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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • ”Vilain geste”, comme disent les commentateurs sportifs, puis, carrément, empoignade : du ”minable”, vendredi, à l'Assem

    (Vendredi dernier, 19 avril, un député de l'UMP s'exprime à l'Assemblée; un membre de la majorité fait une mimique accompagnée d'un geste injurieux; l'affaire se termine en pugilat, du moins c'est ce que l'on peut déduire du fait que les caméras de l'Assemblée s'arrêtent volontairement de filmer lorsque les protagonistes, le ton montant, sont "au contact": c'est donc que c'était grave... Mais ce moment pénible et "minable" est révélateur de quelque chose de plus profond...) 

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    En employant le mot de "'minable" pour Gérard Depardieu, il y a peu, Jean-Marc Ayrault a peut-être fait preuve d'une drôle de prémonition, ou de prescience si l'on veut, car il semble qu'il ait - involontairement - trouvé le mot qui restera peut-être pour qualifier l'ensemble du quinquennat en cours, un quinquennat désastreux, pour l'instant du moins...

    "Minable", en effet, et avant même ce quinquennat, fut l'attitude de tout l'appareil du Parti socialiste qui oeuvra pour l'accession au pouvoir d'un délinquant sexuel (DSK), sachant pertinemment de qui et de quoi il s'agissait, et établissant autour de lui une barrière de protection des plus efficaces, jusqu'à ce que l'intéréssé finisse malgré les dirigeants du PS, et malgré tous leurs efforts, par achever de scier lui-même la branche sur laquelle il était assis...

    "Minable", aussi ce président, ce premier ministre, ce gouvernement, ces personnalités  qui répondent invariablement "je ne savais pas...", "je n'étais pas au courant...", "j'ignorais..." alors qu'il est impossible qu'ils aient été dans l'ignorance. D'ailleurs, Cahuzac ("in cauda venenum...") a craché le morceau en prononçant sa petite phrase lourde de sens, et de sous-entendu, dans laquelle il dit ignorer leur degré de connaissance de ses turpitudes; s'il ignore "le degré" de leur connaissance, cela veut évidemment bien dire qu'il sait bien, lui, qu'ils savaient, eux !...

    "Minable" ensuite fut l'attitude provocante de ce gouvernement qui, au lieu de s'occuper des priorités vraies a choisi d'enfumer le peuple français avec des réformes sociétales (?) dont le moins que l'on puisse dire est que l'urgence ne saute pas aux yeux, et qu'elle fracture et divise gravement l'opinion, en un moment de crise majeure : tout gouvernement sensé, au lieu de faire porter prioritairement son action sur quelque chose qui ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes, s'occupperait d'abord et en priorité des huit millions de pauvres, des six millions de chômeurs, des fermetures d'usines et des licenciements qui s'enchaînent à un rythme hallucinant... plutôt que de chercher à construire un aéroport inutile, et à vouloir bouleverser les fondements même de la filiation et la structure de la société... 

    "Minable" est cette mascarade de la publication du patrimoine des ministres : l'une déclare trois vélos, prenant ainsi carrément, avec au moins le mérite de la franchise, les Français pour des imbéciles, tandis que l'autre déclare six millions d'Euros tout de même, mais ce qu'il ne déclare pas, en tableaux et oeuvres d'art, représente peur-être trois fois, six fois, dix fois plus : le Laurent en question prend, lui aussi, les Français pour des imbéciles, tout en restant dans la plus parfaite légalité. Se moquer ainsi des gens, en étant parfaitement respectueux des règlements, et en ayant "le droit" pour soi, cela aussi est "minable", et exaspère encore un peu plus l'opinion, qui se radicalise encore un peu plus, dans un cycle infernal bien connu...

    "Minable" est le mépris dans lequel a été tenu le peuple français lors des rassemblements de "La Manif pour tous". 1. Le mépris et le déni, d'abord (affirmer "300.000 manifestants" là où s'en trouvaient un bon "million quatre", c'est tout simplement du mépris, de l'insulte : "vous n'existez pas", voilà ce qu'a dit le pays légal au pays réel après l'immense succès de la manif du 24 mars ! 2. Les violences policières ensuite : on sait bien que n'importe qui fait n'importe quoi, dans la pétaudière en quoi le Système a transformé notre ancienne "douce France". Les mafias de la drogue se "font" tranquillement, chaque jour et en plein jour, plusieurs dizaines de milliers d'euros de bénéfice net avec leur sale trafic de mort, dans les 1.500 (et bien plus, en fait...) zones dangereuses officiellement recensées. Mais ce sont des mères de famille avec leurs poussettes et leurs enfants qui ont été gazés; sur ordre exprès de Manuel Valls, qui a gagné là son surnom bien mérité de "Manuel Gaz"...

