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  • Régis Debray, du romantisme de la révolution à la nostalgie de la nation, par Eugénie Bastié.

    Régis Debray. SERGE PICARD/Le Figaro Magazine

    L’écrivain et médiologue publie D’un siècle l’autre, une autobiographie intellectuelle qui rembobine son parcours, des geôles de Bolivie au jury Goncourt, en passant par la case Mitterrand. Rencontre avec un «anywhere» devenu «somewhere», sans jamais se renier.

    1.jpg« L’actualité, je m’en fous » ment-il, enfoncé dans un fauteuil club élimé, pantoufles aux pieds dans sa maison de campagne aux confins de l’Île-de-France. Au coin de la cheminée, Régis Debray feuillette un volume original, magnifiquement relié, de Psychologie de l’art, de Malraux. Dehors, pèse le ciel gris de l’automne, dans l’air flotte une odeur d’encens, sur son visage l’ombre d’une moustache rasée depuis longtemps. Il y a plus d’un point commun entre le romancier ministre de la Culture et l’intellectuel qui fut conseiller de Mitterrand: le goût de l’aventure, l’intérêt pour l’art comme médiation, la nostalgie de la transcendance, le tiers-mondisme, et le « gaullisme d’extrême gauche ». «Malraux et moi, on s’est manqué», soupire Debray.

    Il raconte cette rencontre ratée et bien d’autres, réussies, dans son nouveau livre, D’un siècle l’autre (Gallimard), sorte d’autobiographie intellectuelle où il rembobine son parcours, des bancs de Janson-de-Sailly, prestigieux lycée du 16e arrondissement, où étudia ce fils de bonne famille, au jury du Goncourt, où il siégea, de 2010 à 2015, en passant par la case prison en Bolivie, son bureau de conseiller à l’Élysée et ses travaux de médiologue. Il y raconte ses mentors, de Jacques Muglioni, un hussard noir de la République, à Althusser, le philosophe gardien de la doxa marxiste à l’École normale supérieure.

    « Ma génération a eu le privilège d’avoir vu mourir un monde et en naître un nouveau », écrit-il. Né en 1940, « l’année où Hitler visita la capitale un beau matin, salué par nos agents de police au garde-à-vous », Régis Debray, comme Chateaubriand, a vécu entre deux temps, mais s’il quitte avec regret le vieux rivage où il est né, il ne nage pas avec espérance vers la rive inconnue du nouveau monde. Boomer mélancolique ? Il est né trop tard pour être résistant, trop tôt pour jeter des cailloux aux CRS. Si la « pensée d’un homme est avant tout sa nostalgie » (Camus), la sienne ne porte pas sur le bon vieux temps du plein-emploi et des Trente Glorieuses, mais sur l’époque où « une thèse pouvait prendre dix ans de travail, une phrase, trois lignes, et une conférence, une heure et demie.»

    « D’un naturel confiné »

    Réac, Régis ? « Qui embrasse trop étroitement son temps n’en sortira pas vivant », écrit-il. N’aurait-il pas eu le parcours inverse de Victor Hugo, son maître ? Hugo eut une jeunesse romantique de droite, attaché au drapeau blanc de la monarchie pour finir sa vie en figure tutélaire de la IIIe République. Debray crut, à l’orée de sa vie, au romantisme de la révolution pour se convertir au gaullisme, à la nation, au goût de la terre et des morts. Ce ne fut pas l’exil de Guernesey, mais la prison en Bolivie, après le « chemin de Damas de l’engagement ». À 25 ans, alors que la jeunesse estudiantine mime la Révolution dans les rues de Paris, lui croupit dans une geôle bolivienne pour avoir participé à la guérilla aux côtés de Che Guevara. « Régis a risqué sa peau », relève son ami Jean-Pierre Chevènement, qui souligne le caractère déterminant de cette épreuve : « Il n’y a pas de destin pour qui le front n’a pas été nimbé du prestige des armes. Le bien-fondé du projet n’est pas l’essentiel mais la découverte de soi au fond d’un cachot, avec chaque matin un cliquetis qui pourrait bien être celui du peloton d’exécution.» Échapper à Mai 68 lui a évité bien des illusions, et des désillusions.

    Revenu en 1973 à Paris, il ralliera le candidat de l’union de la gauche François Mitterrand, heureux d’avoir pêché ce gros poisson marxiste, à tendance tiers-mondiste. L’ancien ministre Hubert Védrine, son ami de longue date, se souvient de leurs premiers pas communs à l’Élysée, où ils s’occupaient tous deux des relations internationales. Après un déjeuner, où ils avaient papoté avec Garcia Marquez, les jeunes gens s’étaient promenés dans le palais vide, à la recherche de bureaux. Debray est resté quatre ans auprès de Mitterrand. On lui doit notamment le lyrique discours de Mexico (1981), qui commence ainsi: « Aux fils de la révolution mexicaine, j’apporte le salut fraternel des fils de la révolution française ! » Le « seul discours que Mitterrand n’a pas retouché en quatorze ans », d’après Védrine.

    Debray, Chevènement, Védrine : ils forment un trio, celui d’une gauche gaullo-mitterandienne, qui n’a jamais cédé aux sirènes du gauchisme culturel, est restée intraitable sur la question de la laïcité et défend la souveraineté nationale. « Debray est aux antipodes d’une partie de la gauche qui a découvert son impuissance une fois au pouvoir et a évolué vers les questions sociétales. Régis n’est jamais tombé là-dedans », souligne Védrine. Une gauche d’avant l’écriture inclusive où l’on ne décrivait pas les succès d’une candidate à l’aune de sa couleur de peau. « En 1960, juger les individus d’après leur race, leur sexe et leur physique était le fait de l’extrême droite ; en 2020, c’est celui de l’extrême gauche », écrit-il, dans D’un siècle l’autre.

    Debray, c’est l’histoire d’un anywhere devenu somewhere, d’un là-bas devenu ici, avec tout de même une permanence, le souci d’être contre. S’il a changé, Debray ne s’est jamais renié. « Je n’ai pas trop à rougir quand je feuillette mes paperasses » : page 137 de son livre, il fait la liste de ses prédictions qui se sont réalisées. Entre autres : le retour en grâce de De Gaulle (À demain de Gaulle, 1989), de la frontière (Éloge des frontières, 2010) et du sacré (Jeunesse du sacré, 2012).

    « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020», a dit le président de la République. «Et d’avoir 80 ans en 2020 ? », demande-t-on à Régis Debray alors que sa femme, Isabelle, nous fait des grands gestes pour nous alerter de la gaffe en cours. « J’ai 55 ans de ressenti », répond-il de sa voix chuintante et moqueuse, si caractéristique. « Nous sommes d’un naturel confiné, c’est pourquoi cette année n’a pas changé grand-chose à nos habitudes », dit-il. Le médiologue a une tablette, mais manie peu l’art du smartphone. Il se qualifie lui-même d’« illectronique ». «Pendant le premier confinement, Edgar Morin, qui, à 99 ans, est bien plus au fait que moi, m’a appris à me servir de Snapchat », confie-t-il, un brin ironique envers lui-même. « Facetime », corrige sa femme, avant qu’on ait eu le temps d’imaginer les deux vieux amis s’envoyer des selfies.

    Nous sommes quelques jours après la décapitation de Samuel Paty, professeur tué pour avoir enseigné la liberté d’expression en classe. « Profs, ne capitulons pas »: dans une célèbre tribune publiée après l’affaire du voile de Creil en 1989, Debray avait déjà inventé la formule « Munich de l’école républicaine », pour qualifier la démission de l’État face à l’entrisme islamiste. Il a également fait partie de la commission Stasi, chargée de la réflexion sur l’application du principe de laïcité. On lui doit notamment la distinction entre république et démocratie: « La démocratie, dirons-nous, c’est ce qui reste d’une république quand on éteint les Lumières ». On lui parle de l’ambiance du moment, du débat sur la laïcité à l’école. «C e que je pense du sujet ? Si notre civilisation doit se réclamer face au monde de la caricature, on est mal partis. Mais je ne peux pas vous dire ça comme ça. Je ne peux m’expliquer sur ce sujet qu’en 20 pages », balaye-t-il. L’écrivain, qui ne va jamais à la télévision, se dit paralysé, inhibé, intimidé par la puissance des réseaux sociaux, qui tronquent les propos et déclenchent une polémique sur la base d’une phrase isolée. « C’est un surmoi négatif qui oblige à être terne. Quand on a le goût de la bourrasque, c’est horrible de devoir passer entre les gouttes

    Alors Debray ne tweete pas, mais il écrit. Et les formules filent sous sa plume avec une facilité prodigieuse. « Il m’a appelé après le confinement, en me disant qu’il avait bien travaillé, ça m’a immédiatement fait tomber en dépression », raconte Alain Finkielkraut. « Il n’est pas tourmenté, il pense sur ses deux oreilles. Je l’envie pour sa prolixité », dit celui qui a toujours l’impression d’écrire son dernier livre. « Ne faites pas de moi un polygraphe », s’inquiète Régis Debray, qui a publié 60 essais et trois romans, dont un prix Femina (La neige brûle, 1977). Il tient à la dimension littéraire de son œuvre et ne voudrait pas qu’on le réduise à la catégorie aussi floue qu’étriquée d’« intellectuel ».

    Génie de la formule

    « Bien sûr que c’est d’abord un écrivain », dit de lui Bernard Pivot, qui l’a fait entrer au jury du Goncourt en 2010. Lui qui a refusé l’Académie française, charge à vie bien trop lourde, a accepté pendant quatre ans cette mission moins permanente mais plus chronophage. « Il fait partie des écrivains dont on reconnaît immédiatement le style, analyse l’ancien animateur d’« Apostrophes ». Un mélange de langage philosophique, une diversité extraordinaire de vocabulaire qu’il rompt avec des expressions populaires, des jeux de mots, comme “tout à l’ego”, l’un de ses préférés ».

    Son maître, l’écrivain Julien Gracq, lui reprochait son art trop consommé de la formule. Il est vrai qu’il a le génie si français de la maxime qu’il double d’une obsession pour le rythme ternaire (« thèse, antithèse et foutaise ») hérité de la matrice khâgneuse. Si sa famille intellectuelle s’enracine à gauche, sa généalogie littéraire puise à droite: pour le verbe, il descend des Hussards plus que de Sartre ou d’Aragon. « On écrit plus âpre, fouetté et charnu à droite qu’à gauche », reconnaît-il, définissant à demi-mot son propre style.

    Dans son salon rempli de livres (qu’il classe par thèmes), trône la sculpture de Jean-Louis Faure représentant Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir refusant de serrer la main à Arthur Koestler. Le couple avait repoussé le dissident soviétique par pur sectarisme stalinien. L’œuvre est intitulée : Bêtise de l’intelligence. Un travers que Debray ignore. « Je n’ai pas forcément les idées de mes amis, ni les amis de mes idées », aime-t-il à dire. Il peut dire du bien d’Éric Zemmour (« Qui dit des bêtises à la télé, mais est très intelligent ») et a voté Jean-Luc Mélenchon. Debray est un ton plutôt qu’un système. S’il a cru un jour à la politique, il se réfugie aujourd’hui dans les livres et dans le temps long de l’histoire, loin du bruit quotidien des polémiques et de la fureur du temps ininterrompu.

    « Régis a pris de l’altitude, constate Jean-Pierre Chevènement. Unir, transmettre, croire, l’élucidation de ces mystères l’occupent à plein temps. C’est la marque d’un esprit supérieur. » Il a gagné l’amplitude mentale de Victor Hugo, à qui il ressemble de plus en plus physiquement, et regarde avec une sorte d’animisme les fourmis et les nations se batailler sous le vent de l’histoire. Hubert Védrine se souvient d’une discussion il y a une quinzaine d’années, où l’écrivain lui disait : « Nous sommes comme dans l’an mil, des pères abbés se concentrant sur des enluminures dans un océan d’ignorance et de barbarie. De temps en temps, nous enfourchons un mulet pour nous rendre visite ». Il est heureux que le père Régis sorte de temps en temps de son cloître pour éclairer la nuit de notre temps. Alors, à demain, Debray ! 

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    D'un siècle l'autre

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Un nouveau front, poujadiste ?, par Michel Corcelles.

    L’establishment est ébran­lé : de crise sani­taire en menace sécu­ri­taire, de mon­tée du chô­mage en pau­pé­ri­sa­tion, le sys­tème et son socle idéo­lo­gique sont sou­mis à rude épreuve.

    Dans un tel contexte peut paraitre déri­soire la réflexion sur un phé­no­mène daté et contem­po­rain d’une socié­té que moder­ni­té et post moder­ni­té sem­blaient avoir défi­ni­ti­ve­ment enter­ré : le pou­ja­disme. Et pourtant !

    Le Mou­ve­ment des gilets jaunes a été qua­li­fié de « pou­ja­diste » , terme com­mode pour dési­gner tout mou­ve­ment des classes moyennes infé­rieures trop liées au « sys­tème » pour bas­cu­ler dans un gaucho/syndicalisme post mar­xiste mais suf­fi­sam­ment mar­gi­na­li­sé par le « sys­tème » pour bas­cu­ler dans une contes­ta­tion vio­lente. Une révolte « petite bour­geoise » pour reprendre la ter­mi­no­lo­gie léni­niste, située à l’intersection des artisans/commerçants, des lais­sés pour compte de la socié­té d’abondance et, pour l’avoir consta­té sur les ronds-points « des petits blancs déclas­sés » avec en prime une domi­nante rurale.

    Quoique approxi­ma­tif le terme de pou­ja­disme per­met de situer, d’une manière évo­ca­trice pour tout le monde, ce mou­ve­ment dans le pay­sage poli­tique français.

    Peu à peu la marque de fabrique rurale s’estompait et le mou­ve­ment se poli­ti­sait sous une influence par­ta­gée en cor­po­ra­tisme et gau­chisme mais aus­si se consti­tuait au fil des semaines un enca­dre­ment spon­ta­né plus en phase, du point de vue de sa struc­tu­ra­tion, avec ce que fut le pou­ja­disme des années 50 ou les révoltes pério­diques des « petits commerçants ».

    Cette poli­ti­sa­tion était en passe de se concré­ti­ser alors même que la masse de manœuvre ten­dait à s’effilocher. Sur­vint le COVID. Le pay­sage chan­gea et les « Gilets jaunes » furent appa­rem­ment englou­tis dans la tem­pête sani­taire lais­sant tou­te­fois une cendre sous laquelle conti­nuait de bru­ler la braise.

    La crise sani­taire peut à pre­mière vue sem­bler étran­gère à des consi­dé­ra­tions sur un pou­ja­disme archaïque, réel ou phan­tas­mé. Et pour­tant la crise aura frap­pé en toute prio­ri­té une par­tie de ces caté­go­ries sociales qui ont his­to­ri­que­ment four­ni des troupes au pou­ja­disme et aux Gilets Jaunes. A contra­rio, même si toute la socié­té subit le choc éco­no­mique, résistent mieux à la crise les popu­la­tions rétives tant au pou­ja­disme qu’aux Gilets jaunes à com­men­cer par les sala­riés cen­sés être (pour l’instant) cou­verts par les plans d’aide à l’entreprise, les ensei­gnants, fonc­tion­naires et retraités.

    En revanche les classes moyennes infé­rieures, les com­mer­çants (avec des nuances sui­vant les com­merces), les indé­pen­dants, et tous ceux qui pour des rai­sons médi­cales, cultu­relles, éco­no­mi­que­ment se retrouvent au propre ou au figu­ré, à la rue : à com­men­cer par les hôte­liers sur­tout mais aus­si res­tau­ra­teurs ou tenan­ciers de bars et dis­co­thèques, coif­feurs, fleu­ristes … . Une belle masse de manœuvre qui sau­ra le cas échéant (re)faire la jonc­tion avec les anciens Gilets Jaunes.

    LE MONDE COMMERCANT SE MOBLISE

    La deuxième vague covi­dienne a plus encore révé­lé la pré­sence des com­mer­çants au cœur de la crise, comme vic­times col­la­té­rales. On a pu consta­ter, soit à l’occasion de décla­ra­tions indi­vi­duelles ou col­lec­tives, de mani­fes­ta­tions de rues (500 com­mer­çants déter­mi­nés à Bayonne …) que les pro­fes­sions évo­quées ci-des­sus étaient en ébullition.

    Les pré­si­dents des quatre fédé­ra­tions repré­sen­ta­tives des pro­fes­sions com­mer­ciales – Fran­cis Palom­bi, pré­sident de la Confé­dé­ra­tion des com­mer­çants de France (CDF) ; Jacques Ehr­mann, pré­sident du Conseil natio­nal des centres com­mer­ciaux (CNCC) ; Jean-Claude Delorme, pré­sident de la Fédé­ra­tion fran­çaise des asso­cia­tions de com­mer­çants (FFAC) et Jean-Pierre Leh­mann, pré­sident de la Fédé­ra­tion natio­nale des centres-villes « Vitrines de France » (FNCV) – ont déci­dé de « faire front » en deman­dant notam­ment que les ventes en lignes soient limi­tées aux seuls pro­duits de pre­mière néces­si­té » excluant de toute les ventes de pro­duits habi­tuel­le­ment ven­du par des maga­sins fer­més par voie admi­nis­tra­tive. Éga­le­ment deman­dées l’interdiction de Black Fri­day et la réou­ver­ture toute pro­chaine de la plu­part des commerces.

    Le pou­voir tout à son confi­ne­ment fait la sourde oreille et les 4 fédé­ra­tions de sou­li­gner que ces dis­po­si­tions sani­taires ont pour effet « de trai­ter de manière inéga­li­taires les com­mer­çants phy­siques et les mar­chands du web, au péril des pre­miers et au pro­fit exclu­sif des seconds ».

    Le com­mu­ni­qué des 4 fédé­ra­tions pour­suit « la fer­me­ture des com­merces dits « non essen­tiels » avan­tage dan­ge­reu­se­ment les pla­te­formes de com­merce en ligne déjà régu­liè­re­ment accu­sées de concur­rence déloyale, comme Ama­zon et Ali­ba­ba qui redoublent désor­mais de pro­pa­gande pour atti­rer les clients, nos clients »

    Il est à noter que ces fédé­ra­tions n’ont pas l’habitude de signer des com­mu­ni­qués com­muns et que la crainte d’une explo­sion sociale n’est pas étran­gères à leur sou­daine uni­té car si aucun des signa­taires ne se sent héri­tier du pou­ja­disme tous en craignent la renaissance.

    Reste encore que ces orga­ni­sa­tions jouent le jeu des ins­ti­tu­tions et sont un fac­teur de « main­tien de l’ordre ». Jusqu’à quand ?

