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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Jusqu’où ?

     

    par Hilaire de Crémiers

    Tout se dégrade très vite dans le système actuel. La question est de savoir jusqu’où le pays peut descendre.

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgJusqu’où ? C’est la question que se pose tout le monde. Une minorité de blocage peut-elle arrêter toute la France ? Qu’est-ce que la CGT ? Aujourd’hui ? Et Sud ? Et l’UNEF ? Martinez et Martinet ont-ils tant de pouvoir ? Que représente au juste ce syndicalisme ? Des pourcentages dérisoires, tout le monde le sait. Mais ce sont eux qui mènent la danse. Ils ont la volonté de nuire. Apparemment ils en ont la capacité. Les autres salariés, à leur corps défendant, contraints, résignés ou finalement entraînés, leur laissent la situation en main. FO se mettra-t-elle sur la même ligne ? Les réformistes ne peuvent pratiquement rien. Qui peut quoi ?

    En cette fin de mois de mai où nous mettons sous presse, les raffineries et les dépôts d’essence sont bloqués les uns après les autres. Le gouvernement a tenté d’en libérer deux, mais la CGT a décidé de contourner les forces de l’ordre et de reprendre ses positions. Elle y mettra les moyens et arrivera sans doute à ses fins. L’activité dans les zones qui sont pour le moment les plus touchées, commence à sérieusement se ralentir : en particulier tout ce qui relève du transport, hommes et marchandises, et c’est beaucoup de nos jours, ainsi que tout ce qui fonctionne au pétrole et à ses dérivés. Le reste s’en ressent : plus de livraison. Demain tout le pays peut être paralysé. Il suffit de peu : quelques jours à peine. La CGT n’a rien à perdre, tout à gagner ; elle joue maintenant sa crédibilité. Elle sera la centrale syndicale qui, au prétexte de défendre la cause des salariés, se sera imposée au gouvernement ; c’est le but recherché.

    Elle s’en sortira toute ragaillardie. Elle s’affaiblissait ; la radicalisation la renforce. Les autres seront dans l’obligation de suivre ou elles seront soupçonnées de trahison. Telle est la logique toute simple qu’elle met en place, nationalement et vigoureusement. Donc elle n’a aucune raison de plier devant les ordres du gouvernement. Pour elle, Hollande et Valls ne comptent plus, la gauche gouvernementale non plus ; ils sont catalogués définitivement comme « sociaux-traîtres ». Le grand patronat, elle le toise, et il va voir ce qu’il va voir ; quant aux Français moyens, aux usagers, aux artisans, commerçants, à tous ceux qui travaillent pour vivre, la CGT s’en moque comme d’une guigne. Tout doit être sacrifié pour le combat qui, comme toujours en pareil cas, est décisif.

    Tout sera affecté très vite

    Rien à cette heure n’arrête le mouvement enclenché. La SNCF, la RATP, vont progressivement s’essayer à la grève ; à partir de début juin elle sera reconductible systématiquement. Les dockers se mettent de la partie : les ports seront entravés. Les aéroports vont subir des grèves. Après les transports, l’énergie. Une centrale nucléaire, celle de Nogent-sur-Seine, débute au jour d’aujourd’hui le débauchage. Tout sera fait pour que les autres suivent ; ça peut aller très vite et très loin.

    Le jeu devient dangereux à tout point de vue, y compris la maintenance. C’est fait exprès, comme tout le reste. Plus d’électricité ? Qui imagine les conséquences dans la société si fragile et si dépendante d’aujourd’hui ? Tout serait, sera affecté, et peut-être dès le début du mois de juin : usines, hôpitaux, services, transports, informatique, tout. Et l’Euro de football ? La CGT brandit là l’arme de dissuasion massive. Elle en a encore d’autres avec sa fidèle alliée l’UNEF : reproduire le schéma de 1968, mettre en l’air les examens et casser un peu plus les universités et l’Éducation nationale. Il est si facile de se croire des héros, à peu de frais.

    Que peut faire le gouvernement ? Rien ou très peu de chose. Alain Vidalies, le très improbable secrétaire d’État aux Transports, du même tabac que ses tout aussi inconsistants congénères du gouvernement, n’expliquait-il pas encore fin mai qu’il n’y avait aucune pénurie d’essence, que tout allait bien et qu’il n’y avait pas de souci à se faire ? Le gouvernement avait la situation en main. Le « ça va mieux » d’Hollande, repris en boucle ! Le pouvoir pour lequel visiblement aucun d’entre eux n’est fait, les rend tous idiots. Valls déclare d’une voix ferme que « la voie où s’engage la CGT est sans issue ». Soit. Puis il martèle devant les députés : « la CGT ne fait pas la loi dans ce pays ». Et alors ? Pense-t-il que Martinez et Martinet en seront impressionnés ?

    Ni Juppé, ni Fillon, ni Chirac, ni Villepin n’ont fait reculer les syndicats et la rue. Ils ont tous été obligés de retirer leurs lois. Chirac, président, a même fait mieux avec la loi dite du CPE en 2006 : il l’a promulguée et abrogée le même jour ! Valls n’a tenu ferme que devant la Manif pour tous : des catholiques dans la rue et par centaines de milliers, c’était bon à gazer. La République n’avait pas peur : elle arrêtait et jugeait à tour de bras. Alors pas de pitié ; la loi était la loi ; pas question de céder. Et, de fait, les foules catholiques sont gentilles et, au fond, si dociles. Le gouvernement n’affrontait aucun risque. « Nous ne lâcherons rien », criaient les manifestants ; c’est le pouvoir qui n’a rien lâché !

    Le bras de fer

    Aujourd’hui, il en va différemment. Tout le monde parle d’un bras de fer. La « légalité » républicaine a en face d’elle une « légitimité » démocratico-révolutionnaire qui, idéologiquement et selon l’échelle de valeurs du système, vaut plus qu’elle, car pareille légitimité qualifiée de populaire est, à l’origine et par principe, la véritable source de la prétendue légalité. Telle est la rhétorique d’une implacable logique. Et toute cette gauche ne connaît que cette rhétorique avec laquelle ils ont tous été élus et dont ils vivent. Hollande et Valls également. Il suffit de rappeler leurs discours de naguère.

    Or, en un mot, selon cette rhétorique démocratique, ce gouvernement de gauche qui a été élu par les voix de gauche, n’est plus véritablement de gauche. A preuve, la loi El Khomri qui a été faite « pour le patronat » et dans l’intention d’assouplir le marché du travail en changeant « la hiérarchie des normes sociales ». Peu importe s’il ne reste pratiquement plus rien de ladite loi et si même les accords dits d’entreprise sont réduits à la portion congrue. L’argumentaire est repris inlassablement : le droit du travail serait remis en cause ; on crie à la précarisation des salariés. Le peuple de gauche se révolte.

    Il accuse – et fort justement – Hollande de mensonge ; il ne tient pas ses promesses ; et de fait ! Que n’a-t-il promis pour gagner des voix à gauche et à l’ultra-gauche ? Tout était bon à l’époque. C’était oublier que, tout socialiste qu’il fût et bien qu’il maniât rhétoriquement l’exécration à l’égard de la finance et de l’argent, il était tenu lui aussi comme tout politicien par l’argent et les hommes d’argent, soumis à la finance nationale et internationale et, tout simplement, dépendant de Bruxelles dont il est un affidé et un obligé consentant. Hollande, comme tous les autres, ne peut que suivre des consignes et la France, depuis des décennies, et plus gravement encore ces derniers temps, se trouve ainsi mal prise entre, d’une part, son socialisme d’État auquel elle semble consubstantiellement vouée, et, d’autre part, un libéralisme imposé de manière tout aussi autoritaire et contraignante par les instances européennes. Au fond, Hollande est comme les autres ; il n’a jamais choisi. L’affaire lui retombe sur le nez.

    Que manque-t-il ?

    Et la France subit les inconvénients des deux systèmes opposés, aussi totalitaires l’un que l’autre et qui la tiraillent en tout sens. Elle n’a plus personne pour lui définir sa voie. à la tête de l’État, elle a un homme qui n’a jamais réfléchi à ces questions, qui récite en public ses fiches de grand dadais d’étudiant et ses consternantes banalités de politicien démagogue et immature : l’Europe et la social-démocratie ! Son univers de mots ! Valls n’a aucune idée, sinon celle de jouer un rôle qui le revêt d’importance. Il s’identifie à la République. Mais laquelle ? Sans majorité ? Ni populaire ni parlementaire ? Pendant que Macron marque sa différence et se place pour un avenir de plus en plus proche, hors de la pagaille gouvernementale.

    Ce mauvais film peut-il durer longtemps ? L’Euro foot commence dans quelques jours ; après il y aura le Tour de France. La CGT en profite pour continuer la pression. La loi El Khomri est maintenant au Sénat. La droite sénatoriale va la remanier. Elle repassera à l’Assemblée nationale. Leroux, le chef des députés socialistes, est à la manœuvre : il pensait trouver un accommodement en réécrivant l’article 2 qui aura perdu tout intérêt, afin de séduire syndicats et députés et ainsi empêcher si possible la motion de censure en cas de 49-3. Valls l’a rappelé à l’ordre. Il se rigidifie. Pour casser ? Serait-ce son issue ? Tête haute… et préservant son avenir, aujourd’hui compromis ? Ou va-t-il céder ?

    Voilà ce qu’on appelle dans les démocraties avancées, en France singulièrement, faire de « la politique ». Le peuple français dans son fond en est dégoûté. Les candidats de droite prétendent prendre la suite l’an prochain, à grands coups de réformes dont aucune ne va à l’essentiel : leurs programmes sont tout aussi trompeurs ? Ce n’est pas de la politique, ce sont des chiffres.

    La République française n’est plus qu’un mensonge officiel qui couvre des bandes et des gangs qui rêvent tous de passer à l’assaut de l’État. Les cassures sociales se multiplient ; le monde musulman évolue de plus en plus à part comme l’ont montré encore récemment les journées du Bourget.
    La police et les forces de l’ordre sont excédées, épuisées. Le gouvernement en use et en abuse. Une voiture de police a brûlé, ses occupants ont failli être assassinés. La justice relâche les coupables ! L’atmosphère nationale se dégrade tous les jours; l’économie ne peut pas se restaurer dans un tel environnement malgré les discours lénifiants des zozos qui nous gouvernent. Il suffit qu’une panique s’empare de nos créanciers pour que les finances de la France s’effondrent.

    Nul ne sait ce que sera l’Europe de demain. L’Autriche nous a donné en mai un fort signal, l’Angleterre, en ce mois de juin, un autre. Quelle illusion de croire que tout continuera comme avant ! Les prochains attentats surprendront tout autant que les précédents. Il manque à la France un gouvernement de salut public. Pas révolutionnaire. National.   

  • TVA sociale, l'élixir miracle ? par François Reloujac

    (Analyse économique de François Reloujac, parue dans le numéro de février -104 - de Politique magazine)

     En cette période pré-électorale, le gouvernement à court d’imagination doit faire face à une crise sans précédent dont personne ne sait comment sortir. Mais, voulant prouver qu’il maîtrise toujours la situation, il a annoncé la mise en place d’une « TVA sociale ». Ce nouveau slogan destiné à « vendre » aux populations désemparées une nouvelle augmentation des impôts qu’elles supportent directement, est révélateur de l’incurie politique actuelle. 

            Les mots ont depuis longtemps remplacé la réflexion et les idées ; ils servent de voile à l’absence de vision politique et déguisent en courage la vacuité de l’agitation réformatrice érigée en dogme. Car, si l’on y réfléchit cinq secondes, une TVA n’est ni sociale ni anti-sociale. Ce n’est ni son but, ni même une de ses qualités cachées. L’accouplement des deux termes ne poursuit qu’un seul objectif : faire croire que la purge aura bon goût ! 

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            Qu’est-ce que la TVA sinon un impôt sur la consommation ? 

            Probablement le plus souple et le plus efficace inventé jusqu’à présent. Il suffit de faire varier le taux applicable en fonction des productions frappées pour favoriser telle ou telle d’entre elles, pour pénaliser tel ou tel secteur d’activité. Une TVA très faible – voire à taux zéro – sur les produits de première nécessité permet de donner aux populations les plus défavorisées accès à tout ce dont elles ont besoin sans pour autant les désigner à la vindicte des couches plus aisées qui finissent par avoir l’impression de travailler pour d’autres et contre leurs propres intérêts. La TVA est, dans le monde d’aujourd’hui, le seul impôt non discriminatoire puisqu’il ne dépend pas a priori d’un choix de la population à taxer, mais des choix de consommation de chacun. Cet impôt, né en France, imaginé par un banquier français, Maurice Lauré, a paru tellement intelligent qu’il a été très largement exporté dans le monde entier. Il est devenu, par excellence, l’impôt européen de base. Au point que désormais nul pays n’est plus libre d’en fixer unilatéralement le taux sans tenir compte des fourchettes imposées par l’ensemble de l’Union européenne. Hélas, ces fourchettes sont nettement trop étroites pour donner à chaque gouvernement la liberté d’action suffisante pour faire face aux besoins de sa politique et beaucoup trop larges pour assurer – sans transferts permanents de fonds entre les pays – la stabilité d’une monnaie unique.

            Le défaut majeur de la TVA c’est qu’elle est un impôt trop subtil pour ne pas avoir tenté tous ceux qui ont voulu s’en servir à des fins électoralistes, quitte à le dévoyer. On a ainsi manipulé les taux de la TVA pour favoriser certains secteurs d’activité, comme la restauration, par exemple, ou les travaux effectués au sein des bâtiments à usage d’habitation. On a – il fut un temps aujourd’hui révolu – utilisé cette même manipulation du taux de la TVA pour lutter contre l’accès par Minitel à des sites pornographiques. Ces deux exemples, bien connus, mais pris parmi une multitude d’autres, montrent combien la TVA peut servir à mettre en place une politique que l’on n’a pas le courage d’assumer. Et ces politiques sont toujours votées, quasiment sans discussion, par un Parlement qui ne joue plus le rôle pour lequel il a été inventé : consentir à l’impôt, c’est-à- dire aussi refuser l’impôt si celui-ci risque de créer dans la société des désordres plus graves que les avantages qui en sont attendus.

            Dernier avatar donc, de cette dégénérescence d’un impôt efficace : la « TVA sociale ». La constatation qui a conduit à en adopter l’idée est incontestable. La solution envisagée est simple à mettre en œuvre. La justification de son adoption peut être résumée en un slogan digne des grandes agences de publicité. 

            Sa perception est indolore car imperceptible dans la vie de tous les jours. Mais à quoi servira-t-elle vraiment ?

     

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     30 juin 2009 : Christine Lagarde, alors ministre de l'Economie et des Finances, pour le lancement de la TVA à 5,5% dans la restauration

     

    Français : consommez plus !

            Une augmentation de deux ou trois points de TVA sur les opérations de la vie courante passera inaperçue. Qu’une baguette de pain soit vendue 90 ou 95 centimes n’entraînera pas une révolution. Mais, en fin d’année, appliquée à toutes les opérations marchandes, cela finit par faire plusieurs milliards. La consommation risque-t-elle d’en souffrir ? Certes ! Mais si cela se produit, on pourra toujours accuser les banques de ne pas avoir soutenu ladite consommation en limitant la distribution des crédits à la consommation. Lors de la réforme de ce crédit à la consommation par Mme Lagarde, on a jugé indispensable de développer en même temps des mesures pour rendre les banques responsables des nouvelles situations de surendettement : c’était la seule façon de « moraliser » un système fondé sur un accroissement permanent de la consommation sans aucune augmentation corrélative des salaires distribués. Pour soutenir l’économie nationale, les Français étaient sommés de consommer plus. Mais, comme les entreprises françaises sont déjà grevées de trop de charges, elles ne devaient surtout pas risquer d’être obligées d’augmenter encore les salaires alors que ceux des concurrents étrangers – qui n’ont pas les mêmes charges, ni les mêmes contraintes, mais qui peuvent vendre librement en France – restent nettement moins élevés. Il suffisait donc qu’ils empruntent. Et comme les emprunts à la consommation ne doivent conduire qui que ce soit à l’exclusion sociale, il suffisait de rendre les banques « responsables » des situations de surendettement. Ce qui fut fait !