    "Minable" fut l'adoption sénatoriale, à main levée, à la va-vite, en quelques secondes - pour quelque chose d'aussi fondamental ! - du projet de loi venu de l'Assemblée sur le soi-disant "mariage pour tous" : un Sénat qui, du reste, n'avait pas fait le plein de ses sénateurs, et de très loin ! Où étaient-ils, les nombreux absents, grassement payés et bénéficiant de tout un tas d'avantages matériels, qui sont presque une insulte, face à la masse grandissante des Français qui s'enfoncent dans la précarité ?... Vont-ils voir leur journée d'absence retenue sur leur "salaire" ?...

    Comment voudrait-on que l'addition de toutes ces "minableries" ne crée pas une ambance malsaine, délétère, explosive ?

    Ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, vendredi, vraiment minable, c'est vrai, n'est donc, ainsi, qu'un pâle reflet, parmi d'autres, de ce "minable partout" qui, en ce moment, gangrène tout...

  • Paris, 11 et 12 mai (II/III) : l'hommage à Jeanne d'Arc, en ”deux temps, trois mouvements”...

    Allocution de Bernard Pascaud, au pied de la statue de Jeanne d'Arc, Place des Pyramides

     

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    Jeanne d’Arc, Jeanne d’Arc. Nous nous répétons la magnifique parole de Maurras :

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    Pour Jeanne, il fallait que la bataille fût faite ; pour nous aussi, il faut que la bataille soit livrée. Et pour exactement, pour fraternellement, les mêmes hautes raisons : que sous le roi du ciel, règne, très régulièrement un roi de la terre, dans un royaume organisé avec le minimum de faiblesses humaines et le maximum de bon ordre naturel.

    Politique d’abord, c’est le moyen, c’est la pratique de la jeune sainte guerrière. Vite, tout de suite, elle désigne le principe sauveur : la monarchie, et n’a de cesse que son dauphin ne devienne roi.

    Politique d’abord, c’est le moyen, c’est la pratique qu’avec une même volonté, et dans le même respect de la primauté surnaturelle, nous faisons notre.

     

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    Oui, que cela plaise ou non, à des inconséquents ou à des sots, le roi d’abord, le roi tout de suite. Sinon pas de paix publique retrouvée, pas de respect pour les libertés essentielles et concrètes, familiales, professionnelles, régionales et nationales. Mais à la place, toujours une caricature d’Etat à coloration républicaine, toujours les nuées, l’ombre, les combines, l’inefficacité à servir le Bien Commun, et aujourd’hui les batailles sociétales perdues comme hier les succès militaires furent trahis par des politiciens poisseux. Car ce régime est consubstantiellement un rejet de la loi naturelle. Dès lors que surgit le fait démocratique ainsi conçu, toutes les conséquences antinaturelles s’inscrivent et il est dès lors prévisible qu’à un principe inhumain succède l’inhumanité des actes.

    Il faut donc revenir vers l’humain et vers le social. Et le social et l’humain résident d’abord dans une politique familiale, dans la reconnaissance de cette première cellule sociale qu’on appelle la famille. Et en plus de l’Etat, le social et l’humain résident d’abord dans une institution qui met fin aux divisions et compétitions fratricides. Le social et l’humain résident dans la concordance des directions et intérêts de la famille-chef et de la famille française entière. C’est là le retour au réel, c’est là le retour à l’ordre naturel, le retour à l’être de l’homme et de la société, le retour à une vie naturelle droite. Au principe humain peuvent dès lors succéder des actes humains qui, parce qu’ils sont humains peuvent être chrétiens et s’élever jusqu’à la vie de la grâce et du surnaturel le plus pur.

    Il faut donc revenir à l’humain. Mais il serait effectivement également lâche de gémir, pleurer, prier si nous ne dressions pas notre bataille face aux passions démentielles du système issu des Lumières. C’est la parole de Jeanne qui nous guide : les hommes combattent, et Dieu donne la victoire. Il n’y a pas de justification qui tienne pour se soustraire aux exigences du témoignage français, aux absolues nécessités du combat royaliste.