    DE LA RUE AUX BARRICADES ?

    Cela dépen­dra de l’ampleur des dégâts, de ce qui est rat­tra­pable et de ce qui ne l’est pas. Cer­taines pré­vi­sions font état d’un anéan­tis­se­ment de 40% de la pro­fes­sion hôte­lière, d’autres envi­sagent 30% de dépôt de bilan dans la res­tau­ra­tion et des dégâts majeurs dans la plu­part des commerces.

    Beau­coup de per­sonnes donc à la rue (crise sociale) mais com­bien … dans la rue (révolte) et com­bien …sur les bar­ri­cades (révo­lu­tion) ? La réponse dépend d’abord de la déter­mi­na­tion de cette popu­la­tion, ensuite de son enca­dre­ment, enfin des alliances qui se noue­ront ou ne se noue­ront pas avec les autres vic­times des oligarchies.

    A pro­pos des Gilets Jaunes un obser­va­teur proche du pou­voir avait remar­qué « nous avons été vic­time d’une illu­sion : nous avons cru que ce mou­ve­ment était le sur­saut d’une popu­la­tion qui ne vou­lait pas mou­rir ; ce n’était que le sou­bre­saut d’une popu­la­tion déjà morte ». Se trou­ve­ra-t-il un mou­ve­ment pour le détromper ?

     

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Prince chrétien et immigration-islamisation, par Ger­main Philippe.

    Au titre de la crois­sance sans limite, la socié­té indus­trielle a lan­cé un pro­ces­sus d’immigration mas­sif. Au titre du sou­tien à la consom­ma­tion, la Tech­no­cra­tie a trans­for­mé cette immi­gra­tion de tra­vail-escla­vage en une immi­gra­tion de peu­ple­ment.

    philippe germain.jpgCelle-ci, à par­tir de la révo­lu­tion ira­nienne (1979) a géné­ré une isla­mi­sa­tion cultu­relle ram­pante consti­tuant la menace prin­ci­pale pour la France.

    Cette menace puis­sante, pres­sante, pesante, la Répu­blique est impuis­sante à y faire face. Les esquives et dénis du pays légal ne trompent plus le pays réel. Dans ses pro­fon­deurs, il gronde. Il est de moins en moins dupe des men­songes et autres entour­loupes de l’élite médiatique.

    Ne tour­nons pas autour du pot, l’unique bonne réponse au dji­had cultu­rel mené par le pole idéo­lo­gique isla­miste, passe par une refon­da­tion de la laï­ci­té répu­bli­caine. Cette solu­tion exige de mettre un terme au Sys­tème poli­tique actuel. Oui, l’histoire de France nous enseigne qu’une refon­da­tion de la laï­ci­té n’est envi­sa­geable que dans un cadre monarchique.

    C’est pour­quoi l’Action fran­çaise tra­vaille au retour du Prince Chré­tien. Mais qu’en pense l’intéressé ? Le plus simple est d’aller à la source, son ouvrage Un Prince fran­çais. Voyons ce que pense Mon­sei­gneur le comte de Paris, Jean IV de France sur l’immigration, l’Islamisation, la France chré­tienne et enfin la laïcité.

    Com­men­çons par la pro­blé­ma­tique migra­toire, source de l’Isla­mi­sa­tion, en sou­li­gnant six axes de la pen­sée du Prince :

    « La France est en effet un pays d’im­mi­gra­tion, ce qui s’ex­pli­quait autre­fois par une démo­gra­phie dépri­mée et, pen­dant les Trente Glo­rieuses, par le dyna­misme de notre indus­trie. De nom­breux étran­gers ont contri­bué acti­ve­ment à la crois­sance fran­çaise, et je crois néces­saire de le sou­li­gner. Mais notre éco­no­mie n’est plus aus­si dyna­mique. La crise ne nous per­met plus d’ac­cueillir digne­ment tous ceux qui vou­draient s’ins­tal­ler ici. Il faut avoir le cou­rage de le leur dire. Je crois utile de ren­for­cer notre poli­tique de coopé­ra­tion avec leurs pays d’o­ri­gine pour qu’ils ne soient plus contraints à I ‘exil et puissent contri­buer au déve­lop­pe­ment de leur propre pays. C’est notre inté­rêt comme c’est le leur. Pour les mêmes rai­sons et dans le même esprit, nous devrions aus­si ren­for­cer les contrôles aux fron­tières, qui ont été exa­gé­ré­ment allé­gés depuis que nous avons rejoint I ‘espace Schen­gen : Nous ne pou­vons pas aban­don­ner à nos voi­sins euro­péens la sur­veillance de nos frontières.

    « J’a­joute que la France a long­temps conduit une poli­tique d’as­si­mi­la­tion des étran­gers qu’elle lais­sait entrer sur son sol. Elle y a renon­cé dans les années 1980. On ne fait plus aimer la France aux Fran­çais, ni à ceux qui veulent le deve­nir. On ne leur apprend plus que la France peut jus­ti­fier cer­tains sacri­fices, en contre­par­tie de l’ac­cueil qu’elle leur a réser­vé. Com­ment alors les inté­grer à la Nation ? Ce renon­ce­ment est une erreur, qu’au­cun gou­ver­ne­ment n’a vrai­ment ten­té de cor­ri­ger et qui pour­rait encore s’ag­gra­ver avec la mise en place subrep­tice de mesures de dis­cri­mi­na­tion posi­tive. Il me paraî­trait aber­rant que la France y ait recours au moment où les Etats-Unis constatent publi­que­ment l’é­chec de telles mesures. La dis­cri­mi­na­tion posi­tive ne pour­rait que favo­ri­ser le mul­ti­cul­tu­ra­lisme, c’est-à-dire la coexis­tence sur notre sol de com­mu­nau­tés sans liens les unes avec les autres, sans pas­sé ni ave­nir com­muns. Ce serait périlleux pour la cohé­sion nationale… 

    « Nos gou­ver­ne­ments ont fait venir en France, sous la pres­sion du patro­nat, de très nom­breux étran­gers, pour des rai­sons éco­no­miques, sans se sou­cier des consé­quences sociales. Ces tra­vailleurs y ont trou­vé un inté­rêt maté­riel et se sont ins­tal­lés en France quand le regrou­pe­ment fami­lial a été auto­ri­sé. Mais, au lieu de les encou­ra­ger à s’as­si­mi­ler à la Nation, nous leur avons dit, dans les années 1980, que la France était un espace mul­ti­cul­tu­rel, où cha­cun pou­vait s’ins­tal­ler sans contre­par­tie. Les droits, mais pas les devoirs. Résul­tat : des com­mu­nau­tés qui se côtoient sans par­ti­ci­per à une his­toire com­mune. Le cadre natio­nal devient flou.

    « Il me semble, dit Jean IV, qu’il faut dis­tin­guer la ques­tion de la reli­gion de celle de ses impli­ca­tions sociales. Il y a sur notre sol des confes­sions dif­fé­rentes : C’est un fait. La ques­tion se pose aujourd’­hui du sta­tut de l’is­lam. Le prince, garant de l’ex­pres­sion reli­gieuse ? Oui ! Mais il ne peut pas tolé­rer les entre­prises de désta­bi­li­sa­tion sociale, que cer­tains vou­draient fon­der sur de fal­la­cieux argu­ments religieux. »

    Cer­tain nous diront : mais nous savions tout cela et cela ne sert à rien de le dire. Certes, mais pour nous maur­ras­siens, ce pha­sage avec les posi­tions du prince nous semble impor­tant à rap­pe­ler. Il récon­forte notre approche stra­té­gique. Citons par exemple le ren­for­ce­ment de notre poli­tique de coopé­ra­tion avec les pays d’o­ri­gine prô­née depuis plus de 30 ans par Pierre Debray ; le ren­for­ce­ment des contrôles aux fron­tières constam­ment défen­du par les natio­na­listes inté­graux face à l’oligarchie euro­péiste ; la néces­saire poli­tique d’assimilation aban­don­née par les socia­listes au pro­fit du foi­reux creu­set d’intégration répu­bli­caine. La dénon­cia­tion du mul­ti­cul­tu­ra­lisme, tou­jours par Pierre Debray, contre les fana­tiques du dif­fé­ren­tia­lisme. La res­pon­sa­bi­li­té des gou­ver­ne­ments répu­bli­cains dans l’immigration escla­va­giste expo­sée par Fran­çois Mar­cil­hac et Fran­çois Bel-Ker. Le cou­rage d’oser poser la ques­tion du sta­tut de l’Islam. Oui de grandes choses pour­raient être faites avec le Prince chrétien !

    Alors main­te­nant pas­sons à la France chré­tienne et à la laï­ci­té.

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam enne­mi n° 1 bis », cli­quer sur les liens.

    1. France, mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Expulsions: l’État de droit dans le mur. Le transfert du pouvoir des élus vers les juges empêche de lutter contre l'isla

    Le centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, 18 septembre 2019.© Stephane de Sakutin/AFP

    Ancien préfet, Michel Auboin connaît de l’intérieur les rouages et chausse-trappes du système administratif chargé de l’expulsion des étrangers dangereux. Son constat: aujourd’hui ces rouages sont grippés à cause d’un transfert de pouvoir des élus et des fonctionnaires vers les juges. Encore un mauvais coup des énarques!

    3.jpgPour répondre à l’émotion légitime des Français, le ministre de l’Intérieur a annoncé des mesures immédiates. Les préfets sont à la manœuvre et la manœuvre est délicate, car les actes de police administrative qu’on leur demande de prendre sont semés d’embûches et de chausses-trappes. L’une de ces mesures concerne la fermeture de la mosquée de Pantin. La fermeture d’un lieu de culte où est prêchée l’incitation au crime terroriste est prévue à l’article L. 227-1 du Code de sécurité intérieure et elle est régulièrement utilisée. Mais, comme elle touche « à la liberté de conscience et au libre exercice des cultes », le Conseil constitutionnel l’a fortement encadrée. Elle ne peut, ainsi, excéder six mois. Dans un pays comme le nôtre qui compte plus de 2 500 mosquées et un grand nombre de salles de prière, on ne voit pas bien en quoi la fermeture de l’une d’entre elles nuit à l’exercice du culte. Personne ne s’émeut de la fermeture d’une gare, qui nuit pourtant à la liberté de se déplacer, ou de celle d’un commerce essentiel à l’alimentation des habitants en milieu rural.

    Le Conseil constitutionnel est animé par d’éminents membres du Conseil d’État, la plus haute instance de la juridiction administrative, dont toute la jurisprudence, depuis des décennies, consiste à défendre les droits des usagers contre l’empiétement de l’administration. Cette jurisprudence a créé un corpus juridique qui verrouille et encadre l’élaboration de la norme, qu’elle émane de la représentation nationale élue par le peuple (la loi) ou du gouvernement en charge de diriger le pays (le règlement). Ce verrou est d’autant plus puissant que les mêmes membres du Conseil d’État, sortis premiers de leur promotion de l’ENA, occupent dans l’administration les postes les plus en vue et que certains finissent même Premier ministre. Tous les directeurs d’administration centrale redoutent le passage d’un texte qu’ils doivent défendre devant cette « haute » assemblée qui gère le dialogue comme un grand oral. Je n’ai pas fait exception à la règle.

    Le Conseil constitutionnel est un verrou puissant

    De décision en décision, le Conseil constitutionnel, faisant de la Constitution une lecture parfois contestable, a déplacé le curseur qui permettait d’assumer le juste équilibre entre la défense des intérêts collectifs – ce que nous appelions auparavant l’intérêt général – et les libertés des individus. Ce faisant, il a privé le décideur politique (le ministre) ou administratif (le préfet ou le maire) d’une grande partie de son pouvoir. Il le soumet à tout moment au contrôle du juge. Il multiplie les voies de recours qui entravent son action. On est arrivé à cette situation absurde où l’administration, convoquée comme coupable dans les procès engagés par des tiers, est contrainte de prendre des avocats pour se défendre.

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    La mosquée radicale de Pantin, qui avait critiqué sur Facebook le professeur assassiné à Conflans Sainte Honorine, est menacée d’une fermeture administrative de 6 mois © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA Numéro de reportage : 00986850_000004

    Les autres mesures prises par les préfets à la demande du ministre de l’Intérieur (il n’existe plus beaucoup de mesures que les préfets prennent de leur propre chef) concernent le droit des étrangers. Dans ce domaine, l’action est plus compliquée encore, car la loi a ajouté au contrôle du juge administratif celui du juge judiciaire, investi du rôle de « juge des libertés ». Le ministre a annoncé des expulsions, mais en l’écoutant attentivement, les spécialistes ont compris qu’il ne parlait pas d’expulsion, mais de reconduite à la frontière, ce qui n’est pas la même chose. La reconduite à la frontière concerne les individus de nationalité étrangère vivant en France en situation irrégulière. Ce sont pour l’essentiel des étrangers qui ont passé la frontière sans en avoir été autorisés (des clandestins) ou des déboutés du droit d’asile invités à quitter la France, mais qui y sont restés. L’expulsion concerne, en revanche, des étrangers admis à séjourner en France. Cette confusion a conduit plusieurs commentateurs de la presse télévisée à soulever, par ignorance, la question enterrée de la double peine, sans comprendre que la reconduite de personnes incarcérées n’est pas un effet de leur condamnation, mais de leur situation au regard du droit au séjour. La plupart des prisonniers en situation irrégulière font l’objet d’une mesure de reconduite, parce que l’administration, les ayant sous la main, préfère les cueillir à la sortie de leur détention plutôt que d’attendre qu’ils se soient volatilisés dans la nature. De ce point de vue, la portée de l’annonce est assez relative.

    Répondre aux actes criminels de l’islam politique par des mesures de police des étrangers ne suffit pas à éradiquer le mal, car nous savons, depuis longtemps, le loup dans la bergerie. Une grande majorité des agitateurs, des sympathisants et des exécutants/exécuteurs de l’islam politique est de nationalité française. Beaucoup sont même des Français d’origine française. Mais il va de soi que commettre un crime dans un pays où l’on ne vit que comme invité ne mérite aucune clémence.

    Peu de reconductions pour les étrangers en situation irrégulière

    Les reconduites à la frontière sont mises en œuvre par les préfets et leurs services. Il faut reconnaître que, dans ce domaine, le gouvernement fait mieux que les précédents. Pourtant, les difficultés de procédure ne manquent pas. En 2018 (ce sont les derniers chiffres connus), 110 000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, 39 400 ont été placés en centre de rétention administrative (dont 25 300 en métropole), mais seuls 15 700 ont été effectivement reconduits, dont seulement 7 300 vers des pays autres que ceux de l’Union européenne. Cette incroyable déperdition est liée à toute une série de facteurs. Dans près de la moitié des cas, l’administration n’a pas réussi à récupérer à temps le laissez-passer consulaire (LPC) qui permet à l’étranger de prendre l’avion ou le bateau, ce dernier ayant pris soin de faire disparaître son passeport. Certains pays rechignent, et on les comprend, à fournir ce document pour ne pas avoir à accueillir chez eux des individus hautement indésirables. Beaucoup contestent même leur nationalité, y compris lorsque tout les désigne. Et la France ne dispose, en la matière, d’aucun fichier fiable.

    Grâce à un meilleur dialogue avec les États concernés, la délivrance des LPC a été améliorée, mais elle est loin d’être satisfaisante. Si l’on prend l’exemple de l’Algérie, pourtant le premier pays d’émigration vers la France, seuls 1 800 éloignements ont été exécutés sur 13 900 mesures prononcées. Le Quai d’Orsay, sur ce point, devrait montrer plus d’empressement à accompagner les démarches du ministre de l’Intérieur.

    Manque de diligence des pays d’origine

    Mais le problème ne tient pas qu’au manque de diligence des pays d’origine, il tient aussi aux délais qu’on leur impose, contraints eux-mêmes par la durée de la rétention. Quand la référence européenne est de dix-huit mois, la France, elle, n’applique qu’une durée maximale de quatre-vingt-dix jours (elle a doublé en 2018). Et si elle ne peut faire mieux, c’est parce que les centres de rétention sont saturés et qu’il n’est pas prévu d’en construire d’autres. Nous sommes là dans la même situation que pour les prisons ou les centres éducatifs fermés, la question des murs conditionne les orientations politiques. La construction coûte trop cher dans un pays qui perd chaque année une partie de ses capacités d’investissement. La question est d’autant plus incompréhensible que les entreprises françaises construisent partout en Europe des centres adaptés et moins coûteux. Avec seulement 23 centres de rétention, en métropole, pour 1 571 places, la France ne possède que 4,7 % des capacités de l’Union européenne, alors qu’elle est le premier pays d’accueil des demandeurs d’asile. Il faut donc en construire et trouver un mode de gestion plus économe (le coût de fonctionnement est de 215 millions d’euros par an), en confiant au secteur privé ce qui ne relève pas stricto sensu de la compétence de la police.

    L’obstacle des LPC n’est pas le seul. Les personnes placées en rétention sont invitées à saisir à la fois le juge judiciaire, sur le fondement de la privation de liberté, et le juge administratif, sur la légalité de la mesure prise par le préfet. En 2018, 4 600 étrangers ont été libérés par un juge judiciaire, 1 750 par un juge administratif. Par ailleurs, même si le droit l’autorise, il devient de plus en plus difficile d’éloigner des familles entières, et donc des parents, cette position de principe étant intervenue pour répondre aux exigences d’associations issues du corps enseignant.

    Comparée à la reconduite, l’expulsion est rarement mise en œuvre. Elle concerne à titre principal les étrangers en situation régulière qui présentent une menace grave pour l’ordre public, qu’ils aient été ou non condamnés. Les activités à caractère terroriste sont précisément visées par le Code. La personne menacée par une procédure d’expulsion est convoquée devant une commission d’expulsion, qui se réunit au tribunal de grande instance et comprend son président, un magistrat de l’ordre judiciaire et un magistrat de tribunal administratif. J’ai un souvenir assez cuisant de cette procédure. Elle concernait un imam considéré comme très dangereux officiant dans une salle de prière de la région parisienne. N’ayant jamais auparavant participé à une commission, je pensais m’y retrouver entre personnes de bonne compagnie. Je fus mis au banc des accusés, mortifié, obligé de justifier une mesure qui tombait pourtant sous le sens, quand le prévenu, de son côté, était interrogé avec égards. Les rapports émis sur l’individu provenaient d’un service de renseignement non autorisé à les signer, et les juges n’entendent pas les arguments formulés par des institutions anonymes. Heureusement pour moi, ce sinistre personnage avait fait violer sa fille de 13 ans pour la marier de force et cet acte odieux a fini par emporter la conviction du juge.

