On sait ce qu’il est advenu du château d’Ansouis en 2008, vendu à la bougie. Heureusement, la duchesse de Sabran-Pontévès, auteur de "Bon sang ne saurait mentir" où elle racontait ses efforts pour maintenir un héritage millénaire dans sa famille, n’était plus de ce monde !
Probablement serait-il arrivé la même chose à Amboise, Dreux et Bourbon-l’Archambault et autres immeubles… si Henri VI, comte de Paris, n’avait pas pris cette décision apparemment sage avec la compréhension du président de la République Valéry Giscard d’Estaing.
On a beaucoup glosé sur la fortune de ce comte de Paris qui s’était trouvé à la tête d’un immense patrimoine à la mort de son père le duc de Guise en 1940 et dont les médias à sensation ont affirmé, à sa propre mort en 1999, qu’il avait tout dilapidé. Cette richesse provenait du roi Louis-Philippe et de ses enfants. Lors du second Empire, Napoléon III avait obligé les princes d’Orléans à s’exiler et à réaliser leurs biens. Mais il avait probablement fermé les yeux sur un système de prête-noms qui avait permis à ceux-ci de garder une bonne part de leur ancrage en France. Cela a été bien raconté très récemment par Yannick Vanacker dans sa monographie sur le château du Nouvion-en-Thiérache ("Un château au cœur de la Thiérache") dont nous avons parlé dans notre n° 36 du 7 octobre 2020. C’est dans ce château, hérité du duc d’Aumale, que le comte de Paris était né le 5 juillet 1908. En lisant ce livre, on comprend que cette transmission n’a été possible que grâce à des juristes et gestionnaires remarquables et remarquablement fidèles à des principes et à une Famille. Ensuite on constate que les bases économiques de telles fortunes ne sont pas immuables. Déjà, du temps du duc de Guise, le domaine du Nouvion ne permettait plus de soutenir le train de vie d’une famille princière et cela ne fut pas sans incidences sur la décision de celle-ci d’aller s’installer au Maroc.
Du reste, on voit bien que la partie la plus visible de l’héritage du duc d’Aumale, le domaine de Chantilly, léguée à l’Institut de France, et qui était rentable au moment du legs du fait des fermages, de l’exploitation forestière, d’une petite activité industrielle, etc., est devenue un fardeau pour l’Institut car les biens en forêts ou terres agricoles ont beaucoup perdu de leur valeur. Il me souvient d’un scandale vite étouffé, dans les années 1960/1970 où on disait que des administrateurs assoupis et peu scrupuleux avaient laissé le domaine à l’abandon, non sans profiter pour eux-mêmes ou leurs proches d’avantages indus… Qu’en était-il ? Quelque rapport cinglant eut sans doute le sort de tous les rapports de ce genre. Mais Chantilly fut ensuite sauvé par une meilleure valorisation. Le tournage d’un James Bond, sur ses terrasses en fut le symbole. La fréquentation du musée augmenta grâce à des expositions prestigieuses. Or qu’entend-on actuellement ? La crise de la covid a mis par terre ce redressement, la billetterie étant au point mort, le mécénat en berne. Le musée Condé serait ruiné, devra licencier, si l’État ne lui porte secours…
Pourquoi voudrait-on que la fortune du comte de Paris Henri VI ait connu un meilleur sort ? Je n’ai jamais cherché à savoir quoi que ce soit sur ces questions. Mais il se trouve que lors de mon service militaire j’avais pour compagnon de chambrée un jeune homme dont le père avait été un des gestionnaires de la fortune du comte de Paris. Cela s’était très mal passé. Déjà à l’époque, on disait que le Prince avait été ruiné. Celui-ci pensait-il que son homme de confiance avait outrepassé son mandat et avait pris des risques inconsidérés ? Le soupçonnait-il de s’être enrichi au passage ? C’est ce que m’affirma plus tard un mondain qui connaissait un peu les uns et les autres… Tout ce dont je peux témoigner, c’est de la haine profonde du jeune homme à l’égard du Prince sur lequel il faisait reposer la responsabilité de ces malheurs probablement boursiers et du renvoi de son père…
Pour expliquer un – relatif – appauvrissement, il ne faudrait tout de même pas oublier que le Prince a financé durant de longues années une action politique très ambitieuse. Contrairement aux hommes politiques ordinaires qui, trop souvent, s’enrichissent dans leur action, il a, lui, payé de ses deniers campagne, journaux, voyages, réceptions…
Autre histoire dont nous avons entendu parler, sans trop chercher non plus à approfondir : les déboires du comte de Clermont. Le fils aîné du prétendant, s’était lancé, à un moment, dans l’exportation de produits industriels français. Des journaux parlaient de locomotives vendues en Argentine. Imprudent, mal conseillé, voire pire, il se retrouva, semble-t-il, comptable d’une dette énorme. L’histoire dit que son père la combla en vendant un immeuble situé sur l’esplanade des Invalides (rue de Constantine), légué par une dame royaliste dans le but de fournir un logement au Dauphin de France. Le fameux logement de fonction qui fait aujourd’hui défaut au prince Jean.