    Hauts les cœurs royalistes, et hauts les courages, il faut combattre. Nous en sommes à l’heure où ce qui est illégitime est légal, où ce qui est antisocial est à la tête de la société, où les ennemis de l’ordre public commandent à la force publique, où les pervers et les monomanes se dévorent entre eux, et dévorent la France par leurs convulsions.

    Où sont la stabilité et la grandeur que les institutions de la Vème République étaient sensées apporter ? Ce qui demeure, c’est l’angoisse et l’insécurité, c’est une société qui se défait et un peuple abandonné. Les Français cherchent un visage, un homme, quelqu’un, et ne voient défiler qu’une sarabande de masques, des avidités partisanes, et personne d’unique et de durable. A nous de leur désigner le visage ; à nous d’aider les Français à rencontrer et retrouver une légitimité amicale. A nous de leur montrer que nos rois furent les Pères de la Patrie ; et que la communion du peuple et du roi est nécessaire à l’action de la monarchie.

    Notre conspiration à ciel ouvert récuse l’activisme outrancier. Elle s’affirme comme la nécessaire réaction de santé de la société française. Nous savons que  pour guérir, il faut atteindre le mal. Et c’est pourquoi nous convions les Français à ne pas s’attarder aux illusoires promesses de candidats qui jouent toujours la même farce, bourdonnent à l’envi qu’il faut permettre à l’homme de se réaliser, de se promouvoir, mais qui, dans un même temps, procèdent d’institutions qui  entraînent ce même homme, de la conception à la tombe, dans le seul ordre numérique et quantitatif. Car, enfin, si aujourd’hui tous les corps naturels sont contestés ou sapés, où sont les responsables ? Ils sont, nous le savons, dans ces idées anglomaniaques et rousseauâtres du XVIIIe siècle. Mais qui assume aujourd’hui cet héritage de la décomposition sociale si ce ne sont les hommes de la démocratie libérale ou ceux socialo-libertaires ?

     

     

    FLEUR DE LYS SAINT LOUIS KANSAS.jpgC’est face à cela qu’il faut faire retentir l’antique protestation de la jeune Antigone. Et comme Antigone, mes chers amis, nous entendons rendre à nos frères morts les devoirs légitimes, ceux qui consistent à assurer l’héritage français, à défendre les principes d’une communauté d’ordre où l’homme a toute sa place, où la loi écrite n’injurie point la loi non écrite, où la rumeur humaine n’injurie point la musique des sphères éternelles, où la famille française réconciliée s’épanouisse sous la garde de la famille-chef.

    C’est à cette tâche de reconstruction qu’il nous faut être actif et inviter tous les Français.

    Le printemps français auquel rêvent certains sera capétien ou ne sera pas.

    C’est la leçon de Jeanne. C’est le devoir d’aujourd’hui. 

     

    (demain, la vidéo sur les deux Tables rondes et le Cortège, 53')

  • LETTRES • Geneviève Dormann, bretteur charmant des idées reçues... Par Benoît Gousseau

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    En 2010, Politique magazine avait rencontré, chez elle, Geneviève Dormann pour un portrait. Nous le republions suite au décès de l’écrivain, survenu le 13 février. Il y a bien plus longtemps, nous nous souvenons, ici, que Geneviève Dormann avait déjà accordé un entretien à Pierre Builly et François Davin, pour le mensuel Je Suis Français. Selon Le Monde, « elle se disait  maurrassienne ». Nous n'oublierons pas Geneviève Dormann.  Lafautearousseau  •   

    Roger Nimier, qu’elle avait eu la chance de rencontrer dès ses débuts en littérature, lui avait prodigué un précieux conseil : « N’écris pas un livre pour obtenir un prix ou un succès de librairie. Rédige tes romans comme si tu écrivais une lettre à une seule personne, un ami à qui tu veux raconter une histoire ». De fait, c’est ce que fit la jeune Geneviève Dormann. Elle y acquit un style frais et direct traduisant un sens aigu de l’observation qui toucha le public et lui façonna, de surcroît, une notoriété de femme de lettres libérée des préjugés idéologiques de son temps. Son immense culture et l’abondance de ses lectures la conforta, par ailleurs dans un amour de la langue française jamais démenti. Ses lecteurs apprécièrent. Insolente, sensible, amusante, l’écrivain Dormann était né.