    Il est parfois difficile d’être seul contre tous, quand vous savez de surcroît qu’une mesure prise en application d’un texte de loi peut être contestée par votre ministre lui-même parce qu’entre-temps un groupe de pression influent a fait valoir son point de vue. Tout en sachant qu’on vous reprochera une absence de mesure si cette défaillance conduit à un acte criminel, comme l’a appris à ses dépens un ancien préfet de Lyon.

     

     
    Michel Aubouin est un haut fonctionnaire, essayiste français et ancien préfet. Il a publié une dizaine de livres, dont une Histoire de la police, signée avec Jean Tulard. Ses deux derniers ouvrages sont des biographies, consacrées l'une au révolutionnaire Brissot et l'autre à Madame de Staël.
     
  • Islamisme et République, les deux ennemis de la France, par Phi­lippe Schneider.

    L’ÉDITORIAL de la Lor­raine Royaliste

    Dans le numé­ro 3700 du remar­quable heb­do­ma­daire « La France Catho­lique » (1), j’ai –entre autres – rele­vé un article de Fré­dé­ric Guillaud inti­tu­lé : La Répu­blique, l’Islam et Hegel… Il s’interroge sur les réac­tions après les der­niers atten­tats (déca­pi­ta­tion du pro­fes­seur Paty et tue­rie dans une église à Nice) en redou­tant la sur­ve­nue d’autres…

    Ces ter­ro­ristes atta­quaient la France non la répu­blique qui n’est « qu’une somme de droits for­mels et de prin­cipes abs­traits ». Elle n’est que néga­tions : « Son seul sacré, écrit-il, la désa­cra­li­sa­tion. Son seul conte­nu : l’ironie à l’égard de tout conte­nu. La Répu­blique n’a ain­si qu’un pro­gramme à offrir pour nour­rir l’âme et pour com­battre l’ennemi : le vide ». Il rap­pelle ensuite qu’il y a une res­sem­blance éton­nante entre l’islamisme et la nais­sance de la répu­blique : fana­tisme, déca­pi­ta­tions, des­truc­tions des œuvres du pas­sé, du patri­moine his­to­rique… Il conclut son article en écri­vant : « Le deux grands cultes ido­lâ­triques de notre temps – l’islamisme d’un côté et l’égalitarisme abso­lu de l’autre – sont incom­pa­tibles avec la nature des choses et sté­ri­lisent la vie spi­ri­tuelle et morale. Il est donc par­fai­te­ment absurde de sau­ter sur sa chaise en répé­tant que la Répu­blique est le rem­part contre l’Islam : la Répu­blique n’a rien à oppo­ser de concret aux fana­tiques musul­mans. Après avoir fait le vide chez nous et fait de notre pays un ter­rain vague, elle leur pro­pose de faire le vide chez eux. Mais la nature a hor­reur du vide. Le seul rem­part, c’et la France. »

    Tout ceci est très juste mais qui parle encore de la France aujourd’hui chez nos diri­geants ? Ils n’ont que le mot « répu­blique » en tête ou « valeurs répu­bli­caines » ( ?) qu’ils se gardent de défi­nir et pour cause car elles n’existent pas ! Les seules « valeurs » que pré­co­nisent nos gou­ver­nants semblent être que la volon­té de détruire la France en déni­grant son his­toire, sa culture, sa langue… Elle n’est pour eux qu’une région qui doit se fondre dans une Europe supra natio­nale voire dans un mag­ma mondial.

    Quelle réponse au dan­ger ter­ro­riste ? Le gou­ver­ne­ment va faire une loi non contre l’islamisme, ou le sépa­ra­tisme (mot ne vou­lant pas dire grand-chose !) mais loi « confor­tant les prin­cipes répu­bli­cains » ( ?). Pour défi­nir cet inti­tu­lé, on hésite entre « risible », « stu­pide » ou « affli­geant ». Je pren­drai plu­tôt le der­nier pour dési­gner ceux qui ont trou­vé cette nomi­na­tion… Nous voyons bien là le « vide » de leur pen­sée ! Dans cette loi, il n’y a rien de sérieux pour com­battre le ter­ro­risme isla­mique, le seul auquel nous sommes confron­tés aujourd’hui. Rien sur l’immigration en par­ti­cu­lier. Il est amu­sant de consta­ter que nos diri­geants, géné­ra­le­ment athées, rai­sonnent sur l’Islam avec un prisme catho­lique : Ils consi­dèrent l’Islam comme une reli­gion à l’image du Catho­li­cisme. Ain­si ils ne veulent pas voir qu’il n’y a pas chez eux de sépa­ra­tion entre le reli­gieux et le poli­tique, l’Islam étant avant tout une loi civile, une manière de vivre, devant s’imposer à tous. Par ailleurs, ils oublient qu’il n’y a pas de « cler­gé » dans la reli­gion musul­mane (sauf chez le chiites), pas de hié­rar­chie, qu’un Imam peut-être « auto­pro­cla­mé » et que celui qui aurait reçu une for­ma­tion n’est pas « supé­rieur » à un autre qui ne l’est pas… Il n’y a pas de contrôle pos­sible à moins de créer une sorte d’Islam fran­çais diri­gé par l’Etat, ce serait stu­pide et d’ailleurs non sui­vi – à juste rai­son – par les musul­mans français.

    La seule pos­si­bi­li­té d’éviter au maxi­mum le « sépa­ra­tisme » serait déjà (à défaut d’en conver­tir le maxi­mum au catho­li­cisme, ce qui serait l’idéal et, heu­reu­se­ment, beau­coup d’organisations catho­liques s’y emploient par le dia­logue comme les mis­sion­naires de la misé­ri­corde divine) serait de leur faire aimer la France, toute la France avec son his­toire, sa culture. Mais c’est l’inverse que nos gou­ver­nants avec l’Éducation dite natio­nale font. Et, hélas, le pré­sident montre le mau­vais exemple avec ses déclarations.

    Si cette loi échoue­ra dans son objec­tif avoué, elle risque de réus­sir dans son véri­table objec­tif qui est de réduire encore les liber­tés des Fran­çais. C’est en par­ti­cu­lier affi­ché dans la volon­té de sup­pri­mer la liber­té des parents de don­ner un ensei­gne­ment chez eux. Certes, notre gou­ver­ne­ment dit qu’en Alle­magne, c’est déjà le cas, oubliant de signa­ler qu’il s’agit chez eux d’une loi de 1938… Macron serait-il un admi­ra­teur du dic­ta­teur qui y sévis­sait  à ce moment là ? Il est pro­bable que ce n’est qu’un pré­lude, si on le laisse faire, à la sup­pres­sion des écoles libres hors contrat…

    Dans son très bon livre (La France a besoin d’un Roi) que nous évo­quons dans ce numé­ro, le père Michel Viot écrit fort jus­te­ment : « La royau­té héré­di­taire est fon­dée sur le res­pect des règles fami­liales et donc sur le res­pect total de sa struc­ture fon­da­trice : la famille. Y tou­cher pour la défi­gu­rer ou la tra­ves­tir, c’est faus­ser le sys­tème poli­tique lui-même sur qui devrait repo­ser la France. N’oublions jamais que tous les régimes tota­li­taires, aus­si bien que ceux qui ont vou­lu por­ter atteinte aux liber­tés fon­da­men­tales de l’individu, se sont tou­jours ingé­niés à cor­rompre la famille, et à lui prendre ses enfants le plus tôt pos­sible pour les for­ma­ter à son idéo­lo­gie. En France, le roi ne peut être roi que parce qu’il est le chef d’une famille. C’est ain­si qu’il pou­vait appa­raître comme étant aus­si le père de ses sujets…. »

    Tout est dit et notre gou­ver­ne­ment pour­suit bien la poli­tique répu­bli­caine de des­truc­tion des struc­tures même de notre pays et d’abord de la famille.  Il faut pour eux que les indi­vi­dus soient dés­in­car­nés, seuls, inter­chan­geables, faci­le­ment mani­pu­lables par les groupes éco­no­miques et finan­ciers pour leurs plus grands pro­fits. Il faut abso­lu­ment empê­cher les hommes de s’organiser libre­ment. Le même but est pour­sui­vi par toutes les direc­tives concer­nant offi­ciel­le­ment la lutte contre le « COVID 19 » sans comp­ter l’ambigüe loi sur la sécu­ri­té et  les dis­crets décrets  du 4 décembre auto­ri­sant de ficher les Fran­çais selon leur « opi­nions poli­tiques, reli­gieuses ou appar­te­nances syn­di­cales ». C’est la dic­ta­ture répu­bli­caine « en marche » !

    Il est temps que les Fran­çais se rendent compte que ce régime détruit nos liber­tés en même temps que notre pays et que seul notre Roi pour­rait nous sau­ver. Tous nos lec­teurs, tous nos amis doivent par­ti­ci­per acti­ve­ment à ce com­bat de salut public. Il n’y a pas d’espoir dans une « bonne élec­tion » républicaine !

    • 21 rue de Varize, 75016, Paris

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Balayons le défaitisme démocrate, par Philippe Germain.

    Il nous faut main­te­nant balayer le second argu­ment défai­tiste répan­du au sein du pôle « catho­lique et fran­çais toujours ».

    Il joue sur la note démo­crate du « cli­quet » et s’exprime de la façon sui­vante : « Il serait contre­pro­duc­tif de s’en prendre à la laï­ci­té répu­bli­caine car pour la très grande majo­ri­té des Fran­çais elle est un fait acquis ».

    philippe germain.jpgEffec­ti­ve­ment, si le pôle « catho­lique et fran­çais tou­jours » admet volon­tiers l’intérêt de consti­tuer un état d’esprit monar­chiste, l’entente est donc loin d’être acquise sur la remise en cause de la laï­ci­té répu­bli­caine. L’objection vient des esprits dési­reux de faire montre de bon sens et de modé­ra­tion. A l’inverse, les maur­ras­siens jugent qu’il n’est pas tout à fait sage de l’être trop. Alors reve­nons sur la laï­ci­té et sa soli­di­té dans les têtes françaises.

    • Les termes  laï­ci­té, laï­ci­ser, laï­cisme, laï­ci­sa­tion appa­raissent en 1871 car une nou­velle géné­ra­tion répu­bli­caine, anti­chré­tienne, posi­ti­viste et scien­tiste, oppose  la  rai­son  au catho­li­cisme. Elle joue sur les mots car le terme laïc dési­gnait le peuple chré­tien. Ce concept va lui per­mettre de construire la IIIème Répu­blique par des mesures chris­tia­no­phobes. Faut-il en énu­mé­rer ? En 1879, la Com­mis­sion des Hos­pices et des Bureaux de bien­fai­sance est laï­ci­sée ; en 1880, le repos domi­ni­cal obli­ga­toire est sup­pri­mé ; en 1881, les hôpi­taux et cime­tières son laï­ci­sés ; en 1882, l’enseignement reli­gieux est inter­dit dans les écoles publiques ; en 1884, les aumô­ne­ries mili­taires sont sup­pri­mées ;  en 1886, les reli­gieux sont inter­dits d’enseignement dans les écoles publiques ; en 1900 le ministre de la Guerre, orga­nise un sys­tème de déla­tion des offi­ciers « qui assistent à la messe » ; en 1903 plus de 400 congré­ga­tions sont inter­dites ; en 1904 les congré­ga­nistes n’ont plus le droit d’en­sei­gner et plus de 2.500 écoles reli­gieuses doivent fer­mer ; en 1905 la loi de sépa­ra­tion de l’Église et de l’État est votée ; en 1906 ce laï­cisme sou­met les biens des 70.000 églises à des inven­taires en uti­li­sant l’Armée.

     

    • Fina­le­ment la guerre de 14 – 18 intègre les catho­liques dans la Répu­blique. Sur­tout  la défaite du nazisme per­met à la laï­ci­té de se poser comme son rival et vain­queur et en1946 elle devient consti­tu­tion­nelle. La IVème  Répu­blique s’affirme d’abord indi­vi­sible, puis laïque, ensuite démo­cra­tique et enfin sociale. La laï­ci­té devient la reli­gion d’État, une reli­gion de sub­sti­tu­tion. C’est un dogme moderne, une affir­ma­tion infon­dée, pos­tu­lée, mais indis­cu­table. On ne jus­ti­fie pas la laï­ci­té mais on la défend.

     

    • Face à une Église en crise depuis Vati­can II, la laï­ci­té semble s’apaiser jus­qu’à 1989, ou l’Islamisation est expo­sée au grand jour par l’affaire des fou­lards de Creil. La laï­ci­té est en situa­tion de blo­cage. Et oui, cette reli­gion d’État étant la seule vraie,  elle ne tolère les autres que  dans la mesure où elles ne menacent pas la véri­té laï­ciste. Allez donc faire com­prendre cela aux musul­mans. La laï­ci­té répu­bli­caine devient LE pro­blème de la France. A la fois pour les fau­cons du laï­cisme (les catho­liques ont bien plié, pour­quoi pas les maho­mé­tans ?) mais aus­si pour les colombes laï­cistes du mul­ti­cul­tu­rel (il nous faut des voix !) car mal­gré la dif­fé­rence de méthodes, fau­cons et colombes laï­cistes visent le même but : le rejet du reli­gieux dans le domaine pri­vé des indi­vi­dus. Impos­sible pour un musulman.

    A l’issu de ces trois grandes étapes, « Dans un contexte natio­nal mar­qué par des débats ani­més et par­fois vio­lents sur la laï­ci­té », pour l’Observatoire de la laï­ci­té « il appa­raît néces­saire de recueillir régu­liè­re­ment l’opinion des Fran­çais sur la laï­ci­té ». Que voi­là un bien étrange sou­ci pour une laï­ci­té répu­bli­caine qui serait consi­dé­rée comme un fait acquis car pour la très grande majo­ri­té des français.

    Que révèle l’enquête de 2020 ?

    • Que la laï­ci­té répu­bli­caine est un prin­cipe de mieux en mieux com­pris mais… mais que des cli­vages géné­ra­tion­nels per­sistent quant à sa connais­sance et à son atta­che­ment. Tra­dui­sons, la laï­ci­té est sur­tout com­prise des papy-boo­mers pas­sés par le pilon­nage des cours d’instruction civique de l’école « à la Jules Fer­ry » des années 1945 – 1965. La com­pré­hen­sion des jeunes elle, a bais­sée de 10% dans la seule année 2019 !

     

    • Pas­sons sobre­ment sur le fait qu’« une large majo­ri­té (68%) la juge comme « ins­tru­men­ta­li­sée par les per­son­na­li­tés poli­tiques ». Ah bon ?

     

    • C’est sur­tout la conclu­sion finale qui mérite l’attention des « rai­son­nables » du pôle  « catho­lique et fran­çais tou­jours » : «  seule une mino­ri­té de Fran­çais estiment que « la laï­ci­té, en pra­tique, est un prin­cipe qui ras­semble ». En logique pro­po­si­tion­nelle cela se tra­duit par : une majo­ri­té de fran­çais estime que la laï­ci­té est un prin­cipe divi­seur ! Et boum, comme elle est crue la réalité.

    Alors oui, c’est vrai il est sou­vent repro­ché à l’Action fran­çaise de consi­dé­rer que sa force prin­ci­pale est d’avoir rai­son. Et on a par­fois rai­son, mais en l’occurrence sur les argu­ments que lui opposent les « gens sérieux » du pole idéo­lo­gique « catho­lique et fran­çais tou­jours », la série des échecs dans la créa­tion d’institutions repré­sen­ta­tives per­met­tant de diluer l’Islam dans la laï­ci­té ain­si que la per­cep­tion de l’opinion publique sur le reli­gion d’État, confirment bien la cré­di­bi­li­té de l’analyse de l’Action fran­çaise. A elle de convaincre les meilleurs élé­ments du pôle « catho­lique et fran­çais tou­jours » que le seul dilemme qui se pose est : L’Islamisation ou la monar­chie populaire.

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam menace prin­ci­pale », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immi­gra­tion islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne
    13. Le Prince chré­tien et la laïcité
    14. balayons le défai­tisme républicain

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • L’insolite silence de l’Elysée face aux inacceptables « exigences » algériennes, par Bernard Lugan.

    En parlant de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », Emmanuel Macron a ouvert une boite de Pandore qu’il ne pourra plus refermer. Déjà, le 15 juillet 2019, Mohand Ouamar Bennelhadj, secrétaire général par intérim de l’ONM (Organisation nationale des moudjahidines, les anciens combattants), avait appelé les députés algériens à voter une loi criminalisant la colonisation française. 

    bernard lugan.jpgMaintenant qu’il y a tout à craindre du rapport de la « commission Stora » sur la « mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » qui devrait remis au début de l’année 2021, voilà déjà les demandes de « réparations » qui s’accumulent. Certaines exigent la remise des archives de l’Algérie française, d’autres formulent des demandes de « dédommagement » s’élevant à 100 milliards de dollars !!!
    L’Etat semblant avoir renoncé à défendre l’image de la France et ses intérêts face à ces exigences à la fois surréalistes et insupportables, il ne reste donc que la réaction citoyenne et la mobilisation du « pays réel » à travers les réseaux sociaux. Tel est le but de cette analyse.
     
    Puisque le « Système » algérien veut faire les comptes, nous allons donc lui présenter l’addition de ce que l’Algérie a coûté à la France entre 1830 et 1962…sans parler du coût colossal de l’immigration depuis cette dernière date…
     
    Au mois de juillet 1962, au terme de 132 années de présence, la France avait créé l’Algérie, lui avait donné son nom, l’avait unifiée et lui avait offert un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé puisqu’elle n’avait jamais existé auparavant. La France avait drainé ses marécages, avait bonifié ses terres, avait équipé le pays, avait soigné et multiplié par dix ses populations. Elle avait également fait entrer dans la modernité des tribus jusque-là dissociées qui n’avaient jamais eu conscience d’appartenir à un tout commun supérieur.
     
    La France laissait en héritage à l’Algérie indépendante :
    - 70.000 km de routes, 
    - 4300 km de voies ferrées, 
    - 4 ports équipés aux normes internationales, 
    - une douzaine d’aérodromes principaux, 
    - des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), 
    - des milliers de bâtiments administratifs, de mairies, de casernes, de gendarmeries, 
    - 31 centrales hydroélectriques ou thermiques,
    - une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie, 
    - des milliers d’écoles, d’instituts de formation, de lycées, d’universités, d’hôpitaux, de maternités, de dispensaires, de centres de santé, etc.
     
    Tout cela avait été créé par la France, pensé et réalisé par des ingénieurs et des architectes français, et payé par les impôts des contribuables français.
     
