne produira de baisse tangible de la délinquance tant que la justice devra, faute de place en détention, tout faire pour envoyer les délinquants en prison le plus tard et le moins longtemps possible, comme c’est le cas aujourd’hui.

    Avant son élection, Emmanuel Macron avait promis 15 000 places de prison supplémentaires durant son quinquennat. Nous savons aujourd’hui qu’il devrait y en avoir à peine 3000. Il y a quelques jours, Eric Ciotti a déclaré, dans les colonnes du Figaro, qu’il en faudrait 20 000. Dans une étude publiée en 2016 (« L’inexécution des peines d’emprisonnement ferme – Ampleur du phénomène, causes et conséquences », Notes et Synthèses de l’IPJ, n°38, octobre 2016 ICI), l’Institut pour la Justice avait estimé ce déficit à environ 30 000. Dix fois plus que ce qui, au mieux, sera produit durant le quinquennat d’Emmanuel Macron.

    Les forces de l’ordre, enfin, ont-elles reçu de nouvelles consignes dans les « territoires perdus de la République » qui s’étendent un peu plus chaque jour ? En avons-nous fini avec la désastreuse politique du « mieux vaut un désordre qu’une émeute », qui conduit à abandonner des quartiers entiers à la loi des voyous et qui encourage précisément ces derniers à commettre des émeutes à la moindre occasion, puisque cela paye ? Manifestement non, et le dernier saccage en date des Champs-Elysées, lors de la finale de Ligue des Champions, a bien montré que les pouvoirs publics continuent à considérer l’intégrité physique des pillards comme plus importante que l’ordre public et le respect du droit de chacun à vivre en sécurité.

    La réalité est que, comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a choisi l’impuissance en matière de sécurité, faute d’accepter de se donner les moyens matériels et juridiques nécessaires pour obtenir un résultat en la matière. Les Français sont inquiets pour leur sécurité. Ils ont de très bonnes raisons de l’être. Et cela ne va pas s’arranger.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Une économie administrée par une finance libérée, par François Schwerer.

    Illustrations : Le groupement de pharmaciens Pharmabest a ouvert son flagship store en septembre 2020, la plus grande pharmacie de centre-ville à Paris. 2050 m2, ouverts 6 jours sur 7 de 9h à 20h, avec 40 000 références, 350 marques, sur 4,5 km de linéaires, et 25 caisses. 1 200 clients sont attendus par jour.

    Les crises successives révèlent la manière dont l´économie occidentale s'est entièrement financiarisée au point que tout est orienté vers la furieuse circulation des flux, au détriment de la richesse réelle.

    5.jpgL’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire de la Covid-19 dont la gestion par les divers gouvernements mondiaux, notamment dans les pays développés, a mis en exergue la fragilité d’un système caractérisé par une économie administrée (État-providence – mais non pas souverain – oblige) par une finance libérée (imposée par l’idéologie mondialiste néolibérale). Autant, au siècle précédent, le communisme promettait des « lendemains qui chantent », autant ce nouveau paradigme occulte des « lendemains qui déchanteront ».

    Une économie administrée

    Depuis l’importance prise par l’État-providence, l’économie réelle n’est plus libre. Jusqu’à présent, cette absence de liberté se mesurait d’abord par la hausse ininterrompue des impôts, la disparition des entrepreneurs indépendants au profit des salariés voire des fonctionnaires, la multiplicité des normes pesant sur les agents économiques, la part prise dans le système par les assurances de toute nature qui « socialisent » les aléas et les pertes, la multiplication des indemnités, pensions, subventions et autres « salaires de substitution ». Les prix étaient par ailleurs largement manipulés par les taux différentiels de la TVA applicable, les taxes additionnelles et complémentaires, les encadrements de prix, les bonifications (sous ou sans condition de ressources) dans un monde où les notions de juste prix, de solde et de vente à perte ont été vidées de leur substance. Quand un produit « bénéficie » d’un rabais de 70 %, alors qu’il ne s’agit ni d’écouler un vieux rossignol invendu ni de liquider le stock d’un commerce en faillite, c’est que soit le prix d’origine, soit le prix de cession n’est pas honnête. Pour quel résultat ? Le consommateur ayant perdu tout repère financier relatif au prix des choses, soumis au matraquage permanent d’une publicité agressive et poussé par l’illusion d’un crédit facile et le miroir d’un emballage clinquant, n’est plus qu’un individu qui achète ce que les autres acquièrent, qu’il en ait besoin ou non.

    Pourtant, il croit qu’il est libre et que ses choix sont le résultat d’une liberté éclairée. En réalité il est plutôt le jouet d’intérêts qui le dépassent. Il suffit, par exemple, d’examiner la question des automobiles. Pendant de nombreuses années, on a vanté aux Français les mérites des moteurs diesel et, pour les pousser à acquérir des véhicules qui en étaient équipés, le carburant lourd, moins taxé, a été vendu à un prix beaucoup plus avantageux. Puis, quand les producteurs auprès desquels la France s’approvisionnent ont commencé à livrer des pétroles bruts plus légers, on s’est aperçu que cette politique était techniquement et financièrement suicidaire (car la proportion de gaz, pétrole, kérosène, fuel et goudrons issus des raffineries ne dépend pas uniquement de la façon dont celles-ci fonctionnent mais aussi et surtout de la qualité du pétrole traité). Il a donc fallu rectifier le tir. Les Pouvoirs publics ne pouvant pas se tromper mais ne pouvant pas non plus incriminer les multinationales dont ils ont besoin, on a expliqué aux Français – sous prétexte de les éclairer – que leurs voitures « préférées » étaient trop polluantes, malgré les filtres à particules dont elles sont équipées, et on leur a demandé de changer d’habitudes. Les taxes sur le gas-oil ont commencé à grimper plus vite que celles sur l’essence.

    L’instrumentalisation économico-financière de la crise sanitaire

    Avec la crise sanitaire actuelle, on a franchi une nouvelle étape. Il n’y a plus besoin de subtils subterfuges pour administrer l’économie. La santé est devenue la seule valeur fondamentale du consommateur matérialiste ; il suffit désormais de se retrancher derrière ce nouveau paravent. Du coup les notions de « produits essentiels », de « commerces essentiels », de « services essentiels » sont devenues autant d’impératifs que chacun doit respecter. À terme, il ne devrait plus être nécessaire de harceler les citoyens par des communications téléphoniques intempestives leur expliquant ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire. Il suffira de dire : c’est essentiel, ou ce ne l’est pas. C’est essentiel, c’est autorisé ; ce n’est pas essentiel, c’est interdit.

    Comme la paralysie de pans entiers d’activité risquait d’entraîner une réaction de rejet du fait de ses conséquences immédiates, on a cherché un expédient qui, en permettant de gagner du temps, laisserait la possibilité de décorréler plus ou moins bien la cause de ses effets. On a multiplié les aides d’État afin de permettre à chaque Français de conserver nominalement le même « pouvoir d’achat ». Cela était facile puisque, aujourd’hui, la monnaie ne repose plus que sur un droit, octroyé par la Puissance publique, d’acquérir des biens ou des services. D’un côté, on a distribué du pouvoir d’achat alors que, de l’autre, on interdisait de produire les biens ou les services à acquérir. On assumait donc le risque de voir les prix grimper et l’inflation repartir rapidement… ce qui aurait pu, sans avoir l’air d’y toucher, effacer une partie de la dette publique. Hélas, les populations inquiètes pour leur avenir ont mis de côté les sommes qu’elles ne pouvaient pas dépenser dans les mêmes conditions qu’auparavant. Elles ne se sont pas précipitées autant qu’il aurait fallu sur des achats par correspondance de produits importés, ce qui aurait bien profité aux multinationales et, subsidiairement à l’État qui aurait pu taxer au passage les flux financiers tout en respectant sa promesse de ne pas augmenter les impôts. Les populations, plus attachées à leur culture ancestrale qu’on ne veut l’admettre, n’ont pas eu le comportement « citoyen » attendu par les élites.

    La finance libérée

    Pourtant, les économistes, les hommes politiques et les journalistes expliquent à longueur de temps que nous vivons dans un monde libre où la seule richesse qui compte est celle qui est consommée. Le consommateur compulsif est ainsi considéré comme appartenant à la catégorie vertueuse des citoyens responsables, conscients et organisés, alors que les épargnants frileux constituent la caste des égoïstes intouchables.

    L’œil rivé sur le taux de croissance du PIB, les banques centrales sont priées d’apporter au système les liquidités nécessaires à l’entretien du mouvement. Cela les oblige à maintenir les taux d’intérêt à des niveaux tellement bas qu’ils ne peuvent plus rien dire. Ce n’est plus pour une question morale que l’on remet en cause le prêt à intérêt, c’est pour une question d’efficacité financière ; financière et non pas économique ! Une vie économique équilibrée a besoin de taux d’intérêts différentiels et non spéculatifs pour se développer de façon harmonieuse. Plus un investissement est risqué plus le taux d’intérêt du crédit sollicité pour le réaliser devrait être élevé ; plus un investissement permet de produire un bien ou un service utile et rentable et plus il peut permettre de rembourser un taux d’intérêt important. Quand les taux d’intérêt tendent vers zéro, il n’y a plus de différence entre un projet sûr et une aventure risquée, il n’y a plus de différence entre un projet rentable et un rêve irréaliste. Si le taux d’intérêt devient négatif, alors il n’y a plus aucune raison que le projet soit sûr et rentable car ce n’est pas sur le résultat qu’il engendrera que l’on compte pour le rembourser mais sur la reconduction du crédit à son échéance.

    Les riches d’aujourd’hui lègueront des dettes à leurs héritiers.

    Globalement, cependant, pour que le système fonctionne, il suffit mais il faut que la masse financière en circulation augmente au rythme des promesses. Or, pour que les populations suivent le rythme qui leur est insidieusement imposé, il faut que les carottes soient toujours plus grosses et le bâton toujours plus lourd. Le crédit appelle le crédit. Ce système fonctionne tant que le « prêteur en dernier ressort » peut alimenter le mécanisme mis en place, et que les bénéficiaires de la manne ainsi répandue continuent à la constater nourrissante. Mais, dans un tel monde, l’entrepreneur qui prend un risque industriel a cédé la place, comme moteur du système, à un illusionniste capable de « vendre » un rêve à un financier.

    Seule compte la finance. Le fordisme est mort ; le salarié n’a pas besoin d’être bien payé pour acheter les biens produits puisque la dette se substitue au salaire. Quant aux biens qu’on lui vend, on peut les faire fabriquer bien loin, dans un pays où il n’y a ni charges salariales, ni retraite, ni sécurité sociale et où les normes sanitaires et environnementales sont moins strictes. Ce n’est pas grave si l’assisté du « pays riche » achète à bas prix les biens produits dans les pays « émergents » puisqu’il a été subventionné pour le faire et que le crédit est devenu un droit.

    Le système trouve son équilibre dans la circulation des flux financiers, le transfert des richesses de ceux qui produisent vers ceux qui consomment et dans le développement du crédit qui, à l’échelon mondial prend de plus en plus la forme d’une pyramide de Ponzi. Tant que la confiance règne, le système continue à tourner… de plus en plus vite !

    Une illusoire richesse pour une impasse systémique

    Mais, dans un tel système et sans qu’on y prenne garde, les mots ont changé de sens ; les concepts ont changé de nature. Ce qui fait la richesse d’un agent économique, ce n’est plus le stock de biens qu’il détient, c’est l’importance du flux qu’il peut capter. La source de la monnaie n’est plus une quantité de biens durables, mais la capacité à générer du crédit. Pour être puissant dans le monde économique d’antan, il fallait pouvoir mobiliser des biens et les monétiser ; pour être puissant dans le monde financier d’aujourd’hui, il faut pouvoir capter des flux et en distraire une partie pour son usage exclusif. On n’achète plus un bien avec des espèces sonnantes et trébuchantes mais avec un crédit, c’est-à-dire une promesse. Lorsque le système s’emballe, le crédit n’est pas remboursé ; la promesse est reconduite le jour où normalement elle aurait dû être honorée. Dans un processus de fuite en avant, ce que les riches d’aujourd’hui s’apprêtent à léguer à leurs héritiers, ce ne sont plus des richesses accumulées mais des dettes.

    Soit le système monétaire, économique et financier devra être entièrement repensé de façon à permettre à chaque catégorie de population de vivre normalement en consommant ce qu’elle produit sans chercher à piller ses voisins grâce à l’arme d’un crédit apparent, soit une crise généralisée, bien plus terrible que celle dont on parle aujourd’hui, obligera tôt ou tard à remettre toutes les pendules à l’heure. À quel prix ?

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • L’inanité actuelle des paris politiques, par Yves Morel.

    Indifférents, moroses, déçus, les Français se détournent des suffrages et des partis. Il leur apparaît clairement qu'ils sont inutiles à la marche des affaires, 
si décevante celle-ci puisse être.