            On s’étonne aujourd’hui que cela n’ait pas permis à l’économie de repartir, ni réduit la tendance des entreprises « françaises » – dont le capital est très largement détenu par des « opérateurs » anonymes étrangers, notamment des fonds de pension – à délocaliser leur production, poussant ainsi le chômage à la hausse et conduisant une nouvelle fois la consommation à la sta-gnation. L’équation est donc la même, mais la solution proposée a fait long feu. Il faut inventer autre chose… tout en respectant le dogme fondamental du libre-échange mondial ! Comment, donc, rendre les entreprises compétitives face à leurs concurrents qui produisent dans des pays où le salaire minimum est inférieur à 150 euros par mois et où les charges sociales n’ont pour but ni de couvrir les retraites ni les dépenses de maladie ? Il suffit de baisser les charges sociales ! Et, pour combler le trou qui en résultera nécessairement alors que les dépenses de retraite et de santé augmentent considérablement – vieillissement de la population oblige –, il suffit de substituer à ces diminutions de recettes une nouvelle source : l’augmentation de la TVA. Du coup, on peut l’affubler du qualificatif de « social » puisqu’elle a pour but officiel de faciliter les « relocalisations ».

     

    Aucun impact sérieux sur l’économie

            L’efficacité de la « TVA sociale » ne sera pas supérieure à celle de la loi ayant réformé le crédit à la consommation : elle sera nulle, dans le meilleur des cas. Non pas que l’idée ne soit pas théoriquement défendable mais, si l’on veut qu’elle atteigne véritablement son but – qui n’est en fait qu’une conséquence indirecte –, il faut d’abord une augmentation très importante des taux (de plus de cinq ou six points, voire même dix), ce qui est politiquement insupportable et, de toute façon, contraire aux traités européens. C’est même une mesure dont le seul effet serait d’achever définitivement l’euro. Il faut ensuite imposer aux entreprises qui en bénéficieraient et qui, corrélativement, verraient leurs charges sociales diminuer, soit d’embaucher à due concurrence de nouveaux salariés – ce qui ne serait pas forcément utile dans tous les secteurs de production –, soit d’augmenter à due concurrence les salaires des personnes en place. Cela ne se fera pas. C’est pourquoi l’opposition déclare, dans son langage courant, qu’une telle mesure relève de « l’ultra-libéralisme » ! Quoi qu’il en soit, cette décision n’aura aucun impact sérieux sur le fonctionnement de l’économie ; mais son but ne sera- t-il pas atteint si les entreprises qui en seront les premières bénéficiaires soutiennent, y compris financièrement, la campagne de tel ou tel candidat à l’élection présidentielle ? Finalement, d’un point de vue politique, le candidat qui, sur cette question, a eu le mot le plus juste est François Bayrou : « Le gouvernement d’un grand pays, ça ne se fait pas en improvisant à la dernière minute ce qu’on n’a pas fait pendant cinq ans ». ■

  • Jean Sévillia : « La France catholique n'a pas dit son dernier mot »

     

    Par Jean-Christophe Buisson

    Une interview où Jean Sévillia fait un point fort intéressant sur le poids, l'importance, le positionnement, les orientations, en bref sur la situation des catholiques de France et leur avenir. Un sujet qui concerne actuellement plus que jamais le domaine proprement politique. LFAR    

    Historien, essayiste et journaliste, Jean Sévillia publie un superbe album illustré qui constitue, par le texte et par l'image, un état des lieux du catholicisme en France aujourd'hui. Cette interview a été donnée au Figaro magazine.

    La France catholique : le titre du livre que vous publiez n'est-il pas provocateur ?

    Tel n'est pas son objectif, en tout cas. Evoquer la France catholique, c'est rappeler les faits. En premier lieu en ce qui concerne la population française. S'il est interdit aux organismes publics de procéder à des statistiques sur l'appartenance religieuse, de nombreuses études opérées par des instituts de sondage fournissent des indications fiables. Selon une récente enquête, 56 % des Français se déclarent catholiques, 8 % musulmans, 1,4 % protestants, 1,4 % orthodoxes, 1,3 % bouddhistes et 0,8 % juifs, 27 % des sondés se présentant comme sans religion. 56 % de catholiques déclarés, c'est ce qu'on appelle une majorité. En chiffres, on sait que le pays compte 44 millions de baptisés, ce qui fait, sur 65 millions d'habitants, les deux tiers de la population. Sous l'influence d'une laïcité exacerbée qui voudrait effacer le fait religieux de l'espace public, sous l'incidence, également, du grand nombre de questions intérieures et extérieures touchant à l'islam ou aux musulmans et qui finissent par accaparer les débats, on en viendrait à oublier, et pour certains à occulter, que le catholicisme reste la religion d'origine ou de référence de la majeure partie de la population française.

    Mais une religion qui est de moins en moins pratiquée…

    Certes. Au début des années 1960, environ 90 % des Français se présentaient comme catholiques, dont 35 % de pratiquants réguliers ou occasionnels ; au début des années 1970, les pourcentages étaient encore de 82 % de catholiques déclarés et de 20 % de pratiquants. Aujourd'hui, les catholiques pratiquants représentent entre 4,5 et 6 % de la population. Ce recul spectaculaire tient à des causes multiples: disparition de la vieille société rurale, bouleversements socioculturels des années 1960-1970, sécularisation du monde occidental. D'une société qui, en dépit de la laïcité officielle et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, était héritière d'une société de chrétienté, nous sommes passés à une société du libre choix religieux, dans un contexte d'incroyance généralisée. Néanmoins, en 2015, la France compte 3 millions de catholiques pratiquants réguliers et 10 millions de pratiquants occasionnels, soit 13 millions de personnes. S'il s'agit d'une minorité, cette minorité est numériquement la première minorité de France. Quant au long terme, les projections montrent qu'en 2045, le pays comptera entre 33 et 37 millions de baptisés, ce qui sera encore une masse considérable.

    Mais la France catholique, c'est aussi une culture ?

    C'est un patrimoine de 100 000 édifices religieux, dont 150 cathédrales et 45 000 églises paroissiales. C'est un enracinement bimillénaire qui s'observe dans la toponymie (4 400 communes portent un nom de saint), dans le calendrier civil où les six plus grandes fêtes chrétiennes sont des jours fériés, dans les traditions populaires, de la crèche de l'Avent aux œufs de Pâques. C'est tout un héritage artistique, littéraire et musical. C'est un héritage intellectuel et philosophique: tous les grands penseurs français, même s'ils n'étaient pas chrétiens, ont eu à se situer par rapport au catholicisme, ce qui revenait à reconnaître la place centrale de celui-ci dans notre histoire. La France catholique, ce sont encore les principes de base qui fondent le pacte social: la dignité de la personne humaine, l'égalité entre l'homme et la femme, la solidarité envers les petits et les pauvres, le souci de la justice ou le sens du pardon ont pu être laïcisés, ils expriment une anthropologie tirée des Evangiles. C'est en ce sens que la formule du général de Gaulle selon laquelle «la République est laïque, la France est chrétienne» conserve toute sa pertinence. C'est en ce sens également que les sociologues Hervé Le Bras et Emmanuel Todd ont pu parler récemment d'un «catholicisme zombie», signifiant par là qu'en dépit de la baisse de la pratique religieuse,

    Quel est le poids des catholiques dans la société ?

    Il est énorme, mais il s'exerce de façon discrète. Dans le domaine de l'enseignement, par exemple, une famille française sur deux confie son enfant à un moment ou à un autre de son parcours scolaire à l'enseignement catholique. Même quand les motivations des parents ne sont pas d'ordre religieux, et même quand les établissements fréquentés n'ont qu'une faible identité confessionnelle, les élèves ont un contact, le temps de leur scolarité, avec l'univers catholique. Dans le domaine de l'aide sociale, du caritatif et de l'humanitaire, tant en France que pour les missions françaises à l'étranger, si l'on supprimait d'un trait les associations catholiques, ce serait une perte immense, si nombreux sont les catholiques engagés dans ces secteurs. L'éducation chrétienne, en général, prédispose au bénévolat. Rappelons, par exemple, qu'avec 125 000 membres le scoutisme catholique, toutes tendances confondues, est un des principaux mouvements de jeunesse français.

    Et sur le plan politique, que représentent les catholiques ?

    Politiquement, ils sont divisés. Ce n'est pas nouveau, cela date du XIXe siècle. Il existe des catholiques de gauche, du centre et de droite. Mais, au cours des deux dernières décennies, les équilibres se sont modifiés. Nous avons assisté à la quasi-disparition des chrétiens de gauche, emportés par leurs désillusions consécutives à la présidence de François Mitterrand. Puis à la droitisation du curseur chez les catholiques pratiquants, dont les trois quarts ont voté pour Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle de 2012. Mais le peuple catholique n'est pas différent du commun des mortels: ce qui prédomine chez lui, c'est une méfiance à l'égard des partis et des hommes politiques actuels, accusés de se préoccuper d'enjeux politiciens ou d'objectifs à court terme, et non des vrais problèmes qui engagent notre avenir. L'opposition au mariage homosexuel, toutefois, a manifesté une capacité de mobilisation des réseaux catholiques qui a surpris tout le monde, y compris les organisateurs des grandes manifestations de 2012-2013. Cette mobilisation, qui a dépassé les clivages traditionnels, marque l'entrée dans l'arène d'une nouvelle génération catholique qui sait être une minorité agissante.

    Qu'est-ce que le pontificat du pape François change pour les catholiques français ?

    Méfions-nous des fausses oppositions entretenues, non sans arrière-pensées, par le système médiatique. La majorité des forces vives du catholicisme français, que ce soit dans le clergé ou chez les laïcs, n'a eu aucun problème, au contraire, avec les pontificats précédents. Le témoignage public de la foi chrétienne par les processions ou les pèlerinages, pratiques qui sont en plein renouveau, l'exigence de formation religieuse ou d'approfondissement spirituel, qui caractérisent la nouvelle génération, sont des legs de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Mais l'appel à la radicalité évangélique à laquelle invite François n'a rien pour déplaire à cette nouvelle génération.

    Comment se présente l'avenir pour le catholicisme français ?

    Les évolutions démographiques et sociologiques sont lentes mais implacables. A court et moyen terme, nous allons vers une Eglise de France plus resserrée, plus citadine, où les divisions internes n'auront pas disparu mais se seront déplacées. Dans la mesure où le catholicisme populaire a fondu, le risque est celui de l'entre-soi. La contrepartie de cette homogénéité sociale et culturelle, c'est une vraie cohérence et une garantie de durée. Sur le long terme, si l'on considère le dynamisme de ces mouvements, de ces paroisses et de ces communautés, sans parler de leur vitalité intellectuelle et spirituelle, on peut dire que la France catholique n'a pas dit son dernier mot. 

    Jean-Christophe Buisson 

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    La France catholique, de Jean Sévillia, Michel Lafon, 29,95 €.   

     

  • Lu sur le Bien Commun : Populisme et Gilets jaunes, entretien avec F. Bousquet, rédacteur en chef d’Éléments

    « ...On touche ici les limites de la révolte populaire.»

    800px-François_Bousquet.jpgCofondateur de la Nouvelle Librairie et rédacteur en chef d’Éléments, François Bousquet est auteur, polémiste et analyste pointu de la droite française. 

    Le mouvement des Gilets jaunes qui dure depuis plusieurs mois se révélait dans ses débuts être le mouvement de cette France périphérique si bien décrite par Christophe Guilluy. Que pensez-vous du vocabulaire de diabolisation utilisé à son encontre par le gouvernement ? Et son traitement médiatique  ? 

    Il y aurait des volumes à écrire sur le lexique invariablement dépréciatif auquel le parti de l’Ordre, de Thiers à Macron, de Guizot à Griveaux, recourt pour qualifier le peuple, ou plutôt le disqualifier. Car ici qualifier, c’est disqualifier. Je ne voudrais pas verser dans la facilité de succomber à l’argument raciste, mais pour le coup le mépris des classes dominantes ressemble à s’y méprendre au racisme tel qu’il s’est constitué en idéologie au XIXe siècle. Soyons marxiste sur ce point. Il fallait alors créer une catégorie de sous-homme – l’Untermensch – pour fournir une main-d’œuvre taillable et corvéable à l’industrie, soit en la prolétarisant, soit en l’esclavagisant.

    1.jpgChaque civilisation ayant son animal de trait (le cheval, le bœuf, le lama, le chameau…), l’âge de la vapeur venait d’inventer le sien : l’ouvrier, animal laborans, à charge pour le racisme, sorti de la matrice darwinienne, d’en fournir l’alibi scientifique, ou pseudo-scientifique. De ce point de vue, ce ne fut rien d’autre que l’instrument de légitimation des nouveaux rapports de production. La nouveauté aujourd’hui, c’est que le système techno-marchand n’a plus besoin de ce réservoir d’emplois non qualifiés, sauf dans l’industrie des services. Dès lors, l’Untermensch, c’est l’homme en trop, un motif sur lequel la littérature soviétique et pré-soviétique (Gogol, Dostoïevski, Olécha, Léonov) a surabondamment écrit, dans un monde en quête d’homme nouveau.

    2.jpgPatrice Jean lui a récemment consacré un magnifique roman, L’Homme surnuméraire. C’est le rêve d’une société sans travail, vieille utopie icarienne. La vérité, c’est que nous cols blancs, nous citadins connectés, n’avons jamais autant travaillé. La fin du travail, c’est en réalité et seulement la fin du travailleur, du moins en Occident. Mais que faire de ces hommes en trop, soumis au même principe d’obsolescence programmée, forme cool du darwinisme social ? Les mettre au rebut comme des objets encombrants ? Les confiner dans la périphérie, dans des sortes de réserves peuplées de bonnets rouges, de gilets jaunes et, pour faire bonne mesure, de cas soc’, moyennant une allocation universelle – le pain – et des jeux ineptes, en faisant le pari qu’ils rejoindront le cimetière des espèces disparues sans protester ? Pari perdu. Il en va de même d’une autre forme d’infériorisation  : l’éternel procès en moisissure du Français Presipaute_de_Groland_GDR_logo.jpgmoyen (de Dupont Lajoie aux Bidochon, des Deschiens à la Présipauté de Groland). Or, le Français moyen a subi lui aussi un glissement sémantique. Il faut dire qu’entre-temps, victime du grand plan social des trente dernières années, il a plus ou moins disparu. De moyen, il est devenu petit. Mieux : il a été déchu de sa nationalité au profit de sa détermination ethnique : c’est le fameux petit Blanc, fascinante expression qui résume à elle seule l’inconscient raciste des élites. Elle est entrée dans le langage courant tant et si bien que les premiers concernés – les petits Blancs donc – l’ont eux-mêmes adoptée dans un classique mécanisme d’identification négative. « Petit » Blanc (avec ou sans guillemets), c’est l’homme inférieur, à tout le moins infériorisé. Aux promesses de l’homme augmenté, il renvoie, lui, l’image de l’homme diminué. C’est la France des « gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel ». Et « ça n’est pas la France du XXIe siècle que nous voulons », comme l’a dit le porte-parole d’un gouvernement qui s’imaginait pouvoir être le liquidateur judiciaire et politique de cette France périphérique avant qu’elle ne se soulève. 