    En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que le budget de l’Education nationale ou ceux, additionnés des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce. 
     
    Et cela, en pure perte car, économiquement, l’Algérie n’avait pas d’intérêt pour la France. Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient en effet des coûts supérieurs à ceux du marché. Ainsi, alors que le vin comptait pour près de 54% de toutes ses exportations agricoles vers la métropole, le prix de l’hectolitre qu’elle vendait à la France était largement supérieur à celui produit en Espagne, ce qui n’empêcha pas la métropole de se fermer au vin espagnol pour s’ouvrir encore davantage au sien… 
    En 1930, le prix du quintal de blé était de 93 francs alors que celui proposé par l’Algérie variait entre 120 et 140 f, soit 30 à 50% de plus. 
     
    Quant au pétrole, il avait lui aussi été subventionné par la France. Découverts en 1956, les hydrocarbures du Sahara furent mis en production entre 1957 et 1959, avec une exploitation qui débuta véritablement en 1961, quelques mois donc avant l’indépendance. Or, comme Daniel Lefeuvre l’a clairement montré, l’Etat français fut quasiment contraint d’imposer à des compagnies réticentes de s’investir dans cette production. En effet :
    - Le pétrole algérien devait obligatoirement être vendu sur le marché mondial car il était trop léger pour la transformation en fuel dont avait alors besoin l’industrie française.
    - A cette époque le marché mondial était saturé. L’URSS bradait ses huiles à bas prix et les gros producteurs du Moyen-Orient limitaient leur production. 
    - L’Algérie et la Libye arrivant en même temps sur le marché la chute des cours allait être accélérée, d’autant plus que le pétrole libyen était plus facile à exploiter et à écouler que celui d’Algérie.
    - Le brut algérien était cher : 2,08 $ le baril contre 1,80 $ au cours mondial. 
     
    Résultat : là encore, la France a surpayé un pétrole dont elle avait pourtant financé les recherches et la mise en exploitation, phénomène qui se poursuivra d’ailleurs après l’indépendance.
     
    Quant à l’immigration algérienne en France, et là encore, contrairement à tous les poncifs, elle n’a correspondu à aucune nécessité économique, l’absence de qualification et de stabilité de cette main-d’œuvre nécessitant la mise en place de mesures d’adaptation inutilement coûteuses. De plus, contrairement à la vulgate, l’afflux d’Algériens en métropole, dans les années 1950, n’a pas répondu aux besoins en main d’œuvre de l’économie française au cours des années de reconstruction ou des « Trente Glorieuses » puisque, sur 110 000 Algériens recensés en 1950 dans la région parisienne, Daniel Lefeuvre a montré que 50 000 n’avaient pas de moyens d’existence réguliers. De même, en 1957, sur 300 000 Algériens vivant en France le nombre de sans-emploi était de 100 000… 
     
    En Algérie où tout était plus cher qu’en métropole, année après année, la France a comblé la différence. Par comparaison avec une usine métropolitaine, l’ensemble des dépenses, salaires et accessoires était ainsi de 37% plus élevé en Algérie, ce qui faisait qu’une usine qui y était construite n’étant pas rentable, il lui fallait donc, non seulement un marché subventionné par la France, mais en plus un marché protégé… 
     
    Au lieu d’avoir pillé l’Algérie comme l’affirment contre la vérité historique et économique les dirigeants algériens, les culpabilisateurs et les « décoloniaux », la France s’y est au contraire ruinée. 
     
    Par le labeur de ses colons la France avait également permis à l’Algérie d’être alimentairement auto-suffisante. Aujourd’hui elle est le premier importateur africain de biens alimentaires pour un total annuel moyen de 12 à 14 milliards de dollars (Centre national algérien de l'informatique et des statistiques-douanes-CNIS). 
     
    Pour mémoire, en 1961, l’Algérie exporta 600.000 quintaux de grain et 700.000 quintaux de semoule. Aujourd’hui, la moyenne annuelle des importations de ces produits se situe entre 5 et 30 millions de quintaux par an. 
    L’Algérie n’exporte plus d’oranges alors qu’avant 1962, les exportations étaient de 200.000 tonnes. Elle n’exporte plus de tomates (elle en exportait 300 000 quintaux avant 1962), de carottes, d’oignons, de petits pois, de haricots verts, de melons, de courgettes etc., toutes productions qui faisaient la richesse de ses maraîchers avant 1962. Avant cette date, les primeurs algériens débarquaient à Marseille par bateaux entiers. Notamment les pommes de terre nouvelles dont les exportations annuelles oscillaient entre 500.000 et un million de quintaux alors qu’au 4e trimestre 2020, rien qu’en semences, et pour la seule France, l’Algérie en a importé 4300 tonnes (Ouest-France 14 décembre 2020). Toujours avant 1962, l’Algérie exportait 100.000 hectolitres d’huile d’olive et 50.000 quintaux d’olives tandis qu’aujourd’hui, la production nationale ne permet même pas de satisfaire la demande locale. La seule facture de lait en poudre et de laitages atteint en moyenne annuelle quasiment 2 milliards de dollars.
     
    Alors que la moitié de la population a moins de 20 ans, le pays est dirigé par des vieillards dont la seule « légitimité » repose sur le mythe de la résistance à la colonisation et sur d’auto-affirmations « résistancialistes » le plus souvent imaginaires. Quant aux nombreuses associations d’ « ayants-droit » auto proclamés acteurs ou héritiers de la « guerre de libération », dont les Moudjahidines ou Les enfants de martyrs, elles bloquent la jeunesse sur des schémas obsolètes qui tournent le dos à la modernité. Avec 6% de toutes les dotations ministérielles, le budget du ministère des Anciens combattants est ainsi supérieur à ceux de l'Agriculture (5%) et de la Justice (2%)…
    La cleptocratie d’Etat qui, depuis 1962 a fait main-basse sur l’Algérie indépendante a dilapidé l’héritage laissé par la France avant de détourner des dizaines de milliards de dollars de recettes gazières et pétrolières sans songer à préparer l’avenir. Après avoir ruiné le pays, il ne lui reste donc plus que son habituelle recette : accuser la « France coloniale ». 
    Et pourquoi cesserait-elle d’ailleurs de le faire puisque, à Paris, les héritiers des « porteurs de valises » boivent avec tant volupté au calice de la repentance…encouragés en cela par le président de la République lui-même…
     
    Pour en savoir plus, on se reportera à mon livre Algérie l’histoire à l’endroit.
     

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    Source : http://bernardlugan.blogspot.com/

  • « La droite doit prendre le thème de l’éducation à bras le corps ».

    Entretien avec Anne Coffinier, fondatrice de la Fondation Kairos pour l’innovation éducative.

     

    Kairos a organisé son premier colloque le 14 octobre 2020 sur le thème « école ambitieuse, meilleur antidote au séparatisme ». Cette nouvelle fondation créée en 2020 rayonne déjà et semble emboîter le pas à l’association Créer son école que vous avez dirigée pendant quinze ans. Pouvez-vous nous expliquer sa mission et en particulier sa dimension politique ?

    C’est vrai, la toute jeune Fondation Kairos démarre très fort ! Créée le 18 juin dernier, elle a organisé son premier colloque en octobre, et vient de soutenir huit premières écoles, dont cinq sont catholiques. Elle a aussi organisé un colloque à l’Institut de France traitant de la question de l’islamisme et de l’école. Pour créer Kairos, j’ai mobilisé tout ce que j’ai appris en quinze ans d’engagement pour la liberté d’enseignement à Créer son école, à la Fondation pour l’école, dans le cadre de la douzaine de fondations abritées dont j’ai pu accompagner le développement, à l’Institut Libre de Formation des Maîtres et enfin à Educ’France depuis 2019. Kairos ne remplace pas Créer son école et Educ’France mais s’inscrit en complémentarité forte avec ces entités pour créer un écosystème efficace. Quand j’ai fondé Créer son école en 2005, il n’existait pas de structure capable d’accompagner les écoles vraiment libres et leurs responsables, qu’il s’agisse des créateurs, des directeurs ou même des professeurs de ces écoles. L’action de Créer son école, souvent en partenariat avec d’autres structures d’ailleurs, a été décisive dans le développement de la formule hors contrat, qui donne la plus grande autonomie possible vis-à-vis de l’État et des programmes de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, Créer son école est reconnu comme le premier observatoire et le premier opérateur d’accompagnement des écoles indépendantes. C’est aussi un partenaire opérationnel de la Fondation Kairos. Quant à la dimension par définition politique de Kairos, elle est évidente : présidée par le chancelier de l’Institut qui est aussi un ancien ministre de droite, elle atteste que l’école libre est une thématique et avant cela une ambition qui devrait être naturelle à droite, au service de l’excellence et de l’individualisation des parcours, à rebours de l’uniformisation des esprits et du nivellement par le bas. Le combat pour la liberté scolaire est historiquement porté par la droite et embrasse l’ensemble du spectre du conservatisme, contre-révolutionnaire, libéral ou d’inspiration sociale ou encore néo-conservateur. La Fondation Kairos veut cependant dépasser cet héritage historique, et c’est là le fruit des réflexions sur la liberté scolaire nourries par ma collaboration avec Axelle Girard, dont l’expérience, le réseau et la connaissance de la chose publique constituent un apport stimulant. Pour défendre la liberté d’éducation, il faut aller au-delà de nos sympathies et de nos partenaires naturels, ouvrir de nouveaux fronts, nouer des alliances durables au service d’une cause qui, par définition, nous dépasse, puisqu’elle concerne l’avenir. De nombreuses familles engagées dans la liberté d’enseignement dans le cadre de l’instruction en famille ou des écoles libres hors contrat sont mues par une exigence académique et éducative forte pour leur enfant, le désir d’offrir un cadre d’éducation moins déconnecté de la nature, et une vive attention à la singularité des talents et des destins. Elles s’enracinent dans des milieux politiques diversifiés et un fort désir de pensée critique.

     

    Plus de 420 personnes ont été réunies pour le premier colloque que Kairos a organisé. Comment êtes-vous parvenue à faire converger les différents mouvements politiques autour de la vision de Kairos : « innover pour transmettre, transmettre pour innover » ?

    Le sujet – l’islamisme – était au cœur de l’actualité. Le 2 octobre, le président de la République avait prononcé le discours des Mureaux avec un fort volet sur l’éducation. Deux jours après, Samuel Paty était décapité devant son collège public. À Kairos, nous souhaitons traiter les sujets d’actualité en associant des responsables politiques d’horizons divers, des acteurs de terrain « parlant vrai », des penseurs et académiciens capables de remettre en perspective les problèmes. Pour ce premier colloque, cette ambition a pu être honorée, et notre deuxième colloque, sur l’avenir de l’école rurale, qui aura lieu le 27 janvier, est préparé dans le même état d’esprit. Il s’agit d’allier la rigueur scientifique, le pluralisme politique et le sens de l’action pragmatique pour contribuer à relever des défis qui se posent à nous.

    Deux mots peut-être sur notre devise. L’enjeu est de transmettre notre civilisation aux nouvelles générations, qui prend sa source dans Athènes et Rome, et Jérusalem. Pour y parvenir, il faut innover car les jeunes de 2020 ne sont pas ceux de la France rurale des années 1950. C’est le « innover pour transmettre ». Par ailleurs, cette transmission, si elle doit être résolument conservatrice, doit en revanche nourrir l’aptitude des jeunes à innover. D’où le « transmettre pour innover », typiquement arendtien.

     

    Un combat est mené pour maintenir la liberté scolaire : école hors contrat, école à la maison. Est-ce un combat plus idéologique que politique ?

    Le gouvernement a parfaitement raison de vouloir trouver les voies d’une lutte efficace contre l’islamisation de notre pays. Mais les mesures proposées sont mal ciblées et disproportionnées. Et tout le monde sait qu’il y a en France de farouches adversaires de la liberté scolaire qui, de toute façon, ne ratent pas une occasion d’essayer de s’en débarrasser. Le combat contre la liberté scolaire, quelle que soit la forme qu’il épouse, a toujours une dimension idéologique.

    Emmanuel Macron a annoncé que les mesures sur l’éducation qui allaient figurer dans sa loi sur le séparatisme devenue loi confortant les principes républicains étaient d’une radicalité comparable à celles des lois Ferry. Il n’est en effet pas exclu que l’assaut qu’il entend porter contre la liberté d’enseignement soit plus sauvage que celui d’un Mitterrand qui, par la loi Savary, voulut rien moins qu’absorber l’école libre dans l’Education nationale. En effet, en prétendant interdire l’instruction en famille, c’est la légitimité éducative de la famille qui est niée. Il n’y a là rien à envier à un Barère ou à un Danton qui affirmaient en 1793 que l’enfant appartenait à l’État et non à sa famille. Après l’instruction obligatoire à 3 ans et l’école obligatoire pour tous, c’est la mise hors la loi des parents en tant qu’autorité éducative qui se profile.

    Défendre la famille et son droit inaliénable à choisir par priorité l’éducation et l’instruction de ses propres enfants semble une priorité. Si c’est être de droite ou faire de l’idéologie que de défendre de telle évidence, alors soit !

     

    Toutes les associations à but non lucratif sont des associations de loi 1901. À l’heure où certaines associations (sportives, etc.) sont radicalisées, que pensez-vous de ce système juridique pour les écoles hors contrat, les avantages et les inconvénients de la loi 1901 ?

    En matière éducative, le radicalisme islamique se loge plutôt dans les structures informelles non déclarées, dans les cours de soutien ou les cours de langue et de religion. Le problème ne me semble pas résider dans la loi 1901. Notre problème se situe dans le fait que l’Etat prétende se battre contre un mal qu’il ne se sent pas en droit de désigner. Il est tout de même incroyable que le projet de loi contre le séparatisme ne contienne pas une seule fois, en 54 pages, le mot islamisme. La raison en est simple : dans l’état actuel de notre droit, l’islamisme n’est pas un délit. Seul le passage à l’acte l’est. Du coup, ces nouvelles lois risquent de réduire ou d’annihiler des libertés qui profitaient à tous, et qui constituaient le tissu même de notre démocratie, sans pour autant supprimer la menace islamiste. Les familles et les écoles catholiques ne seront pas épargnées par ces mesures liberticides.

     

    Face à la menace d’Emmanuel Macron de fermer les écoles privées hors contrat, vous rappelez le problème de l’application de la loi et vous donnez des solutions concrètes pour lutter contre les écoles clandestines. Avez-vous pu présenter ces solutions au ministre de l’Education ?

    Le projet de loi apporte une amélioration pour démanteler les écoles de fait, donc non déclarées. En revanche, il supprime sans motif l’instruction en famille qu’il criminalise par la même occasion. De plus, il accroît la pression sur les écoles libres hors contrat en se dotant de moyens de les fermer sans plus avoir besoin d’en expliquer la nécessité préalablement au juge. Alors qu’elle est juge et partie, l’Education nationale se voit donner le pouvoir de fermer les écoles hors contrat très facilement, donc de fermer ses concurrents, qu’on le veuille ou non. C’est pernicieux. D’autant plus qu’on ne parle pas seulement de motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité des enfants mais aussi de motifs liés aux choix pédagogiques et donc, au fond, à la liberté d’enseignement. De surcroît, de lourdes sanctions pénales ont été introduites à l’encontre des directeurs qui n’opéreraient pas dans les délais impartis les modifications de l’enseignement demandées par le rectorat dans le cadre d’une mise en demeure. Avec une telle épée de Damoclès sur la tête, il sera bien difficile de trouver des candidats au poste de directeur d’école libre !

    Nous avons des échanges au niveau des cabinets du ministère de l’Intérieur et de l’Education nationale sur tous ces aspects. Nous mettons notamment l’accent sur le caractère contreproductif de certaines des mesures phares du projet de loi. Mais il est clair que c’est le juge constitutionnel qui seul pourra freiner cette dérive exagérément liberticide. A nous tous de faire monter le sujet dans les médias pour faciliter une saisine constitutionnelle dans de bonnes circonstances.

    Plus largement, on se retrouve confronté à un problème récurrent : l’habitude du pouvoir politique de traiter les problèmes en prenant des lois, là où il faudrait surtout appliquer courageusement le cadre légal déjà en vigueur. Un exemple ? Les enfants instruits en famille ne seraient inspectés qu’à 70 % d’entre eux et les écoles hors contrat ouvertes dans l’année qu’à 80 % selon les dires du gouvernement. Dans les deux cas, la loi fait obligation d’inspecter à 100 %. Il est donc urgent que les inspecteurs inspectent… avant de changer la loi. Rappelons que nous sortons de loi Gatel de 2018 puis de la Loi sur l’école de la confiance de 2019. Nous ne pouvons tout de même pas avancer au rythme d’une loi par an pour restreindre toujours plus la liberté d’enseignement alors que – faut-il le rappeler ? – les problèmes se situent d’abord dans l’école publique qui scolarise 80 % des enfants.

     

    Vous êtes qualifiée par Le Monde « de figure emblématique de la liberté scolaire ». L’ISSEP est concerné par la liberté scolaire : par sa structure et sa formation. Quels conseils pouvez-vous donner, spécialement aux étudiants qui souhaitent s’engager dans le combat de la liberté scolaire ?

    La droite doit effectivement prendre le thème de l’éducation à bras le corps. Elle a cessé de penser la question éducative depuis 1984 environ, comme me le confiait un jour le député Xavier Breton, et ça se voit ! Le fait de remettre plus d’autorité et de discipline à l’école publique et de réhabiliter des méthodes éducatives structurées et enracinées dans la culture classique ne suffit pas à répondre aux défis éducatifs actuels. La droite doit cesser d’être à la remorque de la gauche pour l’éducation et la culture, si elle veut reconquérir un jour le pouvoir.

    Concrètement, j’inviterais volontiers les meilleurs d’entre vous à nous rejoindre, à créer des écoles qui allient ambition académique, souci méritocratique, volonté de transmettre le trésor de notre civilisation, et ouverture aux innovations pédagogiques et technologiques.

    Quant au combat pour la liberté d’enseignement, il y a deux visions possibles : celle qui consiste à soutenir avant tout un petit nombre d’écoles déjà existantes et celle qui consiste à défendre, éventuellement par l’attaque, le principe même de la liberté scolaire. Ce n’est pas la même chose. Et vous l’aurez compris, mon combat se situe dans la seconde perspective et j’invite à me rejoindre ceux qui ont compris que l’égalité des chances passait aujourd’hui par l’essor des écoles libres et par la démocratisation de l’accès à l’école de son choix.

    Propos recueillis par Hélène Patmet

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Fortune de France, par Frédéric Aimard.