La fortune, les affaires, ce sont toujours choses compliquées et fragiles. En témoignent les profils contrastés d’un Vincent Bolloré ou d’un Arnaud Lagardère pour rester dans une actualité chaude très illustrative.
Les hommes de loi et d’affaires doués et fidèles ont manifestement fait défaut dans la gestion du patrimoine de la Famille de France. En 2015, la justice a estimé qu’une partie des biens meubles – du mobilier, des œuvres d’art, des bijoux… – dont la Fondation Saint-Louis s’estimait dépositaire, devait en fait revenir aux descendants du comte et de la comtesse de Paris (qui ont eu onze enfants dont le prince François tué en Algérie en 1965 à 25 ans, sans héritier, et le prince Thibaut mort en 1983 à 35 ans en laissant un fils, Robert actuel comte de la Marche…) Il paraît que les notaires n’avaient pas fait leur travail correctement ! Cela n’avait pas été faute d’y avoir mis nombre de juristes y compris des services de l’État… Toujours est-il qu’on révéla à cette occasion que cette fortune n’avait donc pas été dilapidée dans les proportions où cela avait été dit complaisamment, mais qu’elle était conservée dans les garde-meubles du Crédit municipal ou dans des salles du château d’Amboise. Pour peu de temps encore, puisque le produit d’une vente aux enchères fut réparti entre les héritiers naturels. Du fait des Enfants de France réclamant leur dû, la Fondation Saint-Louis se trouvait dépossédée de certains biens meubles mais conservait les biens immobiliers. Pour combien de temps ?
L’actuel comte de Paris estime que la Fondation Saint-Louis, dont il est président d’honneur statutairement, a pour objectif d’apporter un soutien à la Maison de France dont il est le représentant principal de par l’application des anciennes lois dynastiques. À ce titre, il estime notamment qu’il doit pouvoir bénéficier gratuitement d’une sorte de logement de fonction dans une maison qu’il occupait, après sa mère, dans le domaine de la nécropole royale de Dreux. Il vient d’en claquer la porte parce que les administrateurs de la Fondation semblent avoir une vision différente de leur mission et de la réglementation. On voit bien que, par exemple, le château d’Amboise joue cavalier seul, très actif sur les réseaux sociaux, sans jamais une référence à la Famille de France, comme si elle n’existait pas, n’avait aucun rapport avec le monument…
Le droit républicain joue en principe pour ces administrateurs en roue libre plutôt que pour le Prince. On se souvient trop de l’imprudence judiciaire du comte de Clermont, poursuivant devant les tribunaux français son cousin Bourbon d’Espagne qui prétendait porter un titre français. Les juges refusèrent de lui donner raison, convaincus peut-être par les raisonnements hors sol (c’est le cas de le dire) de l’ancien Garde des sceaux Jean Foyer.
Que sont les juges ? Il suffit de lire le dernier livre de Me Régis de Castelnau ("Une justice politique") pour se confirmer dans l’idée que le droit qu’ils appliquent est fortement tributaire de l’époque et du milieu dans lesquels ils évoluent. Alors ce procès du comte de Paris contre la fondation Saint-Louis est-il une bonne idée ? Assurément non. Car un arrangement même mauvais vaut toujours mieux qu’un bon procès. Avait-il le choix ? A-t-il de bons avocats ? Ce n’est pas certain.
Photo = Le château d'Amboise © Philippe Delorme
Mon article ci-dessus provient de la lettre de Dynastie, une publication royaliste indépendante qui arrive bientôt à son 60e numéro depuis juillet 2019. Merci de vous rendre sur le site qui héberge les anciens numéros pour voir de quoi il retourne.
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Commentaires
Très intéressant, mais l'auteur fait l'impasse sur le patrimoine immobilier à l'étranger qui, à la sortie de la guerre, valait peut-être plus que le patrimoine français, si l'on retire le château d'Amboise, inestimable, lui.
Ce patrimoine expatrié a été liquidé par le comte de Paris Henri VI pour les raisons évoquées dans l'article.
A chercher du soutien, le prince Jean serait mieux inspiré de publier les statuts de la Fondation Saint-Louis comme preuve de ses droits plutôt que d'en invoquer publiquement "la lettre et l'esprit".