    Vous êtes directeur de la Nouvelle  Librairie.  L’attaque de cette dernière par des militants d’extrême-gauche ne montre-t-il pas que le mouvement a été confisqué par nos ennemis ? 

    B9718931151Z.1_20190317173051_000+GRND6MG03.2-0.jpgC’est le paradoxe des derniers actes des Gilets jaunes. L’extrême gauche – étrangère au mouvement et foncièrement hostile à ses revendications – s’est invitée au cœur des défilés. Les rangs sont clairsemés, mais on n’y manque ni de professionnalisme ni de spécialistes de close combat. Elle s’infiltre dans les cortèges, en détourne les slogans et y impose sa stratégie  d’intimidation  physique, laquelle est tolérée par les pouvoirs publics et secrètement approuvée par les médias centraux. Mais personne n’est dupe. Gageons que les Gilets jaunes ne se laisseront pas déposséder de leur légitime colère. 

    Si des initiatives métapolitiques à l’instar de la Nouvelle Librairie ou la révolte des Gilets jaunes prouvent que le peuple français n’est pas mort, il n’en demeure pas moins que sur le plan de la politique partisane, nous ne transformons pas l’essai. À l’approche des élections européennes, le mouvement des Gilets jaunes ne semble pas pouvoir se muer en une force d’opposition construite au pouvoir en place. Qu’en pensez-vous ? 

    870x489_gettyimages-526742236.jpgOn touche ici les limites de la révolte populaire. À étudier le phénomène sur la longue durée, soit en France à partir du XIVe siècle et de l’essor de l’État, on voit combien la révolte a échoué quasi systématiquement à se transformer en révolution. Parcourir les éphémérides de ces émotions (terme en vigueur sous l’Ancien Régime), et il y en a eu des milliers, c’est reprendre la chronique aussi troublée qu’oubliée de l’histoire de France. Mille pages ne suffiraient pas à en accueillir la longue et vaine plainte. Émeutes, insurrections, jacqueries, troubles, rébellions, l’histoire en est saturée. Le populisme n’en est jamais que la continuité à l’âge démocratique. Pour autant, tous ces soulèvements populaires n’ont jamais débouché sur une politique. La raison à cela ? On connaît la réponse du Duc de Liancourt à Louis XVI après la prise de la Bastille : « C’est une révolte ? –  Non Sire, c’est une révolution ! » Eh bien, pour comprendre l’essence du populisme, il faut renverser la formule. « C’est une révolution ? – Non Sire, c’est une révolte ! » Qu’est-ce qui distingue une révolte d’une révolution  ? La révolution veut contrôler le cours de l’histoire ; la révolte, s’en affranchir. Le dégagisme contemporain nous le rappelle suffisamment. Pour s’en tenir aux Gilets jaunes, ils ne remplissent qu’un des deux prérequis du populisme (je veux parler d’un populisme conséquent qui ne se condamnerait pas à l’impuissance politique) : la protestation horizontale.  Lui  fait défaut la réponse verticale, autrement dit son incarnation politique, le leader populiste, aujourd’hui singulièrement absent. Pour le dire avec les mots d’Alain de Benoist, les Gilets jaunes n’ont à cette heure fait jouer que leur pouvoir destituant, pas constituant. Mais le même de Benoist dit qu’il nous faut envisager ce phénomène comme la répétition générale d’une crise de plus grande ampleur. 

    Marine Le Pen, qui n’a pas d’alliés, simplement des ralliés. Dupont-Aignan qui cède à la pression médiatique en écartant Emmanuelle Gave de sa liste. Bellamy qui malgré ses opinions  personnelles relativement conservatrices se trouve à la remorque de Macron... Pensez-vous que la droite pourra tout de même faire quelque chose des prochaines élections ? Ne va- t-elle pas dans le mur ? 

    macron-macronisme-opposition-intellectuels.jpgC’est tout le génie de Macron, bien aidé par la médiocrité de ses adversaires. Il a mis sur pied une Große Koalition, une grande coalition à l’allemande. Comme s’il n’avait blessé à mort le PS et diminué les LR que pour pouvoir les réinventer et les fusionner en un parti central unique. Désormais, l’UMPS n’est plus une figure de style, c’est une réalité politique : le macronisme. Cela faisait longtemps que les convergences idéologiques poussaient le PS dans les bras des LR, et réciproquement. Mais il n’y avait pas de passage à l’acte, principalement pour des raisons de clientélisme électoral, dont justement Macron n’avait que faire, n’ayant aucune clientèle électorale sur laquelle capitaliser. Lui, devait bâtir une force nouvelle répondant à la demande des élites économiques et à la sociologie des grandes métropoles, qui ont tourné le dos à la France déclassée et majoritaire pour épouser la cause des minorités, ethniques, sexuelles, religieuses, au nom d’un internationalisme qui doit beaucoup plus au pop art qu’à la quatrième Internationale.  ■ 

    Propos recueillis
    par  Adrien Chollard
    Pages de LBC-N6-archive-A4.jpg
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  • L’étonnant bilan de Donald Trump, par Aristide Renou.

    Trump n'a pas changé la législation, il a peine esquissé une nouvelle diplomatie, mais il a affirmé que le politiquement correct était un leurre maléfique et il l'a combattu avec une énergie galvanisante.

    Bien que la bataille juridique ne soit pas terminée, il ne subsiste plus de doute raisonnable sur le fait que Donald Trump quittera la Maison Blanche en janvier prochain. Il est donc approprié de faire un premier bilan de la présidence de cet homme étonnant. Car Trump fut un président étonnant.

    Un président dont les défauts extrêmement visibles, et qui ne se sont jamais atténués, ont eu tendance à cacher à beaucoup d’observateurs – y compris d’ailleurs, dans un premier temps, à votre serviteur – ses quelques qualités très précieuses.

    Trump a accompli beaucoup moins que ce qu’il avait promis, ce qui est évidemment la norme en démocratie, et plus encore aux États-Unis, où le système constitutionnel des checks and balances n’est pas un vain mot. Mais il a accompli beaucoup plus que ce que ses adversaires veulent bien reconnaître.

    Il ne saurait être question, dans le court espace de cet article, de détailler tout ce que son bilan comporte de positif. En matière économique, notamment, le mandat de Trump fut une réussite remarquable, avec une croissance forte et régulière, du type de celle que la France n’a plus connue depuis les années 1960, et surtout une croissance qui a profité aux travailleurs situés en bas de l’échelle salariale, fait inédit depuis des décennies On peut penser que c’est cette réussite économique qui a attiré à lui un nombre étonnamment élevé d’électeurs « issus des minorités » lors de la dernière élection – prouvant au passage l’absurdité des accusations de « racisme » proférées sans cesse à son égard – et qu’elle aurait pu lui assurer une réélection confortable, si l’épidémie de coronavirus ne s’était pas abattue sur le monde.

    Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître de la part d’un homme en apparence si peu porté sur les idées et au discours si peu policé, sa principale réussite est sans doute d’ordre intellectuel. Trump a fait montre de trois qualités essentielles : le patriotisme, le courage et la clairvoyance concernant les enjeux fondamentaux (et l’on pourrait ajouter : le sens de l’humour, car Trump en est abondamment pourvu, fait totalement occulté par la détestation pathologique dont il est l’objet).

    Donald Trump a vu que l’Amérique courait un danger mortel : il a compris qu’une révolution était en cours, la poussée du multiculturalisme, dont l’aboutissement ne peut être que la disparition de la nation américaine et son éclatement en une multitude de « communautés » hostiles, toujours prêtes à se sauter à la gorge.

    Sans doute n’est-ce pas trop difficile à comprendre et sans doute Trump n’est-il pas le seul à avoir posé ce diagnostic. Mais il est le seul à l’avoir dit publiquement avec autant de force et, surtout, il fut le seul homme politique de premier plan à agir conformément à ce qu’exige un tel diagnostic : en se battant de toutes ses forces pour empêcher la disparition de son pays, c’est-à-dire en mettant toute son énergie à réduire à l’impuissance ceux qui veulent le faire disparaître.

    Les États-Unis se trouvent aujourd’hui dans une situation qui, à bien des égards, est l’image inversée de celle qui existait durant les années ayant précédé la guerre de Sécession. Il existe désormais deux Amériques (représentant chacune grosso modo 50 % de l’électorat), qui sont divisées non pas sur ce que le pays devrait faire – ce qui est l’état normal des choses en démocratie – mais sur ce que le pays devrait être ; et même sur le fait qu’il existe réellement une nation américaine.

    Par un étrange renversement, ceux qui dénoncent le « racisme systémique » des États-Unis, et plus généralement de l’Occident, retrouvent les positions qui étaient celles des théoriciens de la sécession des États du Sud. John C. Calhoun, le plus éminent d’entre eux, considérait l’esclavage des Noirs comme un bien positif : Hannah-Jones, qui dirige le « Projet 1619 » lancé par le New-York Times[1], considère cet esclavage comme le péché originel ineffaçable et impardonnable des États-Unis (et de l’Occident), mais Hannah-Jones est d’accord avec John C. Calhoun pour affirmer que « tous les hommes ont été créés égaux » n’est pas une « vérité évidente » mais un mensonge évident. L’un affirmait la supériorité de la race blanche, l’autre affirme implicitement la supériorité de la race noire, tous les deux ont le même projet : remplacer les principes énoncés par la Déclaration d’Indépendance par des principes opposés.

    Et, comme l’avait prédit Abraham Lincoln, « une maison divisée contre elle-même ne saurait subsister ». Les théories racistes de Calhoun ont, très normalement, débouché sur la guerre civile, les théories racistes d’Hannah-Jones et de ses semblables ont déjà créé un climat politique ressemblant très fortement à celui des années 1850 et pourraient, si les choses continuent sur leur lancée, déboucher sur une confrontation armée du même genre.

    Trump a compris tout cela, au moins dans les grandes lignes. Ce qui est déjà très bien. Mais ce qui est mieux encore, il l’a dit ouvertement, carrément. Et en même temps qu’il l’a dit, il a contre-attaqué. C’est-à-dire qu’il a réaffirmé le bien-fondé des principes américains, les bienfaits de l’American Way of Life et la grandeur incomparable des États-Unis. Et il l’a fait sans « si » et sans « mais ». Son fameux slogan de campagne, « Make America Great Again », signifiait que l’Amérique est essentiellement grande et que, si elle est parfois petite, cela ne peut être qu’accidentel et dû à l’action de mauvais gouvernants.

    Bien évidemment, les vrais patriotes de tous pays contesteront que les États-Unis d’Amérique soient « la nation la plus juste et la plus exceptionnelle qui ait jamais existé sur Terre », comme l’a déclaré Donald Trump devant le Mont Rushmore, car ils auront plutôt tendance à penser que cet honneur revient à leur propre nation, mais, s’ils sont clairvoyants, ils approuveront entièrement l’intention de l’ex-président en prononçant ces mots et ils comprendront que cet homme a été, d’une certaine manière, leur porte-parole à tous.

    Trump, par son élection surprise en 2016, par toute sa présidence, et par l’élan populaire remarquable qui s’est porté vers lui au mois de novembre, alors que tous les analystes « sérieux » lui prédisaient une déroute, a prouvé quelque chose de très important. Il a prouvé qu’il était possible de résister à l’avancée du multiculturalisme et de défier les oukases du politiquement correct, qui est le bras armé du multiculturalisme, car qu’est-ce que le politiquement correct si ce n’est l’interdiction de dire du bien de la civilisation occidentale en général et de son propre pays en particulier ?

    Il a prouvé qu’il était possible de refuser en bloc le projet multiculturel et même de l’attaquer frontalement, brutalement et grossièrement, sans se condamner électoralement. Trump a été un refus vivant, parlant, et même parfois éructant, du multiculturalisme, ainsi que du mondialisme qui en est l’ombre portée. Et ce refus a galvanisé tout un petit peuple américain que l’on croyait disparu ou en voie de disparition. Les quatre années de la présidence Trump ont ouvert la perspective, certes lointaine mais réelle, de vaincre le projet multiculturel, au lieu de se laisser étrangler petit à petit comme s’y était résigné le parti Républicain.

    Même vaincu, Donald Trump laisse donc un héritage qui pourra fructifier. Vivifiée par son exemple, la droite américaine pourrait bien se renouveler et faire émerger une nouvelle génération d’hommes politiques qui, peut-être, auront certaines des qualités de Trump sans en avoir les défauts.

    Les vrais patriotes de tous les pays seraient bien inspirés de méditer l’exemple et le bilan de Donald Trump.

     

    [1]. Selon le New York Time, le Projet 1619 vise à « recadrer l’histoire du pays, à comprendre 1619 comme notre véritable fondation. Autrement dit, placer les conséquences de l’esclavage et les contributions des noirs américains au centre même du récit de notre identité ». Le « Projet » a été publié en 2019 à l’occasion du 400e anniversaire de la première arrivée d’esclaves africains à Port Comfort en Virginie, une colonie britannique d’Amérique du Nord.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • L’avenir de la nation, l’avenir du nationalisme

    Drapeaux  ...  

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgCe sont des concepts fondamentaux que manie Mathieu Bock-Côté - brillamment comme toujours - dans cette tribune du Journal de Montréal [23.0]. On y ressent l'influence que la question québécoise exerce sur sa réflexion. Comme notre attachement à la France dont nous voyons le déclin au fil des deux derniers siècles, fonde notre propre nationalisme. Maurras le définissait, non comme un absolu, mais comme une « douloureuse obligation » du temps présent. L'actuelle évolution géopolitique du monde, si on l'observe bien, nous semble lui donner raison. Au reste, le livre de Gil Delannoi porte un sous-titre : La nation contre le nationalisme, ou : La résistance des nations. L'on peut en débattre !   LFAR  

     

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    La science politique, lorsqu’elle est bien pratiquée et s’abstient de verser dans les modes idéologiques, peut être d’une grande aide pour clarifier notre compréhension de la vie politique et des concepts à partir desquels nous cherchons à la saisir.

    C’est la première réflexion que nous inspire spontanément la lecture de La nation contre le nationalisme (PUF, 2018), le remarquable essai du politiste français Gil Delannoi. Disons-le tout de suite, le titre est un peu trompeur, car si Delannoi n’hésite pas à critiquer les excès du nationalisme, il s’occupe surtout à dissiper le brouillard idéologique qui l’entoure, en rappelant que si la politologie française en entretient une conception exagérément négative, au point d’en faire une pathologie politique immédiatement condamnable, il n’en est pas nécessairement ainsi ailleurs dans le monde. Le nationalisme, nous dit Delannoi, n’a rien de diabolique. Il y en a de bons usages, comme de mauvais. Pour le dire avec ses mots, Delannoi essaie « avant tout de comprendre ce que sous-entendent la natiophobie et la passion d’abolir les frontières qui ont cours aujourd’hui » (p.11). Il ajoute même qu’à « son extrême, cette natiophobie revient aujourd’hui à nazifier tout passé national pour cause d’exclusion de l’Autre » (p.240). Tel est l’air que nous respirons, en effet.