    L’actualité pour les royalistes français, c’est la décision du comte de Paris d’attaquer en justice la Fondation Saint-Louis que son grand-père avait constituée en 1976. L’essentiel du patrimoine de la famille de France était transmis à la fondation, évitant ainsi d’être réduit en miettes au profit de la multitude de descendants du Prince mais aussi de ses trois sœurs… qui pouvaient réclamer leur part. Notre droit républicain ne reconnaît ni droit d’aînesse, ni privilège à la transmission de mâle en mâle (ni certaines formes de majorat qui existent ou ont existé en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suisse) .

    On sait ce qu’il est advenu du château d’Ansouis en 2008, vendu à la bougie. Heureusement, la duchesse de Sabran-Pontévès, auteur de "Bon sang ne saurait mentir" où elle racontait ses efforts pour maintenir un héritage millénaire dans sa famille, n’était plus de ce monde !
    Probablement serait-il arrivé la même chose à Amboise, Dreux et Bourbon-l’Archambault et autres immeubles… si Henri VI, comte de Paris, n’avait pas pris cette décision apparemment sage avec la compréhension du président de la République Valéry Giscard d’Estaing.
    On a beaucoup glosé sur la fortune de ce comte de Paris qui s’était trouvé à la tête d’un immense patrimoine à la mort de son père le duc de Guise en 1940 et dont les médias à sensation ont affirmé, à sa propre mort en 1999, qu’il avait tout dilapidé. Cette richesse provenait du roi Louis-Philippe et de ses enfants. Lors du second Empire, Napoléon III avait obligé les princes d’Orléans à s’exiler et à réaliser leurs biens. Mais il avait probablement fermé les yeux sur un système de prête-noms qui avait permis à ceux-ci de garder une bonne part de leur ancrage en France. Cela a été bien raconté très récemment par Yannick Vanacker dans sa monographie sur le château du Nouvion-en-Thiérache ("Un château au cœur de la Thiérache") dont nous avons parlé dans notre n° 36 du 7 octobre 2020. C’est dans ce château, hérité du duc d’Aumale, que le comte de Paris était né le 5 juillet 1908. En lisant ce livre, on comprend que cette transmission n’a été possible que grâce à des juristes et gestionnaires remarquables et remarquablement fidèles à des principes et à une Famille. Ensuite on constate que les bases économiques de telles fortunes ne sont pas immuables. Déjà, du temps du duc de Guise, le domaine du Nouvion ne permettait plus de soutenir le train de vie d’une famille princière et cela ne fut pas sans incidences sur la décision de celle-ci d’aller s’installer au Maroc.
    Du reste, on voit bien que la partie la plus visible de l’héritage du duc d’Aumale, le domaine de Chantilly, léguée à l’Institut de France, et qui était rentable au moment du legs du fait des fermages, de l’exploitation forestière, d’une petite activité industrielle, etc., est devenue un fardeau pour l’Institut car les biens en forêts ou terres agricoles ont beaucoup perdu de leur valeur. Il me souvient d’un scandale vite étouffé, dans les années 1960/1970 où on disait que des administrateurs assoupis et peu scrupuleux avaient laissé le domaine à l’abandon, non sans profiter pour eux-mêmes ou leurs proches d’avantages indus… Qu’en était-il ? Quelque rapport cinglant eut sans doute le sort de tous les rapports de ce genre. Mais Chantilly fut ensuite sauvé par une meilleure valorisation. Le tournage d’un James Bond, sur ses terrasses en fut le symbole. La fréquentation du musée augmenta grâce à des expositions prestigieuses. Or qu’entend-on actuellement ? La crise de la covid a mis par terre ce redressement, la billetterie étant au point mort, le mécénat en berne. Le musée Condé serait ruiné, devra licencier, si l’État ne lui porte secours…

    Pourquoi voudrait-on que la fortune du comte de Paris Henri VI ait connu un meilleur sort ? Je n’ai jamais cherché à savoir quoi que ce soit sur ces questions. Mais il se trouve que lors de mon service militaire j’avais pour compagnon de chambrée un jeune homme dont le père avait été un des gestionnaires de la fortune du comte de Paris. Cela s’était très mal passé. Déjà à l’époque, on disait que le Prince avait été ruiné. Celui-ci pensait-il que son homme de confiance avait outrepassé son mandat et avait pris des risques inconsidérés ? Le soupçonnait-il de s’être enrichi au passage ? C’est ce que m’affirma plus tard un mondain qui connaissait un peu les uns et les autres… Tout ce dont je peux témoigner, c’est de la haine profonde du jeune homme à l’égard du Prince sur lequel il faisait reposer la responsabilité de ces malheurs probablement boursiers et du renvoi de son père…

    Pour expliquer un – relatif – appauvrissement, il ne faudrait tout de même pas oublier que le Prince a financé durant de longues années une action politique très ambitieuse. Contrairement aux hommes politiques ordinaires qui, trop souvent, s’enrichissent dans leur action, il a, lui, payé de ses deniers campagne, journaux, voyages, réceptions…
    Autre histoire dont nous avons entendu parler, sans trop chercher non plus à approfondir : les déboires du comte de Clermont. Le fils aîné du prétendant, s’était lancé, à un moment, dans l’exportation de produits industriels français. Des journaux parlaient de locomotives vendues en Argentine. Imprudent, mal conseillé, voire pire, il se retrouva, semble-t-il, comptable d’une dette énorme. L’histoire dit que son père la combla en vendant un immeuble situé sur l’esplanade des Invalides (rue de Constantine), légué par une dame royaliste dans le but de fournir un logement au Dauphin de France. Le fameux logement de fonction qui fait aujourd’hui défaut au prince Jean.
    La fortune, les affaires, ce sont toujours choses compliquées et fragiles. En témoignent les profils contrastés d’un Vincent Bolloré ou d’un Arnaud Lagardère pour rester dans une actualité chaude très illustrative.
    Les hommes de loi et d’affaires doués et fidèles ont manifestement fait défaut dans la gestion du patrimoine de la Famille de France. En 2015, la justice a estimé qu’une partie des biens meubles – du mobilier, des œuvres d’art, des bijoux… – dont la Fondation Saint-Louis s’estimait dépositaire, devait en fait revenir aux descendants du comte et de la comtesse de Paris (qui ont eu onze enfants dont le prince François tué en Algérie en 1965 à 25 ans, sans héritier, et le prince Thibaut mort en 1983 à 35 ans en laissant un fils, Robert actuel comte de la Marche…) Il paraît que les notaires n’avaient pas fait leur travail correctement ! Cela n’avait pas été faute d’y avoir mis nombre de juristes y compris des services de l’État… Toujours est-il qu’on révéla à cette occasion que cette fortune n’avait donc pas été dilapidée dans les proportions où cela avait été dit complaisamment, mais qu’elle était conservée dans les garde-meubles du Crédit municipal ou dans des salles du château d’Amboise. Pour peu de temps encore, puisque le produit d’une vente aux enchères fut réparti entre les héritiers naturels. Du fait des Enfants de France réclamant leur dû, la Fondation Saint-Louis se trouvait dépossédée de certains biens meubles mais conservait les biens immobiliers. Pour combien de temps ?
    L’actuel comte de Paris estime que la Fondation Saint-Louis, dont il est président d’honneur statutairement, a pour objectif d’apporter un soutien à la Maison de France dont il est le représentant principal de par l’application des anciennes lois dynastiques. À ce titre, il estime notamment qu’il doit pouvoir bénéficier gratuitement d’une sorte de logement de fonction dans une maison qu’il occupait, après sa mère, dans le domaine de la nécropole royale de Dreux. Il vient d’en claquer la porte parce que les administrateurs de la Fondation semblent avoir une vision différente de leur mission et de la réglementation. On voit bien que, par exemple, le château d’Amboise joue cavalier seul, très actif sur les réseaux sociaux, sans jamais une référence à la Famille de France, comme si elle n’existait pas, n’avait aucun rapport avec le monument…
    Le droit républicain joue en principe pour ces administrateurs en roue libre plutôt que pour le Prince. On se souvient trop de l’imprudence judiciaire du comte de Clermont, poursuivant devant les tribunaux français son cousin Bourbon d’Espagne qui prétendait porter un titre français. Les juges refusèrent de lui donner raison, convaincus peut-être par les raisonnements hors sol (c’est le cas de le dire) de l’ancien Garde des sceaux Jean Foyer.
    Que sont les juges ? Il suffit de lire le dernier livre de Me Régis de Castelnau ("Une justice politique") pour se confirmer dans l’idée que le droit qu’ils appliquent est fortement tributaire de l’époque et du milieu dans lesquels ils évoluent. Alors ce procès du comte de Paris contre la fondation Saint-Louis est-il une bonne idée ? Assurément non. Car un arrangement même mauvais vaut toujours mieux qu’un bon procès. Avait-il le choix ? A-t-il de bons avocats ? Ce n’est pas certain.
    Frédéric Aimard
    Photo = Le château d'Amboise © Philippe Delorme
    Chers amis,
    Mon article ci-dessus provient de la lettre de Dynastie, une publication royaliste indépendante qui arrive bientôt à son 60e numéro depuis juillet 2019. Merci de vous rendre sur le site qui héberge les anciens numéros pour voir de quoi il retourne.
    Et si vous pensez que cette initiative mérite votre soutien, merci encore plus d'envoyer un chèque de 20 euros pour un abonnement. A l'ordre de SPFC-ACIP 60, rue de Fontenay 92350 Le Plessis-Robinson (en précisant "abonnement Dynastie 2021").
     
  • La liberté, une valeur à repenser à la lumière de la morale, par Yves Morel.

    Les libertés naturelles sont supprimées. Mais il faut bien dire que l'homme a considérablement altéré la nature elle-même. Ces libertés disparues préluderaient-elles à une véritable remise en cause de notre modèle de “développement” ?

    La crise sanitaire actuelle a sérieusement écorné notre liberté. Tous, en France comme ailleurs, nous avons subi des contraintes, des obligations, des interdictions, des restrictions, des contrôles et des sanctions proprement impensables depuis soixante-quinze ans.

    Des privations de liberté naguère inconcevables

    Qui aurait osé imaginer sérieusement, depuis 1945, qu’en pleine paix, sans guerre ni crise politique ou économique majeure, sans dictature, nous nous verrions interdits de circuler librement sans devoir justifier auprès des autorités policières d’une raison impérieuse, attestée par des documents la prouvant, sous peine d’amende, de condamnation par un tribunal, voire d’emprisonnement ? Qui aurait imaginé le port du masque obligatoire partout dans l’espace public ? Qui aurait imaginé l’institution d’un couvre-feu, comme sous l’Occupation ? Qui aurait osé imaginer que le gouvernement ordonnerait, sous peine de sanctions graves, la fermeture des cafés, des restaurants, des salles de spectacles, de sport et de culture ? Qui aurait imaginé qu’il mettrait directement ou indirectement quantité d’entreprises en faillite, ou au bord de la catastrophe financière ? Qu’il accroîtrait ainsi le nombre des chômeurs et autres demandeurs d’emplois ? Qu’il mettrait l’économie quasiment sous perfusion, en même temps qu’il mettait la population sous cloche ? Qu’il obligerait presque tous les travailleurs du tertiaire à télétravailler sans sortir de chez eux ? Qui aurait imaginé le retour des files d’attente devant les magasins ?

    On ne fait plus ce qu’on veut en France, ni en Europe occidentale ou en Amérique du nord, c’est-à-dire dans toutes ces contrées de l’Occident évolué, terres de liberté sans frein, de progrès, de prospérité et de bien-être. Après sept ou huit décennies de libéralisme total que rien ne semblait devoir contenir, qui aurait prévu un tel renversement d’orientation ? Depuis le milieu du XXe siècle, les seules limites à la liberté individuelle étaient celles des moyens matériels pour agir à sa guise. Circuler, sortir le soir pour se donner du bon temps, voyager, dépendait des ressources pécuniaires et autres moyens matériels, non du bon vouloir de l’État. Les gens pouvaient bien ressentir l’impression pénible de ne pas être effectivement libres, d’être enchaînés, de par la nécessité de travailler pour vivre, à une activité professionnelle harassante et mal rémunérée, d’être assujettis au système « métro-boulot-dodo », d’être obligés de se serrer la ceinture pour des raisons de nécessaire économie, de ne pouvoir accéder (sinon très difficilement, et au prix de lourds sacrifices) à la propriété, de ne pouvoir voyager, etc. Ils ne se savaient pas moins théoriquement libres d’aller et venir, de quitter leur région, de faire des folies, et de décider souverainement de leur destinée et de leur mode de vie.

    Il en va désormais autrement. L’État, à tout moment, peut restreindre les libertés qui nous semblaient si naturelles depuis si longtemps. Et il nous impose, depuis déjà un an, un mode d’existence fondé sur la contrainte et la surveillance.

    Une situation catastrophique pourtant prévisible

    Devons-nous le regretter ? Nous avons certes de bonnes raisons pour cela, habitués que nous sommes à nos libertés théoriques juridiquement reconnues et considérées comme des valeurs essentielles. Et la plupart des gens ressentent de plus en plus mal ce carcan de contraintes qui nous enserre depuis un an.

    Mais ces plaintes sont-elles vraiment justifiées ? Aucune catastrophe humaine ne résulte du hasard. Et la crise sanitaire que nous subissons n’en est pas le fruit. Elle était tout à fait prévisible. Nous ignorions certes le coronavirus, et l’humanité n’avait jamais souffert d’une pandémie mondiale. Mais nous savions que la mutation des micro-organismes, l’apparition des virus nocifs et leurs mutations successives, étaient puissamment favorisées par les fortes concentrations de populations, l’urbanisation démesurée, et l’activité économique effrénée. Et nous savions, bien entendu, que les déplacements incessants d’hommes et de femmes dans le monde entier, pour des raisons économiques comme pour des raisons touristiques, favorisaient la prolifération des virus dans le monde entier. Nous le savions, mais nous n’avons rien fait pour éviter ces déplacements massifs et ces concentrations urbaines démentielles, ni pour ralentir le rythme d’une économie néolibérale mondialisée soumise à la seule loi du marché et devenue incontrôlable. La pandémie actuelle est le résultat de notre inconséquence.

    Il en va de même pour les problèmes environnementaux. Les avertissements, en ce domaine, n’ont pas manqué, à moins dire, depuis plus de quarante-cinq ans, émanant d’écologues, de naturalistes, de climatologues, de géographes, de médecins, de militants, d’hommes politiques de tous bords. Rien n’y a fait. Le primat économique, la loi du marché, la course au profit, les exigences insatiables de la société de consommation, ont balayé tous les avertissements de ceux qui prédisaient une catastrophe écologique au XXIe siècle. Ce siècle est advenu depuis vingt ans déjà, et, comme ces nombreuses Cassandre l’avaient annoncé, notre planète connaît des problèmes environnementaux majeurs et un réchauffement climatique, qui, de plus en plus, font de la vie sur terre un enfer pour l’homme, qui s’ajoute aux enfers d’ordre politique, économique et social qu’il a su si bien se créer au long de son histoire et dans les dernières décennies.

     

    C’est la réalité matérielle du monde actuel qui fait vaciller notre société sur ses bases.

     

    En ce siècle, nous vivons donc dans un monde que nous avons laissé se transformer en un cloaque, un chaudron et un bouillon de culture virale. Un monde destructeur des conditions naturelles indispensables à la survie de notre espèce et de toute notre organisation économique, comme le montre l’exemple de l’actuelle pandémie. Durant des décennies, quoique prévoyant l’avènement d’un tel monde, nous n’avons rien fait pour l’éviter, et ce à tous les échelons de la société et de l’organisation politique et économique, tant au niveau des nations qu’au plan international. La plupart des décideurs politiques et économiques n’ont rien voulu entreprendre de sérieux pour conjurer le péril, incapables de contrôler, maîtriser, et encore moins brider ou contrer l’implacable logique infernale du grand marché mondial, et se sont d’ailleurs montrés peu soucieux d’agir en ce sens, pour des raisons démagogiques : des mesures audacieuses auraient ralenti sensiblement la sacro-sainte croissance, menacé l’emploi, diminué les profits et les salaires, et contrarié la société de consommation, qui préférait faire payer la note environnementale et sanitaire aux générations futures, implicitement promises aux plus lourds sacrifices, autrement dit les générations actuelles constitutives de la jeunesse et de la population active.

    L’inéluctable remise en question de notre modèle de société

    Au-delà de notre modèle économique, c’est notre type de société qui est remis en question. Une société hédoniste, jouisseuse, matérialiste et individualiste qui a, depuis longtemps, répudié toutes les valeurs autres que marchandes, et qui vit sous le régime éthique du relativisme moral. Une telle société ne peut trouver en elle, dans une situation extrême de crise, le ressort propre à lui donner l’élan nécessaire à l’affrontement de l’adversité, à la foi en un avenir meilleur et à l’effort pour concevoir et mettre sur pied un projet d’organisation politique et économique susceptible d’en assurer l’avènement. Cette société, commune à tout l’Occident et à une bonne partie de l’Orient aujourd’hui, a été l’objet de bien des critiques depuis son apparition même. Aucune critique, aucune condamnation morale ou politique, ne l’a jamais ébranlée. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des hommes ou des militants politiques qui la contestent, c’est la réalité matérielle du monde actuel qui la fait vaciller sur ses bases. La réalité matérielle, c’est-à-dire les problèmes d’ordre environnemental (pollution, réchauffement climatique) et biomédical (pandémie actuelle et possibles pandémies futures), avec toutes leurs conséquences sur notre organisation économique, lourdes de dégâts sociaux et humains. Voilà ce qu’il faut enfin comprendre. C’est évident, et nous paraissons ici enfoncer une porte ouverte. Pourtant, ce n’est pas certain, surtout auprès du grand public, c’est-à-dire au bas mot 90 % de la population (nationale et mondiale). En France, il n’est que d’observer nos compatriotes. Presque tous ont la nostalgie des trop fameuses sixties et seventies, comme si ces années, infiniment plus folles que les « années folles » des années 1920, n’avaient pas été celles durant lesquelles les hommes préparèrent l’effroyable marasme où nous nous débattons tous aujourd’hui. Manifestement, nos contemporains semblent incapables de tirer les leçons de la désastreuse situation mondiale actuelle. Mais cette fois, ils y seront contraints, car la réalité est là, implacable, cruelle et toujours plus menaçante pour notre survie. Voilà qui nous promet plusieurs trains successifs de mesures drastiques et autoritaires, malheureusement indispensables et beaucoup plus lourdes de renoncements que ne l’eussent été des initiatives inspirées par le même souci mais prises à temps.