    C’est à son père, dit-elle, qu’elle doit son goût des livres. Grand mutilé de la Guerre 14-18, sénateur de la Seine, imprimeur, il la guida, complice, dans sa voracité pour l’importante bibliothèque familiale où elle puisa sans relâche parmi les grands classiques au premier rang desquels Balzac, et chez des modernes comme Colette, Léon Daudet et Marcel Aymé. Elle connut pourtant la dureté d’une éducation à la Maison de la Légion d’honneur au château d’Écouen, où elle forgea son tempérament de réactionnaire, celui d’une femme libre se rebellant contre des situations, non contre les institutions.

    Lecteur pris à témoin comme un confident

    Geneviève Dormann nous reçoit chez elle, dans la simplicité chaleureuse d’un appartement des beaux quartiers, tapissé de livres et niché à hauteur des toits de Paris. L’œil bleu pétille, la frêle silhouette se meut avec vivacité, la voix un peu rauque de fumeuse charme par son élégance pimentée de saillies. Des engagements, oui, elle en a eu, notamment dans les combats pour l’Algérie française, mais elle n’en a jamais encombré sa littérature. Des hommes, elle en eu aussi, mais elle n’en fit jamais un étendard d’émancipation féminine, elle qui éleva quatre filles en travaillant comme journaliste à Marie Claire et au Figaro magazine.

    Parmi une œuvre romanesque tonique et en prise avec son temps, il faut distinguer ce qui, en dehors de son immense succès, fut un coup de pied dans le panthéon républicain, Le Roman de Sophie Trébuchet, livre dans lequel elle remettait en cause la filiation de Victor Hugo. Non seulement elle s’y livrait à un sérieux travail de recherche autour des relations de la mère du poète et de l’Adjudant général La Horie, occultées par l’histoire officielle de la IIIe République, mais, avec la facétie heureuse qui la caractérise, fidèle à son style en pieds de nez éclairants, elle truffait son récit, tel un Alexandre Dumas, d’adresses spirituelles où son lecteur est pris à témoin comme un confident. En note dans ce roman historique de la meilleure veine, on peut lire : « Mme de Staël, une sorte de Marie-France Garraud de l’époque, mais en plus cultivée »… Ce n’est peut-être pas politiquement très correct, mais c’est assez réjouissant pour construire la trame d’un authentique style littéraire.

    Dans Mickey, L’Ange, roman de 1977, décrivant une rombière un peu arrivée, elle évoque « ce qu’on appelle une belle femme, tu vois, comme on dit un beau camembert ». Et sa fille est une sorte de Françoise Hardy à cheveux longs et jean avec « un petit nez en prise de courant » qui se fait alpaguer par un gentil garçon comme une pitance glanée par un Gabriel Matzneff au jardin du Luxembourg ou à la piscine Deligny. Certes, ses héroïnes ne sont pas des exemples de vertu, mais elles croquent la vie en la respectant. Elles vont de l’avant sans s’excuser d’être ce qu’elles sont… C’est au Bon Dieu d’être miséricordieux.

    Le malheur

    Ce qui la met en colère aujourd’hui, c’est l’état des lieux de l’Éducation nationale. En 1977, prévoyant ce qui allait suivre, elle mettait en scène un petit prof de français qui s’exaspérait des parents d’élèves « Cornec ou mes fesses… à la limite du langage articulé ». C’est un enseignant d’il y a trente ans et qui y croit encore, mais qui constate alors qu’avec un « dernier sous-fifre des PTT… tu perds tes nerfs, ton sang, ta moelle à expliquer que si son Joël, son Bruno ou sa Véronique a de mauvaises notes, ce n’est pas forcément parce que tu es un sadique furieux, mais parce que Joël a décidé de ne rien foutre, qu’il est incapable de suivre une leçon et qu’il serait plus heureux si on lui permettait d’aller garder les oies ». Et le malheur, selon les éclats jubilatoires d’une Geneviève Dormann plus impliquée dans son temps qu’il n’y paraît au premier abord, c’est qu’aujourd’hui, les choses étant ce qu’elles sont, l’élève inadapté à un système imbécile de collège unique ne s’appelle même plus Joël, mais Kevin ou Aziz et qu’il ne dispose même pas d’espaces verts pour garder des moutons à La Courneuve.