    1517452255_9782130800460_v100.jpgQu’est-ce qu’une nation ? Cette question, attachée à une célèbre conférence de Renan prononcée à la Sorbonne en 1882, continue de travailler la philosophie politique et les sciences sociales ; même elles en proposent rarement une définition satisfaisante, et encore moins exhaustive. La nation, nous dit Delannoi, est à la fois politique et culturelle. C’est une communauté politique avec un substrat historique particulier, qu’on ne juge pas a priori interchangeable avec un autre. Ces deux dimensions ne coïncident pas toujours, ou du moins se recoupent souvent imparfaitement. Delannoi entend d’abord définir la nation comme forme politique singulière, qu’il distingue de la cité et de l’empire, en rappelant qu’elle semble le plus à même d’accueillir et de permettre l’expérience de la démocratie dans la modernité. Mais Delannoi le note bien, « la plupart des théoriciens récents de la nation et du nationalisme ont envers leur objet d’étude une attitude allant de l’hostilité à la condescendance » (p.17). La remarque est très fine : ceux qui étudient la nation sont généralement en mission pour la déconstruire, comme si elle représentait un artifice historique vieilli. L’antinationalisme est habituel dans l’enseignement universitaire en plus d’être la norme chez les intellectuels qui considèrent généralement l’attachement à une nation historique et à sa souveraineté comme une forme de crispation identitaire. Cette absence radicale d’empathie pour ceux qu’on appellera les gens ordinaires attachés à leur patrie fait en sorte qu’on fera passer toute forme de patriotisme pour une forme de xénophobie. La modernité radicale est l’autre nom du refus du particulier.

    À la recherche d’une définition du nationalisme, Delannoi propose la suivante : « le nationalisme est la volonté de faire coïncider la forme culturelle et la forme politique de la nation autant que possible. Telle est l’impulsion qui engendre et entretient le nationalisme : superposer davantage les deux dimensions culturelle et politique de la nation » (p.122). Le nationalisme, nous dit Delannoi, « est la volonté pour un groupe d’endurer l’adversité, de résister à l’extinction sur une base nationale. Au sens culturel, c’est préserver une langue, un territoire, un mode de vie. Au sens politique, ce nationalisme de faible intensité appelle une autonomie politique locale ou provinciale. Il ne parvient pas toujours à accéder à la souveraineté étatique, bien qu’il vise souvent celle-ci comme ultime garantie de l’indépendance Son premier ressort est de craindre que, privé de moyens politiques et de continuité culturelle, le groupe ou le pays identifiés à une nation disparaisse » (p.123). On pouvait ou non approuver la tentation d’accession à l’indépendance des Catalans ces derniers mois : elle n’avait rien de risible, comme ont pu le dire certains commentateurs. Elle n’était pas non plus inintelligible dans les catégories de la modernité. Chose certaine, une communauté politique n’est jamais une association strictement formelle, dépassionnée, où des individus étrangers à la chose publique cohabitent pacifiquement sans rien avoir en partage.

    Si la prose de Delannoi est toujours mesurée, il ne s’interdit pas, néanmoins, de lancer quelques piques aux post-nationaux fiers de l’être qui dominent l’université et les médias. Ainsi, il demande : « un nouveau monde fait de cités financières et d’empires territoriaux présente certainement quelques avantages comparatifs sur un monde international classique fait de nations. Mais pour qui ? Et à quel prix ?» (p.11) Il ajoute que « l’absence de frontière est un luxe d’enfants gâtés, profondément antipolitique » (p.231). De manière audacieuse mais tout à fait lucide, il conteste aussi l’idée souvent reprise qui fait du nationalisme le grand coupable de la seconde guerre mondiale, en rappelant que le nazisme était une doctrine de la race et non pas de la nation. Il conteste même l’idée que la première guerre soit une guerre des nationalismes: il y voit plutôt un affrontement des empires (p.148-156). Ceux qui répètent sans cesse que, « le nationalisme, c’est la guerre » se contentent d’une facilité rhétorique qui leur donne à la fois l’impression de comprendre le mal qui hante l’histoire de la modernité et de se positionner en surplomb sur le commun des mortels encore ignorant des ravages du sentiment national. En fait, ils se condamnent à ne pas comprendre le dernier siècle et certains besoins fondamentaux de l’âme humaine.

    Redisons-le, La nation contre le nationalisme est un essai d’une richesse conceptuelle extraordinaire, et il faut s’y jeter pour apprécier toutes les observations de l’auteur que nous n’avons pas pu noter ici, par souci de ne pas transformer cette recension en long commentaire de l’ouvrage. Sans jamais se transformer en militant, Delannoi nous démontre de manière convaincante qu’un monde sans nations serait probablement un monde moins humain. À la lumière d’une philosophie politique qui se tient loin de l’esprit de système, et qui médite sur la liberté humaine et ses conditions historiques, Delannoi nous offre ici un livre brillant qui passionnera à la fois ses compatriotes soucieux de mieux comprendre le phénomène national et les nôtres qui trouvent trop peu d’ouvrages sur les tablettes capables de fonder théoriquement ce que nous appellerons encore sans gêne le nationalisme québécois.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Europe : Divergences

     

    Par Hilaire de Crémiers

    L’Europe n’a plus d’âme. L’européisme macronien va l’achever.

     

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    Le sommet européen du vendredi 29 juin qui s’est achevé sur un faux accord, n’a fait que révéler encore plus les antagonismes sous-jacents qui fragilisent désormais de manière continue l’Union européenne.

    Angela Merkel ne peut plus parler avec autorité en Europe ; elle ne conduit même plus son gouvernement ; elle doit passer son temps à signer des compromis, tantôt avec son ministre de l’Intérieur, le bavarois Horst Seehofer, l’ex-homme fort de la CSU, tantôt avec le SPD, l’autre parti de la prétendue grande coalition. Le vice-Chancelier SPD, Olaf Scholz, a demandé du temps pour préciser les termes d’un nouvel accord. C’est de jour en jour que les oppositions se règlent désormais en Allemagne. Andrea Nahles, la nouvelle présidente du SPD, ne veut pas avaliser des décisions qui n’auraient pas été discutées, en particulier concernant des centres fermés de transit qui seraient installés aux frontières allemandes et qui permettraient des triages : « des prisons à ciel ouvert » ! Bref, le SPD veut interférer dans l’accord CDU-CSU déjà lui-même aléatoire, puisque c’est contrainte et forcée que Merkel l’a contresigné.

    Incertitudes allemandes

    Le gouvernement de coalition ne durera peut-être pas et nul ne sait ce que sera l’Allemagne dans les semaines qui viennent et par qui elle sera gouvernée. L’équilibre du jour n’est dû paradoxalement qu’à l’AfD, chacun redoutant qu’en cas de nouvelles élections le parti nationaliste ne récolte encore davantage de voix ; la CSU bavaroise ne veut pas se voir supplanter dans son propre land et le SPD sait qu’il sera, cette fois-ci, rétamé.

    Comment dans de telles circonstances Angela Merkel pourrait-elle définir une politique européenne alors que les pays de l’Est, l’Italie maintenant, lui reprochent ouvertement la série des décisions qui, depuis 2015, a ouvert l’Europe aux vagues migratoires ? Dans l’impossibilité de jouer un rôle, elle a laissé agir Emmanuel Macron qui en a profité pour ramener les choses à lui. Dans sa déclaration finale, le président français s’est félicité d’avoir réussi à imposer un accord aux 27.

    « Le repli national » ne l’a pas emporté, a-t-il dit, « c’est pour moi une vraie satisfaction et une victoire. L’Europe s’est décidée même si ça prend du temps ».

    Inutile de signaler qu’à la sortie du rendez-vous européen force gens persiflaient une telle autosatisfaction. Les 27 n’avaient donné leur accord que parce que précisément rien de définitif n’avait été acté dans la longue nuit de prétendues et mensongères délibérations. Chacun veillait à son intérêt, pendant que Macron faisait la mouche du coche. L’Italien feignait de croire que l’Europe s’engagerait à le soulager ; les autres pensaient qu’ils pourraient renvoyer leurs migrants selon des procédures qui seraient enfin mises en œuvre. Un marché de dupes.

    Donald Tusk, le président du Conseil européen, convenait qu’il ne fallait pas se leurrer : « Il est bien trop tôt pour parler d’un succès ».

    Volontariat européen

    Qu’on en juge ! « Des centres contrôlés établis dans des États membres, sur une base volontaire (!) » serviront à faire le tri des migrants, en particulier ceux qui sont secourus en Méditerranée, entre les réfugiés qui peuvent prétendre à bénéficier du droit d’asile, et les migrants dits économiques ; l’UE s’engagerait à y mettre les moyens. Évidemment chacun pense que lesdits centres seront très bien installés chez les voisins à qui il se propose très clairementt d’adresser ses propres colonnes de migrants. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’à l’issue du sommet aucun pays ne s’était déclaré « volontaire ». Il semble bien qu’à ce jour la situation soit la même ! Même Macron a dû l’avouer : « La France n’ouvrira pas de centres de ce type… ». Eh, oui !

    L’Espagne et Malte n’ont pas l’intention non plus de donner trop de suite à des gestes d’apparente générosité. L’Aquarius et le Lifeline, ça suffit. Puisque toutes les mesures décidées au sommet, selon le communiqué final, « s’appliqueront sur la base du volontariat », la vérité toute nue est qu’à ce jour il n’y a aucun volontaire. Donc l’Italie de Salvini continuera sa même politique de refus absolu et de fermeture de ses ports.

    Alors, tout le reste est littérature et constructions artificielles comme les aime Macron. Retour des refusés après triage : quand et comment ? Nul ne sait ! Les pays d’origine évidemment refuseront à leur tour, et, alors, qu’est-ce qu’on fait ? Répartition des bénéficiaires du droit d’asile selon « les principes de solidarité européenne »… Cette solidarité reste, elle-même, sans que ce soit trop spécifié, volontaire ; c’est pourquoi les pays de l’Europe de l’Est et du Nord ont souscrit sans difficulté, du moment que le mot « quotas » a disparu !

    L’Europe de la tromperie

    Victor Orban a déclaré que « la Hongrie restera un pays hongrois et ne deviendra jamais un pays de migrants ». Rien n’est plus clair et donc rien n’est plus ambigu que la solution macronienne. Angela Merkel ne pensait, quant à elle, qu’à traiter avec ses voisins, en particulier avec le chancelier autrichien, qui assure la présidence tournante de l’UE de juillet à décembre et qui prévient qu’il renverra tout migrant dans le pays qui l’aura enregistré ! L’Allemagne a du souci à se faire. Et le Brenner sera encore un lieu d’affrontements.

    Ces tristes « bidouillages » ne renforceront pas l’idée européenne. Les élections de 2019 au parlement européen s’en ressentiront. La grande vision dont notre président se flatte et sur laquelle il a misé tout son avenir, se heurte au dur mur des réalités. Il n’a guère obtenu plus de succès sur sa vaste perspective d’une zone euro qui fonctionnerait à plein régime et qui permettrait une intégration économique et financière plus complète. Les Allemands ne veulent pas être prisonniers d’un système qui les placerait en banquiers et en financiers de dernier recours. Les Néerlandais ne souhaitent pas payer davantage. Bref, personne n’y croit vraiment. Macron est encore une fois de plus le seul à se déclarer « optimiste » et à parler encore de « feuille de route franco-allemande ».

    Incorrigible esprit faux. « Le pire dérèglement de l’esprit, selon Bossuet, c’est d’imaginer les choses telles qu’on voudrait qu’elles soient et non telles qu’elles sont en effet. »  ■   

    Hilaire de Crémiers

  • L'industrialisation du bio : un piège mortel pour l'agriculture biologique.

     

    Par Jean-Philippe Chauvin 

    Éventuellement pour en débattre. Les méfaits de l'industrie agroalimentaire livrée à elle-même semblent en effet s'être étendus à l'agriculture dans son ensemble.  Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls qu'elle ait eu à subir. LFAR

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    Le Salon de l’Agriculture bat son plein [il a fermé entre-temps le 3 mars], avec son lot de promenades électorales et de cris d’enfants devant les animaux exposés, et il accueillera sans doute plus de 650.000 visiteurs, heureux pour certains de retrouver des odeurs d’avant, de celles du temps où chacun avait un parent paysan, un temps de plus en plus lointain pour une nostalgie de plus en plus imaginaire… Pourtant, la France possède encore plus de 27 millions d’hectares de Surface agricole utile (SAU), dont 2 millions d’agriculture biologique, ce qui n’est pas si mal mais encore insuffisant et bien moins qu’il y a un siècle quand l’agriculture n’était pas encore chimique et pétrolière. Mais la conversion de nombreux cultivateurs et éleveurs au bio est freinée par les retards de l’administration pour financer les aides promises, ce qui fragilise certains de ces nouveaux convertis et provoque la colère (éminemment légitime) de nombre de ceux-ci. D’autre part, une autre menace pèse sur les producteurs en agriculture biologique, c’est l’industrialisation qui risque bien de changer la nature même de cette forme d’agriculture réputée (et espérée) plus respectueuse de la nature comme des productions elles-mêmes. 

    Les grandes multinationales et les adeptes du capitalisme libéral, souvent fanatiques du Tout-Marché, ont saisi tout l’intérêt, pour leurs revenus de demain, du bio, et l’offensive pour imposer leur modèle et mettre la main sur cette agriculture est largement commencée, au grand dam de ceux qui, comme les écologistes intégraux*, préconisent une agriculture à taille humaine, vivante et « naturelle », une agriculture qui suit le rythme des saisons et laisse du temps au temps, une agriculture fondée sur le local et les circuits courts. 

    1929471531.jpgL’article de Jean-Francis Pécresse, paru dans Les échos (vendredi 22 février 2019), est tristement révélateur (et laudateur !) des appétits et des intentions du « capitalisme vert » qui n’est jamais que le même capitalisme « mondialisationniste » qui a gaspillé les ressources de la planète et ne raisonne qu’en termes de profits et de dividendes, selon la sinistre logique franklinienne du « Time is money ». Bien sûr, il se cache derrière le « consumérisme, défenseur des consommateurs », et il fera illusion, sans doute, profitant de la paresse intellectuelle d’un vaste public qui ne demande qu’à consommer encore et toujours en se donnant une vague bonne conscience « écologiste » (sic !). Et M. Pécresse, en bon libéral, nous fera encore et toujours le coup du « libre choix » qui, à bien y regarder, n’est jamais que le choix que le système agroalimentaire fera pour vous, « pour votre bien », forcément et faussement, en définitive… Eternelle ruse du globalitarisme ! 

    « Puisque cette agriculture respectueuse de l’environnement arrive à maturité, qu’un modèle économique semble exister avec des consommateurs prêts à payer plus cher, pourquoi faudrait-il se priver d’industrialiser le bio ? » : M. Pécresse nous refait le coup de la modernisation des années 1960-80 qui a entraîné l’endettement massif des paysans ; l’emploi massif des intrants phytosanitaires et le remplacement de l’énergie animale par l’énergie fossile et pétrolière, fortement polluante de l’atmosphère comme des eaux et des terres ; la destruction des paysages agricoles traditionnels par le remembrement dévastateur et la construction de hangars infâmes pour concentration de volailles ou de porcins condamnés à ne jamais voir ni herbe ni soleil avant le jour de leur abattage ; la dépendance des producteurs aux grands groupes semenciers et aux fournisseurs d’énergie ; « la fin des paysans », en somme et selon la triste expression du sociologue Henri Mendras… Veut-on vraiment refaire les mêmes erreurs avec les mêmes conséquences mortifères pour l’agriculture et les agriculteurs, pour les petites et moyennes exploitations, pour l’équilibre même des zones rurales ? Cela ne me semble pas souhaitable et, au-delà, cela me paraît condamnable. 