    Pour l’historien, le politologue, ou seulement tout esprit curieux et sagace, nous vivons une époque passionnante, lors même qu’elle n’a rien de drôle, à moins dire.

    La crise générale provoquée par la pandémie coronovirale remet en question notre mode de vie et de travail, le fonctionnement de notre société et de notre économie, nos habitudes de pensée, et notre vie politique.

    Un bouleversement générateur d’un fatalisme unanime

    C’est tout notre modèle de société et d’organisation politique qui a été chamboulé depuis un an. Nos institutions républicaines, dont nos dirigeants exaltent à tout propos la grandeur, ont reçu un sacré coup, et il n’est pas certain qu’elles puissent surmonter un pareil choc. Le cours normal de notre vie politique est suspendu depuis la mi-mars 2020, et nos compatriotes sont complètement déboussolés, ne sachant plus à quel saint se vouer, et se laissant mener, bon gré mal gré, par le pouvoir en place, qu’ils supportent mal, mais dont ils s’accommodent, parce qu’ils savent que ses adversaires ne feraient pas mieux que lui, et que les mesures qui leur sont imposées, procèdent des lois de la nécessité et excluent donc toute alternative. Le fatalisme est devenu le trait de caractère dominant de notre peuple, pourtant réputé frondeur et ingouvernable. Un fatalisme empreint de lassitude et de déréliction, qui, parfois, fermente et vire à l’aigreur. À l’aigreur, mais non à la révolte, sinon de manière sourde, latente, et quelque peu honteuse : on n’ose plus se révolter, de peur de paraître primaire, attardé, déraisonnable, sot, ou incivique. L’heure est à la soumission, au règne des contraintes « plutôt bien acceptées », comme nous le serinent les animateurs du journal télévisé. Nous vivons à l’heure du consensus. Nous pourrions nous en réjouir. N’a-t-on pas déploré, durant près de deux siècles, notre propension diaboliquement innée à la division, aux querelles permanentes, à la contestation systématique de tout pouvoir et de toute autorité politique, spirituelle, morale, à l’indiscipline, à la rébellion, qui rendait impossible l’indispensable union de tous face aux grands problèmes de l’heure et à la préparation de l’avenir ? Aujourd’hui, nous voilà tous à peu près d’accord avec les décisions les plus contraignantes prises par nos gouvernants, certes à des degrés divers : certains adhèrent tout à fait à la justification présentée par nos dirigeants à l’appui de ces mesures, d’autres se résignent à celles-ci le cœur lourd, mais en les jugeant indispensables ; l’unanimité ne va pas sans accrocs ou fausses notes, mais elle existe.

    Seulement voilà, il s’agit d’une unanimité dans le désespoir, dans le sentiment du malheur et de l’impuissance, dans celui de la fatalité, dans la résignation, dans l’idée que tout va mal et que tout ce que nous pouvons nous proposer, c’est de faire en sorte que la situation n’empire pas, et qu’il est vain de chercher une alternative au pouvoir actuel en vue d’un avenir meilleur. Cette unanimité est celle d’individus et de groupes épars qui n’ont en commun que la mélancolie (la « morosité », pour reprendre un mot cher à nos journalistes), la détresse, le sentiment d’un monde in essentia mauvais et d’une réalité opprimante. Elle n’a rien de commun avec l’union nationale de tout un peuple en un effort collectif accompli dans la ferveur au nom d’une cause sacrée, et pour un grand destin commun, avec en ligne de mire, la perspective d’un avenir meilleur.

    Des partis politiques discrédités, 
ayant perdu toute raison d’être

    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner de la désaffection des Français à l’égard de la vie politique, de leur incivisme, manifesté par des records d’abstention (40 % aux dernières municipales), de leur indifférence vis-à-vis de nos institutions et des partis politiques, dont ils semblent avoir oublié jusqu’à l’existence.

    Cette situation a précédé la crise sanitaire. Souvenons-nous des derniers grands scrutins antérieurs à 2020. Le nombre d’abstentions s’était élevé, au premier tour de la présidentielle de 2017, à 22,23 % des électeurs inscrits, à 25,44 % au second tour ; puis, lors des législatives qui avaient suivi, la même année, il avait représenté 51,3 % des inscrits au premier tour, 57,36 % au second tour. Les partis politiques traditionnels sont totalement discrédités. Le PS a été laminé lors des législatives de juin 2017, et il ne se relèvera probablement jamais. Les Républicains se sont révélés incapables de l’emporter aux élections présidentielle et législatives de 2017, et ils ont perdu tout crédit, en raison de leur incapacité à affirmer leur différence face à LREM, qui les a concurrencés victorieusement en 2017, et à présenter face au pouvoir macronien une alternative claire et convaincante. Le Rassemblement national et La France Insoumise restent des formations protestataires dénuées de crédibilité et qui ne suscitent même plus l’enthousiasme de jeunes en quête de militantisme. Le PCF a quasiment disparu : aux européennes de 2019, il a subi le ridicule, avec 2,49 % des suffrages exprimés, de se voir talonné par le groupusculaire parti animaliste (2,16 %). Grand vainqueur des élections présidentielle et législatives de 2017, avec le prestige du jeune et sémillant Macron et les salutations impératoriennes, LREM a de grandes chances (si l’on peut dire) de voir sa majorité parlementaire absolue devenir toute relative en 2022. Quant aux écologistes, qui ont tiré profit des municipales de 2020 et ont conquis des villes importantes (en plus de Grenoble, gagnée dès 2014, Lyon, Strasbourg, Tours, Poitiers, Bordeaux, et, pour un temps seulement, Marseille), ils souffrent de leurs limites congénitales, pourrait-on dire. En premier lieu, ils ne sont guère crédibles en dehors des questions environnementales. L’importance croissante de ces dernières explique en grande partie leur progression. Mais, dans les domaines économique, social, administratif, diplomatique et autres, ils sont généralement perçus comme plutôt incompétents. Du reste, ils doivent une bonne part de leur succès actuel à la désaffection qui frappe leurs concurrents sur la scène politique. Et il convient, encore une fois, à ce propos, de ne pas oublier les taux effarants d’abstention aux divers scrutins, qui réduisent encore leur importance réelle, ainsi que celle de tous les partis.

    Ces derniers semblent avoir perdu toute raison d’exister. Les électeurs leur dénient toute capacité réelle à résoudre les grands problèmes de l’heure, n’attendent plus rien d’eux et ne croient plus en les idées et projets de société qu’ils défendent. Pour autant qu’ils aient encore des idées et des projets de société. Ceux-ci sont morts depuis longtemps, avec les grands idéaux qui les animaient, étayés sur des références intellectuelles propres à fonder leur crédibilité. Car, tous, ils se sont fracassés contre le réel. À tel point que plus personne, dans le microcosme politique, ne songe à se réclamer d’eux. Voit-on le parti socialiste défendre explicitement un projet de société socialiste ou un programme de gouvernement socialiste ? Il ne le fait plus depuis le milieu des années 1980 (après la phase partisane de la période 1981-1984). Le ferait-il qu’il susciterait de beaux éclats de rire. Un de ses caciques, Manuel Valls, tirant la conclusion de cette évolution, alla jusqu’à suggérer de changer le nom du parti en lui ôtant l’épithète de socialiste.

    L’impuissance face à un monde mercantile 
impossible à maîtriser

    La mort des idéaux, projets et autres utopies politiques (de droite comme de gauche) découle logiquement de la mutation accomplie par notre monde depuis le dernier quart du siècle précédent.. Celle-ci ne laisse plus place à aucune alternative politique ou sociale. Nous vivons au sein de l’ordre spontané, de nature économique et catallactique, selon Hayek, étendu désormais au monde entier, et dont on peut connaître les lois, mais qu’il est impossible de maîtriser ou même d’infléchir quelque peu, ce qui condamne donc à l’échec toute tentative politique visant à le modifier ou à l’orienter, au moins quant à certains de ses effets, dans une direction jugée souhaitable eu égard à des considérations (relevant de l’exigence de justice sociale ou du sentiment national, par exemple) étrangères à sa propre logique de fonctionnement. Le monde actuel, sur toute la planète, est mercantile et libéral, point barre. Il consiste en un vaste marché que personne ne peut juguler, et ce à tel point que nul ne songe plus sérieusement à tenter de le faire, en vérité. Or, la raison d’être fondamentale d’un parti politique est de proposer, pour l’avenir, un projet de société porteur d’une alternative crédible (du moins jugée telle par une fraction importante de la population) à la réalité présente, et capable de résoudre les problèmes du moment, concrètement vécus par les électeurs. Las ! Ces derniers savent très bien que les hommes (et femmes) politiques actuels sont incapables d’une telle prouesse et qu’ils ne se soucient – outre leur carrière – que de gérer au mieux (ou le moins mal possible) l’ordre existant. D’où la résignation ambiante, interrompue quelquefois par des accès de colère de la base populaire (les Gilets jaunes en France, les divers mouvements trumpistes aux États-Unis), sans chefs, ni organisation, ni projet, ni programme, ni idéal, ni vision d’ensemble intelligente des problèmes, ni même porteurs de revendications précises, et mues uniquement par des refus empreints de fureur.

    Une remise en question globale de notre modèle économique et politique dont nous ne tirons guère les leçons

    En vérité, le mérite de notre triste époque est de nous révéler l’obsolescence, et même la vanité foncière de notre système politique actuel. Celui-ci est bel et bien remis en question, de la même façon que la crise sanitaire coronovirale a conduit à la remise en question de notre système économique mercantile, tant en raison de ses responsabilités criantes dans le déclenchement de la pandémie qu’au niveau des politiques déployées pour enrayer cette dernière, et qui sont allées contre la logique économique dominante. Il n’est cependant pas avéré, loin de là, que nous ayons clairement compris l’ampleur du changement que nous devons opérer pour retrouver un mode de vie et un état d’esprit susceptibles de conjurer le péril présent et ceux qui nous menacent à terme.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Dans notre Ephéméride de ce jour : aux origines de la 3ème maison de Bourbon, aujourd'hui Famille de France...

    Blason de Robert de Clermont, aux origines de la Maison de Bourbon

     

    1317 : Mort de Robert de Clermont, aux origines de la 3ème maison de Bourbon, aujourd'hui Famille de France 

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonPendant plusieurs siècles, le titre de Maison de Bourbon fut porté par celles et ceux qui possédaient la seigneurie de Bourbon l'Archambault et du Bourbonnais, ensuite appelée Duché de Bourbon, dans le nord de l'Auvergne, coeur de l'ancienne province du Bourbonnais.

    Il y eut d'abord deux premières familles de Bourbon, qui s'éteignirent assez rapidement et n'eurent jamais une grande importance, avant que le titre de sire de Bourbon n'entrât dans la famille des Capétiens directs, par le mariage de Robert de Clermont avec Béatrice de Bourgogne, dernière héritière de la deuxième famille propriétaire du duché :

    la première famille de Bourbon, qui s'éteignit du côté des mâles en 1171, puis du côté des femmes en 1216; par le mariage de la dernière descendante de cette famille, Mahaut de Bourbon, avec Guy de Dampierre, la seigneurie de Bourbon passa à une branche de la famille de Dampierre, en 1196;

    • fondant la deuxième famille de Bourbon, le fils de Guy de Dampierre et de Mahaut de Bourbon, Archambaud VIII, ajouta le nom (et les armes) de sa mère à ceux de son père; mais cette Maison de Bourbon-Dampierre s'éteignit à son tour assez rapidement : du côté des mâles, en 1249 puis, du côté des femmes vers 1287. Par le mariage de la dernière héritière de cette famille, Agnès de Bourbon-Dampierre (morte vers 1287), avec Jean de Bourgogne, la seigneurie de Bourbon passa à leur unique enfant, leur fille Béatrice de Bourgogne. C'est cette dernière qui fit entrer le nom et titre de "Bourbon" dans la famille capétienne;

    • fondateur, par son mariage avec Béatrice de Bourgogne, de la 3ème famille de Bourbon, Robert de Clermont était le dixième et avant-dernier des onze enfants de Louis IX (futur saint Louis) et Marguerite de Provence), et leur sixième et dernier garçon; il fut reconnu sire de Bourbon en 1283, possédant la terre de Bourbon par "le droit de la femme" ("de jure uxoris").

    Cette troisième maison de Bourbon accédera au trône de Navarre en 1555, puis au trône de France en 1589, avec Henri IV.

    La famille que fonda Robert de Clermont est donc ainsi, aujourd'hui encore, la Famille de France, et elle essaima également à l'étranger : Espagne, Parme, Naples (ou Sicile), et - par les femmes, et le jeu des alliances matrimoniales - Belgique, Luxembourg, Brésil... 

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

    Forteresse de Bourbon l'Archambault :

    http://www.forteressebourbon.fr/

     

    Des origines à nos jours : de l'humble seigneurie de Bourbon à la Famille de France...