    Ce qui l’indigne au vrai, et là le ton se fait plus grave, c’est « l’aggravation de l’inculture, du côté des parents et l’abandon de leur mission du côté des enseignants, la vulgarité des médias, la soumission totale au marché d’éditeurs acceptant au nom du chiffre des ventes le massacre de la langue française par leurs auteurs ». Ce sera le sujet du prochain livre qu’elle est en train d’écrire. Un pamphlet.

    Politique magazine

  • HISTOIRE • Michel de Jaeghere : « Le déclin de Rome, un avertissement » Par Raphaël de Gislain

     

    Directeur du Figaro Hors-Série et du Figaro Histoire, Michel De Jaeghere nous livre avec Les derniers jours – la fin de l’empire romain d’occident une analyse éblouissante des causes qui entraînèrent la chute d’une civilisation qui se croyait, comme la nôtre, immortelle.

    Peut-on dater précisément l’effondrement de la civilisation romaine ?

    Les ruptures dans l’histoire ne sont jamais absolues. Pour marquer la fin de l’empire romain, on retient traditionnellement la date de 476, celle de la déposition du dernier empereur d’Occident. Pour autant, la civilisation gréco-romaine ne s’est pas effondrée du jour au lendemain. L’empire était en crise depuis le début du Ve siècle, et la romanité s’est perpétuée au vie, pour servir de matrice aux renaissances qui ponctueront le Moyen Âge. Il y aura encore pendant des décennies un sénat et des consuls à Rome, et l’aristocratie maintiendra longtemps les usages de la vie romaine en Italie, dans le sud de la Gaule ou en Espagne.

    Contrairement à l’historiographie dominante, je me suis pourtant convaincu que 476 constituait une véritable rupture. La disparition de l’état romain n’a pas été sans conséquence. Elle a débouché sur un effondrement de la civilisation romaine. L’empire subsiste certes comme une prestigieuse fiction. Il y a toujours un empereur à Constantinople, et les références culturelles des rois barbares, comme Clovis, restent romaines. Beaucoup d’historiens en concluent aujourd’hui que la chute de l’état romain fut un détail sans importance puisque la romanité s’était maintenue sous une nouvelle forme. Je crois montrer à l’inverse que l’effondrement du pouvoir central a eu des conséquences catastrophiques du fait de l’interruption des échanges de longue distance, qui avaient été le vecteur de la prospérité romaine, de l’étiolement de la vie civique et de l’évergétisme (mécénat politique), qui avaient été au cœur de la civilisation antique – c’est par la carrière des armes qu’on s’élève désormais dans l’échelle sociale, non plus par la munificence dont on fait preuve à l’égard de ses concitoyens –, enfin de la disparition de la culture littéraire, qui réservera peu à peu l’usage de l’écriture aux clercs. à la fin du vie siècle, les grands seigneurs mérovingiens seront incapables de signer de leur nom, quand leurs homologues gallo-romains écrivaient, cent ans plus tôt, des vers précieux. Il s’était bien passé quelque chose entre temps.

    L’assimilation des peuples étrangers, l’un des fondements de la civilisation romaine, cesse soudain… Pourquoi ?

    Le ressort de la grandeur de Rome, comme l’a souligné Montesquieu, a été d’avoir su associer les vaincus à son destin. L’empire romain était depuis toujours un empire multiethnique et multiculturel, mais il avait fait l’objet d’une prudente et progressive politique de romanisation. La barbarie était aux yeux des Romains un état transitoire, dont il importait de faire sortir les peuples conquis en les faisant entrer dans la vie civique à quoi s’identifiait pour eux la civilisation. Après avoir humilié l’orgueil de leurs ennemis sur le terrain, leur avoir fait sentir leur domination en leur imposant de lourds tributs, ils favorisèrent, là où il n’existait pas, la mise en place d’un système d’administration municipale faisant prévaloir la discussion rationnelle sur la loi du plus fort. En même temps, ils encourageaient la diffusion de la culture littéraire par l’apprentissage du latin, et la diffusion de leurs mœurs par la construction de villes reprenant, avec leurs amphithéâtres, leurs aqueducs, leurs thermes, les canons de l’architecture romaine. Or, à la fin du IVe siècle, à la suite de la défaite d’Andrinople, marquée par la destruction d’une armée et la mort de l’empereur Valens sur le champ de bataille, Théodose est obligé de négocier une paix de compromis : il accueille les Goths dans l’empire sans les avoir soumis ; ils sont installés sur le sol romain dans le respect de leurs structures tribales. L’empereur espère faire d’eux des agriculteurs en même temps qu’une réserve de soldats, car l’armée comme la terre manquent de bras. On pense ainsi avoir trouvé une solution au changement de paradigme militaire : le passage de l’empire d’une guerre de conquête à une guerre défensive, qui mobilise des effectifs considérables, compte tenu de la longueur immense des frontières.