    Mais, d’ailleurs, M. Pécresse ne se cache pas derrière son petit doigt et il souhaite la fin du modèle initial de l’agriculture biologique, trop rigoureux à son goût et, bien sûr, à celui des grands acteurs de l’agroalimentaire : « Au sein du monde agricole, la nouvelle ligne de démarcation (…) passe entre ceux qui veulent à tout prix conserver des exploitations bio de petite dimension, à taille humaine, obéissant à des cahiers de charges toujours plus stricts, et ceux qui entendent, au contraire, développer des exploitations bio à grande  échelle, soumises à des obligations et des contrôles un peu moins sévères qu’aujourd’hui. (…) Il y a certainement une forme d’idéalisme dans le combat des puristes du bio (…) qui aimeraient que le label garantisse mieux le bien-être animal ou l’exclusion de toute semence hybride» Le propos de M. Pécresse est inquiétant et nous alarme sur la possible confiscation du bio par les grands profiteurs de l’agroalimentaire, avec des critères de moins en moins proches de la nature et du respect des paysages et de la biodiversité : car, qu’est-ce, par exemple, qu’une semence hybride, sinon une graine « dont la particularité est de ne pas repousser. De fait, les paysans deviennent dépendants des semences qu’ils doivent racheter car les variétés hybrides sont travaillées en laboratoire de manière artificielle afin de produire en grande quantité** » Ainsi, l’agriculture bio tomberait complètement sous la coupe de grands groupes semenciers ou agroalimentaires, et cela ruinerait tous les efforts de ceux qui souhaitent une agriculture plus soucieuse de l’environnement, de la biodiversité végétale comme animale et d’un modèle plus familial, mais aussi de l’indépendance maximale des producteurs, quelle que soit la taille de leur exploitation ou, pour nombre de particuliers, de leur potager. Là encore, ce n’est pas souhaitable ! 

    envol-etourneaux.jpgEt tout cela est annoncé et écrit par M. Pécresse sous le titre « Industrialiser le bio pour le démocratiser», qui nous rappelle, a contrario, la colère de Georges Bernanos qui avait bien saisi que la démocratie politique, celle qui se dit « représentative » dans nos sociétés contemporaines et loin des modèles antiques ou médiévaux, n’est rien d’autre que le règne légal du capitalisme, bien loin des libertés souhaitables et nécessaires des peuples de France. Il semble que les écologistes intégraux aient, aujourd’hui comme demain, le devoir de défendre le modèle d’une agriculture biologique fondé principalement*** sur les petites unités, familiales ou villageoises, et sur la volonté de « redéploiement rural » sur notre territoire national, condition de la vie et de la respiration de notre nation, sans méconnaître pour autant mais sans forcément valoriser la métropolisation « jacobine » qui, depuis quelques décennies, « dessèche » la France…  

    * Formule synonyme de royalistes si l’on se réfère à la naissance de la théorie de l’écologisme intégral au début des années 1980 sous la plume de Jean-Charles Masson, dans la publication de l’époque de l’Union Royaliste Provençale. 
    ** Extrait d’un article d’Anne-Sophie Novel, « Il y a bio et bio… », publié dans Le 1, 25 octobre 2017. 
    *** Ce soutien à la petite et moyenne exploitation agricole ne signifie pas un refus des grands domaines, mais plutôt la volonté d’un équilibre et d’une équité territoriales comme sociales, et le souhait d’une présence agricole plus nombreuse en emplois et en activités dans des campagnes (et, pourquoi pas demain, au cœur des villes) aujourd’hui menacées de désertification humaine comme d’uniformisation paysagère.

     Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • On ne bâtit rien sur des mensonges

    Par François Reloujac 

    Emmanuel Macron et le gouvernement d’Edouard Philippe se piquent de rétablir la vérité et de bannir les mensonges. Leurs propres paroles, leurs omissions, les angles morts de leurs politiques et même les mesures qu’ils annoncent révèlent pourtant une manière singulière de concevoir la vérité. 

    En présentant ses vœux aux Français, le président de la République a tellement insisté sur ce qui n’est qu’un truisme que l’on peut se demander si ce n’est pas « la poule qui a fait l’œuf qui chante ». Il s’agit là, pour lui, d’une idée récurrente qui l’a conduit, entre autres, à la fameuse loi sur les « fake news¹ ». Car, pour répondre à la lancinante question de Pilate, « qu’est-ce que la vérité ? », il faut désormais se référer au George Orwell de 1984.

    Vérité et mensonge sur la responsabilité du Gouvernement

    Comme chacun le sait, la révolte des Gilets jaunes a explosé avec la mise en place d’une nouvelle taxe sur les carburants. Le gouvernement ne pouvait pas faire autrement que de mettre cette taxe en vigueur puisque ce sont les Français qui, par leur mode de vie, par leur recours insensé à la voiture pour se déplacer, par leur choix d’aller habiter loin de leur lieu de travail et des écoles de leurs enfants dans des zone où les transports en commun ont été supprimés faute de rentabilité, sont responsables de la pollution qui s’ensuit et donc du réchauffement climatique.

    Si les impôts ne sont pas suffisants pour couvrir les dépenses c’est parce que les grands groupes multinationaux, les artistes, les sportifs et les patrons qui gagnent en un an ce que les représentants des classes moyennes ne gagneront pas pendant toute leur vie, ne payent pas suffisamment d’impôts en France. Le Pouvoir exécutif actuel ne peut quand même pas être tenu pour responsable des lois fiscales (nationales et internationales) qu’il n’a fait qu’accentuer et dont ses représentants, les députés et les sénateurs bénéficient aussi.

    Si Monsieur Philippe, à son corps défendant, a dû céder sur certaines revendications qui ont fait boule de neige et mettent à mal le budget prévisionnel, c’est parce que le mouvement de révolte, non encadré par des syndicats qui ne représentent plus grand-chose, n’a pas pourri aussi vite qu’on pouvait l’espérer. Pourtant, on n’avait pas lésiné sur les mises en garde médiatiques, l’emploi des gaz lacrymogènes, les gardes à vue et les condamnations en comparution immédiate.

    7873473_fd89cdf2-adf7-11e8-8010-2a80f23ffc3e-1_1000x625.jpgLes membres du gouvernement, trop intelligents, trop subtils, ne sont pas responsables du fait que ce peuple de Gaulois est réfractaire au progrès et aux réformes, bref au changement.

    Vérité ou mensonge sur l’état de l’économie

    Les rentrées fiscales prévues par le Gouvernement ont été calculées avec un taux de croissance de 1,7 % en 2018 et en 2019, pour être approuvées par la Commission européenne. Que la Banque de France ait constaté, dans ses études de conjoncture que la croissance réelle, pendant les trois premiers trimestres de 2018, soit d’à peine 0,7 %, ce n’est pas grave car si l’économie française connaît un passage à vide, c’est la responsabilité des Gilets jaunes qui ont empêché les citoyens d’aller acheter des produits venus de Chine, pour fêter dignement la fin de l’année. Qu’importe que le déficit public estimé pour l’exécution du budget reste attendu à 86,7 milliards d’euros alors que celui enregistré sur les neuf premiers mois était déjà de 104,9 milliards ?

    Le Pouvoir actuel ne peut quand même pas être tenu pour responsable des lois fiscales qu’il n’a fait qu’accentuer !

    cover-r4x3w1000-5bd083837e3c7-150069-opel-corsa-gsi-502064.jpg« Tout va très bien, Monsieur le petit marquis » : le marché de l’automobile s’est bien comporté en 2018, tiré notamment par les ventes de voitures françaises. Pensez donc, si la croissance du nombre de voitures neuves vendues s’établit à 2,97 %, c’est grâce au groupe Peugeot dont les ventes ont bondi de plus de 13,3 %. Qu’importe que cette augmentation provienne des voitures Opel/Vauxhall, qui n’y sont comptabilisées que depuis la mi-2017 ? Ne parlons donc pas de Renault qui, avant même que n’éclate l’affaire Carlos Ghosn, n’avait vu ses ventes augmenter que de 2,48% (moins bien que l’ensemble du marché). Quant aux ventes du mois de décembre, il est trop tôt pour tirer les conclusions d’une chute de près de 20% ; n’en parlons pas.

    Il ne convient pas non plus d’évoquer ici la question de la réforme des retraites puisque notre régime par répartition attribue des droits en fonction des cotisations vieillesse des actifs du moment et ne permet en rien de préparer sa propre retraite future. Un euro cotisé ne peut donc pas donner en tout temps le même montant de droit à la retraite. Comme le disait Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations mais par nos enfants ». Pas grave, dit-on, puisque les migrants viendront travailler en lieux et places des enfants que les Français n’ont pas eus. Il faudra d’ici là qu’ils deviennent plus productifs car force est de constater qu’aujourd’hui le taux de chômage est de 9,1 % pour les natifs, contre 20 % pour les néo-migrants et 23 % pour ceux de la deuxième génération.

    Vérité et mensonge sur la démocratie

    Comme chacun le sait, dans un système démocratique la loi est l’émanation de la volonté du peuple qui la vote par ses représentants. C’est d’ailleurs à cela que servent les élections législatives qui reviennent tous les cinq ans. Mais, outre le fait que de nombreuses lois ne sont que la transposition de règlements venant de Bruxelles, les députés ne représentent plus le peuple. Élus dans la foulée des élections présidentielles et pour la même durée de mandat que le président, ils font campagne, non pour représenter le peuple, mais pour donner une majorité au président et mettre ainsi dans ses mains, à côté du pouvoir exécutif, la réalité du pouvoir législatif. Les députés sont donc devenus les véritables missi dominici du chef de l’État et si l’un d’entre eux ose ne pas voter les lois proposées par celui-là, il est exclu du groupe parlementaire présidentiel et n’aura donc plus les moyens financiers de briguer un nouveau mandat. D’ailleurs, le président du groupe parlementaire présidentiel, en bon pédagogue, est chargé de veiller à ce que tous les députés utilisent les mêmes « éléments de langage ».

    avocat.jpgOn feint de continuer à croire que, par ses représentants, le peuple consent à l’impôt. Mais c’est oublier que plus de la moitié des électeurs ne payent pas d’impôt direct et que les plus fortunés savent qu’ils peuvent compter sur la complexité des lois fiscales préparées par les hauts fonctionnaires de Bercy pour trouver, avec l’aide des cabinets d’avocats internationaux, les moyens d’éviter la spoliation. Pourtant le montant des impôts directs perçus augmentent. Mais c’est un nombre de plus en plus restreint – les plus productifs mais aussi les moins représentés – qui supportent une facture toujours plus lourde.

    Il était important qu’en présentant ses vœux aux Français, le président leur dise que « l’on ne bâtit rien sur des mensonges ». Car, si l’on regarde le passé de la Cinquième République, on constate que le mensonge a été omniprésent et qu’elle s’est pourtant maintenue. Mais pour cela, avec l’aide du Conseil constitutionnel, elle a souvent changé le sens des mots : le mariage n’est plus, comme il l’a été pendant des millénaires, l’union d’un homme et d’une femme mais le contrat passé entre des individus qui s’aiment ! Il semblerait désormais que ce que l’on appelait autrefois un « régime policier » s’appelle maintenant un « État de droit »… et ainsi de suite. N’est-ce pas ce changement-là que les Français attendent ? Alexis de Tocqueville avait raison quand il disait, en regardant le fonctionnement de la démocratie en Amérique : « l’omnipotence de la majorité, en même temps qu’elle favorise le despotisme légal du législateur, favorise aussi l’arbitraire du magistrat. La majorité étant maîtresse absolue de faire la loi et d’en surveiller l’exécution, ayant un égal contrôle sur les gouvernants et les gouvernés, regarde les fonctionnaires publics comme ses agents passifs, et se repose volontiers sur eux du soin de servir leur dessein ».

    Sans ce changement fondamental, on ne peut que constater avec le général de Villiers que « l’État n’est plus au service de la Nation, c’est la Nation qui est au service de l’État ». Comment, dans ces conditions rétablir la confiance nécessaire qui doit exister entre les dirigeants et les dirigés ? Cela ne peut se faire par le mensonge. 

    1. Ce type de mensonge est désigné par une expression qui n’appartient pas à la langue française… ni à sa culture ? 
    François Reloujac
    Journaliste, spécialiste des questions économiques
  • GRANDS TEXTES (7) : L'Avenir du Monde, par Chateaubriand.

    Après les considérations plus générales des premiers paragraphes, la fulgurance visionnaire dont Chateaubriand fait preuve dans les trois derniers - avec sa question Quelle sera la société nouvelle ? -  n'est-elle pas, à proprement parler, fascinante ? Et ces lignes ont été écrite vers 1834 ! 

    Voici un extrait de l'Avenir du Monde, annexé en Variantes et Additions aux Mémoires d'Outre-Tombe (La Pleiade, tome II, pages 1051/1052). A rapprocher, de toute évidence, de la pensée de Soljénitsyne dans son Discours d'Harvard (Grands Textes n° VIII).

    Il est d'ailleurs à noter - preuve supplémentaire de l'intérêt exercé par les Mémoires en particulier, et Chateaubriand en général... - que ce texte a été lu en direct par Jacques Julliard sur LCI, lors d'un de ses débats hebdomadaires avec Luc Ferry...

     

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    "... La découverte de l'imprimerie a changé les conditions sociales : la presse, machine qu'on ne peut plus briser, continuera à détruire l'ancien monde, jusqu'à ce qu'elle en ait formé un nouveau: c'est une voix calculée pour le forum général des peuples. L'imprimerie n'est que la Parole écrite, première de toutes les puissances: la Parole a crée l'univers; malheureusement le Verbe dans l'homme participe de l'infirmité humaine; il mêlera le mal au bien, tant que notre nature déchue n'aura pas recouvré sa pureté originelle.

    Ainsi la transformation, amenée par l'âge du monde, aura lieu. Tout est calculé dans ce dessein; rien n'est possible maintenant hors la mort naturelle de la société, d'où sortira la renaissance. C'est impiété de lutter contre l'ange de Dieu, de croire que nous arrêterons la Providence. Aperçue de cette hauteur, la Révolution française n'est plus qu'un point de la révolution générale; toutes les impatiences cessent, tous les axiomes de l'ancienne politique deviennent inapplicables...

     

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    "Depuis quarante ans, tous les gouvernements n'ont péri en France que par leur faute: Louis XVI a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie..."
    Ainsi à Varennes (récit de Michel Mourre):
    "Quand la berline se présenta, elle trouva le pont de l'Aire barricadé et fut entourée de gardes municipaux en armes. Louis XVI, rejoint peu après par les officiers de Bouillé, Choiseul et Damas, refusa de les laisser dégager la route par la force. Les commissaires de la Constituante, survenus, purent donc s'assurer sans difficulté de la personne du roi..."

             

     

    Depuis quarante ans, tous les gouvernements n'ont péri en France que par leur faute: Louis XVI a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie; la République n'a succombé qu'à l'excès de ses crimes; Bonaparte pouvait établir sa dynastie, et il s'est jeté en bas du haut de sa gloire; sans les ordonnances de Juillet, le trône légitime serait encore debout.... Mais après tout il faudra s'en aller : qu'est-ce que trois, quatre, six, dix, vingt années dans la vie d'un peuple ? L'ancienne société périt avec la politique chrétienne, dont elle est sortie : à Rome, le règne de l'homme fut substitué à celui de la loi par César; on passa de la république à l'empire. La révolution se résume aujourd'hui en sens contraire; la loi détrône l'homme; on passe de la royauté à la république. L'ère des peuples est revenue : reste à savoir comment elle sera remplie.

    Il faudra d'abord que l'Europe se nivelle dans un même système; on ne peut supposer un gouvernement représentatif en France et des monarchies absolues autour de ce gouvernement. Pour arriver là, il est probable qu'on subira des guerres étrangères, et qu'on traversera à l'intérieur une double anarchie morale et physique.