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDans leur acharnement "rattachiste", les plus enragés des généalogistes pensent pouvoir faire remonter la famille de Bourbon à... Childebrand, frère cadet de Charles Martel (c'est-à-dire à la première moitié du VIIIème siècle) ! Laissons les chercheurs chercher, et tenons-nous en à ce qui est avéré : comme l'écrit Michel Mourre : "Le premier membre de la famille connue dans l'Histoire est Adhémar, sire de Bourbon (début XIème siècle)". Pour le reste, pas grand-chose de réelle importance, jusqu'à la date de 1272 : cette année-là - comme on l'a vu plus haut - alors que la maison n'a plus d'héritiers mâles, la dernière représentante de la lignée, Béatrix de Bourbon, seule et unique héritière du nom et des biens, épouse Robert de Clermont, le dernier garçon du roi Louis IX et de son épouse, Marguerite de Provence.

    (Illustration : "d'azur semé de fleurs de lys d'or et à la bande de gueules", les armoiries du Bourbonnais sont celles de Robert de Clermont, qui a brisé les lys de France en ajoutant une bande de gueules.)

    Toujours de Michel Mourre : "De ce mariage naquit Louis, premier duc de Bourbon (1327), qui mourut en 1341 en laissant deux fils : Pierre 1er, sire de Bourbon, et Jacques, comte de la Marche, qui furent la tige de deux branches" :

    1 : la branche aînée, fondée par Pierre 1er, dura environ deux siècles, et s'éteignit, faute de postérité, avec Suzanne de Bourbon, épouse de son cousin Charles, mort en 1527, le couple n'ayant pas eu d'enfant. Un membre de cette branche fut tué au désastre de Poitiers; sa fille épousa le roi Charles V; un autre membre de cette branche combattit les Anglais avec du Guesclin; un autre, fait prisonniers lors du désastre d'Azincourt, mourut, captif, à Londres; le membre le plus important de cette branche fut peut-être Pierre II : sire de Beaujeu, il épousa Anne, fille du roi Louis XI, et, à ce titre participa à l'excellente régence qu'exerça, pour le plus grand bien de la France, son épouse Anne de Beaujeu. C'est ce couple qui n'eut qu'une fille, Suzanne (voir plus haut), laquelle épousa son cousin Charles mais n'eut pas de postérité, ce qui marqua, donc, après deux siècles, l'extinction de la branche aînée...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon2 : la branche cadette : à la différence de celle que fonda son frère Pierre, et qui ne dura que deux siècles, la deuxième branche de Bourbon fondée par Jacques, comte de la Marche - le deuxième enfant du premier duc de Bourbon, Louis premier - s'est perpétuée jusqu'à nos jours, atteignant la puissance et la grandeur que l'on sait, et débordant même très largement le cadre du seul territoire national.

    C'est dans cette branche que naquit - et mourut sans héritier - le Connétable de Bourbon (ci contre), qui devait trahir François premier et la France : après avoir largement contribué à la victoire de Marignan, le Connétable s'allia à Charles Quint et Henri VIII, fut le principal artisan de la victoire de nos ennemis à Pavie, et envahit la Povence, qu'il avait conquise presque entière lorsqu'il échoua devant Marseille (voir l'Éphéméride du 19 août); il se retira alors, mais en désordre, en Italie, et trouva une fin sans gloire dans Rome, alors qu'il mettait à sac la Ville éternelle... (sur la trahison du Connétable de Bourbon, voir l'Éphéméride du 18 juillet)...

    A la mort - sans héritier - de l'ex-Connétable (en 1527), Charles de Bourbon (1489-1537) devint chef de toute la Maison : François 1er le titra duc de Vendôme.

    C'est à partir de ce moment-là que les choses s'accélérèrent, pour la Maison de Bourbon, et que la roue de l'Histoire se mit à tourner, de plus en plus vite, en sa faveur.

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDix-huit ans à peine après la mort de Charles, Antoine de Bourbon, par son mariage avec Jeanne d'Albret, devint roi de Navarre (1555). Le mariage fut, d'abord, très heureux, et les époux eurent un premier fils, qui vécût très peu, puis un second, qu'ils appelèrent Henri. Peu à peu, cependant, les liens se distendirent dans le couple : de fait, Antoine de Bourbon était roi de Navarre par sa femme (devenue Jeanne III à la mort de son père, la "loi salique" n'existant pas en Navarre) qui détenait donc le pouvoir réel, lui-même n'étant que le prince consort; ensuite, la France étant entrée dans l'épisode tragique des Guerres de religion, la rupture fut définitivement consommée lorsque Jeanne choisit la réforme, Antoine restant fidèle au catholicisme...

    Mais Henri de Navarre était né, au château de Pau, et sous un jour favorable, malgré les épreuves qu'il eut à subir. D'abord, à la différence de son père, il fut pendant quelques années, à la mort de sa mère, roi véritable de Navarre, et non roi nominal ou roi consort, sous le nom de Henri III de Navarre. Ensuite, le fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, devait devenir roi de France, cette fois sous le nom d'Henri IV, après l'assassinat d'Henri III de France en 1589 (et c'est pourquoi on l'appellera "Roi de France et de Navarre") : voir l'Éphéméride du 2 août...

    Cette année-là, pour les Valois, se reproduisit exactement le même scénario qui avait mis fin à la branche des capétiens directs : de même qu'après Philippe le Bel ses trois fils lui succédèrent l'un après l'autre sans descendance, de même les trois fils de Henri II - François II, Charles IX et Henri III - régnèrent à tour de rôle, sans postérité. Même éloigné, le parent qui se rapprochait le plus du dévoué Henri III était... le descendant du sixième et dernier garçon de Saint Louis : Henri de Navarre...

    Ainsi donc, si, durant cinq siècles, le nom et titre de Bourbon ne fut jamais attaché à une grande prospérité, il devait, en cinquante-deux ans et comme d'un coup, atteindre les sommets...

    Henri IV fut le père de Louis XIII, lui-même père de deux garçons : Louis (le futur Louis quatorze) et son frère Philippe, titré du beau nom historique - et qui éveille tant de grands souvenirs de notre roman national... - de duc d'Orléans.

    C'est de ce frère de Louis XIV, fils de Louis XIII et petit-fils d'Henri IV, que descendent les représentants actuels de notre Famille de FranceJean, comte de Paris et son fils Gaston... (pour l'histoire plus détaillée de la branche d'Orléans, voir l'Éphéméride du 21 septembre).

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

    Du sixième fils de Saint Louis à nos jours : le défunt Comte de Paris (à gauche) et l'actuel, le prince Jean, à droite, le prince Gaston dans ses bras : huit siècles d'Histoire de France...

     

     

    A propos de la Navarre, de ses Armes et de l'expression "Roi de France et de Navarre"...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

     "de gueules aux chaînes d'or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d'une émeraude au naturel"

    L'écu de Navarre se rattache aux armoiries que le roi navarrais Sanche VII le Fort adopta après l'immense victoire de Las Navas de Tolosa (près de Jaén, en Andalousie), remportée sur l'Islam par la chrétienté de l'Europe toute entière, venue au secours des Espagnols menacés d'être écrasés par la puissante invasion des Almohades, venus d'Afrique du Nord et de Mauritanie. C'était en 1212, un an avant la bataille de Muret (décisive pour le Royaume de France, car elle ouvrait la voie à une réunion prochaine des provinces du Sud-Ouest à la Couronne...), et deux ans avant la non moins décisive journée de Bouvines, dont on sait l'importance capitale...

    Lors de cette bataille de Las Navas de Tolosa, des chaînes défendaient la tente du sultan musulman Miramamolin, entouré (dit-on...) d'une garde personnelle de dix mille noirs farouches... Imité par les chevaliers chrétiens - qui puisaient leur énergie furieuse dans la parfaite connaissance

  • El-Azhar, ”phare de l’islam sunnite”, par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgLe vendredi 14 mai dernier Annie Laurent a cherché à nous expliquer la conception de l’islam sunnite en matière d’autorité religieuse, en particulier à travers l’institution du califat. Une telle approche était nécessaire en préalable à une présentation d’El-Azhar, cette très ancienne institution située au Caire qui est parvenue à s’imposer dans l’opinion générale comme l’organe représentatif des musulmans du monde entier, au point qu’on l’assimile parfois au Vatican des catholiques.

    Il s’agit maintenant de découvrir ce qu’est précisément El-Azhar, ce que fait Annie Laurent ici (texte paru dans La Petite Feuille Verte, n° 80). Elle y rappelle les éléments essentiels qui ont façonné son identité, son statut et sa fonction, et ce jusqu’à l’époque contemporaine. Les PFV suivantes traiteront des positions d’El-Azhar concernant l’approche de l’islam, notamment les tentatives de réforme du début du XXème siècle, ainsi que l’islamisme.

    Une autre sera consacrée aux relations d’El-Azhar avec les chrétiens et le Vatican.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

     

    Depuis sa fondation au Xème siècle, El-Azhar n’a jamais été dotée d’un statut universel et d’une fonction magistérielle comparables à ceux de la papauté. Cette dernière, représentée par le Vatican à Rome, fonde sa légitimité et son autorité doctrinale sur son origine divine (cf. PFV n° 79 – El-Azhar, Vatican de l’islam ?), mais aussi sur l’indépendance que lui assure le Saint-Siège, entité juridique reconnue comme un État souverain.

    Pour sa part, El-Azhar, malgré sa prétention récente à représenter l’islam sunnite et la réputation qui lui en est souvent consentie au sein d’un catholicisme soucieux d’avoir un interlocuteur officiel et crédible du côté musulman, n’a jamais connu une stabilité définitive quant à son identité et son rôle, aussi bien en Égypte que dans l’ensemble de l’Oumma (la Communauté mondiale des musulmans). En fait, son statut, sa fonction et ses orientations ont toujours été tributaires des rapports de forces politico-religieux, aussi bien internes qu’externes au pays qui l’abrite. C’est pourquoi l’attribut « phare de l’islam sunnite » que certains accolent à El-Azhar mérite une clarification.

    EL-AZHAR AU FIL DE L’HISTOIRE

    Pour comprendre l’importance que l’Égypte et une partie du monde musulman accordent aujourd’hui à El-Azhar, quelques repères historiques sont nécessaires.

    Du Xème au XIXème siècle

    Au Xème siècle, la dynastie chiite des Fatimides, alors titulaire d’un des califats, fonda la ville du Caire en Égypte (cf. PFV n° 79). Tout près du palais califal, une grande mosquée fut édifiée en 972 ; elle reçut le nom d’El-Azhar (« La brillante »), qui semble avoir été choisi en hommage à Fatima el-Zahra, fille de Mahomet et épouse d’Ali, cousin germain du « prophète de l’islam » et quatrième calife (il gouverna l’Oumma de 656 à 661) dont les chiites affirment être les héritiers. Le sermon du vendredi y était lu au nom du calife régnant.

    Un collège, spécialisé dans l’étude de la doctrine religieuse chiite, lui fut rapidement accolé. En 1171, le sunnite Saladin, vainqueur des Croisés et conquérant de l’Égypte, ferma la mosquée et fit incendier sa bibliothèque. El-Azhar fut rouverte et embellie sous la dynastie des Mamelouks, eux aussi sunnites (1250-1382). Des cheikhs (notables religieux), nommés par le pouvoir, furent chargés d’y enseigner la doctrine sunnite. « Le règne des Mamelouks constitue une période faste pour la culture égyptienne et El-Azhar se trouvait au cœur de cette dynamique » (Oriane Huchon, Les clés du MoyenOrient, 21 avril 2017).

    La prise de pouvoir par les Ottomans, à partir du XVIème siècle, permit à El-Azhar d’accroître son rayonnement. « A cette époque, El-Azhar était considérée comme le plus important centre d’enseignement religieux du monde arabe. Ses champs disciplinaires se concentraient sur la grammaire, la rhétorique, l’éloquence, la littérature et les affaires juridiques ». Son recteur était aussi consulté par le régime turc pour les affaires politiques concernant les provinces arabes de l’Empire (O. Huchon, id.).

    Lors de la campagne d’Égypte (1798-1801), Napoléon Bonaparte, découvrant l’influence des cheikhs d’El-Azhar, y institua un Conseil (Diwan) composé de sept membres choisis parmi eux. Le séjour de l’armée et de savants français au pays du Nil inspira à Méhémet-Ali, sujet ottoman natif de Macédoine, vice-roi d’Egypte de 1805 à 1849, une politique d’ouverture d’où surgira la Nahda (Renaissance culturelle arabe) dont profitèrent des étudiants d’El-Azhar envoyés poursuivre leurs recherches en Europe.

    Jean-Léon Gérôme, Bonaparte au Caire, 1886, Hearst Castle, San Simeon (Californie), représenté devant la mosquée d’El-Azhar

    A partir du XXème siècle

    L’accession de l’Égypte à l’indépendance et la levée du protectorat britannique (1922) ont constitué un tournant dans l’histoire d’El-Azhar.