    La nécessaire redécouverte de la morale et du vrai sens de la liberté

    Cette situation nouvelle ne sera supportable qu’au prix de la redécouverte des véritables valeurs morales. Ces dernières ont été totalement décapées et perverties par notre société libérale matérialiste et mercantile. En France, elles ont été dénaturées, amenuisées, caricaturées et ravalées au rang de « valeurs de la République » (voire de « valeurs » tout court) axées autour d’une vision universaliste, étroitement rationaliste et purement abstraite de l’homme, considéré comme le bâtisseur et le citoyen d’une sorte de « meilleur des mondes » doucement totalitaire. La liberté a été entendue comme la satisfaction illimitée des inclinations individuels, sans référence à quelque valeur morale prééminente, moins encore à quelque loi ou règle en découlant. Ainsi entendue, elle est devenue une cause d’asservissement et d’avilissement, particulièrement handicapante en des temps difficiles

    Assurément, la liberté est, avec la raison, un attribut essentiel de l’homme, qui le distingue de l’animal. Cela étant, elle ne constitue la dignité de l’homme qu’autant qu’elle se rapporte à une échelle de valeurs spirituelles indépendantes des désirs, passions, sentiments et autres inclinations individuelles, reconnues par tous, et imposant à la vie commune des lois et des règles s’imposant à tous. Elle est donc incompatible avec l’hédonisme et le relativisme moral, causes, avec la vision matérialiste du monde, des maux de tous ordres qui nous accablent présentement. Répétons-le : ces maux, gravissimes et planétaires, nous obligeront à une renaissance morale fondée sur une redécouverte de la véritable liberté, c’est-à-dire, ordonnée à une morale. Mais la pleine reconnaissance de cette nécessité sera très longue et très difficile.

     

    Illustration : On sait produire, trop, on sait consommer, trop, on sait jeter, trop. Il reste quelques petits détails à régler.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Les conséquences humaines de la crise économique, par Eric Letty.

    Il est vain de vouloir opposer, à la manière macronienne, le prix de la vie humaine et l’économie. Les confinements et l’arrêt de secteurs d’activité entiers hypothèquent l’avenir sans soulager les hommes.

    Le 26 janvier dernier, Emmanuel Macron, s’adressant à la nation, affirmait que la crise liée à l’épidémie de Covid 19 nous avait enseigné, en premier lieu, « qu’on ne peut pas penser l’économie sans l’humain […] Nous avons fait, dans tous nos pays, quelque chose qui était considéré comme impensable, c’est-à-dire qu’on a arrêté toutes les activités économiques pour protéger des vies. »

    3.jpegEn avril 2020, le président de la République avait déjà développé le même thème, dans les mêmes termes, en affirmant, au cours d’un entretien donné aux journalistes du Financial Times, que le choix de donner la priorité à l’humain sur l’économie allait « changer la nature de la mondialisation ». Noël ! Noël ! La nature de Macron avait elle aussi changé. Exit le président des riches : l’ancien ministre de l’économie de François Hollande avait muté en président de l’humanité !

    Ce coup de com’ est contre-battu par une évidence : l’économie est le produit de l’activité que les hommes développent pour assurer leur subsistance. L’arrêt de l’activité a donc des conséquences dramatiques pour eux. La proposition de Macron « On ne peut pas penser l’économie sans l’humain » a son pendant : on ne peut pas penser l’humain sans l’économie ; qui, par exemple, permet de trouver les moyens de financer la santé et de construire des hôpitaux.

    Une augmentation colossale de la dette publique

    Dès le mois de mars 2020, de vastes secteurs d’activité (la restauration, l’événementiel, l’hôtellerie, la culture, le spectacle et les loisirs, le tourisme, les transports, de nombreux commerces, les services à la personne…) avaient été arrêtés, avec des conséquences en chaîne sur leurs fournisseurs, clients ou partenaires. Le rapport économique social et financier annexé aux projet de loi de finances pour 2021 énumère les effets de ce premier confinement : effondrement de la demande intérieure provoqué par la chute de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises ; bouleversement des processus de production, désorganisation des chaînes de production et d’approvisionnement ; recul des exportations ; faillites d’entreprises et mise au chômage, partiel ou complet, d’une partie de la population active. Selon l’Insee, près de 715 000 emplois salariés avaient été détruits au premier semestre 2020.

    La croissance s’en est trouvée considérablement freinée. En 2020 le produit intérieur brut (PIB), qui mesure la création de richesse nationale pendant l’année, a dégringolé de 8,3 %. Encore ce chiffre est-il contesté. Dans un article publié le 18 février par Valeurs actuelles, Rémy Prud’homme, professeur d’économie émérite à Paris XII, estime que le PIB de la France aurait diminué bien davantage si l’État ne l’avait pas soutenu « au prix d’une augmentation massive de l’endettement public, de 300 milliards d’euros entre janvier et septembre (le chiffre de l’endettement fin décembre n’est pas encore publié). »

    En effet, la dette publique a bondi. Fin 2019, elle frôlait le cap des 100 % du PIB. À la fin du troisième trimestre 2020, elle a atteint 116 % du PIB (soit 2 674 milliards d’euros), pour avoisiner 120 % fin décembre. Une augmentation colossale, qui pourrait étrangler l’économie française si les taux d’intérêt, pour l’instant très bas, venaient à remonter.

    Voilà des décennies que l’État, dont le budget est systématiquement déficitaire, recourt à l’emprunt, notamment pour payer ses fonctionnaires et les pensions de retraite. En 2020, il s’est endetté encore plus massivement pour secourir une économie qu’il avait lui-même entravée, permettre aux professionnels concernés de ne pas mettre immédiatement la clé sous la porte et empêcher ainsi une révolte sociale.

    Les aides octroyées par l’État – chômage partiel, exonérations de charges, prêts garantis par l’État, fonds de solidarité – ont considérablement creusé la dette, mais contribué à éviter des défaillances d’entreprises. Le nombre de celles-ci a même diminué en 2020, par rapport à 2019 ; mais les difficultés ne sont que différées et pourraient déboucher sur une augmentation sensible des faillites et du chômage en 2021 – ou 2022, si le gouvernement parvient à retarder les effets de la crise jusqu’à la prochaine présidentielle. Combien de restaurants, de théâtres, de musées, de lieux de culture, rouvriront-ils leurs portes après cette année blanche, qui est surtout une année noire ? Combien d’entreprises françaises, fragilisées et endettées, seront-elles contraintes de licencier, ou rachetées par des fonds étrangers ?

    Stress, dépressions et pensées suicidaires

    La situation n’est guère plus favorable du côté des retraites qui constituent le premier poste de la dépense publique. La réforme annoncée par Emmanuel Macron et amorcée par le gouvernement, mal conçue et mal engagée, a été mise sous l’éteignoir sitôt votée en première lecture, au mois de mars 2020 – comme l’écrit l’association Sauvegarde Retraites, « le coronavirus est arrivé à point nommé pour permettre au pouvoir de suspendre son mauvais projet de loi sans avoir l’air de trop perdre la face. » Mais, par l’effet du ralentissement de l’économie et de l’arrêt de pans entiers de l’activité, la masse salariale s’est contractée de 8,4 % dans le secteur privé. Les cotisations prélevées sur les actifs, qui, en répartition, servent à payer les pensions des retraités, sont moins rentrées, ce qui a mis en difficulté les régimes du secteur privé. Quant aux pensions des retraités du secteur public, dont les régimes sont structurellement déficitaires, elles sont payées par l’État, ce qui creuse encore et toujours la dette.

    Le recours à l’endettement pour payer les retraites est une bombe à retardement dont hériteront, une fois de plus, les générations montantes, dans un contexte démographique difficile et que l’ambiance actuelle n’améliore pas : l’Insee a constaté au mois de janvier 2021 une baisse spectaculaire des naissances (-13 % par rapport à janvier 2020) qui « laisse peu de doute sur le rôle joué par le contexte de la pandémie sur cette évolution », souligne l’institut national de la statistique.

     

    Le recours à l’endettement pour payer les retraites est une bombe à retardement.

     

    Endettement abyssal, chômage et faillites en perspective : n’en déplaise à Emmanuel Macron, comment le coût économique de l’arrêt de l’activité n’entraînerait-il pas un coût humain – qui, tout étant lié, aggrave à son tour le coût économique ? Rapports et études font état de signaux inquiétants : confinements et couvre-feu engendrent le stress, l’anxiété, les dépressions, les pensées suicidaires, les violences au sein de familles fragilisées, le sentiment de solitude. Ils ont favorisé le syndrome du « glissement » chez les pensionnaires des Ehpad, qui, condamnés à la solitude pendant le premier confinement, se sont parfois laissé mourir… Les jeunes n’y échappent pas non plus, particulièrement les étudiants, isolés par l’arrêt des cours en « présentiel » et privés des petits boulots qui leur permettaient de subsister, à tel point que les pouvoirs publics ont créé, au mois de février, un « chèque psy », qui leur ouvre droit à trois consultations gratuites chez un psychologue ou un psychiatre. Une guerre des générations se dessine, jeunes contre boomers, nouveau facteur d’éclatement de la société, tandis que le rappel incessant des « gestes barrières » conduit à considérer autrui comme un danger.

    L’échec de l’État-Providence et de la technocratie

    Dans son allocution du 28 octobre 2020, Emmanuel Macron, annonçant le deuxième confinement, avait utilisé onze fois le verbe « protéger », affirmant notamment : « ma responsabilité est de protéger tous les Français […] je l’assume pleinement devant vous ce soir. » Un mois plus tard, annonçant un allègement des mesures, il répétait : « je ferai tout ce que je peux pour me battre à vos côtés, pour vous protéger… » Au lieu de quoi, la crise, sanitaire et économique, a montré les limites et signé l’échec de l’État-Providence, que le président de la République prétendait, en juillet 2018, « réinventer » pour construire celui du XXIe siècle !

    Mais elle manifeste aussi un autre échec, celui de la technocratie au pouvoir, incarnée par un président lui-même produit de la haute administration, sous l’autorité duquel s’est mise en place une démocrature sanitaire, organisée par une technocratie médicale sur les ruines de la politique. Sous la houlette des experts, le gouvernement se contredit, se dédit, ment aux Français, les infantilise et les soumet à une surveillance et un contrôle croissants.

    La crise de la Covid 19 met aussi en évidence des travers de l’État français, qui ont des conséquences humainement et économiquement dommageables. L’excès de centralisation : les oukases gouvernementaux ont bridé plusieurs libertés fondamentales, celles de travailler, de commercer, de circuler, de se réunir, de pratiquer un culte… le plus souvent sans que les pouvoirs locaux aient été consultés. Et il a fallu attendre le troisième confinement pour s’apercevoir que toutes les régions ne devaient pas être traitées de la même manière.

    Excès aussi d’administration, par exemple au sein de l’hôpital public, où 35,2 % des emplois hospitaliers ne sont ni médicaux, ni paramédicaux, contre 24,3 % en Allemagne. La paperasserie retombe sur le personnel soignant. Au CHRU de Nancy, les tâches administratives absorbent ainsi près du tiers de la journée de travail des médecins.

    Les Français ont constaté aussi que leur pays s’était désindustrialisé au point d’être incapable de produire des masques et des tests en quantité suffisante et en temps voulu, et plus tard de se procurer des vaccins. La France, qui se targue volontiers d’avoir le meilleur système de santé du monde, comme elle se vantait en 1939 d’avoir l’armée la plus puissante, dispose aussi de moins de lits et de réanimateurs que l’Allemagne voisine (il est vrai qu’au moment même où il déclarait la mobilisation générale contre l’épidémie, le gouvernement négligeait de faire appel aux cliniques privées). La promesse, faite au mois de juillet 2020 par le ministre de la Santé, Olivier Véran, d’augmenter à 12 000 le nombre de lits en réanimation est restée à l’état de vœux pieux : alors que les confinements sont principalement justifiés par la crainte d’une saturation des hôpitaux, 300 milliards de dettes n’ont pas permis d’en créer un seul. Ç’aurait pourtant été une bonne manière de mettre l’économie au service de l’humain !

     

    Illustration : 2021, la police contrôle une pizzeria. Une équipe du commissariat du onzième arrondissement de Paris est partie en patrouille durant plusieurs heures afin de contrôler le bon respect des règles sanitaires. Efficacité et sens des priorités sont les mamelles du redressement français.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La fin de la société de consommation et le retour du politique, par Yves Morel.

    Le consumérisme et le libéralisme ont fait leur temps, si pénible que puisse être leur agonie. Un nouveau monde émerge où le politique ne sera plus soumis à la finance. Le temps de l’utopie ou le temps de la civilisation ?

    L’actuelle pandémie nous a obligés à renoncer à la liberté insolente héritée des sixties et des seventies, au « jouir sans entraves » (déjà sérieusement mis à mal par le SIDA), au « je fais ce qui me plaît », au « ça me regarde », aux grandes festivités collectives, au tourisme de masse, et au reste. La crise écologique, elle, signe la fin de la prétention des hommes à dominer les éléments naturels dans un élan de « dépassement de soi » relevant d’un nietzschéisme de pacotille si bien pointé du doigt par Léonore Moncond’huy, maire EELV de Poitiers, qui a décidé de ne plus subventionner les aéroclubs de sa cité, dévoreurs d’énergies épuisables et pollueurs, et a appelé à se porter sur d’autres rêves que ceux de conquête de l’air, toujours coûteux et nocifs pour l’environnement. On ne regrettera pas ce monde, eu égard à ce à qu’il nous a valu : pollution majeure et irréversible, réchauffement climatique, crises sanitaires, marchandisation des hommes et des femmes, des esprits et des cœurs, aliénation et avilissement sans précédent de notre espèce.

    Le procès du libéralisme économique : de la prévision alarmiste à l’urgence

    Le procès du libéralisme a été fait durant des décennies par de nombreux intellectuels et les organisations les plus diverses, qui ont multiplié les manifestations, colloques, émissions, livres, articles et documentaires, pour l’instruire à charge. Mais si les condamnations théoriques n’ont pas manqué, elles n’ont en rien affecté notre système libéral et consumériste, lequel s’est imposé partout comme le modèle de société incontournable, balayant les oppositions, triomphant du communisme, soumettant socialistes et gauchistes libertaires, réduisant les pouvoirs politiques à la gestion des grands équilibres, des balances commerciales, des PIB, à l’élaboration de budgets, à la résorption de la dette publique, et au maintien de la sacro-sainte croissance. Or, cette croissance est remise présentement en cause, comme elle ne le fut jamais, et cette fois, de manière impérieuse.

    Déjà en 1972, le Club de Rome publiait le « rapport Meadows » intitulé The Limits to Growth (Les limites à la croissance), lequel décrivait les dangers qui menaçaient le monde à longue échéance : surpopulation, épuisement des ressources énergétiques (charbon, hydrocarbures) et alimentaires (eau, ressources agricoles) entraînant crises économiques, chômage et baisse du niveau de vie, pollution affectant la santé et les conditions d’existence de la plus grande partie de la population. Le Club de Rome préconisait une maîtrise volontariste de la croissance, une réorientation du développement économique vers l’agriculture, une répartition des richesses entre parties du monde, pays et classes sociales, des mesures destinées à endiguer l’augmentation de la population mondiale, et des initiatives sérieuses de lutte contre la pollution.

    L’État pourra commander sans égards aux pouvoirs économiques.

    Le 9 février de cette même année 1972, Sicco Mansholt, alors inamovible ministre néerlandais de l’agriculture, adressait une lettre au président de la Commission européenne, recommandant également un net ralentissement de la croissance et une politique environnementale sérieuse. Cette démarche suscita les vives critiques de la classe politique, toutes tendances confondues, dans tous les pays. Arrêter, ou simplement ralentir, la croissance semblait impensable, insensé, aberrant ; et la protection de l’environnement apparaissait comme un luxe superfétatoire. Aujourd’hui, cette dernière est considérée par le gros de la population comme une nécessité absolue et une priorité politique. Le ralentissement de la croissance l’est moins en raison de la peur de la récession économique et du chômage, mais elle l’est malgré tout plus que par le passé.

    Les hommes et femmes de notre temps savent ce que l’indispensable lutte contre la pollution et le réchauffement climatique impose en matière de sacrifices économiques et financiers, et de restriction des libertés. Mais ils sont prêts à y consentir, comme l’a montré la grande consultation organisée dans le cadre de la Convention citoyenne sur le climat, en 2019-2020. Ils savent qu’après le temps des libertés sans frein, va venir celui des interdictions, des contraintes, des réglementations tatillonnes, des contrôles et des laisser passer, et que cela, si désagréable paraisse-t-il, sera nécessaire. Cependant, ils ne semblent pas encore conscients du tournant qui en résulte pour notre civilisation. Ils s’accrochent encore à l’espoir d’un retour à la société de consommation, lors même qu’ils perçoivent intuitivement la vanité de cet espoir.

    La fin de la société de consommation et de ses fausses valeurs

    Or, cette société est révolue. La société libérale, individualiste et hédoniste du dernier tiers du XXe siècle et des premières années du XXIe ne peut pas plus revenir que la société et le gouvernement du Haut-Empire romain ne pouvaient réapparaître au temps de Dioclétien ou de Constantin. Les comportements, pratiques et modes de vie qui la sous-tendaient, et qu’elle perpétuait, sont désormais condamnés. Nous devrons y renoncer, à peine de périr. Pour nous soutenir, nous devrons avoir d’autres idéaux que ceux des hommes du XXe siècle. L’heure n’est plus à la conquête du monde et à la soumission de la nature à la satisfaction de nos désirs et de nos besoins, dont beaucoup étaient artificiels. La société de consommation a suscité nombre de fausses valeurs, de fausses émancipations, et d’idéaux spécieux tels que la libération et la culture du corps, en fait marchandisé, la libération des femmes, en réalité asservies à leur image et réduites au rôle d’objet de désir. Toutes les valeurs célébrées par notre société de consommation ne sont que des faux-semblants consuméristes. La culture elle-même, promue comme elle ne le fut jamais dans le passé, n’est plus qu’un business, comme en témoignent la muséomanie contemporaine (il existe des musées de tout et n’importe quoi, de nos jours), l’introduction de boutiques et de cafétérias au sein des musées, la tapageuse promotion publicitaire événementielle des expositions, rétrospectives et manifestations musicales.

    C’est ce monde tissé de fausses valeurs dissimulant son caractère matérialiste, qui est actuellement battu en brèche par les maux majeurs qu’il a secrétés : la destruction de l’environnement (climat inclus) et la crise sanitaire (car, après la Covid 19, viendront d’autres fléaux).