    Quand il ne s'agirait que de la seule propriété, n'y touchera-t-on point ? Restera-t-elle distribuée comme elle l'est ? Une société où des individus ont deux millions de revenu, tandis que d'autres sont réduits à remplir leurs bouges de monceaux de pourriture pour y ramasser des vers (vers qui, vendus aux pêcheurs, sont le seul moyen d'existence de ces familles elles-mêmes autochtones du fumier), une telle société peut-elle demeurer stationnaire sur de tels fondements au milieu du progrès des idées ?

     

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    "Une société où des individus ont deux millions de revenu, tandis que d'autres sont réduits à remplir leurs bouges de monceaux de pourriture... une telle société peut-elle demeurer stationnaire sur de tels fondements au milieu du progrès des idées ?"
     
    Ci dessous, bidonvilles à Montreuil... 
     
     
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    Mais si l'on touche à la propriété, il en résultera des bouleversements immenses qui ne s'accompliront pas sans effusion de sang; la loi du sang et du sacrifice est partout : Dieu a livré son Fils aux clous de la croix, pour renouveler l'ordre de l'univers. Avant qu'un nouveau droit soit sorti de ce chaos, les astres se seront souvent levés et couchés. Dix-huit cents ans depuis l'ère chrétienne n'ont pas suffi à l'abolition de l'esclavage; il n'y a encore qu'une très petite partie accomplie de la mission évangélique.

    Ces calculs ne vont point à l'impatience des français: jamais, dans les révolutions qu'ils ont faites, ils n'ont admis l'élément du temps, c'est pourquoi ils sont toujours ébahis des résultats contraires à leurs espérances. Tandis qu'ils bouleversent, le temps arrange, il met de l'ordre dans le désordre, rejette le fruit vert, détache le fruit mûr, sasse et crible les hommes, les moeurs et les idées. 

    Quelle sera la société nouvelle ? Je l'ignore. Ses lois me sont inconnues; je ne la comprends pas plus que les anciens ne comprenaient la société sans esclaves produite par le christianisme. Comment les fortunes se nivelleront-elles, comment le salaire se balancera-t-il avec le travail, comment la femme parviendra-t-elle à l'émancipation légale ? Je n'en sais rien. Jusqu'à présent la société a procédé par agrégation et par famille; quel aspect offrira-telle lorsqu'elle ne sera plus qu'individuelle, ainsi qu'elle tend à le devenir, ainsi qu'on la voit déjà se former aux Etats-Unis ? Vraisemblablement l'espèce humaine s'agrandira, mais il est à craindre que l'homme ne diminue, que quelques facultés éminentes du génie ne se perdent, que l'imagination, la poésie, les arts ne meurent dans les trous d'une société-ruche où chaque individu ne sera plus qu'une abeille, une roue dans une machine, un atome dans la matière organisée. Si la religion chrétienne s'éteignait, on arriverait par la liberté à la pétrification sociale où la Chine est arrivée par l'esclavage.

     

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    On ne peut que prendre acte de l'affaiblissement des structures traditionnelles de la famille et du couple, attaquées de toute part...
    "Jusqu'à présent la société a procédé par agrégation et par famille; quel aspect offrira-telle lorsqu'elle ne sera plus qu'individuelle, ainsi qu'elle tend à le devenir, ainsi qu'on la voit déjà se former aux Etats-Unis ?..."
     

              

     

    La société moderne a mis dix siècles à se composer; maintenant elle se décompose. Les générations du moyen âge étaient vigoureuses parce qu'elles étaient dans la progression ascendante; nous, nous sommes débiles parce que nous sommes dans la progression descendante. Ce monde décroissant ne reprendra de force que quand il aura atteint le dernier degré; alors il commencera à remonter vers une nouvelle vie. Je vois bien une population qui s'agite, qui proclame sa puissance, qui s'écrie : "Je veux ! je serai ! à moi l'avenir ! je découvre l'univers ! On n'avait rien vu avant moi; le monde m'attendait; je suis incomparable. Mes pères étaient des enfants et des idiots."

    Les faits ont-ils répondu à ces magnifiques paroles ? Que d'espérances n'ont point été déçues en talents et en caractères ? Si vous en exceptez une trentaine d'hommes d'un mérite réel, quel troupeau de générations libertines, avortées, sans convictions, sans foi politique et religieuse, se précipitant sur l'argent et les places comme des pauvres sur une distribution gratuite : troupeau qui ne reconnaît point de berger, qui court de la plaine à la montagne et de la montagne à la plaine, dédaignant l'expérience des vieux pâtres durcis au vent et au soleil ! Nous ne sommes que des générations de passage, intermédiaires, obscures, vouées à l'oubli, formant la chaîne pour atteindre les mains qui cueilleront l'avenir".

     

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • Éphéméride du 26 juin

    2005 : le site de Cadarache est retenu pour la construction du réacteur expérimental Iter

     

     

     

     

    363 : Mort de Julien l'Apostat 

     

    S'il fut seul maître de l'Empire romain pendant deux ans - de 361 à sa mort, en 363 - il fut aussi gouverneur et César en Gaule pendant six ans, à partir de 355.

    Il y fut envoyé par Constance II, car la pression des Barbares aux frontières devenait intenable : les Francs s'étaient même emparés de Cologne. Julien rétablit la situation, reprit Cologne aux Francs et, par la suite, écrasa et refoula les Alamans, en remportant la brillante victoire de Strasbourg (Argentorate) en 357 (voir l'Éphéméride du 15 août). 

    Il mena même, par la suite, trois expédition militaires en Germanie, sur la rive droite du Rhin. Il ramena ainsi la paix et la sécurité en Gaule.

    Il se plaisait à résider dans sa chère Lutèce, dont il avait fait son quartier général, et où, disait-il, l'eau est bonne à voir et à boire ! Mais c'était en 355 ! 

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    http://www.herodote.net/Julien_l_Apostat_331_363_-synthese-628.php 

     

    24 juin,loi d'exil,orléans,du pont de nemours

     

    1178 : Mort de Saint Anthelme

     

    Né au château de Chignin, près de Chambéry, en 1107, Anthelme de Belley, ou Anthelme de Chignin, reçut l'habit de Chartreux en 1137 et devint en 1138 procureur du  monastère de la Grande Chartreuse, qu’il avait fait reconstruire, après sa destruction par une avalanche, en 1132…

    Son action au service de l'Ordre des Chartreux fut considérable, mais il eut aussi un grand rayonnement international : Louis VII, à son retour du concile de Toulouse de 1161, vient le visiter; Frédéric Barberousse l'investit du titre de Prince électeur du Saint Empire romain germanique (en 1175); il tenta en vain de servir de médiateur entre saint Thomas Beckett et le roi Henri II d'Angleterre.

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     Le château de saint Anthelme...

    Après la destruction de la Grande Chartreuse par une avalanche, ce fut Anthelme que l'évêque de Grenoble chargea de reconstruire l'abbaye : voir l'Éphéméride du 27 décembre...

     

       http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1392/Saint-Anthelme-de-Chignin.html

     

     

     24 juin,loi d'exil,orléans,du pont de nemours

     

     

    1683 : Duquesne bombarde Alger...

     

    Dès que l'Islam eût conquis, au cours du VIIème siècle, l'ensemble de la rive sud de la Méditerranée, l'antique Mare nostrum des Romains, de lieu pacifique et sûr, propice aux échanges de toutes sortes - matériel et immatériels... - devint un lieu dangereux, infesté de pillards et livré à la férocité et à la rapine des pirates barbaresques.

    Ceux-ci s'enrichissaient non seulement de leurs prises matérielles (marchandises...) mais aussi, et surtout, de la mise en esclavage et de la revente des personnes qu'ils faisaient prisonniers. Des centaines de milliers d'Européens furent ainsi esclaves en Afrique du Nord, l'exemple le plus célèbre restant celui  de l'illustre Cervantès, qui passa près de cinq années dans les geôles d'Alger, avant d'être racheté par l'Ordre des Trinitaires, dont le rachat des captifs fut longtemps l'occupation, sinon unique, du moins principale (voir l'Éphéméride du 17 décembre, sur la création de l'Ordre des Trinitaires en 1198)...

    La plupart des pays et des souverains d'Europe tentèrent, à de multiples reprises, de mettre fin à ce lamentable état de choses : mais tous, Charles Quint le premier, malgré la puissance de son grand empire, devaient s'y casser les dents, si l'on nous permet l'expression... : toutes les opérations que mena Charles, dans l'ensemble des pays d'Afrique du Nord, se soldèrent par autant d'échecs retentissants, que quelques succès très partiels et très limités (comme l'occupation de la ville d'Oran) ne compensaient pas, loin s'en faut... 

    Ce fut, finalement, la France de Charles X qui, en 1830, mit fin au désordre préjudiciable que représentait la piraterie barbaresque pour l'ensemble du monde européen (voir l'Éphéméride du 14 juin) : mais il y aura fallu onze cents ans...

    Durant ce laps de temps très long, de nombreuses opérations militaires furent donc menées par des puissances européennes : ainsi, entre 1681 et 1688, la guerre opposa la France et la régence d'Alger, possession officielle, quoique nominale, de l'Empire Ottoman. Duquesne, vainqueur des opérations, les Ambassadeurs de la régence d'Alger viendront à Versailles - tout comme le fera à son tour le Doge de Gênes, en 1685 (voir l'Éphéméride du 15 mai)... - présenter leurs excuses à Louis XIV, le 3 juillet 1683... :

    http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Ouvrages/Michelant/1683.Alger.htm

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     Portrait d'Abraham Duquesne, par Antoine Graincourt, Cercle militaire de Versailles.

    Abraham Duquesne fut, sans conteste, l'un des plus grands marins français de tous les temps. Il est bien triste que son refus - qui l'honore - d'abjurer le protestantisme soit cause qu'aujourd'hui il ne repose pas en terre française (voire, même, aux Invalides, où sa gloire et les services rendus lui donnent toute sa place).

     Lorsqu'il mourut d'une attaque d'apoplexie, le 1er février 1688 à Paris, à l’âge de 78 ans, il fut enterré dans son château du Bouchet, domaine érigé en marquisat par Louis XIV. Une semaine après sa mort, le Roi ordonne que tous ses biens soient mis sous séquestre. À sa veuve on laissa le choix de l'émigration ou de l'abjuration : elle abjura, et put conserver ses biens.

    Sur les quatre fils du couple, deux se convertirent au catholicisme, les deux autres émigrèrent en Suisse, notamment Henri Duquesne, qui transporta le cœur de son père au temple d'Aubonne, dans le canton de Vaud.

     http://www.netmarine.net/bat/fregates/duquesne/celebre.htm

     

     

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    1753 : Naissance de Rivarol

     

    RIVAROL.jpg 

    On lira ci-après le texte intégral de sa réponse au sujet proposé par l'Académie de Berlin, en 1783 :

    Qu'est-ce qui a rendu la langue Française universelle ? Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à présumer qu'elle la conserve ? : 

              http://www.bribes.org/trismegiste/rivarol.htm

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     "Un peu de philosophie écarte de la religion et beaucoup y ramène." - Maximes, pensées et paradoxes

    "Il y aura toujours deux mondes soumis aux spéculations des philosophes : celui de leur imagination, où tout est vraisemblable et rien n'est vrai, et celui de la nature où tout est vrai sans que rien paraisse vraisemblable." - Maximes, pensées et paradoxes

    "Les opinions, les théories, les systèmes, passent tour à tour sur la meule du temps, qui leur donne d'abord du tranchant et de l'éclat, et qui finit par les user." - Maximes, pensées et paradoxes

    "Le talent est un art mêlé d'enthousiasme. S'il n'était qu'art, il serait froid; s'il n'était qu'enthousiasme, il serait déréglé : le goût leur sert de lien." - Maximes, pensées et paradoxes

    "Exiger l’homme sans passions, c’est vouloir régenter la nature."

     

     

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    2005 : ITER à Cadarache

     

    Après de longues négociations, c'est finalement le site français (ci dessous) qui est retenu pour la construction du réacteur expérimental Iter...    

    Ce projet regroupe l'Union Européenne, la Russie, le Japon, la Chine, les États-Unis l'Inde et la Corée du Sud. L’objectif est de créer de l’énergie non plus à partir de la fission nucléaire, mais à partir de la fusion.

    Très productive et peu polluante, cette technologie est souvent comparée au fonctionnement du soleil...

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    Comme on l'explique à toute personne qui visite Cadarache, ce qui importe avant tout est de bien comprendre une clé majeure du succès en matière de recherche scientifique : ce qui est indispensable, c’est d’être en mesure de se dégager des contingences du moment, des modes et des besoins passagers, pour se donner les moyens de concevoir et mettre en œuvre un projet cohérent, lucidement pensé, réalisé avec rigueur et méthode. Ce projet doit alors être poursuivi avec une volonté sans faille, et la continuité dans l’effort doit être assurée jusqu’au bout.            

    Le futur réacteur ITER (International Thermonuclear Experimental Réaction), procède d’un traité international de longue durée qui définit les apports et les charges de chacun, vise à l’installation d’un "tokamak" – abréviation russe pour chambre magnétique torique –, c’est-à-dire un réacteur nucléaire de 4e génération (schéma ci dessous).   

    CADARACHE 1.JPG

    Le Tokamak, machine de 35 000 tonnes, conçue pour résister aux aléas sismiques, sera à fusion nucléaire : elle reproduira, en quelque sorte, l’énergie du soleil http://www.itercad.org/projet_3.php

     

    Dans un contexte de concurrence difficile, avec le Japon notamment, la France a été choisie pour son expérience et son exemplarité dans la gestion de la technologie nucléaire Le nouveau réacteur présente des caractéristiques remarquables, d’abord en ce qui concerne la sécurité : à la moindre perturbation des conditions de fusion, le dégagement d’énergie s’arrête immédiatement, bloquant toute possibilité d’emballement du réacteur.

  • HISTOIRE • Jean Sévillia : ces reines qui ont changé l'Histoire

     

    A l'occasion de la sortie de son dernier livre, Les derniers jours des reines, codirigé par Jean Christophe Buisson, Jean Sévillia évoque pour FigaroVox des figures aussi romanesques que Cléopâtre, Marie-Antoinette ou la reine Victoria. On ne manquera pas de lire ce dernier ouvrage de Jean Sévillia.  LFAR

     

    1dd0ad5cb1fc3695880af1725477b22e.jpgFigaroVox - La France est le pays qui a coupé la tête à son roi, et pourtant les Français, comme en témoignent notamment les succès de librairie des biographies royales ou l'audience des émissions de télévision sur la royauté, semblent éprouver un sentiment monarchiste. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Les Français sont-ils schizophrènes  ?

    Jean Sévillia - D'Ernest Renan à Albert Camus, d'innombrables esprits républicains ont médité sur l'événement traumatique qu'a été la condamnation à mort de Louis XVI. Il ne faut jamais oublier que la France a été constituée en tant que communauté politique sous les rois de France, et par eux. Contrairement à une mythologie qui n'a plus guère cours aujourd'hui, la France n'est pas née en 1789: elle a été forgée au long des siècles par la monarchie, la République ayant recueilli ensuite cet héritage. Il est parfaitement exact qu'au moment de la Révolution, la souveraineté politique passe du roi au peuple, du moins à la représentation nationale, car le peuple réel n'a pas eu son mot à dire au long du processus révolutionnaire. Mais cette substitution de souveraineté ne change rien au fait que c'est l'Etat qui conserve son rôle central et surplombant dans la poursuite du destin français. Or cet Etat possède d'indélébiles racines monarchiques. Napoléon Ier, Napoléon III, Thiers, Clemenceau, Pétain, De Gaulle… Notre histoire postérieure à la Révolution est pleine de chefs d'Etat ou de gouvernement, ou de figures d'autorité, qui jouent les substituts du roi de France. De Gaulle le savait et le sentait si bien qu'il a doté le pays, en 1958, d'une Constitution où le primat reconnu à l'exécutif donnait à nos institutions un air de monarchie républicaine. François Mitterrand, à sa manière, a été une sorte de monarque socialiste. Et l'on voit bien actuellement, en creux, l'importance de la fonction présidentielle, précisément parce que celui qui l'incarne ne semble pas taillé pour la fonction. Alors oui, il y a toujours et il y aura toujours quelque chose de monarchique en France, même si les Français ont coupé la tête à leur roi en 1793.