    Sous le règne du roi Farouk (1937-1952) et le régime républicain de Gamal Abdel Nasser (1952-1970), l’institution a connu un développement important grâce à l’introduction d’enseignements profanes (médecine, agronomie, mathématiques, sciences naturelles, ingénierie, langues étrangères, etc.) et même d’une école de droit chiite. Elle ne conserva cependant pas le monopole de l’enseignement supérieur en Égypte puisque d’autres établissements publics, sans identité confessionnelle, furent créés à cette époque.

    L’œuvre de Mustafâ El-Marâghi (1881-1945)

    Deux fois recteur d’El-Azhar (1928-1929 et 1935-1945), Marâghi conçut un projet visant à son internationalisation. Il organisa pour cela l’envoi d’enseignants hors d’Égypte et l’octroi de bourses d’études à des étrangers accueillis au Caire.

    Ce plan et la série d’actions dans lesquelles s’engagea ce dignitaire avaient surtout pour but de conférer à l’Égypte la prééminence au sein de l’Oumma (cf. à ce sujet Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, éd. Karthala, 2005).

    En accord avec Farouk dont il était proche (il avait été son précepteur), Marâghi militait pour la restauration du Califat (abrogé en 1924 par Atatürk, cf. PFV n° 79) au profit de la monarchie égyptienne. « L’Égypte deviendrait ainsi le phare et le guide des nations musulmanes, rôle éminent qu’El-Marâghi rêvera toujours de lui voir jouer » (op. cit., p. 121). Il convenait aussi de renforcer l’emprise de l’islam partout où cela était possible. « Le Coran répond à tous les besoins de l’individu et de la société. Il a tout prévu et je me fais fort de le démontrer », assurait-il (p. 134).

    Finalement, tenant compte du nouveau contexte international, notamment l’émergence des Etats-nations, Marâghi semble avoir pris acte de l’utopie que présentait un retour à l’institution califale et renonça à agir dans ce sens (p. 144). Nasser entreprit alors de doter El-Azhar d’un statut juridique spécifique, sans pour autant lui consentir une indépendance totale par rapport à l’État.

    Mustafa El-Marâghi à son bureau

    EL-AZHAR AU XXIème SIÈCLE

    Une loi votée le 5 juillet 1961 a octroyé à El-Azhar le statut officiel d’Université tout en la plaçant sous la tutelle directe du pouvoir politique. Cette loi réservait au chef de l’État la prérogative concernant la nomination du recteur. Une réforme adoptée en 2013 a apporté une modification importante à cette règle (cf. infra).

    Une organisation structurée

    Sous son titre de « grand imam », le recteur détient l’autorité de ce qui est devenu un complexe dépassant le strict cadre universitaire puisqu’y sont incorporées la mosquée et des institutions propres :

    Un Conseil suprême responsable de la planification et de l’élaboration des politiques publiques et éducatives.

    Un Comité supérieur pour la prédication islamique, qui organise les missions de sensibilisation religieuse.

    Une Académie de la recherche islamique, habilitée à produire des fatwas et des avis, sollicités ou non par le gouvernement. Elle peut recommander la censure de toute œuvre concernant l’islam (livres, films, œuvres d’art).

    Un Rectorat, chargé de la gestion de 7 500 instituts d’enseignement religieux primaire et secondaire suivi par des garçons et des filles dans des écoles séparées ; également responsable de la nomination d’oulémas destinés à enseigner la religion à l’étranger. (Cf. El-Ahram hebdo, 17-23 avril 2013).

    L’Université

    L’ensemble universitaire comporte aujourd’hui 16 000 enseignants pour 70 facultés (43 masculines, 26 féminines). Réparties sur l’ensemble du territoire égyptien, elles accueillent 500 000 étudiants dont beaucoup d’étrangers, venus de 106 pays (Cf. La Croix, 28-29 avril 2012).

    Compte tenu de la nature de l’Université, tous les étudiants doivent y recevoir un enseignement religieux islamique en plus de leurs qualifications professionnelles et académiques. C’est la raison pour laquelle, même si aucune prescription juridique ne s’y oppose, il est de facto impossible à des chrétiens de s’inscrire dans les facultés azhariennes et d’y obtenir des diplômes, y compris pour des matières profanes. En mars 2017, l’annonce par le député Mohammed Abou Hamed de son intention de présenter une proposition de loi autorisant les chrétiens à fréquenter l’Université a suscité un débat au sein des instances dirigeantes de l’institution. Les responsables en ont conclu que les études et les cours dans cette Université « ne sont pas adaptés aux chrétiens parce qu’ils présupposent comme condition d’admission une connaissance approfondie ainsi qu’une mémorisation d’amples sections du Coran » (Agence Fides, 10 mars 2017).

    Le grand imam

    En 2010, le président Hosni Moubarak a désigné comme 44ème grand imam un francophone, titulaire d’un doctorat en philosophie islamique obtenu à la Sorbonne, Ahmed El-Tayyeb, né en 1946. C’est avec lui que le pape François a signé à Abou Dhabi la Déclaration sur la fraternité humaine (février 2019), document sur lequel nous reviendrons dans une prochaine PFV qui sera consacrée aux relations entre le Saint-Siège et El-Azhar.

    Dans la mouvance des « printemps arabes », démarrés en Tunisie en décembre 2010, et auxquels l’Égypte s’est jointe rapidement dès la fin du mois de janvier 2011, une importante réforme a été adoptée à la demande d’El-Azhar : elle prévoit l’élection du recteur par le Conseil des grands oulémas, organisme qui est rétabli après avoir été supprimé par la loi de 1961. Le grand imam est désormais inamovible et son poste ne peut être considéré comme vacant qu’à la suite de sa démission volontaire ou de son décès. Ce mode de désignation s’appliquera donc au successeur d’Ahmed El-Tayyeb.

    Ahmed El-Tayyeb, « imam al-akbar » de l’Azhar (photo : azhar.eg)

    Les deux prochaines PFV traiteront des implications politiques et idéologiques qui ont toujours accompagné l’histoire d’El-Azhar, ce qui permettra de saisir ses orientations relatives à l’islam, dans ses dimensions religieuses et temporelles. Nous nous attarderons notamment sur les promesses de réformes du début du XXème siècle puis sur l’attitude d’El-Azhar durant la révolution de 2011, en particulier face à l’islamisme, et enfin sur l’impact suscité par l’arrivée au pouvoir du maréchal Abdelfattah El-Sissi en 2013.

    Annie LAURENT
    Déléguée générale de CLARIFIER

  • “Dans la tête de…” Jean Messiha : « L’assimilation, c’est un peu comme une histoire d’amour ».

    Avec sa “Dans la tête de…”, Boulevard Voltaire vous fait découvrir de nombreuses personnalités sous un angle inattendu…

    Découvrez un que vous ne connaissez pas à travers l’évocation de ses souvenirs d’enfance, de sa famille, de sa rencontre avec le président égyptien Moubarak, lorsque, adolescent, il était commis au room service à l’hôtel de Crillon.

    La personne avec qui il rêverait de débattre, son personnage historique préféré, son livre de chevet, Jean Messiha nous dit tout…

    De cet entretien, on retient que son parcours et son combat sont indissociables : « Je suis venu d’ailleurs et je suis devenu d’ici. Et je me bats pour que ici ne devienne pas ailleurs. »

    Racontez-nous un souvenir avec votre père ?

    La première fois que mon père m’a parlé de sa famille, il m’a parlé de mon grand-père qui était à l’âge de 49 ans et de son jeune frère de 15 ans que mon père a perdu lorsqu’il avait 17 ans.

    Mon père était un homme de la terre et venait d’une famille de propriétaires terriens. À 17 ans, mon père a fait volte-face contre ce contexte extrêmement difficile à vivre sur le plan personnel et matériel. Il a réussi à sauver l’héritage familial. C’était une leçon de combativité extrêmement forte pour moi, puisque mon père à 17 ans a sauvé l’héritage d’une famille.

     

    Quel était votre meilleur souvenir d’école ?

    Mon meilleur souvenir d’école a été mon arrivée au lycée Saint-Louis-de-Gonzague à Paris pour mon année de terminale. Je n’avais pas été un très bon élève pendant toute ma scolarité et en cette année de terminale, j’avais commencé en étant 25e de classe sur une classe de 34 et j’avais fini à la fin de l’année dans les 10 premier. C’était la première fois que j’avais un tel classement.

    C’était le couronnement de toute une ascension qui avait probablement démarré dans le primaire.

     

    Quelle impression avez-vous eue la première fois que vous êtes arrivée en  ? 

    C’était un matin d’octobre 1978, j’avais alors 8 ans révolus et la rentrée venait d’avoir lieu. Lorsque je suis arrivé, je me souviens d’un climat très gris et frais. Je viens de en Alsace et ce qui m’avait frappé en Alsace c’était l’extrême propreté de cette ville et l’homogénéité à l’époque de sa population et une certaine fermeture. Les gens ne sont pas spontanément accueillants, mais j’ai appris par la suite qu’ils mettaient du temps à vous adopter et une fois qu’ils l’avaient fait, c’était un peu pour la vie. C’est un peu l’inverse d’une certaine culture méditerranéenne où on vous adopte spontanément, mais après c’est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit d’avoir recours aux soi-disant amis. C’est un peu moins authentique. Le premier jour d’école a été quelque chose de formidable, puisque lorsque je suis arrivé en France, je ne savais pas parler un mot de français. Je me suis retrouvé dans une classe où je ne comprenais pas un traître mot de ce que disait la maîtresse. Je me dis qu’avec la volonté tout est possible et que la foi déplace des montagnes.

     

    Vous avez obtenu une grâce du président Moubarak à 18 ans…

    Je n’avais pas encore 19 ans et depuis mes 17 ans tous les étés je travaillais en tant que commis au room service dans un hôtel. En 1989, la France mitterrandienne fêtait le bicentenaire de la Révolution française et accueillait 185 chefs d’État et de gouvernement. L’hôtel s’est retrouvé avec une trentaine de délégations étrangères commandées aux frais de la France. Je suis tombé sur un chariot que je devais déposer dans la suite 101. J’étais très précautionneux et j’avançais à pas d’ombre pour ne rien faire tomber.

    Lorsque je me suis approché de la table, j’ai arrêté le chariot, levé la tête et j’ai vu le président Moubarak assis avec l’ambassadeur d’Égypte à Paris et un peu plus loin les deux épouses. Je lui ai fait la salutation en arabe. Le président m’a répondu et m’a dit « êtes-vous Algérien, Marocain ou Tunisien ? ». Je lui ai répondu que j’étais égyptien. Il m’a répondu que c’est formidable et m’a demandé ce que je faisais ici.

    Je lui ai expliqué que mon père avait été diplomate à Paris entre 82 et 85 et qu’il était obligé de retourner dans l’administration centrale au Caire et que ma mère, mon frère et moi étions restés à Paris pour continuer nos études.

    À la fin de la conversation, il m’a dit «  puis-je faire quelque chose pour toi ? ». C’est une formule de politesse à laquelle traditionnellement on répond « non, merci j’ai besoin de rien ». Sauf que moi j’ai décidé de répondre un peu à la française et je lui ai dit « cela tombe bien, j’ai un truc à vous demander ». À ce moment-là l’ambassadeur est devenu violet, « comment ce jeune insolent ose parler comme cela au président de la République ? ».

    Je lui ai expliqué que mon père servait l’administration égyptienne depuis 33 ans et que j’aimerais que pour son dernier poste il revienne à Paris. Il a demandé à l’ambassadeur de noter.

    Je lui ai demandé si c’était bien sûr. Sa femme m’a dit « mon garçon, le président de la République vient-il de parler ? ». Elle rétorque « qui peut parler après lui ? » Et sur ce, je suis parti. Évidemment, cela a fait un esclandre dans l’hôtel. Le secrétaire général de la présidence égyptienne s’est plaint au directeur du personnel de l’hôtel en disant que ce petit serveur de rien du tout, ce jeune insolent osait s’adresser  au président. Ma mère était terrorisée et m’a dit que j’étais complètement malade.

    Trois mois plus tard, mon père était affecté à l’ambassade d’Égypte au Danemark. Mon père m’a dit que c’était fini. Je n’en avais pas fini. Je me suis donc précipité au bureau de poste et j’ai envoyé un télégramme à Suzanne Moubarak et lui ai demandé si elle se rappelait de ce jeune serveur qui était entré dans la chambre du président et de sa promesse. Manifestement quelqu’un avait parlé après lui. 48 heures plus tard, mon père était réaffecté de l’ambassade d’Égypte au Danemark au consulat d’Égypte à Paris par décret présidentiel.

     

    Une phrase pour décrire votre  ?

    L’assimilation est un peu comme une histoire d’amour. Lorsqu’un couple vit ensemble depuis plusieurs dizaines d’années, ils finissent presque par se ressembler physiquement tellement ils sont dans la fusion. J’ai tellement aimé la France et la France m’a tellement aimé que j’ai fini par lui ressembler physiquement. Aujourd’hui, bien que si vous vous concentrez sur mon visage, vous verrez des traits qui ne sont sans doute pas gaulois, mais le fait est que l’assimilation à l’intérieur se voit aussi à l’extérieur. Lorsque je parle comme un Français et je me comporte comme un Français, cette différence extérieure ne se voit finalement plus. On se fond dans la race. C’est ce que je résume toujours par cette phrase « je suis venu d’ailleurs, je suis devenu d’ici et je me bats pour qu’ici ne devienne pas ailleurs ».