    Le temps des contraintes

    Un nouveau monde lui succédera, qui ne sera pas celui de Macron. Il ne sera plus le monde libéral théorisé par Hayek dans son Droit, législation et liberté (1873-1879) qui décrivait l’émergence d’une catallaxie, un ordre spontané mondial, engendrant ses propres lois, mû par sa propre dynamique, soustrait à tout gouvernement des hommes, et reléguant le pouvoir politique au rôle d’État-gendarme cher aux libéraux des XVIIIe et XIXe siècles. Ce monde, fondé sur une dynamique économique incontrôlable, une agitation planétaire permanente et une soumission servile de l’homme au marché, a du plomb dans l’aile. Parce qu’il porte une responsabilité écrasante dans la double catastrophe écologique et sanitaire que nous connaissons, il sera impossible de ne pas l’amender très sérieusement. Les mesures économiques et politiques que les pays du monde entier ont prises pour endiguer l’épidémie de Covid 19 (fermeture de nombreuses entreprises, interdictions des déplacements, fermeture des frontières), jugées impensables jusqu’alors, manifestent le début de cette reprise en main des gouvernements sur l’économie. Nous assistons au retour du politique, au niveau de prééminence qu’il doit normalement occuper.

    Le retour du politique à sa vraie place et dans ses véritables attributions

    Le pouvoir politique va donc retrouver sa vraie place, la première, et son vrai rôle, celui de gouverner. Ce qu’il avait perdu l’habitude de faire depuis longtemps. L’État, cœur naturel du politique, va alors recouvrer sa capacité de décision et d’action, parce que les circonstances la lui rendront et l’obligeront à en user, c’est-à-dire à agir et à commander sans égard aux pouvoirs économiques, qui seront contraints d’accepter les remèdes de cheval d’une situation dramatique appelant des solutions urgentes, et à l’opinion publique, laquelle se sentira obligée, pour la même raison, d’accepter des limitations des libertés individuelles, et de douloureux sacrifices. L’heure sera au choix effectué par un État redevenu souverain.

    Un État souverain est indépendant des pressions du pouvoir économique, de celle de l’opinion publique, des caprices individuels et catégoriels, et des idéologies, fussent-elles consacrées. Soit l’exact opposé de ce que nous connaissons depuis une bonne cinquantaine d’années, en France spécialement, depuis les « événements » de 1968, dont nous subissons encore la néfaste influence. Cet État aura à juguler le libéralisme. Il aura, plus qu’auparavant, les coudées franches. L’urgence de la situation fera passer les revendications proprement sociales au second plan, facilitera l’application de mesures contraignantes nécessaires, fera plier les puissances économiques, et bridera les jeux du marché mondial. Par ailleurs, l’État bénéficiera largement du discrédit qui frappe les partis politiques et les idéologies. Par là même, le libéralisme sera invalidé en tant que philosophie immanente et éthique indépassable de notre monde actuel.

    La tâche ne sera pas facile pour autant. Se posera la question des choix politiques.

    Le véritable rôle de l’écologie

    Il conviendra de définir quelles contraintes seront salutaires et quelles autres seront nocives. Les unes sont idéologiques et partisanes, et ouvrent sur une sorte de brave new world antispéciste et vegan sur fond d’utopisme égalitaire, socialisant et laïcard. Telles sont les initiatives prises pour priver les Bordelais de sapin de Noël ou imposer aux élèves lyonnais des menus scolaires sans viande. Les autres s’inscrivent, au contraire, dans la perspective de l’établissement d’un monde à l’échelle humaine, enté sur la tradition et le temps. Ce sont celles-ci qui devront être préférées. L’écologie devra devenir le terreau d’une société étayée sur les valeurs fondatrices de la civilisation. Sa vocation n’est pas de faire émerger un monde nouveau et aseptisé, peuplé de végétaliens érigeant leur éthique en loi tyrannique, mais de constituer le liant propre à unir indissolublement le respect de l’environnement, la culture, l’économie et le social, et replaçant l’homme dans une continuité de culture et de destin.

     

    Illustration 1 : Les activistes écologistes manifestent devant le fonds BlackRock : de la prise de conscience juste…

    Illustration 2 : … aux aberrations sectaires d’Extinction Rebellion, l’écologie militante rêve d’un totalitarisme bannissant l’homme de la nature.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Bérénice Levet: «“Féminicides”: une sémantique militante pour une réalité tragique et complexe».

    Le choix des mots n’est pas secondaire, argumente Bérénice Levet, car il charrie une vision du monde. Clairefond

    Alors que le mot «féminicide», entré dans le dictionnaire, est de plus en plus utilisé par les politiques et les médias, la philosophe explique pourquoi elle se refuse à employer ce terme issu de la vulgate féministe pour désigner le meurtre d’une femme par son conjoint.

    2.jpgLes choses se sont incontestablement précipitées ces derniers temps. Il est désormais entendu qu’un homme qui tue son épouse, son ex-épouse, sa conjointe ou son ex-conjointe commet un « féminicide ». Et, signe des temps, sept ans après le dictionnaire Le Robert, l’édition 2022 du Larousse intronise ce vocable forgé dans l’arsenal du militantisme féministe. Le mot n’a en effet rien de neutre. Il est imprégné d’idéologie et charrie avec lui une interprétation de la réalité. L’adopter, c’est ratifier un certain récit, une certaine intrigue.

    Je n’ignore rien de l’atmosphère dans laquelle nous baignons. Mettre en question le mot, ce serait minimiser la chose. Le sophisme est évident, et grossier. Que le meurtre d’une femme soit un mal absolu ne souffre pas de discussion. Quasiment élevée au rang de langue officielle, la langue des féministes a acquis une autorité et une légitimité exorbitantes. Bien parler, bien penser, ce serait dire et penser la condition des femmes en puisant dans les catégories importées pour l’essentiel du féminisme américain. Nous ne devons pas nous laisser intimider. Ce n’est pas seulement la liberté d’expression qui est menacée, mais d’abord, et surtout peut-être, de manière plus préoccupante encore, ce qui la sous-tend, et qui est au fondement de notre civilisation : la passion de comprendre, la passion d’interroger, la passion de la vérité et de la réalité. Lorsque les hommes des Lumières, mais déjà Milton, et bientôt Stuart Mill, réclament la libre circulation des pensées et des opinions, ce n’est pas par obsession narcissique, pour permettre à chacun de s’exprimer, mais pour accroître nos chances de gagner en intelligibilité, mieux nous acheminer vers le vrai.

    Nos pensées sont captives, captives de la rhétorique victimaire, captives de la « cause des femmes », captives de la tyrannie de l’émotion. Captives et ennuyées. Accordons-nous, comme dans l’allégorie de la caverne, le droit de briser nos chaînes, accordons-nous la liberté d’inquiéter les évidences. C’est la réalité qui est en jeu, et elle seule doit être notre maître. Nous sommes ses obligés. Et puis, c’est rien de moins que l’essence de l’Occident, de l’Europe, de la France singulièrement, nous sommes cette civilisation qui s’est donné pour ancêtres Socrate, Eschyle, Sophocle, Périclès, ce moment foisonnant où tout devient question, où l’on proclame qu’il n’est pas de cartes routières de la pensée ni de l’art, où partout on se risque, se hasarde.

    Un mot se répand. La caverne bourdonne de ses échos assourdissants. N’est-ce pas alors la moindre des choses que de voir la pensée, l’âme, si l’on osait ce mot désuet, se mettre en mouvement ? N’est-ce pas la moindre des choses que de s’étonner, de se demander : que dit-on lorsque l’on parle de « féminicide » ? « Féminicide, lit-on dans Le Larousse : meurtre d’une femme ou d’une jeune fille en raison de son appartenance au sexe féminin ». Le néologisme a en effet été conçu dans les années 1970 pour signifier que les femmes sont tuées parce que femmes, en tant que femmes. La lecture de la définition ne rend-elle pas à elle seule éclatante la faille qui est au cœur de ce mot, le vice de forme ? L’homme qui tue sa compagne ou son ex-compagne ne tue pas une femme, il tue sa femme, la femme avec laquelle il vit ou avec laquelle il a vécu, avec laquelle il a peut-être eu des enfants. Féminicide il y aurait si quelque homme ou quelques hommes réunis s’emparaient d’un groupe de jeunes filles ou de femmes et les vouaient à la mort, les exterminaient pour la seule raison d’être nées femmes. Ce serait la seule acception rigoureuse.

    Premier vice, première faille. Ce mot fige chacun des deux sexes dans une essence, d’un côté, l’homme, sempiternel persécuteur, de l’autre, la femme, éternelle victime, perpétuelle proie de cet inaltérable prédateur. Reconduisant toute histoire particulière à une intrigue extrêmement sommaire, mettant aux prises un bourreau et sa victime, le bien et le mal, la victime perd toute singularité, toute unicité, tout visage. Elle n’est plus une femme avec sa personnalité, elle n’est plus un être de chair et de sang, elle devient la représentante d’une espèce, une généralité. D’être unique, elle déchoit au rang de simple représentante d’une espèce. Ce terme, censé rendre hommage aux femmes « tombées sous les coups » de leur compagnon ou ex-compagnon, produit l’effet exactement inverse : la victime se trouve dépossédée de son identité personnelle. Il est des hommages plus généreux, on me l’accordera.

    Il ne reste rien de l’unicité d’une vie. Rien de la singularité d’une histoire, de leur histoire exclusive et prise dans un faisceau de complexités. Que l’ambiguïté, l’ambivalence de certaines histoires individuelles vienne à être rappelée, nos activistes ne se laissent pas ébranler, ils ont à leur disposition, toute dégoupillée, une grenade qu’il tienne pour fatale: l’« emprise ». Cela ne retire absolument rien au caractère abominable de ces meurtres que d’admettre qu’ils s’inscrivent dans des histoires fatalement, et en l’occurrence funestement, mêlées, emmêlées. Mais précisément, la complexité, c’est ce avec quoi les militants, quels qu’ils soient au demeurant, sont fâchés, et contre quoi même ils sont en rébellion.

    Si le mot est défendu avec une telle ardeur et une telle obstination par les féministes, c’est qu’il présente, à leurs yeux, au moins, deux vertus : restreindre le terme d’« homicide » aux victimes de sexe masculin et imposer un terme équivalent pour les femmes ; élever le meurtre d’une femme, d’acte individuel au rang de « fait de société » et donc incriminer la structure même de nos civilisations.

    Pourquoi un homme tue-t-il sa compagne ou son ex-compagne ? Parce que, nous répondent les militants docilement relayés par nos politiques et la majorité des journalistes, nos sociétés sont et demeurent, et demeureront aussi longtemps que nous n’aurons pas donné partout la préséance aux femmes, « patriarcales ». Cette clef ouvre toutes les serrures. L’idéologie est une assurance prise contre le réel. Elle vous met, pour paraphraser Tartuffe, « en état de tout voir sans rien croire ».

    « Féminicide », le mot inscrit le meurtre des femmes dans une grande intrigue, celle de la société occidentale regardée comme vaste entreprise de fabrication de victimes – les femmes, naturellement, mais aussi les « minorités » et la « diversité ». La civilisation occidentale étant l’œuvre d’un homme blanc hétérosexuel chrétien ou juif n’ayant d’autre passion que la domination de tout ce qui n’est pas lui (donc des femmes, des Noirs, des musulmans, des animaux, des végétaux, ce qui fonde l’« intersectionnalité de la lutte », point de convergence des féministes, indigénistes, décoloniaux, écologistes, végans). Tous les continents sont concernés par les violences et les meurtres conjugaux, m’objectera-t-on. Sans doute, mais on aura observé que, lorsque le coupable n’est pas « blanc », le sort de la victime intéresse beaucoup moins nos féministes et les laisse pour ainsi dire muettes.

    Autre point : le Larousse précise « crime sexiste : le féminicide n’est pas reconnu en tant que tel par le Code pénal français ». Le droit est en effet, au nom de l’universalité et de l’individualisation de la peine, l’ultime citadelle. Poursuivre un homme pour « «féminicide », ce serait réduire l’accusé à un symbole, et le procès à un prétexte. Or la fonction de l’institution judiciaire n’est pas de juger un système mais une personne. « Quel que soit le procès, rappelait Hannah Arendt, les feux de la rampe sont concentrés sur la personne de l’accusé, homme de chair et de sang, avec son histoire individuelle, avec son ensemble toujours unique de qualités, de particularités, de schémas de comportement et de circonstances. Tous les éléments qui vont au-delà (…) ne concernent le procès que dans la mesure où ils constituent le contexte dans lequel l’accusé a agi ». Le hisser au rang de qualification pénale reviendrait à oublier, à nier l’essence même la justice.

    Certains, dont Marlène Schiappa, militent cependant en ce sens. La reconnaissance par le code pénal est leur ultime combat. Les féministes mènent l’assaut et, au train où vont les choses, au regard de l’empire qu’ont acquis la « diversité », les « minorités », les « victimes », on conçoit mal que l’institution judiciaire résiste encore longtemps. Tout porte à croire, et à craindre, que le drapeau de la victoire ne tardera plus à être planté.

    On l’aura compris, employer le mot de féminicide n’a rien de neutre. Que le mot « féminicide » ait sa place dans le vocabulaire des activistes, c’est leur affaire. « Il va vite, cela plaît dans la mêlée », ainsi que le disait Victor Hugo des mots dont tout militantisme se saisit et sous la bannière desquels il mène ses combats. Que la majorité des journalistes s’y convertissent est autrement contestable. Cela témoigne du changement de définition du métier même de journaliste pour beaucoup : de gardiens de la si fragile réalité factuelle, ceux-ci se conçoivent volontiers désormais comme des justiciers, chargés de mission du « changement des mentalités » et sont disposés à y sacrifier le réel.

    Nous avons là un exemple remarquable de la manière dont la novlangue féministe s’infiltre dans le langage ordinaire, avec la complicité ardente et zélée des politiques et de la plupart des médias. Et l’effet toxique, recherché par ses militants, est de criminaliser les hommes dans leur ensemble et aussi de jeter la suspicion sur l’hétérosexualité : la rencontre d’un homme et d’une femme, l’homme étant ce qu’il est, dans la logique néoféministe, est toujours susceptible de tourner à la tragédie.

    Le mot est donc une arme dirigée d’abord contre les hommes, contre notre civilisation. Le banaliser engage. Vers l’humaine condition compliquée avec des idées simples : tel est, pour paraphraser un général de Gaulle aux accents raciniens, le chemin sur lequel nous entraîne fatalement le mot de féminicide. Nous devons avec la plus vive énergie nous y refuser.

     

    * Bérénice Levet est l’auteur du Musée imaginaire d’Hannah Arendt (Stock, 2011), de La Théorie du genre ou le Monde rêvé des anges, préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016), du Crépuscule des idoles progressistes (Stock, 2017) et de Libérons-nous du féminisme ! (Éditions de l’Observatoire, 2018).

    Sources : https://www.lefigaro.fr/vox/

    https://institut-thomas-more.org/

  • Et après ?, par Hilaire de Crémiers.

    Il n’y a plus qu’à espérer que l’expérience macronienne amènera à une salutaire réflexion politique.

    Tout ce qui reste d’esprits libres en France en convient : notre civilisation est menacée ; notre pays lui-même est en danger de mort ; nos traditions et nos mœurs sont sur le point d’être définitivement compromises. Le pire : ceux qui gouvernent la France ont pris consciemment le parti de sa disparition. Leur plus grand plaisir est de la déshonorer.

    hilaire de crémiers.jpgTous les jours et à toutes les occasions : Algérie, Rwanda, Europe et Allemagne à qui la France sacrifie constamment ses intérêts historiques, stratégiques, industriels et agricoles, Nouvelle-Calédonie encore française alors que le gouvernement fait tous ses efforts pour qu’elle ne soit plus française, la programmant pour une stupide indépendance malgré deux référendums et malgré, surtout, les puissants intérêts français que ce territoire avec ses zones maritimes représente pour l’avenir, allant jusqu’à chercher dans les honteux accords d’évian de 1962 un précédent historique – authentique !

    L’amour du mal

    Mais aussi bien, au plan intérieur, les inadmissibles abandons de tout ce qui constitue l’ordre national, intellectuel et moral de notre société, telle que l’ont pétrie 2000 ans d’histoire, devant les revendications toujours plus violentes des ennemis de la patrie qui campent insolemment sur notre sol, des contempteurs de toutes les lois divines et humaines, des dévastateurs des règles de la civilité la plus élémentaire, tous ligués dans leur entreprise de démolition, sous des noms extravagants qui qualifient leur barbarie et qui souillent la plume et la langue quand on les répète – ce que font les médias qui nous imposent leurs normes en même temps que leur existence. Tous unis pour achever d’anéantir ce qui subsiste de vie française. Et ce, désormais, avec la complicité active de l’état, de son chef, de ses administrations, de ses magistrats de haute et basse justice. C’est à qui ira le plus loin dans le renoncement au droit primordial de la France d’exister et des Français d’être protégés. Ils se sont donnés à eux-mêmes cette mission d’éradication au nom de la justice, condamnant la France en tant que France, comme jadis Robespierre et Saint-Just condamnèrent Louis XVI en tant que roi. Même idéologie, même logique ! Ils font et refont la société dont ils sont devenus les maîtres par une sorte d’usurpation de pouvoir que les règles de la République permettent de manière récurrente et qu’ils savent utiliser à leur profit avec une terrible habileté. Ce qui ne fait qu’exciter davantage leur goût du pouvoir, leur appétit de domination.

    Quelle jouissance ! Tenir la France en main pour constamment l’humilier ! En revendiquant la loi démocratique à l’encontre même de la mémoire et de la conscience de tout un peuple, sachant qu’il y aura toujours assez de lâcheté, de compromission, d’ambition malsaine, de perversion intellectuelle et morale pour obtenir un semblant d’accord sur des politiques qui ne sont rien d’autre que des suites de crimes perpétrés contre la patrie. Car ce sont des Français qui au nom de la justice et du droit commettent toutes ces iniquités. Ce qui suffit à condamner un tel régime qui livre le pouvoir régulièrement à de telles engeances. Oui, des Français ! Entraînés par cette folie qui les agite à l’idée qu’ils ont à leur disposition, grâce aux dispositifs politiques d’un régime adapté à leur vice, la puissance publique pour réaliser leur chimère qu’ils appellent leur programme et qui n’est que la satisfaction de leur insupportable prétention. Pensez donc ! Au nom du peuple français dont ils ont réussi à devenir les représentants, imposer leur joug à ce même peuple français ! Traîner les Français devant le tribunal de leur prétendue justice ! En faire des ilotes, les rabrouer à longueur de temps, les enchaîner dans des projets d’aliénation générale et de destruction systématique. Macron sait si bien ce qu’il fait qu’il passe son temps à se justifier et à tenter de faire accroire qu’il n’est que sincérité. Dernièrement 20 pages dans Zadig pour s’expliquer sur sa compréhension d’une société complexe qui devrait s’inventer à perpétuité et sur son amour du Lot, de Figeac et des Pyrénées, « en même temps » ! Littéralement grotesque et sophistique : la France n’est pas à réinventer. Et, du même genre, cette ridicule et infamante prestation à l’Élysée de deux zigotos, Mcfly et Carlito, qui sont censés représenter la jeunesse française, au cours de laquelle le chef de l’État s’est prêté à des pitreries du plus mauvais goût, comme lors de la fête de la musique en 2018 où la grossièreté de la mise en scène atteignit l’honneur de l’épouse du Président sur le perron même de l’Élysée et, à travers elle, de la France, « doublement niquée » selon la gestuelle à l’honneur dans ce genre de cérémonie et pour parler le langage conforme à un tel style. Et le Président – qui ne se souvient des photos ? – de rire comme un adolescent immature et irresponsable qu’il fut et qu’il reste en quelques circonstances que ce soit : c’est psychologique.