    Dans la préface des Derniers jours des reines, texte que vous avez cosigné avec Jean-Christophe Buisson, vous développez le concept de royauté au féminin. De quoi s'agit-il ?

    Notre ouvrage traite de femmes qui ont régné, mais à toutes les époques et dans des aires de civilisation très différentes: entre Cléopâtre et la tsarine Alexandra Fedorovna, épouse de Nicolas II, il n'y a à peu près rien de commun sous l'angle de la société dans laquelle elles ont vécu et du système politique qui les avait placées sur le trône. Sur les vingt souveraines évoquées dans le livre, toutes n'ont pas gouverné. En France, les lois coutumières de la monarchie, affinées sous les Capétiens, excluaient les femmes de la succession au trône, ce qui n'était pas le cas dans toutes les dynasties européennes, voir Isabelle la Catholique (Isabelle de Castrille), Marie-Thérèse d'Autriche, Catherine II de Russie, ou la reine Victoria. Mais cela ne signifie pas que les reines de France n'ont pas joué un rôle éminent, a fortiori pour celles qui ont exercé la régence. Mais comme épouses du roi et mères des enfants du roi, donc mères du roi un jour, toutes les reines sont profondément associées au pouvoir. La royauté au féminin, c'est la traduction de la spécificité du système monarchique, qui n'est pas un pouvoir personnel, mais le pouvoir d'une famille.

    Quand les reines ont joué un rôle politique, quel était-il ?

    Les reines qui ont à la fois régné et gouverné ont joué exactement le même rôle politique qu'un homme aurait exercé à leur place. Au XVIIIe siècle, Marie-Thérèse d'Autriche ou Catherine II de Russie ont fait la guerre, ont choisi ou défait des ministres, ont adopté des réformes qui ont changé la société sur laquelle elles régnaient, ont affronté des oppositions: l'ordinaire d'un rôle politique à cette époque. Quant aux reines de France, nous avons évidemment retenu dans notre livre des personnages de premier plan. Catherine de Médicis, femme d'Henri II, puis régente pour son deuxième fils Charles IX, joue un rôle essentiel au moment des guerres de Religion en essayant de maintenir le trône au-dessus des divisions religieuses. La recherche historique l'a lavée de l'accusation d'être la responsable de la Saint-Barthélemy. Sous le règne d'Henri III, son dernier fils, Catherine de Médicis s'efface peu à peu. Anne d'Autriche, l'épouse de Louis XIII, est une princesse espagnole: d'abord hostile envers Richelieu en raison de sa politique à l'encontre de l'Espagne, elle change après la mort de Richelieu et celle de Louis XIII car, par amour pour son fils Louis XIV, elle soutient le nouveau Premier ministre, Mazarin, qui poursuit pourtant la politique de Richelieu. Après la mort de Mazarin, Louis XIV, voulant gouverner personnellement, sera conduit à éloigner sa mère, qu'il aimait néanmoins profondément. Pour un temps limité, qui a cependant son poids dans notre histoire, les reines Catherine de Médicis et Anne d'Autriche ont donc été de vrais rois de France….

    Vous évoquez des figures aussi exceptionnelles que Cléopâtre, Isabelle la Catholique ou Marie-Antoinette. Avez-vous une préférence pour l'une d'entre elles ?

    Si je prends votre question dans son sens tout à fait personnel, je dois vous dire que ma «reine de cœur» ne figure pas dans le livre. J'ai publié il y a dix-huit ans une biographie de l'impératrice Zita, la dernière impératrice d'Autriche, livre que les éditions Perrin réimpriment constamment et dont sortira une réédition actualisée en 2016. Ayant régné pendant deux ans, de 1916 à 1918, détrônée en 1918, exilée en 1919, veuve à 30 ans à la mort de son mari, l'empereur Charles Ier d'Autriche, en 1922, spoliée de son patrimoine familial par les Etats successeurs de l'Autriche-Hongrie, l'impératrice Zita a élevé seule ses huit enfants, vivant dans la pauvreté et la foi. Ses obsèques solennelles à Vienne, selon le vieux rituel impérial, ont marqué, en 1989, année de la fin du communisme, le grand retour de l'histoire en Europe centrale. Parce qu'il faut faire des choix dans un livre collectif, nous n'avons pas retenu l'impératrice Zita, l'histoire autrichienne étant représentée par deux souveraines, la grande Marie-Thérèse et Elisabeth, dite Sissi, la femme de François-Joseph. Ma préférence allait alors à Marie-Antoinette, dont je me suis chargé du portrait.

    Qu'est-ce qui vous intéresse, chez Marie-Antoinette, et comment expliquez-vous le mélange d'amour et de haine que les Français semblent ressentir pour elle ?

    Aujourd'hui, il me semble plutôt que la haine pour Marie-Antoinette a pratiquement disparu! En témoigne l'immense succès des expositions, des livres ou des films qui lui sont consacrés depuis une dizaine d'années. Si notre éditeur a choisi Marie-Antoinette pour illustrer la couverture de l'ouvrage, ce n'est pas un hasard. En ce qui me concerne, je n'ai pas attendu cette «Marie-Antoinette-mania» pour être attaché à cette figure venue d'Autriche, pays dont je suis familier, et qui a traversé ensuite la gloire et la tragédie chez nous, en France. Ce qui est fascinant, chez Marie-Antoinette, c'est la suite de ses retournements. Jeune reine superficielle et frivole, elle devient une mère responsable, soucieuse de ses enfants. Commettant des erreurs politiques au début de la Révolution, en essayant de sauver le trône mais en le desservant en réalité, elle épouse ensuite totalement les vues du roi dès lors que la partie est perdue. Après la décapitation de Louis XVI, Marie-Antoinette touche au sublime par sa dignité lors de son procès et face à sa marche à la mort.

    La princesse Diana n'a pas régné, mais a connu une fin tragique et romanesque. Aurait-elle pu figurer dans votre livre ?

    Outre le fait de n'avoir pas régné, connaître une fin romanesque et tragique ne suffit pas à faire une reine. Ce qui caractérise les reines régnantes est qu'elles s'obligent à habiter leur fonction, même quand elle ne correspond pas à leur goût. Ou alors, elles fuient, comme le fit d'une certaine manière l'impératrice Elisabeth d'Autriche, Sissi, qui est à sa façon une ancêtre de Lady Di. Il reste que la première femme du prince Charles, historiquement parlant, est un personnage emblématique de notre époque par la préférence accordée au destin personnel, au plaisir, au bonheur, par rapport au devoir dynastique. La séquence de sa mort restera un moment exemplaire du culte de l'émotion qui domine notre temps. La reine d'Angleterre a dû plier devant cette vague, pour préserver l'affection de ses sujets. Mais l'émotion est passée, et la reine Elisabeth est toujours là…

    Les reines contemporaines, devenues des people presque comme les autres, ont-elles perdu leur mystère ?

    Toutes les reines contemporaines ne sont pas devenues des princesses people. Songeons, en Belgique, à la reine Fabiola hier, ou à la reine Mathilde aujourd'hui. Ou en Espagne à la reine Sophie, la femme de Juan Carlos, hier, ou à la femme de Philippe VI, la reine Letizia, aujourd'hui. Ce n'est pas parce que la presse parle d'une reine qu'elle est une reine people. On peut conserver sa dignité tout étant la cible de l'attention des autres, ce qui a toujours été le propre des souverains, qui sont des personnages publics. La reine d'Angleterre est un des personnages les plus photographiés de la terre, et pourtant on ne peut pas lui appliquer l'étiquette de people. Vous verrez que, lorsqu'elle disparaîtra, ce sera un événement planétaire, et que les plus républicains des Français seront touchés eux aussi. 

    Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine et membre du comité scientifique du Figaro Histoire, Jean Sévillia est l'auteur de nombreux succès de librairie (Zita impératrice courage, Historiquement correct, Histoire passionnée de la France). Il publie prochainement La France catholique (éditions Michel Lafon, sortie le 15 octobre). Il a codirigé Les Derniers jours des reines avec Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine et auteur d'une biographie du général Mihailovic et d'Assassinés. Un ouvrage collectif dans lequel dix-neuf historiens (dont Didier Le Fur, Jean-François Solnon, Simone Bertière, Jean-Paul Bled, Jean Tulard, Jean des Cars, Arnaud Teyssier et les codirecteurs du livre) brossent le portrait de vingt souveraines à travers la fin de leur vie ; publié aux éditions Perrin, le livre est coédité avec le Figaro Histoire.

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio            

  • Réponse de fond du Vice-ministre polonais des Affaires étrangères aux critiques de Bruxelles

     

    Lire ce très intéressant entretien, que vient de publier Valeurs actuelles, avec le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, c'est se persuader qu'il ne sera pas facile pour Bruxelles et les démocraties molles de l'Ouest européen d'imposer aux vingt-huit Etats membres de l'Union le modèle hors sol, hors racines, multi-culturaliste, universaliste et post-national qu'ils ont en tête. La Pologne est un grand pays et elle s'inscrit, comme la France devrait le faire, en opposition très claire à ce modèle déconstructiviste. On ne pourra pas la traiter pour quantité négligeable. Et, dans la voie qu'elle vient de se tracer, il n'est pas exclu qu'elle fasse école. Qu'elle soit précurseur... Il n'y a d'ailleurs pas de raison de ne pas le souhaiter.  Lafautearousseau   

     

    aleksander_stepkowskicdr.jpgCritiqué pour ses réformes de la Justice et des médias, le nouveau gouvernement polonais est sous le feu des attaques de Bruxelles. Afin de s’expliquer, Aleksander Stepkowski, le vice-ministre polonais des Affaires étrangères a accepté d’accorder un entretien exclusif à Valeurs actuelles.

    VA. Quels sont les objectifs de votre gouvernement à long terme ?

    Très brièvement : l’objectif principal est le développement social à travers le renforcement de la famille, en lui assurant une sécurité non seulement économique mais plus générale également. L’aspect le plus important de cette politique est de renforcer l’identité polonaise, notamment le patriotisme et les valeurs culturelles qui ont longtemps été des caractéristiques polonaises mais qui sont devenues synonymes d’agressivité – souvent à torts – cette critique a été soutenue délibérément et institutionnellement par les précédents gouvernements polonais. Nous pensons que la Pologne devrait jouer un rôle actif et important sur la scène politique européenne.

    VA. Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la société polonaise ?

    La société polonaise est dans une situation délicate. Les familles sont particulièrement fragilisées, alors même que la famille est censée être particulièrement protégée et défendue par l’Etat polonais d’après l’article 18 de notre Constitution. Les familles sont cependant devenues victimes de discriminations dans la plupart des aspects de la vie sociale. Se marier devient même un motif de discrimination. Vivre célibataire est plus facile et moins cher. La Pologne souffre en effet d’une crise démographique importante ainsi que d’une importante crise migratoire économique. Plusieurs millions de polonais parmi les plus dynamiques participent à l’enrichissement d’autres nations parce qu’ils n’ont pas eu suffisamment d’opportunités de développement dans leur pays natal. Le nouveau gouvernement polonais va apporter un changement radical à cet état de choses. Nous voulons établir des conditions favorables afin que les polonais reviennent de l’étranger.

    VA. Pensez-vous que la société polonaise puisse échapper à l’individualisme libéral qui a transformé les sociétés occidentales ces dernières décennies ?

    Tout dépend de la manière dont vous entendez la possibilité d’y échapper. A bien des égards ce n’est pas possible dans la mesure où la société contemporaine est construite sur une anthropologie individualiste. Par ailleurs, nous pouvons résister aux transgressions culturelles contemporaines issues de l’individualisme et chercher à renforcer les communautés existantes. Il faudrait développer un sens de l’interdépendance mutuelle qui soit comprise non pas comme un obstacle à la réalisation individuelle mais un prérequis nécessaire au développement personnel.

    VA. Comment défendre la famille ?

    Tout commence par la conscience que nous avons vraiment de ce que nous sommes et des conditions nécessaires à notre développement. Il faut arrêter d’envisager la société comme un groupe d’individus mais l’appréhender comme un système de communautés interconnectées. Il faut ensuite ajuster la loi à cette perspective sociale. Je dois dire que les solutions françaises concernant la politique familiale sont bien plus favorables à la famille qu’en Pologne, nous devons suivre votre exemple. Par ailleurs une condition nécessaire au développement de la famille est la protection de l’identité naturelle de la personne humaine et de la famille, et dans ce domaine, la Pologne est dans une meilleure position. Nous reconnaissons et protégeons toujours l’identité naturelle du mariage ainsi que l’autonomie familiale. Il y a eu d’importantes menaces qui ont plané sur l’autonomie de la famille ces dernières années en Pologne, mais la société civile a paru absolument déterminée à défendre les valeurs fondamentales de la vie de famille et s’est organisée en ce sens. En France, si la mobilisation autour de La Manif pour Tous a été sans précédent, elle est intervenue dans un contexte tout à fait différent ; c’est l’identité naturelle même des structures fondamentales de la société qui était radicalement reniée par l’initiative législative.

    Nous avons beaucoup à perdre dans ce contexte et il nous faut nous protéger avec prudence et détermination.

    VA. L’Europe fait face à une double crise: démographique et migratoire, ces crises sont d’une magnitude sans précédent. Pensez-vous qu’il y a un risque d’effondrement de la société occidentale Européenne ? Comment faut-il réagir ?

    Le danger est très sérieux. Le problème est que son origine est une sorte d’auto-agression envers notre identité dans ses aspects les plus profonds : notre identité culturelle et notre identité humaine.

    Notre système éducatif ainsi que la culture elle-même présente l’identité comme une menace à la liberté et une source d’agression. C’est pour cette raison que la mutation de notre identité est proposée comme une libération et un moyen de prévenir la violence. Cette auto-agression nous mène finalement à une autodestruction. Il est important d’évoquer que la stratégie finale de l’Union Soviétique communiste élaborée à la fin des années 70 du 20ème siècle pour envahir l’Europe reposait sur une hypothèse : après une agression militaire initiale des forces communistes sur l’Europe de l’ouest, le reste de l’Europe aurait été incapable de se défendre sous l’influence des intellectuels de gauche qui auraient paralysé l’Europe occidentale avec des slogans pacifiques. La capitulation intellectuelle était un prérequis nécessaire au succès de la révolution communiste. Nous expérimentons une situation similaire aujourd’hui, mais l’invasion devient possible non pas à cause du pacifisme mais à cause de slogans humanitaires appelant à la solidarité et à la tolérance. 

    VA. L’Europe occidentale est également confrontée à une crise culturelle, marquée par l’échec de transmission de sa culture et de sa religion aux nouvelles générations. La situation est-elle différente en Pologne ?

    Oui. La transmission que vous évoquez n’est possible qu’à travers une transmission de l’identité, identité religieuse et culturelle. Si l’Européen contemporain n’est pas capable de dire qui il est, non seulement dans une dimension religieuse mais également sexuelle, comment peut-il en parler à ses enfants ? Nous ne pouvons transmettre aux générations suivantes que ce que nous comprenons de nous-mêmes, ce à quoi nous sommes fidèles dans nos vies.