     

    Quel est votre meilleur ennemi des plateaux télé ?

    Tout gaucho progressiste qui se respecte. Le nec plus ultra c’est tout ce qui est indigéniste, décolonial et islamo-gauchiste.

     

    Avez qui rêveriez-vous de débattre ?

    Avec Emmanuel Macron.

     

    Si vous étiez président, quelle serait la première phrase que vous diriez aux Français ?

    La France reviendra, je vous le promets !

     

    Quelle est votre région de France préférée ?

    J’adore l’Alsace puisque c’est là que j’ai fait mon baptême du feu pour devenir français. Je garde un souvenir ému de l’Alsace. D’ailleurs, j’ai parlé français avec un accent alsacien pendant très longtemps. C’est une maîtresse d’école alsacienne qui m’a appris à parler le français.

     

    Quel est votre personnage historique français préféré ?

    J’aime bien l’Empereur Napoléon I parce que ce fut quelqu’un qui a synthétisé le double génie français. À la fois le génie monarchique et le génie républicain.

     

    Quel est votre livre de chevet ?

    Mon livre de chevet est la Bible.

     

    Quelle est votre espérance pour demain ?

    L’espérance est un risque qui vaut la peine d’être couru. Mon espérance pour la France de demain c’est que les combats que nous sommes sûrs de perdre sont ceux que l’on ne mène pas comme disait le .  Ce n’est pas la première fois que la France sera menacée de disparition. Elle l’a été sous le coup de boutoirs des maladies, des pandémies et des invasions.

    Aujourd’hui, c’est une menace des temps modernes avec les moyens contemporains. C’est une menace identitaire grave. Il y aura toujours une coquille qui s’appellera la France et il y aura toujours une République qui risque de ne plus être française.

    Ce que ne comprennent pas les gauchos progressistes qui parlent toujours de République et jamais de la France, c’est que la République et toutes les valeurs et qui lui sont accolées ont été accouchées par un peuple français et une civilisation française. Dès lors qu’un peuple existe sur un territoire n’est plus celui qui a accouché de ces institutions et de ces valeurs. Ces institutions vont rester, mais ces valeurs ne sont plus celles du peuple qui les a enfantés. On ne peut pas disloquer la République de la France, sauf à dire que nous voulons une République qui ne sera plus française. Cela existe. Il y a une République islamique, une République populaire de Chine, une République islamique en Iran, une République Arabe syrienne. Il y a des Républiques avec d’autres contenus. La République n’est qu’un contenant. Jusqu’à présent, le contenu était la France. Si vous enlevez la France et que vous y réinjectez autre chose, ce sera toujours la République, mais elle ne sera plus française. Je me bats pour que la République reste française. Je me bats pour que la France reste la France. La République en découlant après.

     

    Jean Messiha

    Directeur et fondateur de l'institut Appolon
     
  • L’écologie n’est pas l’apanage de la gauche, par Max-Erwann Gastineau.

    Dans cet entretien, l’essayiste Max-Erwann Gastineau explique que l’écologie peut être de droite. 

    3.jpgDémontrant les contradictions de l’écologie punitive et prenant l’exemple de l’éolienne, il dénonce la déconnection du réel des écologistes jusqu’au-boutistes ne se souciant pas des conséquences de leurs actes…

     

    Vous êtes essayiste, chroniqueur et vous contribuez notamment pour Marianne et pour Le Figaro. On vous a vu aussi dans la revue Front populaire. La campagne présidentielle se précisant, on a vu les écologistes en train de désigner le ou la candidate qui les représentera à l’élection présidentielle. On a notamment vu émerger le phénomène, Sandrine Rousseau. C’est un pur concentré de wokisme, d’écologie punitive, l’écologie dans tout ce qu’elle a de plus gauchiste.

    Quel regard portez-vous sur la candidate Sandrine Rousseau ?

     

    Je crois que vous avez déjà donné des éléments de réponse. Ce que je trouve intéressant chez Sandrine Rousseau et plus globalement chez les écologistes d’Europe Écologie Les Verts c’est qu’ils ont un point de vue cohérent, une vision philosophique du monde que nous aimons par moment railler, mais qui est un construit assez intéressant à décortiquer.

    Si les écologistes d’Europe Écologie Les Verts sont aujourd’hui dominants à gauche, c’est parce qu’ils arrivent à cocher toutes les cases qui façonnent la gauche contemporaine. Je vais essayer de définir ces trois cases assez rapidement.

    La première case définit la gauche contemporaine, c’est au fond le constructivisme. L’idée selon laquelle la société ne serait que rapport de force entre groupes sociaux et ne serait qu’un construit, l’histoire et les pesanteurs culturelles ne jouant pas. Il s’agirait simplement de déconstruire les rapports de forces présents et de faire en sorte que les minorités remplacent les dominants, pour qu’une nouvelle société soit construite. Ce constructivisme détermine depuis longtemps la gauche. Il est même le successeur de ce que Leszek Kolakowski, un grand penseur polonais appelait l’esprit révolutionnaire qui ne s’affirme en politique que sous le paradigme de la rupture entre le passé et le présent et un avenir forcément radieux qu’il s’agit simplement de construire.

    Le constructivisme est donc cette première famille de pensée que l’on retrouve chez les écologistes et qui détermine cette seconde tendance qui est le wokisme. Le wokisme vient du mot woke et désigne les personnes éveillées aux injustices envers les minorités qui seraient donc opprimées par une majorité, un homme blanc que Sandrine Rousseau désigne  en creux dans ses discours. Elle dit qu’au fond, l’humanité a été la victime de trois prédations majeures. Prédation à l’encontre du corps des noirs à travers l’esclavage qui a préfiguré le capitalisme. Prédation à l’encontre des corps de femmes qui désignerait ce machisme hétéro normé, qui depuis des siècles opprimerait les femmes.

    Et une troisième prédation à l’encontre de la nature. Ainsi coche-t-elle les cases de l’Écologie, la case féministe et la case néo anti raciste.

    Il y a une troisième famille de pensée que je perçois dans les discours de Sandrine Rousseau et des écologistes et notamment de ceux qui ont emporté les dernières municipalités dans les grandes villes qui est une sorte de libéralisme culturel. Les bases doctrinales du libéralisme sont nées suite aux guerres de religion qui ont ensanglanté l’Europe au 16e siècle. Les bases théoriques de ce libéralisme consistent à construire une société au sein de laquelle, le politique ne chercherait pas à défendre un point culturel, moral ou religieux supérieur. L’État doit se dégager du terrain culturel et s’assurer simplement de la coexistence pacifique des différences entre les individus.

    Le problème de cette théorie, c’est que dans les faits si l’État peut être neutre d’un point de vue philosophique, moral ou culturel, la société ne l’est pas. Une société, un peuple c’est une histoire et des traditions. Il s’agit dans un certain discours libéral de neutraliser culturellement la société et de faire en sorte que la société ne se détermine plus d’un point de vue culturel, mais soit simplement une entité juridique sur laquelle des individus sont titulaires de droits.

    Dans le discours sur l’immigration, on voit bien que l’Écologie politique s’inscrit dans ce paradigme culturel. Elle ne veut pas voir les individus comme étant les héritiers d’une histoire et d’une culture. Elle ne veut voir que des individus et des droits consacrés par un état droit.

     

     

    L’été dernier, vous aviez publié dans Le Figaro une tribune « Et si l’Écologie était de droite ».

    Y aurait-il une autre écologie qui ne soit pas justement teintée de constructivisme, de wokisme ou autre ?

     

    J’avais en effet publié une tribune pour essayer de réfléchir à quoi pourrait ressembler une Écologie de droite ou qui ne soit pas en tout cas préemptée par la gauche.

    Intéressons-nous factuellement à l’Écologie. Politiquement, elle nait en France que dans les années 70. Georges Pompidou crée le premier ministère de l’Environnement. Certes, dans la société la thématique écologiste environnementale commence à émerger, mais on ne peut pas dire que pour des raisons électorales, Pompidou avait intérêt à se saisir de l’enjeu environnemental. Il y a eu une prise de conscience qui est le produit d’un ancrage culturel. Pompidou est un fin lettré, un connaisseur de l’Histoire de France. Il a étudié le grec et le latin. Cet homme avait un regard sur l’homme et sur l’évolution du monde. Il voyait bien que la modernisation de l’économie et de la France dans les années 60 avait opéré un certain nombre de transformations qui risquaient de bouleverser nos modes de vie et un certain nombre d’équilibres, notamment dans une France encore très rurale. Il crée donc dans les années 70 ce ministère de l’environnement, une sorte de contre poids à travers une lettre adressée aux arbres sur le bord de la route. Je recommande d’ailleurs de lire cette très belle lettre. Il dit qu’il nous faut développer le pays, construire des routes, mais il faut faire attention que ces routes ne défigurent pas notre beau pays et que nous devons  continuer d’observer les paysages comme les marcheurs jadis observaient nos paysages.

    Ce premier acte nait à droite avec un regard sur les paysages et la nature et sur cet équilibre qu’il convient de trouver entre cette beauté du monde dont nous avons hérité et l’impératif de développement économique.

    Valéry Giscard d’Estaing poursuit l’œuvre de son prédécesseur et va avoir un bilan écologique tout à fait important. Plusieurs lois vont être votées. Pompidou avait fait une loi qui permettait de défendre nos forêts en 1973. Valéry Giscard d’Estaing va adopter plusieurs lois sur le statut notamment des animaux. Nous ne sommes pas encore sur la cause animale d’aujourd’hui, mais il y a déjà un souci pour le bien être animal qui émerge. Et plus fondamentalement, une loi qui m’a beaucoup intéressée, la loi qui sur le littoral vise à fixer des limites au développement économique. Un journaliste lui demande «  vous mettez en place une politique écologique, or l’écologie est à gauche ». Valéry Giscard d’Estaing a une phrase absolument fondamentale, à partir de laquelle nous pourrions décider toute une doctrine conservatrice sur l’Écologie. Il dit «  l’Écologie c’est d’avoir peur pour ce qui existe et c’est cela être de droite ». Ce n’est pas avoir peur du monde et donc se replier dans sa grotte parce qu’il faudrait se protéger des évolutions. Cela veut dire que des choses existent. Des choses nous ont été transmises et ces choses sont vulnérables. Elles peuvent disparaître. Elles peuvent être des paysages, une culture, un art de vivre ou une langue. Au fond ce qui est précieux est périssable. Par conséquent, nous devons en prendre soin.

    Dans les années 70 vous avez ce grand livre de Anxionnaz, Le principe responsabilité, qui appelle à sortir du paradigme du progrès, de l’idée, que pour avancer il faudrait transformer l’existant et qui invite les hommes à fixer un certain nombre de limites. Il faut des entraves librement consenties pour protéger la beauté du monde et ce que nous avons reçu en héritage.

    Je crois que le conservatisme se définit en écho à cette sensibilité que nous avons reçu de nos aïeux, que nous n’avons pas construit et que nous faisons que recevoir. Nous en avons une certaine responsabilité pour ensuite le transmettre à nos descendants.

     

     

    Que la transmission soit de la nature ou intellectuelle, elle est de droite.

     

    Je crois qu’à partir de cette idée de la transmission, de l’attachement que nous avons reçu en héritage, nous pouvons fonder une doctrine conservatrice qui englobe l’Écologie. L’Écologie est quelque part de droite, puisqu’elle est avant tout un regard critique d’un certain modernisme qui voit la nature comme une sorte de stock inépuisable de ressources que nous pourrions reprogrammer à l’infini y compris l’homme, à travers notamment tous ces procédés techniques qui demain vont amener l’utérus artificiel et qui feront que nous n’aurons plus besoin de nous associer pour perpétuer l’humanité. Nous pourrons simplement déléguer cette tâche à des machines. Nous devons veiller à notre humanité. Cette humanité ne saurait faire fi de certains équilibres naturels qui nous donnent un certain nombre de ressources pour nous alimenter ou nous vêtir et également un certain art de vivre. C’est à travers cet art de vivre et à travers un certain nombre de référents culturels que nous construisons une société, que nous vivons dans une société politique et que nous pouvons débattre de ce qu’il conviendrait de faire pour améliorer l’existant et préparer notre société à construire son avenir.

     

     

    Au nom de ces limites-là, nous avons fermé des centrales nucléaires, nous avons réouvert des centrales à charbon pour un coût écologique désastreux. Nous sommes en train de polluer tout le littoral et la campagne française d’éoliennes et l’efficacité est au bilan écologique plus que douteux. Les écologistes demandent à remplacer les voitures diesel par des voitures électriques.

    Ce qui nous arrive aujourd’hui, est-ce des limites mal comprises, de l’idéologie pure ou un déni de la réalité ?