    La perversité électorale

    Ce qui ne l’empêche pas d’être rusé et subtilement malin. Tout chez lui entre dans une stratégie électorale, y compris ces débordements de démagogie. La campagne de 2022 est commencée ; il sait ce qu’il veut : reproduire le scénario de 2017. Il ne cesse d’y œuvrer tel un imperator sûr de sa victoire. Il va effectuer un tour de France à cet effet, en se servant des meilleurs prétextes du monde. Il a sa fine équipe de stratèges en chambre : Thierry Solère que sa haute vertu recommande comme défenseur attitré de la plus pure des Républiques, à l’image d’un Caton antique, car à l’évidence il n’est guidé dans ses choix que par la sublime idée de sa conception morale de la vie politique qui lui permet de trancher avec autorité entre le Bien et le Mal. Il connaît. L’homme est entouré par la garde rapprochée de la Macronie : les Séjourné, les Attal, les Beaune et tutti quanti. Ce qui nous fait un Caton quelque peu étrange, au service d’un César qui se veut jupitérien, et qui rassemble autour de lui dans ce grand combat d’idées ce que les vieux Romains appelaient des Graeculi, hommes aux âmes d’affranchis que la politique sait combler de places et d’honneurs. L’histoire a de bizarres manières de se répéter.

    Tout ce beau monde est au travail pour transformer les élections régionales en préparatifs de la présidentielle. D’où l’affaire Muselier de Paca ; d’où l’arrivée subite dans les Hauts-de-France d’une kyrielle de ministres sous la direction d’un Dupond-Moretti accoutré en chasseur de Le Pen, ce qui sied éminemment à un garde des Sceaux. On ne lésine sur rien, on se moque des électeurs, mais pareilles interventions risquent de se retourner au final contre le dessein macronien. Il prend son risque, comme il dit !

    Pendant qu’au plus haut sommet de l’État se mène cette puissante stratégie, la France continue de se fracturer. Le désordre est partout : toutes les nuits des émeutes et des luttes de bandes armées, des policiers et des gendarmes caillassés, attaqués, blessés, tués ; des zones entières et qui ne cessent de s’étendre, où la loi française ne s’applique plus, où règnent les caïds avec leur pègre et où édictent leurs ordres les imams ; les Français évincés, obligés d’accepter l’inacceptable chez eux, craignant pour leur famille, leurs enfants, leurs écoles, maintenant leur travail, sans que le chef de l’État n’exprimât la moindre solidarité effective et affective, se contentant de paroles vaines sur les cercueils accumulés où il semble bon de déposer de moment en moment une légion d’honneur dont par ailleurs se trouve honoré n’importe quel zozo qui a les faveurs des services de communication de la République.

    En sortir ?

    Tel est l’état de la France. Et la crise sanitaire si mal gérée n’a servi qu’à dissimuler cette situation qui ne fera qu’empirer quand la crise économique, financière et sociale viendra s’ajouter à un tel désastre. Alors la dernière astuce est de détourner la colère qui monte en désignant des boucs émissaires : les militaires à qui il est reproché de manifester leurs inquiétudes, les hauts fonctionnaires qui regardent sidérés le champ de ruines que laisse Macron sur son passage par la succession des plus absurdes décisions et des lois les plus contradictoires, l’ENA désigné comme le mal essentiel, uniquement pour favoriser tout ce qui va à l’encontre des traditions françaises, les grands corps d’État caricaturés, les Préfets signalés à la vindicte publique et qui seront désormais choisis selon des critères partisans, les policiers qui ont le mauvais goût d’en avoir assez d’être pris pour des lapins bons à flinguer par la racaille, institutionnalisée et promue aujourd’hui comme une chance pour la France par le chef de l’État en personne, les familles françaises qui souffrent et qui s’angoissent à juste titre d’une jeunesse en déshérence et à qui il est répété qu’il faut savoir s’ouvrir et s’adapter, mais à quoi donc, au rêve macronien ? Voilà quand même beaucoup de monde ! Et qu’on a encore le culot de vouloir mener à l’abattoir électoral en hurlant au fascisme, selon la vieille habitude républicaine.

    Ce qui reste de pensée française réagit. Heureusement. Preuve que tout n’est pas perdu. Les dernières parutions de livres en témoignent : La société malade (Stock) de Jean-Pierre Le Goff, si méticuleux dans ses appréciations, Le jour d’après (Albin Michel), flamboyant et vengeur, de Philippe de Villiers où est dénoncée la manœuvre frauduleuse de ceux qui veulent s’emparer non seulement des corps mais des âmes, La fin d’un monde (Albin Michel) de Patrick Buisson qui en 500 pages décrit le processus de déconstruction mené implacablement et où malheureusement l’Église a une grande part de responsabilité ; à quoi il convient d’ajouter tant d’esprits supérieurs qui partagent les mêmes analyses et les mêmes appréhensions, les Manent, les Gauchet, les Finkelkraut, les Onfray, les Houellebecq et tant d’autres, sans omettre, bien sûr, Zemmour et tous ceux qui se dressent face à cette trahison permanente. Une telle conjonction, et qui soulève un tel succès dans le public, mérite d’être remarquée et commence à irriter ceux qui vivent de la chienlit actuelle. Comme il a déjà été écrit dans ces colonnes, les résultats de l’élection présidentielle de 2022 peuvent poser une grave question de légitimité.

    Est-il possible et permis de proposer alors un renouvellement de la pensée et de la pratique politiques ? La France n’a-t-elle pas subi assez de déceptions dans le système de concepts constitutionnels qui lui sert d’ossature et qu’elle a hérité de la Révolution : à chaque fois une série d’échecs s’achevant dans des désastres ? Est-ce qu’il suffira vraiment d’invoquer le peuple, même hypostasié avec une majuscule, et de prétendument lui attribuer tous les pouvoirs par des successions de référendums ? D’opposer un peuple naturellement bon à la Rousseau à des élites corrompues par nature ? Le « dégagisme » n’est qu’un argument d’estrade. La métaphysique constitutionnelle française qui date d’un XVIIIe siècle idéaliste, subjectiviste, utopiste, a suffisamment manifesté ses insuffisances et ses incongruités. Le général Gallois, l’un des pères de la dissuasion française, qui croyait dans la souveraineté de la France et qui honorait Politique magazine de son patronage, me confiait un jour que le général de Gaulle s’était trompé lorsqu’il avait transféré au peuple la désignation du chef de l’État : « nous n’aurons jamais, disait-il, que des chefs de partis qui seront de plus en plus des aventuriers de la politique. » Il faut donc revoir les principes de la souveraineté dans l’intérêt même du peuple, de l’autorité duquel il est si facile d’user et d’abuser comme on ne le voit que trop aujourd’hui. Ce pauvre peuple n’est plus représenté, il est abandonné. Ne serait-il pas temps de chercher un autre mode de représentation que la partisannerie, le jacobinisme, l’éternelle Gironde et l’éternelle Montagne ? La France en crève ! Et de faire aboutir la tentative de réforme de 1969 grâce à un Sénat fort, remodelé, représentatif des territoires français dans leurs éléments concrets, autre chose que ces commissions citoyennes créées par Macron pour satisfaire les idéologues et les rhéteurs.

    Quant à l’autorité judiciaire, elle ne retrouvera sa liberté, sa grandeur et son utilité qu’en acceptant le principe supérieur dont elle tire sa seule légitimité, comme le rappelait avec force Louis XV à ses parlements.

    Ah, pour qui y pense, il est vraiment dommage que la monarchie française n’ait pas su faire aboutir ses réformes nécessaires à la fin du XVIIIe siècle : tout était prêt, y compris le fameux Code civil dont Napoléon fera une de ses gloires. Oui, quel dommage ! La France a pris dès lors une mauvaise voie. Il suffirait pourtant de peu pour reprendre le bon chemin.

     

    Illustration : 27 mai 2021. Macron signe le livre des visiteurs du mémorial de Kigali, où il vient de reconnaître la prétendue responsabilité de la France dans le génocide rwandais.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Zemmour, les vivants et les morts, par Aristide Renou.

    À propos de la dernière polémique déclenchée par les propos d’Éric Zemmour (en attendant la prochaine, qui ne saurait tarder), j’aimerais ajouter une pièce au dossier.

    Je rappelle l’acte d’accusation :

    « La famille de Mohammed Merah a demandé à l’enterrer sur la terre de ses ancêtres en Algérie, on a su aussi que les enfants juifs assassinés devant l’école confessionnelle à Toulouse seraient eux enterrés en Israël. Les anthropologues nous ont enseigné qu’on était du pays où on est enterré. Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes, ennemis ou amis, ils voulaient bien vivre en France, faire de la garbure en France ou autre chose, mais pour ce qui est de laisser leurs os, ils ne choisissaient surtout pas la France, étrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort. »

    Pour ce passage de son dernier livre (pas encore paru et déjà en tête des ventes…), La France n’a pas dit son dernier mot, Zemmour est accusé d’avoir « franchi les limites de l’ignominie » de « mettre sur le même plan l’assassin et ses victimes », de « s’arroger le droit de dire qui est Français et qui ne l’est pas » ; et puis aussi, pour faire bonne mesure, de raconter n’importe quoi.

    Puisque Zemmour appuie ses dires sur l’anthropologie, certains médias se sont en effet empressés de trouver un anthropologue pour déclarer : « Si les anthropologues enseignent quelque chose, c’est précisément la pluralité des perspectives, en l’occurrence des façons d’appartenir à une communauté ou à un lieu » (Nicolas Adell, pour France 3). Autrement dit, l’anthropologie enseigne le relativisme et surtout, surtout, ne fait pas le jeu de l’esstrême-droâte. Ce qui ne surprendra personne.

    Est-il vrai qu’on est du pays où nos morts sont enterrés ?

    Laissons donc les anthropologues à leur « pluralité de perspectives » qui les rend aussi inutiles, dès lors qu’il s’agit de délibérer sérieusement de sujets sérieux, que le proverbial paysan normand – « P’têt bin que oui, p’têt bin que non » –, et revenons au fond du sujet : est-il vrai qu’on est du pays où nos morts sont enterrés ?

    Même si « les anthropologues » ne peuvent rien nous dire de solide sur cette question, parait-il, d’autres n’ont pas cette pudeur de gazelle ou cette étrange paralysie intellectuelle. Je trouve par exemple sous la plume de Michel Aubouin, haut fonctionnaire, la réflexion suivante :

    « Les Français originaires du Maghreb ou de Turquie avaient, entre-temps, pris l’habitude de rapatrier dans leur pays d’origine la dépouille de leurs défunts. Cette incapacité à conserver les morts fut l’une des causes du défaut d’intégration des populations musulmanes en France. J’ai reçu, en 1995, deux universitaires russes spécialistes d’une science que l’on n’enseigne pas chez nous, qu’ils nomment ‘conflictologie’. Ces deux universitaires travaillaient sur « nos » banlieues. Leur première question fut : « Où sont les morts ? » D’abord interloqué, je finis par répondre que les morts étaient enterrés de l’autre côté de la Méditerranée. Leur réponse fut brutale : « Là où sont les morts sont les vivants. » Cette phrase m’a marqué pour de longues années. Beaucoup auraient dû la méditer. » (40 ans dans les cités, p. 204)

    « Où sont les morts ? »

    Voilà donc déjà trois témoins de moralité pour Éric Zemmour (les deux universitaires russes, et Michel Aubouin), ce qui devrait suffire à dissiper l’idée que l’opinion émise par ce dernier serait purement idiosyncratique, pour ne pas dire le produit d’un esprit malade en proie aux « passions tristes ». En fait, cette idée n’est pas difficile à comprendre, et à défendre. Elle signifie juste que l’attachement à une communauté politique ou à une terre est, le plus souvent, inséparable des attachements familiaux et que la patrie pousse des racines dans notre cœur dans la mesure où, précisément, elle est le pays du père, c’est-à-dire de nos ancêtres. Comme le dit à peu près Rousseau, et beaucoup d’autres éminents esprits avec lui, l’amour qu’on a pour ses proches est le principe de celui qu’on doit à l’État et c’est par la petite patrie, qui est la famille, que le cœur s’attache à la grande. Par conséquent, de même que l’endroit où nous choisissons de nous faire enterrer en dit en général très long sur nos attachements personnels, le pays dans lequel nous voulons être enterrés, ou dans lequel nous voulons faire enterrer ceux qui nous sont le plus chers, en dit en général très long sur nos attachements politiques.

    Tout cela est trivial, évident même, et la seule chose qui nous empêche de le reconnaitre est justement que nous ne voulons plus de ce genre de liens que l’on ne choisit pas. Nous, qui avons pour projet de devenir de purs individus, nous voudrions pouvoir choisir tout ce qui nous constitue. Nous prétendons, par exemple, pouvoir choisir notre « identité de genre » et modifier notre corps en conséquence, de même que nous réclamons de la science qu’elle nous permette de satisfaire notre « désir d’enfant » comme et quand nous le voulons. Nous affirmons parallèlement que la seule adhésion volontaire (et donc nécessairement révocable, au gré des fluctuations de la volonté) à des « valeurs » évanescentes et universelles pourrait constituer une communauté politique fonctionnelle. Dès lors, comment pourrions-nous n’être pas choqués par l’idée que le cœur des vivants est enterré à côté de la dépouille des défunts, générations après générations ?

    Nous la repoussons donc avec véhémence et, pour en avoir meilleur marché, nous affectons de confondre ce qui se présente comme une vérité générale (vraie la plupart du temps dans la plupart des cas) avec une vérité universelle, qui serait vraie dans tous les cas. Et comme, en matière d’affaires humaines, la seule vérité universelle, peut-être, est qu’il n’existe pas de vérités universelles, il est facile de montrer que notre adversaire se trompe – puisque son affirmation souffre des exceptions !

     

    « plus Israéliens que Français »

    Les parents des enfants assassinés par Merah se sentaient-ils « plus Israéliens que Français », comme le dit à peu près Zemmour ? La vérité est, bien sûr, que nous n’en savons rien, car nous n’avons pas d’accès direct à l’âme de nos semblables. Il est donc possible que le fait d’avoir enterré leurs enfants en Israël ne nous apprenne rien sur leurs attachements politiques. L’honnêteté commande de le reconnaitre. Mais l’honnêteté commande aussi de reconnaitre que c’est peu probable. Il est raisonnable de supposer que leur choix du lieu de sépulture de leurs enfants dise quelque chose de leurs sentiments envers la France, de même que, par exemple, il est raisonnable de supposer que quelqu’un qui vous insulte est en colère contre vous. Et lorsque ce choix individuel est répété par un grand nombre de personnes, il est encore plus raisonnable d’y voir le symptôme d’un problème politique. L’incertitude, qui s’attache aux cas individuels, disparait à mesure nous atteignons le royaume des grands nombres.

    Il est d’ailleurs frappant de voir que certains contestent les propos d’Éric Zemmour en affirmant que, si les parents des victimes de Merah ont choisi de faire enterrer leurs enfants en Israël, c’est parce qu’ils craignaient qu’en France les tombes soient profanées. J’ignore si c’est vrai (et ceux qui le disent l’ignorent aussi sans doute), mais, si tel est le cas, cela me semble une confirmation du constat zemmourien et non une réfutation. Car cela revient à dire que ces parents ne croyaient plus en la France, qu’ils ne croyaient plus en la capacité de la France d’assurer à ses citoyens juifs une vie paisible et sûre, et que, par conséquent, ils considéraient déjà, obscurément, que leur destin individuel et familial allait devoir se séparer de celui de la France.

    Je ne saurais les en blâmer. Il est devenu difficile de croire en la France de nos jours, à moins d’avoir la foi du charbonnier, et je comprends fort bien ceux qui désespèrent et cherchent une porte de sortie. Peut-être est-ce, en effet, la chose raisonnable à faire. Particulièrement pour des juifs, pour des raisons évidentes. Il n’en reste pas moins que, comme en amour, celui qui commence à « faire son petit système à part », comme le dit Rousseau, a déjà commencé à se détacher sentimentalement, qu’il se l’avoue ou non.

    Français de cœur et pas seulement de papier.

    Quant au fait que Zemmour mettrait ignominieusement « sur le même plan l’assassin et ses victimes », il ne peut s’agir que d’un sophisme, ou d’un paralogisme dicté par la colère. Car, bien sûr, il est toujours possible de mettre un assassin et sa victime « sur le même plan », puisque tous deux sont des hommes et ont donc des points communs. Tout dépend du « plan » en question. La seule comparaison vraiment inacceptable, c’est celle qui vise à relativiser ou à effacer la culpabilité de l’assassin. Ce qui n’est absolument pas le propos d’Éric Zemmour.

    Alors, peut-on être pleinement Français, Français de cœur et pas seulement de papier, et faire enterrer ses enfants à l’étranger ? Si l’on adopte le point de vue sublime de l’observateur impartial à qui seule la vérité importe, la réponse est sans doute oui. Mais, si l’on adopte le point de vue de l’homme d’État, qui doit agir pour le bien du tout, et non pour celui de tel ou tel individu en particulier, et qui par conséquent doit accepter de guider son action par des vérités générales, imprécises mais étendues, la réponse doit être non. Elle doit être non, car elle est non dans la plupart des cas.

    J’ignore si Éric Zemmour a les capacités d’un homme d’État – pour tout dire je suis un peu sceptique. Mais ce que je sais, c’est que ceux qui ne sont pas capables d’adopter le point de vue de l’homme d’État ne devraient pas se mêler de politique.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/