    En Pologne nous sommes confrontés aux mêmes défis culturels que l’Europe de l’ouest, même si nos problèmes ne sont pas aussi avancés. Néanmoins, les jeunes témoignent très souvent de leur foi - et de manière très courageuse. La question est de savoir s’ils demeureront fidèles face aux défis existentiels et aux tentations.

    J’ai personnellement tendance à être assez pessimiste, mais je dois reconnaître que je vois souvent des jeunes dont la conduite personnelle me remplit d’espoir.

    Ils ont cependant besoin d’avoir des chefs (spirituels et temporels) responsables et expérimentés qui ne leur fassent pas faux bond.

    VA. Qu’est-ce que l’Europe pour vous ?

    L’Europe est pour moi une entité culturelle dont les origines spécifiques déterminent l’identité. Voilà « mon » Europe, celle à laquelle je m’identifie. Malheureusement, les sociétés européennes contemporaines perdent souvent leur identité telle que je la comprends. Certains phénomènes sociaux sont réputés représenter des valeurs européennes, bien que pour ma part ils n’aient rien d’européen. Si je vois une cathédrale gothique, je n’ai pas de doutes, je vois quelque chose de très européen, même si elle a été construite en Amérique et pas pendant le Moyen-Âge comme la cathédrale St Patrick à New York par exemple. En revanche lorsque j’emmène ma voiture en réparation dans un atelier installé dans une ancienne église gothique, il me semble évident que ce continent qui porte toujours le nom d’Europe perd dramatiquement son identité.

    VA. L’une des premières mesures de votre gouvernement a visé l’audiovisuel public, on a accusé votre gouvernement de porter atteinte à la liberté de la presse…

    Le principal objectif du gouvernement est la réintroduction du pluralisme dans les institutions polonaises. Cela concerne également les médias publics. La position des médias publics sur le marché polonais des médias a été affaiblie par l'ancien gouvernement. Le nouveau gouvernement veut rendre une base financière stable aux médias publics qui a été presque détruite par l'ancien gouvernement. Cette réforme se compose de deux parties. La première vise à assurer une meilleure gestion et à mettre en œuvre des normes requises par le Conseil de l'Europe en 2010 à l’égard de la Hongrie. Dans l'opinion officielle du Conseil de l'Europe, il est clairement indiqué que le régulateur des médias sur le marché ne devrait pas avoir le pouvoir d'influencer la composition des conseils de gestion et de contrôle des médias publics. C’est exactement ce qui a été fait en Pologne : le Conseil national de la radiodiffusion a perdu son pouvoir de nommer les membres de la direction des médias publics, pouvoir qu’il  a longtemps exercé. Nous avons donc commencé à mettre en œuvre des normes européennes organisant les relations entre l’Etat et les médias publics, dont il est propriétaire

    VA. Qu’en est-il de la réforme de la Cour constitutionnelle : on reproche à votre gouvernement d’avoir nommé, à peine arrivés aux affaires, des nouveaux juges…

    Ici encore, l’unique objectif des changements rapides opérés quant à la désignation des juges constitutionnels vise à introduire du pluralisme au sein du Tribunal Constitutionnel. La précédente majorité avait entrepris de nommer cinq nouveaux juges alors qu’ils en avaient déjà nommés neuf sur un total de quinze. Ils voulaient nommer 15 sur les 15 juges du Tribunal Constitutionnel. Pour cela, ils ont désigné des juges pour des postes qui ne deviendraient vacants qu’après les élections ; élections où ils ont perdu le soutien de la population. Pour cette raison, afin de défendre le pluralisme au sein du Tribunal, une action rapide était nécessaire. Je dois reconnaître qu’après notre action, il reste toujours les deux tiers des juges qui ont été désignés par l’ancienne majorité.

    Notre seul objectif est de restaurer le pluralisme au sein du Tribunal Constitutionnel, pluralisme qui était mis en cause par le précédent gouvernement à la toute fin de son mandat. 

    Valeurs actuelles

     

  • La fin de la coopération monétaire franco-africaine soumettrait le continent africain au règne du dollar et à la pénétra

    Loup Viallat, auteur de "La fin du franc CFA". Image: Capture d'écran TV Libertés.

    Entretien avec Loup Viallet, qui analyse la situation du franc CFA, monnaie et système en sursis…

    Considéré par certains comme le dernier héritage de la colonisation, le Franc CFA (FCFA) est encore l’objet de tous les fantasmes. Il y a un an, les présidents français et ivoirien ont annoncé que cette monnaie commune à quinze pays africains serait remplacée dans la moitié ouest-africaine d’entre eux, par « l’Eco », une nouvelle devise dont la création se fait toujours attendre.

     frédéric de natal.jpgDans un ouvrage récent, La fin du franc CFA (oct. 2020, VA Éditions, Versailles), qui commence à faire parler de lui à droite, le géopolitologue Loup Viallet dévoile les enjeux vertigineux de la coopération monétaire franco-africaine pour l’Europe et pour l’Afrique. Alors que cette thématique est ordinairement désertée dans le débat public, on l’a vu revenir à travers les discours portés le mois dernier par la directrice de l’ISSEP Marion Maréchal, à l’occasion de sa série d’interventions médiatiques. L’ISSEP, dont le tout nouveau think-tank a publié parmi ses premières analyses une note signée par… Loup Viallet.

    Pour le magazine Causeur, il a accepté de répondre à nos questions sur ce sujet qui cristallise beaucoup de passions et alimente de nouvelles idées.

    Frederic de Natal. Qu’est-ce que le Franc CFA? 

    Loup Viallet. Le Franc CFA (Communauté Financière Africaine-ndlr) est la monnaie d’un pays sur trois en Afrique sub-saharienne dont l’ensemble forme ce qu’on appelle « la zone franc ». Contrairement aux monnaies de leurs pays voisins qui fluctuent en permanence au gré des prix des matières premières, et dont la fragilité expose leurs économies et leurs sociétés à des phénomènes chroniques d’hyperinflation, le franc CFA est la monnaie la plus stable et la plus crédible du continent africain. Elle sert de socle à deux marchés communs africains, l’UEMOA en Afrique de l’Ouest et la CEMAC en Afrique centrale, supprimant les coûts liés au change entre leurs pays membres, mais aussi avec les dix-neuf pays de la zone euro. Sa convertibilité en euros est garantie par le Trésor français, dans le cadre d’un partenariat monétaire surveillé par les institutions européennes et administré par les banques centrales africaines et les chefs d’État africains. C’est un atout auquel les dirigeants africains ré-adhèrent régulièrement, mais ce n’est pas non plus une baguette magique : avoir une monnaie stable et crédible ne suffit pas à protéger les pays africains de la désindustrialisation asiatique, ne les incite pas à transformer leurs économies et à sortir de leurs rentes primaires ou à renforcer l’unité fiscale et infrastructurelle de leurs marchés communs. C’est un symbole enfin, celui de souveraineté limitée des pays africains de la zone franc qui fait dire à certains que le franc CFA est un instrument de prédation, un lien néocolonial.

    Pourquoi et par qui est-elle décriée aujourd’hui?

    Pour de nombreux courants militants qui s’inscrivent d’abord dans la gauche intellectuelle et politique, les « indigénistes » ou les « décoloniaux » en France, et les « panafricanistes » en Afrique francophone, le Franc CFA est le bras armé du capitalisme et du néocolonialisme de la France en Afrique. Son maintien serait à l’origine d’un enrichissement odieux de l’ancienne métropole sur le dos de ses anciennes colonies. Ces thèses sont aussi relayées dans les milieux souverainistes, où ce lien est souvent compris à travers un prisme altermondialiste. Toujours est-il que cette monnaie fait l’objet de beaucoup de fantasmes et de rumeurs qui entretiennent les pays africains dans une certaine infantilisation, tenant leurs dirigeants pour des irresponsables, les présentant alternativement comme soumis à l’ancienne métropole ou comme des martyrs de la liberté africaine. Ces discours sont faux et dangereux.

    Pourquoi avoir écrit un ouvrage sur ce sujet qui semble particulièrement diviser le «village franco-africain»? 

    Cela fait plusieurs années que j’écoute le discours des « indigénistes » sur cette question qui me tient particulièrement à cœur. J’ai voulu comprendre si cela était vrai, d’où venaient ces types de discours, comment fonctionne l’organisation monétaire de l’Afrique afin de mieux répondre aux questions, aux enjeux que cela comporte tant pour l’Europe ou la France. Or, force est de constater que nous avons affaire de la part de ces gens à des discours très démagogiques. Il est regrettable de voir que des politiques français reprennent ce genre de caricatures, et ne s’emploient même pas à démontrer qu’il n’y a pas de néo-colonialisme de la part de la France. Ou encore des dirigeants et des intellectuels africains, qui tiennent des discours ambigus, dénonçant une mainmise d’un côté mais sans pour autant rompre avec la coopération monétaire de l’autre. Lorsqu’il était président de la république de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo n’a pas dénoncé le franc CFA et a même renouvelé l’adhésion de son pays aux institutions de la zone franc. Or, dans son autobiographie publiée une décennie plus tard, il en a fait la « clé de voûte » d’un système de spoliation par lequel la France s’enrichirait.

    Le Franc CFA est l’instrument d’un néocolonialisme de la France en Afrique? 

    Cette vision d’une France néocoloniale qui tirerait sa prospérité de l’exploitation des pays africains est complètement fausse. La puissance économique de la France ne repose pas sur ses liens passés ou présents avec l’Afrique. La zone franc ne représente que 0,6% du commerce extérieur de la France contre 40% à la veille des indépendances (tenant compte de l’ancienne Indochine), tandis que la France polarise 10 à 15% des échanges des pays de la zone franc aujourd’hui contre 60% à la veille des indépendances.  La France ne dispose plus de monopole économique dans son ancien « pré carré » : sur ce terrain les entreprises françaises sont désormais en concurrence avec des sociétés américaines, allemandes, italiennes, espagnoles, chinoises, turques, indiennes. On note aussi que la majorité des intérêts économiques français en Afrique sont hors de la zone franc : au Nigeria, au Maroc, en Tunisie, en Afrique du Sud. Quant à l’approvisionnement en uranium qui suscite beaucoup de fantasmes sur l’action de la France au Niger, il s’opère avec le Canada et avec le Kazakhstan sans nécessiter de partenariat monétaire. Enfin, la France n’a pas d’hégémonie politique dans les pays de la zone franc, ainsi qu’en a attesté le coup d’État imprévu au Mali à l’été 2020. Aujourd’hui le premier créancier et le premier fournisseur des pays de la zone franc c’est la Chine. 

    Les pays africains peuvent-ils en entrer ou sortir librement au sein de zone Franc? 

    Oui. La possibilité d’adhérer ou de dénoncer la coopération monétaire est prévue par les traités. Cela a été le cas de Madagascar en 1963, de la Mauritanie en 1973, de la Guinée-Conakry en 1960 ou encore du Mali en 1962 avant finalement d’y revenir 22 ans plus tard car sa monnaie était trop instable et inconvertible. Plus récemment, la Guinée équatoriale et la Guinée-Bissau ont rejoint la zone franc, respectivement en 1985 et en 1997 pour bénéficier de sa crédibilité. On voit bien dès lors que ce n’est pas une monnaie coloniale mais un service qui permet à des pays pauvres et rentiers de jouir d’une sécurité financière favorable au développement du commerce, de l’investissement, de l’épargne, de la production, de l’emploi et de la diversification économique. 

    Que penser de l’éco, cette nouvelle monnaie qui doit remplacer le Franc CFA dans huit pays d’Afrique de l’Ouest? 

    Il y a la même différence entre le franc CFA et l’éco qu’il y a entre les notions d’ « assistance » et d’ « assistanat ». Le changement de nom est superficiel, d’autant que d’autres monnaies portent le nom de franc sans qu’il ne prête à débat : le franc pacifique, le franc suisse, le franc congolais, le franc guinéen. Par ailleurs, ce nom rappelle celui du garant, sans lequel la monnaie n’existerait pas. Mais il y a plus grave, le franc CFA fonctionnait avec des contreparties de la part des pays africains, des sortes de devoirs, associés au droit de détenir une monnaie dont ils n’ont pas à garantir la qualité. Dans la nouvelle mouture de l’éco, ces devoirs disparaîtront, ce qui engage la relation franco-africaine sur deux pentes. La première est que les pays africains n’auront aucun compte à rendre sur l’administration de cette monnaie et n’auront aucune incitation pour réaliser les réformes économiques nécessaires pour sortir de leur modèle rentier. La seconde implique pour la France de développer une solidarité financière coûteuse pour son budget public et permissive pour les pays de la zone franc, qui seront autorisés à poursuivre leurs déficits massifs avec l’Asie en se reposant sur la garantie de convertibilité française. C’est un mauvais accord qui va amplifier les pires défauts de la coopération actuelle.

    Faut-il poursuivre la coopération franco-africaine?

    Pour répondre à cette question, il faut avoir bien conscience des enjeux que provoquerait la rupture de ce lien, à la fois pour la France, pour la zone euro et les pays de la zone franc et plus largement pour l’Europe et l’Afrique. La fin du franc CFA achèverait de soumettre les économies du continent africain aux variations du dollar, aux fluctuations des prix mondiaux des matières premières et à la pénétration de la monnaie chinoise, ce qui signerait leur enlisement dans le piège de la rente primaire. L’exploitation du cacao, de l’hévéa, du pétrole ou du gaz dégage trop peu de ressources pour financer des services publics de base, ne nourrit pas des peuples entiers, laisse sans emploi la majorité des populations en âge de travailler. Par ailleurs on ne peut ignorer que les modèles mono-agricole et mono-extractif sont exposés au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources fossiles. L’Afrique subsaharienne est soumise à un nouveau désordre, ses gouvernements ne parviennent pas à répondre aux besoins de populations en augmentation constante, dans un contexte où le réchauffement climatique menace les rendements et l’habitat. Ce désordre se manifeste par l’exil de millions d’Africains, par la faillite des frontières, la prolifération des bandes armées, des trafics illicites et des idéologies contestataires. Il constitue une source très puissante de déstabilisation et d’insécurité pour les pays africains, mais aussi pour les pays d’Europe, qui se situent dans leur grand-voisinage. Ni la France, ni les autres pays européens n’ont intérêt à ce que l’Afrique sombre dans l’anarchie et le sous-développement. Tel n’est pas nécessairement le cas de puissances plus éloignées, qui pourraient tirer parti de la situation pour bénéficier d’un réservoir de matières premières certes limité mais disponible, mais aussi pour contrôler l’organisation politique africaine et imposer leur paix aux frontières de l’Europe. La coopération monétaire est un des instruments dont les Africains et les Européens disposent pour éviter cette situation et pour bâtir des réponses aux principaux défis qui leurs sont communs en ce début de siècle.

     

    Frederic de Natal

    Source : https://www.causeur.fr/

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    3515994916.jpgEn plus de tout le reste, elle parle de la guerre qui aurait pu et du être évitée, celle de 39/45, avec toutes les horreurs et les destructions qu'elle a occasionné : il suffisait d'écouter Jacques Bainville, Maurras et l'Action française qui, avec tant d'autres Français patriotes demandaient la seule garantie de paix véritable, après une victoire si chèrement acquise (un million et demi de morts) : le démembrement de l'Allemagne.

    Clemenceau et le Système ne le voulurent pas, par idéologie démocratique.

    Clemenceau et le Système nous ont "donné" 39/45, ils nous ont "donné" Hitler :

    Clemenceau et le Système, responsables et coupables !

    lafautearousseau