     

    Au  nom du fait qu’il faudrait en effet changer de modèle, puisque notre modèle économique est assis sur des énergies fossiles qui ont un coût pour la planète, nous parions sur l’éolien et le solaire, technologies qui seraient parées de toutes les vertus. En diminuant la part du nucléaire pour faire monter en substitue les énergies éoliennes et solaires, nous utilisons une énergie pilotable par des énergies intermittentes qui dépendent de la météo. Si vous n’avez pas de vent, les éoliennes ne fonctionnent pas et par conséquent ne fournissent pas l’énergie nécessaire. En hiver, de fait, le solaire et l’éolien en fonction du vent ne produisent pas suffisamment d’énergie et génèrent des risques de coupures et même au-delà. Pour éviter ces coupures, la France a dû importer de l’électricité produite en Allemagne à partir de charbon. Vous avez un coût financier important pour développer des éoliennes et des panneaux solaires. Vous avez un coût industriel puisqu’il faut importer des matériaux qui ne sont pas construits en France et en plus génèrent des pollutions à l’étranger, puisqu’il faut extraire des terres rares pour produire notamment les panneaux solaires . Et vous avez un coût en termes d’indépendance énergétique.

    L’éolien est l’expression de ce que l’on disait en début d’intervention. Une certaine déconnexion volontaire des écologistes à l’endroit du réel. Ils défendent des convictions avec une cohérence idéologique. Le souci des conséquences de leur idéologie les intéresse assez peu. Si on est vraiment écologiste, la sagesse nous impose aujourd’hui de défendre le nucléaire d’autant plus que l’avenir du nucléaire pourrait se passer de déchets si on en croit les dernières évolutions technologiques qui viennent de Chine, mais sur lesquelles la France avait un certain degré d’avance avant qu’elles ne fassent demi-tour, notamment sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Nous allons en revenir et retrouver la voix de la sagesse.

    Cependant, il est absolument essentiel aujourd’hui de tourner le dos à ces dernières années qui ont fait croire aux Français qu’on allait pouvoir sans arrêt diminuer le nucléaire pour le remplacer par l’éolien. Nous pouvons continuer dans cette voie, mais il faudra expliquer à nos industriels et aux ménages que l’hiver risque d’être un peu plus froid que d’habitude.

     

    Max-Erwann Gastineau

    Essayiste et chroniqueur politique
  • La place Charles-de-Gaulle outragée, par La RÉDACTION de L’ASAF.

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     L’Association de Sou­tien à l’Armée Fran­çaise réagit aux fan­tai­sies pseu­do-artis­tiques d’une petite élite cultu­relle igno­rante de l’Histoire de notre pays et de la repré­sen­ta­tion sym­bo­lique de nos monu­ments. (NDLR)

    5.pngPar­mi les monu­ments et lieux de mémoire dont regorge Paris, il en est deux par­ti­cu­liers par­mi les plus visi­tés : l’un sym­bo­lise l’âme de la capi­tale, c’est la cathé­drale Notre-Dame, en cours de recons­truc­tion, et l’autre son cœur, c’est l’Arc de Triomphe.

    L’Arc est situé à la confluence de douze ave­nues pres­ti­gieuses – Champs-Ély­sées, Fried­land, Hoche, Wagram, Mac-Mahon, Car­not, Grande-Armée, Foch, Vic­tor-Hugo, Klé­ber, Iéna et Mar­ceau – qui forment une étoile qui a long­temps don­né son nom à la place qui les relie et, en posi­tion légè­re­ment sur­éle­vée, il semble éclai­rer à l’est la ville qui s’étale à ses pieds.

    « Vous ne ren­tre­rez dans vos foyers que sous des Arcs de Triomphe ! » s’était excla­mé l’empereur Napo­léon au len­de­main de la bataille d’Austerlitz. En 1806, par décret impé­rial, il ordon­nait l’édification de cet Arc de Triomphe, pour « per­pé­tuer le sou­ve­nir des vic­toires des armées fran­çaises ». Il fal­lut pour­tant attendre trente ans pour que, en1836, le monu­ment soit offi­ciel­le­ment inau­gu­ré par Louis-Philippe.

    Quatre-vingt-trois ans plus tard, le 14 juillet 1919, défi­lèrent sous l’arche immense les troupes vic­to­rieuses de la Grande Guerre avant que n’y soient inhu­més, le 28 jan­vier 1921, les restes d’un sol­dat incon­nu. Dès lors, le monu­ment chan­geait de nature. En plus d’être un lieu de mémoire, il deve­nait l’écrin magni­fique et gran­diose d’un tom­beau ren­fer­mant la dépouille d’un sol­dat qui en repré­sen­tait 1 400 000 autres et qui lui confé­rait un carac­tère sacré.

    Enfin, le der­nier évé­ne­ment mar­quant la vie bien rem­plie de ce monu­ment fut, par arrê­té du 13 novembre 1970, soit quatre jours après la mort de l’intéressé, la déci­sion de rebap­ti­ser la place de l’Étoile en place Charles-de-Gaulle sans qu’à ce patro­nyme ne soit ajou­té aucun titre par­ti­cu­lier tel que géné­ral ou pré­sident. C’est l’homme Charles de Gaulle qui est hono­ré ici et qui inclut certes, le géné­ral et le pré­sident, mais aus­si le sol­dat de la Grande Guerre et l’écrivain, car à ce titre il tenait beaucoup.

    Et pata­tras ! Alors qu’il entame les neuf der­niers mois de son man­dat de pré­sident, soit à peine la durée d’une année sco­laire, le can­di­dat poten­tiel­le­ment décla­ré à sa réélec­tion, Emma­nuel Macron, fait pro­cé­der à l’emballage de cette sépul­ture. Il y avait déjà eu les outrages du 1er décembre 2018, quand des auto­pro­cla­més « gilets jaunes » s’étaient intro­duits dans le musée que le monu­ment ren­ferme pour en détruire le conte­nu. Ce même jour, veille de l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, les piliers de l’Arc ont recueilli des graf­fi­tis où s’exprimait la haine d’une foule hys­té­rique envers nos gou­ver­nants. Ce sac­cage avait sus­ci­té une répro­ba­tion géné­rale et tout le monde était tom­bé d’accord sur un mot d’ordre alors impé­ra­tif : « Plus jamais cela ! ».

    À l’heure où vous lirez ces lignes, cet embal­lage stu­pide et odieux sera en cours et cache­ra pen­dant au moins deux semaines les noms des batailles mémo­rables comme ceux des com­bat­tants illustres qui sont gra­vés sur les piliers. Cette insulte aux gloires pas­sées est insup­por­table à nos cœurs de sol­dats. Le géné­ral de Gaulle, auquel se réfère volon­tiers notre actuel pré­sident et à qui il rend hom­mage chaque année à Colom­bey, le jour anni­ver­saire de sa mort, serait sans doute lui aus­si révol­té par cette hon­teuse mas­ca­rade. Et d’ailleurs, pour­quoi n’est-il pas venu à l’esprit de l’actuel pré­sident d’emballer la tombe de son prédécesseur ?

    Le 11 novembre 2019, le pré­sident de la Répu­blique inau­gu­rait, dans le parc André Citroën, à Paris, un monu­ment depuis long­temps atten­du, dédié aux sol­dats morts en opé­ra­tions exté­rieures depuis la fin de la guerre d’Algérie. Sur les murs qui le bordent étaient alors gra­vés 549 noms de sol­dats tués sur 17 théâtres d’opérations. Depuis, ce chiffre s’est accru d’au moins 10 noms sup­plé­men­taires. Vien­drait-il à l’idée de quelqu’un de cacher ces noms pen­dant quinze jours ? Quelle serait alors la réac­tion des familles ? Peut-on, au nom d’un « art » éphé­mère inven­té par l’esprit tor­tueux d’un artiste étran­ger, aujourd’hui décé­dé et inhu­mé aux États-Unis, tout faire ? Pour­quoi mon­sieur Chris­to n’a‑t-il pas embal­lé le Capi­tole ou le mémo­rial Lin­coln à Washington ?

    Mon­sieur le Pré­sident, peut-être ne le savez- vous pas parce que per­sonne n’a eu le cou­rage de vous le dire, mais vous com­met­tez là une grave erreur. En pri­vé, des maires d’arrondissement à Paris, des dépu­tés, des direc­teurs d’administrations cen­trales du minis­tère des Armées et même des ministres désap­prouvent ce pro­jet. Ils ont com­pris eux que le monde com­bat­tant consi­dé­rait cette ini­tia­tive comme une véri­table décla­ra­tion de guerre. Ils savent aus­si que, tou­jours englués dans une crise sani­taire qui n’en finit pas, les Fran­çais ont bien d’autres pré­oc­cu­pa­tions que d’apprécier ou non des ini­tia­tives artis­tiques dou­teuses et vont consi­dé­rer cela comme une diver­sion bien mal venue.

    Depuis un siècle, la tombe du Sol­dat incon­nu est fleu­rie tous les jours par des Fran­çais venus de tous les hori­zons et sou­vent entou­rés de tou­ristes étran­gers de pas­sage. Cet hom­mage modeste, qui émane du cœur du peuple, accom­pa­gné du ravi­vage de la Flamme qui éclaire le tom­beau et qui, même sous l’occupation alle­mande, n’a jamais ces­sé, ne se suf­fit-il pas à lui-même et n’est-il pas plus signi­fiant qu’un énorme « bar­num » qui n’avait pour objet ini­tial que de satis­faire son « inventeur » ?

     La RÉDACTION de L’ASAF

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Pourquoi le régime Algérien déteste t’il la France, par Charles Saint Prot.

    Direc­teur géné­ral de l’Observatoire d’études géopolitiques

    Doyen de l’Institut afri­cain de géo­po­li­tique (IAGEO)

    La déci­sion du régime algé­rien de rap­pe­ler son ambas­sa­deur en France, le 2 octobre 2021, est — comme la rup­ture des rela­tions avec le Maroc — celle d’un sys­tème à bout de souffle. Un sys­tème qui, à force de trom­per le monde depuis l’indépendance en 1962, tourne en rond et ne satis­fait que les inté­rêts par­ti­cu­liers des pro­fi­teurs cor­rom­pus du régime.

    2.jpgMais qu’a dit le pré­sident Macron pour conduire Alger à ce rap­pel sur­pre­nant de son ambas­sa­deur ? Tout sim­ple­ment que lors de dis­cus­sion avec des jeunes rela­tée par le quo­ti­dien Le Monde, Emma­nuel Macron a esti­mé, le jeu­di 30 sep­tembre, qu’après son indé­pen­dance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémo­rielle entre­te­nue par le sys­tème poli­ti­co-mili­taire ». Il y évoque aus­si « une his­toire offi­cielle réécrite », qui « ne s’appuie pas sur des véri­tés » mais sur « un dis­cours qui repose sur une haine de la France ». Dou­tant que l’Algérie ait consti­tué une nation avant la pré­sence fran­çaise, Emma­nuel Macron a éga­le­ment noté que les ter­ri­toires d’Alger, de Constan­tine et d’Oran étaient occu­pés par les Turcs otto­mans ; les­quels avaient été arrê­tés par les Rois du Maroc à la fron­tières marocaine.

    Dans un com­mu­ni­qué le régime algé­rien pré­tend que les pro­pos de M. Macron por­te­raient atteinte à la mémoire des 5,63 mil­lions de mar­tyrs qui auraient été vic­time de la pré­sence fran­çaise ! Encore un effort et les Algé­riens arri­ve­ront aux 6 mil­lions, alors que tout le monde sait qu’en 1830, il y avait à peine 2,5 mil­lions de per­sonnes sur le ter­ri­toire (dont une tren­taine de mil­liers dans la ville d’Alger) que la France appel­le­ra l’Algérie, et qu’il y en avait une dou­zaine de mil­lions (sans comp­ter 1 mil­lion d’Européens) lorsque la France est par­tie en 1962. Par­ler de géno­cide est donc une aber­ra­tion ou un slo­gan de pro­pa­gande d’un régime qui ne croit pas à ses propres men­songes — comme j’ai moi-même pu le consta­ter au début des années 1980 chez le pré­sident Chad­li Bendjedid.

    Une dic­ta­ture militaro-communiste

    Quand M. Macron affirme que le régime algé­rien — celui d’une dic­ta­ture mili­ta­ro-com­mu­niste ins­tal­lée depuis 1962 et 1965- déteste la France, il dit vrai car ce sys­tème s’est construit dans le mythe du résis­tan­cia­lisme et l’anti-France. Il déteste tout autant la France que le Royaume du Maroc et sans doute faut-il y voir le com­plexe d’un Etat nou­veau mis en place dans les années 1960, c’est-à-dire il y a moins de 60 ans. Cela fait une rude dif­fé­rence avec deux vieilles nations comme la France et le Maroc qui ont plus de mille ans d’existence !

     La récente déci­sion de Paris visant à l’indemnisations des Har­kis — les Algé­riens qui prirent le par­ti de la France — a sans doute aggra­vé les choses les causes de res­sen­ti­ment anti-fran­çais d’un régime qui en a fait son fonds de commerce.

    Une atti­tude ambi­guë contre le terrorisme

    Cela a, bien enten­du, des réper­cus­sions impor­tantes sur le plan géo­po­li­tique. C’est Alger, par le biais de la sor­dide « Sécu­ri­té mili­taire » for­mée par le KGB[1],  qui a été la matrice des mou­ve­ments (GIA)[2], Mou­ra­bi­toun de Ben­mok­thar ral­lié à AQMI (dont le diri­geant un membre du Poli­sa­rio vient d’être tué par l’armée fran­çaise), MUJAO et autres, pré­ten­du­ment isla­mistes mais réel­le­ment ter­ro­ristes qui pul­lulent dans la zone saha­ro-sahé­lienne. Et pour­tant Alger conti­nue à nier l’évidence :  la conni­vence indé­niable entre les groupes ter­ro­ristes algé­riens et AQMI ; c’est Alger qui ins­pire l’agit-prop contre son peuple, la France et l’unité maro­caine avec les réseaux com­mu­nistes et gau­chistes rému­né­rés par la Sécu­ri­té mili­taire ; c’est Alger qui se réjouit de la mau­vaise coopé­ra­tion d’un régime malien cor­rom­pu avec la France : c’est Alger qui applau­dit lorsque le pre­mier ministre malien insulte devant l’Assemblée géné­rale de l’ONU l’armée fran­çaise – qui est la seule à faire le tra­vail dans son pays.

    Il est clair que l’Algérie n’est pas un par­te­naire fiable en matière d’antiterrorisme, à la dif­fé­rence du Royaume du Maroc dont la loyau­té et la coopé­ra­tion exem­plaire sont louées aus­si bien à Paris que dans les capi­tales des pays euro­péens ou aux États-Unis. Com­ment ce régime qui n’a pas réus­si à éra­di­quer le ter­ro­risme sur son propre sol durant les deux der­nières décen­nies pour­rait-elle y par­ve­nir dans la région ?

    Un régime algé­rien aux abois

    Sur­tout, ce régime aux abois est celui de toutes les ambigüi­tés. L’avocat Hocine Zahouane, mili­tant des droits de l’homme, membre fon­da­teur et ancien pré­sident de la Ligue algé­rienne pour la défense des droits de l’homme (2005 – 2007), a pu noter que « La vio­lence [en Algé­rie] est entre­te­nue par des forces qui n’ont pas inté­rêt que la socié­té s’organise pour défendre ses droits, c’est une façon d’exercer l’hégémonie par le désordre ». On a vu récem­ment avec les mani­fes­ta­tions du Hirak, la crise avec le Maroc, les attaques anti-fran­çaises, la paro­die d’élections qui ont por­té à la pré­si­dence un homme qui a réuni 99% des suf­frages mais moins de 12 % d’électeurs, que le régime ne recule devant rien pour se main­te­nir au pou­voir. Cela l’entraînera-t-il dans une guerre insen­sée contre le Maroc ?  En tout cas, cela explique la logor­rhée anti­fran­çaise de ce sys­tème dont le peuple algé­rien reste la pre­mière victime.

    [1] Actuel­le­ment Dépar­te­ment de ren­sei­gne­ment et de sécu­ri­té (DRS), mais pour les Algé­riens ter­ro­ri­sés c’est tou­jours la SM. Sur le rôle de la Sécu­ri­té mili­taire, voir S.-E. Sid­houm : « La Sécu­ri­té mili­taire au cœur du pou­voir. Qua­rante ans de répres­sion impu­nie en Algé­rie, 1962 – 2001 », in Alge­ria-watch, sep­tembre 2001. [2] Selon Moha­med Sam­raoui, ancien colo­nel de la DRS, lors d’une inter­view à la chaîne arabe El Dja­zi­ra, le 5 août 2001 : « Les GIA [Groupes isla­mistes armés], c’est la créa­tion du pou­voir : ils ont tué des offi­ciers, des méde­cins, des jour­na­listes et beau­coup d’autres. […] L’intérêt des géné­raux est d’appliquer la poli­tique de la ter­reur pour cas­ser les reven­di­ca­tions légi­times du peuple ». Cité par Fran­çois Gèze, « Fran­çal­gé­rie : sang, intox et cor­rup­tion ».

     

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Charles Maurras : Lorsque Proudhon eut les cent ans…

     

    A peine plus de cent-cinquante ans après sa mort [1865], Pierre-Joseph Proudhon ne cesse d’intéresser la réflexion contemporaine [voir plus loin]. Le mouvement socialiste français et européen eût sans-doute été très différent si les idées de ce penseur considérable y avaient prévalu sur celles de Marx. L'histoire du XXe siècle, probablement sauvée des totalitarismes, et la réalité du nôtre auraient été aussi tout autres. On sait qu'il y eut, autour des années 1910 et suivantes, un cercle Proudhon à l'Action française ; et l’on va voir que Maurras ne niait pas qu'on pût le ranger, « au sens large », parmi « les maîtres de la contre-révolution ». Le texte qu’on va lire ici est certes daté, motivé, comme souvent, par les circonstances. Maurras y exprime néanmoins, à grands traits, le fond de sa pensée sur Proudhon et y manifeste, après réserves et nuances, la considération tout à fait particulière qu’il a toujours eue pour ce grand penseur et patriote français.  Lafautearousseau

     

    Au lendemain du jour où l'Italie fête le centenaire de Cavour, nous verrons une chose horrible : le monument Proudhon, à Besançon, sera inauguré par M. Fallières*. Le fonctionnaire qui représente l'Étranger de l'intérieur, la créature des Reinach, Dreyfus et Rothschild officiera devant l'image du puissant écrivain révolutionnaire, mais français, à qui nous devons ce cri de douleur, qu'il jette à propos de Rousseau : « Notre patrie qui ne souffrit jamais que de l'influence des étrangers… »

    Les idées de Proudhon ne sont pas nos idées, elles n'ont même pas toujours été les siennes propres. Elles se sont battues en lui et se sont si souvent entre-détruites que son esprit en est défini comme le rendez-vous des contradictoires. Ayant beaucoup compris, ce grand discuteur n'a pas tout su remettre en ordre. Il est difficile d'accorder avec cet esprit religieux, qu'il eut vif et profond, sa formule « Dieu, c'est le mal », et, dans une intéressante étude du Correspondant, M. Eugène Tavernier nous le montre fort en peine d'expliquer son fameux « La propriété, c'est le vol ». Nous remercions Proudhon des lumières qu'il nous donna sur la démocratie et sur les démocrates, sur le libéralisme et sur les libéraux, mais c'est au sens large que notre ami Louis Dimier, dans un très beau livre, l'a pu nommer « Maître de la contre-révolution ».

    Proudhon ne se rallie pas à la « réaction » avec la vigueur d'un Balzac ou d'un Veuillot. Il n'a point les goûts d'ordre qui dominent à son insu un Sainte-Beuve. Ses raisons ne se présentent pas dans le magnifique appareil militaire, sacerdotal ou doctoral qui distingue les exposés de Maistre, Bonald, Comte et Fustel de Coulanges. La netteté oblige à sacrifier. Or, il veut tout dire, tout garder, sans pouvoir tout distribuer ; cette âpre volonté devait être vaincue, mais sa défaite inévitable est disputée d'un bras nerveux. On lit Proudhon comme on suit une tragédie ; à chaque ligne, on se demande si ce rustre héroïque ne soumettra pas le dieu Pan.

    Son chaos ne saurait faire loi parmi nous, et nous nous bornerions à l'utiliser par lambeaux si ce vaillant Français des Marches de Bourgogne ne nous revenait tout entier dès que, au lieu de nous en tenir à ce qu'il enseigne, nous considérons ce qu'il est. De cœur, de chair, de sang, de goût, Proudhon est débordant de naturel français, et la qualité nationale de son être entier s'est parfaitement exprimée dans ce sentiment, qu'il a eu si fort, de notre intérêt national. Patriote, au sens où l'entendirent les hommes de 1840, 1850, 1860, je ne sais si Proudhon le fut. Mais il était nationaliste comme un Français de 1910. Abstraction faite de ses idées, Proudhon eut l'instinct de la politique française ; l'information encyclopédique de cet autodidacte l'avait abondamment pourvu des moyens de défendre tout ce qu'il sentait là-dessus.

    Et, là-dessus, Proudhon est si près de nous que, en tête de son écrasant réquisitoire contre les hommes de la Révolution et de l'Empire, à la première page de Bismarck et la France **, Jacques Bainville a pu inscrire cette dédicace : « À la mémoire de P.-J. Proudhon qui, dans sa pleine liberté d'esprit, retrouva la politique des rois de France et combattit le principe des nationalités ; à la glorieuse mémoire des zouaves pontificaux qui sont tombés sur les champs de bataille en défendant la cause française contre l'unité italienne à Rome, contre l'Allemagne à Patay. »

    — Quoi ? Proudhon avec les zouaves pontificaux ?

    — Oui, et rien ne va mieux ensemble ! Oui, Proudhon défendit le Pape ; oui, il combattit le Piémont. Au nez des « quatre ou cinq cent mille badauds » qui lisaient les journaux libéraux, il s'écriait, le 7 septembre 1862 : « Si la France, la première puissance militaire de l'Europe, la plus favorisée par sa position, inquiète ses voisins par le progrès de ses armes et l'influence de sa politique, pourquoi leur ferais-je un crime de chercher à l'amoindrir et à l'entourer d'un cercle de fer ? Ce que je ne comprends pas, c'est l'attitude de la presse française dominée par ses sympathies italiennes. Il est manifeste que la constitution de l'Italie en puissance militaire, avec une armée de 300 000 hommes, amoindrit l'Empire de toutes façons. » L'Empire, c'est ici l'Empire français, dont je vois le timbre quatre fois répété sur mon édition princeps de La Fédération et l'Unité en Italie.

    « L'Italie », poursuivait Proudhon, votre Italie unie, « va nous tirer aux jambes et nous pousser la baïonnette dans le ventre, le seul côté par lequel nous soyons à l'abri. La coalition contre la France a désormais un membre de plus… » Notre influence en sera diminuée d'autant ; elle diminuera encore « de tout l'avantage que nous assurait le titre de première puissance catholique, protectrice du Saint Siège ».

    « Protestants et anglicans le comprennent et s'en réjouissent ; ce n'est pas pour la gloire d'une thèse de théologie qu'ils combattent le pouvoir temporel et demandent l'évacuation de Rome par la France ! » Conclusion : « Le résultat de l'unité italienne est clair pour nous, c'est que la France ayant perdu la prépondérance que lui assurait sa force militaire, sacrifiant encore l'autorité de sa foi sans la remplacer par celle des idées, la France est une nation qui abdique, elle est finie. »

    Portrait_of_Pierre_Joseph_Proudhon_1865.jpgEt, comme ces observations de bon sens le faisaient traiter de catholique et de clérical, « oui », ripostait Proudhon, « oui, je suis, par position, catholique, clérical, si vous voulez, puisque la France, ma patrie, n'a pas encore cessé de l'être, que les Anglais sont anglicans, les Prussiens protestants, les Suisses calvinistes, les Américains unitaires, les Russes grecs ; parce que, tandis que nos missionnaires se font martyriser en Cochinchine, ceux de l'Angleterre vendent des Bibles et autres articles de commerce. » Des raisons plus hautes encore inspiraient Proudhon, et il osait écrire : « La Papauté abolie, vingt pontificats pour un vont surgir, depuis celui du Père Enfantin, jusqu'à celui du Grand Maître des Francs-Maçons » , et il répétait avec une insistance désespérée : « Je ne veux ni de l'unité allemande, ni de l'unité italienne ; je ne veux d'aucun pontificat. »

    Deux ans après avoir écrit ces lignes, Proudhon expirait ; assez tôt pour ne pas assister à des vérifications qui devaient faire couler à flots notre sang, mutiler notre territoire, inaugurer le demi-siècle de l'abaissement national ! Cet « immense échec » qu'il avait prévu sans parvenir à comprendre, comme il le disait encore, « l'adhésion donnée par la presse libérale française à cette irréparable dégradation », confirma point par point ce regard d'une sublime lucidité. L'unité italienne et l'unité allemande nous ont fait perdre tout à tour la prépondérance qu'assurait notre force militaire et l'autorité qu'imposait notre foi. Le cléricalisme a été vaincu, le pape dépouillé, et l'on nous a imposé ce gouvernement dont la seule idée stable est l'abaissement du Saint-Siège, le règne de la franc-maçonnerie et de ses grands maîtres divers. Si l'Empereur a disparu, sa politique dure ; la parti républicain en a été quarante ans légitime et fidèle héritier.

    Certes, et nous l'avons dit, avec Dumont, avec Georges Malet, avec le Junius de L'Écho de Paris, aux avocats de l'empereur : rien n'efface cette responsabilité napoléonienne que Napoléon III lui-même rattache à la tradition de Napoléon Ier ; mais la vérité fondamentale établie, il faut en établir une autre et rappeler aux hommes de gauche, que leurs aînés, leurs pères, leurs maîtres et, pour les plus âgés, eux-mêmes, en 1860, ils étaient tout aussi Italiens et Prussiens que Napoléon III ! Sauf Thiers, en qui s'était réveillé l'ancien ministre de la monarchie, l'élève de Talleyrand, qui fut l'élève de Choiseul, tous les républicains et tous les libéraux du dix-neuvième siècle ont été contre le Pape et contre la France avec l'Empereur des Français. Il faut relire dans Bismarck et la France ces textes décisifs auxquels nous ramène Bainville ; le ministre Ollivier développant à la tribune la thèse idéaliste des nationalités et M. Thiers, traditionnel pour la circonstance, s'écriant : « Nous sommes ici tantôt Italiens, tantôt Allemands, nous ne sommes jamais Français », toute la gauche applaudissait qui ? Émile Ollivier ! Guéroult défendait l'unité allemande, Jules Favre, un des futurs fondateurs de la République, déclarait le 4 juillet 1868 que nous n'avions « aucun intérêt à ce que les rivalités se continuent entre les deux parties de l'Allemagne » !

    Telle était la tradition révolutionnaire impériale ou républicaine et Proudhon s'y étant opposé presque seul, la présence de M. Fallières au monument de Proudhon est plus qu'un scandale, c'est un contresens. Je partage sur la personne de M. Fallières le sentiment de Léon Daudet l'appelant le plus lâche et le plus méprisable des ruminants ; et l'appréciation de Jacques Delebecque, telle qu'on la lira plus loin sur l'harmonie de cet animal et de la fonction constitutionnelle, me semble l'expression de la vérité pure. Mais le nom de Proudhon met en cause plus que la personne ou la magistrature de M. Fallières ; le nom de Proudhon met en accusation le régime avec son revêtement de blagologie nuageuse, avec son fond de sale envie et de bas appétits. Ce grand nom de Proudhon frappe d'indignité et Fallières, et sa présidence et la démocratie parce qu'il évoque le grand nom de la France et l'étoile obscurcie de notre destin national. Ce régime ne signifie que le pontificat de la maçonnerie que Proudhon avait en horreur. Il ne figure rien que les hommes et les idées que Proudhon combattait en France, en Europe, partout. Proudhon était fédéraliste ; que lui veut cette république centralisatrice ? Il était syndicaliste ; que lui veut cette république étatiste ? Il était nationaliste et papalin ; que lui veut cette république anticatholique, antifrançaise ?

    Je ne sais quelles bouffonneries l'on débitera à la louange de ce grand écrivain sorti, comme Veuillot et tant d'autres, des entrailles du peuple ; mais les lettrés devront répondre à la venue de M. Fallières par la dérision et le peuple par les huées.

     

    Charles Maurras   
    * Les 13, 14 et 15 août 1910, à Besançon, est inaugurée une statue en bronze de Pierre-Joseph Proudhon, réalisée par le sculpteur bisontin Georges Laethier. La décision d'ériger cette statue dans sa ville natale a été prise un an auparavant à l'occasion du centenaire de sa naissance et a donné lieu à une souscription et a un concours de sculpteurs. La statue n'existe plus, fondue (comme de nombreuses autres) par les nazis durant l'Occupation. Elle a été remplacée par la suite.
    **1907 
    Paru dans les Cahiers du Cercle Proudhon, n° 1 de janvier 1912 (le texte date de 1910).
  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (49)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Les trente beautés de Martigues ( en français)

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    (Ce texte est paru en septembre 1888 dans la Revue félibréenne, puis dans l'Armana Prouvençau pour l'année 1890; il a enfin été repris en 1915 dans L'Étang de Berre et ses différentes rééditions, dont celle des Œuvres capitales)



    Aux félibres de Paris.

    Savez-vous ce que me rappellent vos causeries, savez-vous ce qu'elles me disent et me retracent ? Puisque nous sommes ici pour parler de nos pays d'origine, je puis bien vous le dire : c'est Martigues que je vois dans ces moments-là, quelques disques de terre entourés par la mer, trois petites îles qui font la chaîne au couchant de l'étang de Berre, avec un ruban de maisons qui flotte sur les deux rives ; on dirait qu'elles sont là pour amarrer au continent les trois perles que l'eau emporterait, ou qu'elle engloutirait.

    J'aime mon village mieux que ton village, nous chante Félix Gras. Je le crois bien, que je l'aime ! Et tous mes compatriotes sont comme moi. Nos hommes de mer en savent quelque chose. Autrefois, qu'un vaisseau sortît de Marseille et qu'un des nôtres y commandât, avec le meilleur vent, la mer juste assez émue pour le charrier tout doucement à Cette (1), à Barcelone ou à Majorque, croyez-vous que notre capitaine pût s'éloigner ainsi ? Ah ! mais non ! Là-bas, miroitaient les trois clochers de la patrie ; vite un coup de barre sur Bouc (2), vite, le canot à la mer pour le mener jusqu'à Martigues, et embrasser une dernière fois les places vives de son cœur !

    De là viennent, peut-être, les sornettes que l'on a racontées sur nous. Les Marseillais chansonnèrent nos capitaines, qui n'en furent que plus fiers. Sur cet article-là, vous serez avec nous, Félibres, puisque le Félibrige consiste à maintenir l'amour du pays.

    Et si je vous disais notre histoire, si ancienne, qu'elle a commencé près de deux mille ans avant que naquît notre vieux croisé Gérard Tenque (3), le fondateur des Moines hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Si je vous déployais notre bannière qui, du temps du roi de France Henri III, en quinze cent quatre-vingt-trois, arborait les trois couleurs de nos quartiers, qui sont le bleu, le blanc et l'écarlate, alors que le drapeau français n'avait pas encore usé ses grands plis liliaux, où seraient-ils, les insensés pour me soutenir que Martigues n'est pas dans le train du progrès !

    Ah ! toutes ses beautés, si j'en faisais le dénombrement et le compte, vous seriez ici jusqu'à demain. Pour vous faire plaisir, mettons que Martigues soit seulement doté de trente beautés. Le plus joli morceau de la création, qui est la femme, n'en a pas davantage.

    Je prouve tout ce que je dis.

    La première beauté de mon Martigues, c'est l'Étang de Berre, qui, le matin, blanchit et qui le soir s'azure, quand je regarde de ma maison ; l'Étang qui, de ses mille langues vertes, lèche amoureusement le sable des calanques et ronge les rochers où l'on pêche le rouget.

    La seconde, c'est l'étang de Caronte, qui le rejoint à la grand'mer. Les tartanes et les autres barques y font gonfler leurs larges voiles aux angelots joufflus.

    La troisième, ce sont nos collines nues, qui se gonflent comme mamelles et qu'embaume l'arôme chaud des thyms, des fenouils, des romarins et des sarriettes.

    La quatrième, ses champs de pierres plantés d'oliviers, où vient l'odeur du sel, dans la brise.

    La cinquième, cette petite chapelle de la Bonne Mère, si haut perchée, sur laquelle un boulet anglais est venu s'aplatir, qui sait quand ?, et que les ex-voto des pauvres gens étoilent comme des fleurs d'amour.

    La sixième, nous avons le mistral pour balayeur municipal.

    La septième, nous avons pour fosse d'égout la grande mer.

    La huitième, le Saint-Christ, qui est à l'entrée d'un canal et dont, le soir, une lanterne rouge ensanglante les jambes rompues.

    La neuvième, les grandes arrivées de caïques, en hiver, à coups de rame, pleins de grands diables aux cabans qui ruissellent de pluie et d'eau de mer.

    La dixième, les vastes corbeilles où remue le poisson comme du vif-argent ; qui peut dire combien il y a de bouillabaisses, là dedans !

    La onzième, les monceaux de sel, aux salines, qui attendent le chaland, et les douaniers, qui font un peu moins que d'attendre, les fainéants !

    La douzième, le coup d'aile des goélands qui raye le ciel.

    La treizième, la cabriole des mulets hors de l'eau, dès qu'ils sentent le grain.

    La quatorzième beauté, c'est le galbe parisien des vagons (4), de notre chemin de fer (5), ce qui fait voir une fois de plus que personne ne nous a jamais fait notre part.

    La quinzième, c'est, pour Noël, l'anguille qui se mange entre deux chandelles.

    La seizième, les pénitents qui, sous le grand soleil, vont à la Sainte-Terre (il y a deux lieues de mauvais chemin), les blancs devant, les bleus derrière, pour chanter messe à Sainte-Croix.

    La dix-septième, c'est, le jour de Pâques, la tartane de la Vierge, celle qui a le plus pêché de tout l'an, qui se fleurit comme une mariée.

    La dix-huitième, nos pêches de nuit, quand l'étang, couvert de flambeaux, est un ciel qui répond aux splendeurs de là-haut, limpide, doux et clair.

    La dix-neuvième, nos joutes colorées, le port comblé de bâtiments, de pavillons, et les beaux jeunes gens, au chant des tambourins et des flûtes, qui partent demi-nus, debout à l'arrière, et donnent et reçoivent des coups de lance comme des héros de Toloza (6).

    La vingtième beauté de Martigues, c'est bien sûr notre poutargue. Pour manger sa pareille, il faut aller jusque là-haut, chez les Russes pâles (7).

    La vingt et unième, nos prud'hommes si honorés, qu'on a fait ce proverbe : «  Que toute barbe d'homme s'incline, le prudhomme va parler.  » C'est le reste dernier de ces consuls puissants qui, par toutes les pêcheries du Midi, furent renommés, à preuve Calendal à Estérelle, vantant son aïeul :
    — Qui a été consul de Martigues.

    La vingt-deuxième beauté de Martigues, c'est la marmaille qui nage entre les quais, dans le costume d'Adam, montrant de petits culs bronzés au commissaire qui jure et qui sacre.

    La vingt-troisième, les quatre ponts jetés d'île en île, d'où les badauds regardent la tour de Bouc en aspirant leurs calumets.

    La vingt-quatrième, c'est le sang cramoisi de ces pêcheurs et de leurs brunes filles.

    La vingt-cinquième, c'est la fontaine de Ferrière, où les filles vont, le soir, puiser l'eau fraîche avec des brocs et bavardent tant qu'elles peuvent, et se font chatouiller par leurs amoureux.

    La vingt-sixième, c'est la grand'rue qui passe sur les ponts chargés d'hommes et qui charrie, au soir, comme un ruisseau d'amour, les centaines de couples enivrés.

    La vingt-septième, c'est cette folle de lune, qui jette dans nos lagunes tant de bijoux diamantins et fait courir sur l'eau ses blancs frémissements.

    La vingt-huitième, c'est la douzaine de moulins qui attendent Alphonse Daudet et où les lapins se rassemblent dans la solitude.

    Élégante et monstrueuse, la vingt-neuvième beauté, c'est la haute fleur qui éclate et s'ouvre au milieu des poignards (8), une fois, dit-on, tous les cent ans ; il ne lui faut pas cinq semaines pour élever son candélabre au ciel émerveillé.

    La trentième… Sainte bonne Mère, nous y sommes ! Et je ne vous ai rien dit de ses trois églises, non plus que de ses trois curés et de ses trois congrégations de filles !

    Il faut savoir qu'à Martigues nous allons volontiers par trois ; mais que nul ne s'en raille, parce que le nombre trois est sacré dans toutes les religions et les philosophies. Je n'ai rien dit, pauvre de moi, ni de nos salles vertes, ni des feux que l'on fait pour sainte Madeleine ! Mais si j'ai voulu abréger ce mauvais portrait des beautés de mon pays, messieurs les Félibres, c'est pour vous dire :

    — Allez le voir, car vous ne pourrez pas finir le compte que j'ai commencé.

    Notes :

    1. La graphie actuelle « Sète » ne sera adoptée qu'en 1927.

    2. Le port de Bouc, embouchure de l'étang de Caronte canalisé, qui sert de station sur la Méditerranée aux bâtiments de Martigues, situé à cinq kilomètres, sur la mer intérieure de Berre.

    3. « L'an du Saint-Christ 1040 », dit l'inscription provençale de l'hôtel de ville, en l'honneur de Gérard Tenque.

    4. Graphie en usage à l'époque. (n.d.é.)

    5. Ils avaient alors deux étages, comme dans les trains de la banlieue parisienne.

    6. Poème épique de Félix Gras, composé en 1882.

    7. Ils fabriquent leur caviar de manière très différente, mais comme nous avec des œufs de poisson.

    8. Nos paysans donnent ce nom aux belles plantes hérissées de piquants et recourbées en forme de glaives barbares que l'on appelle vulgairement aloès. En réalité c'est l'agave d'Amérique, qui depuis le XVIe siècle s'est répandue sur tous les rivages de la Méditerranée ; on la retrouve également sur les pentes du vieux Monaco et sur la montée de l'Acropole d'Athènes.

     

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