    Et cette solution de court terme s’est retournée contre Rome…

    En effet, les autorités romaines ont, sans s’en rendre compte, renié par là l’essence même de la romanité. Elles ont dans le même temps renoncé à leur rôle civilisateur et confié la guerre à des bandes étrangères. L’exemple n’en sera pas moins suivi tout au long du Ve siècle, débouchant sur la multiplication des enclaves étrangères, qui se considèreront peu à peu comme des principautés indépendantes. Les empereurs ont été condamnés à cet expédient par la faiblesse de la démographie romaine, le manque de ressources fiscales dans des provinces ravagées par les invasions, et par le peu d’appétence des populations de l’empire pour la carrière militaire. L’engagement dans les légions donnait traditionnellement accès à la citoyenneté romaine, mais, depuis l’édit de Caracalla (212), ce n’était plus un privilège puisque celle-ci avait été donnée à tous les habitants de l’empire. On manquait donc de candidats. La guerre défensive n’est pas très attirante, puisqu’elle vous condamne à partir loin de chez vous sans perspective d’amasser du butin. Les invasions qui se sont multipliées au ve siècle ont terrorisé les populations, renforcé leur sentiment d’appartenance à une romanitas opposée au barbaricum. Mais elles ne les ont pas conduites à s’engager en masse dans les légions. C’est peut-être là une leçon essentielle de l’histoire : les empires multinationaux sont très difficiles à défendre, car ils ne suscitent pas d’élan patriotique. Agrégat de peuples, ils ne sont pas une dilatation de la Cité. L’attachement que les populations leur portent est lié au fait que l’empire leur apporte paix et prospérité. Il ne crée pas le lien charnel qui justifie qu’on soit prêt à sacrifier sa vie, comme on le fait pour la défense de la terre de ses pères…

    Vous terminez par un chapitre en forme d’avertissement pour le lecteur. Que devons-nous voir que nous ne pourrions comprendre sans l’histoire de Rome ?

    Notre monde est ivre de sa prospérité, ivre de sa technologie qui lui procure une impression de toute puissance. Mon livre montre qu’il y a eu avant nous une civilisation qui était elle aussi extrêmement brillante et se croyait éternelle. Elle s’est effondrée sous le double jeu de l’immigration et des invasions, préludes à l’émergence de communautarismes qui la condamnèrent à la dislocation. Les barbares connaissaient suffisamment Rome pour avoir envie de profiter de ses richesses. On renonça à les coloniser car cela paraissait trop difficile et trop coûteux, sans penser que livrés à l’anarchie au-delà des frontières, ils seraient irrésistiblement attirés par les bienfaits de la civilisation. On les laissa s’installer sur le sol romain sans les avoir subjugués par la force, ni leur imposer le processus d’assimilation qui avait assuré, jusqu’alors, la romanisation des vaincus. Chacun est libre d’en tirer les conclusions qu’il veut pour notre temps. 

    Dernier livre paru : Les derniers jours : La fin de l’empire romain d’Occident, les Belles lettres, 658 p., 26,90 euros.

     

    Politique magazine

  • HUMOUR & SOCIETE • Quand Bouvard dégaine... Mortel !

     

    sans-titre.pngC'est la désolante saga d'un fromage d'abord appelé Hollande et fabriqué avec la crème des grandes écoles puis rebaptisé Président avant de se liquéfier peu à peu, en dépit de sa graisse personnelle, jusqu'à s'identifier au yaourt à 0%. 

    Le refus de prendre ses distances avec la crèmerie sous prétexte qu'un bail, récusé aujourd'hui par presque tous les signataires, lui assure encore deux ans et demi de pas-de porte, semble avoir fait définitivement tourner le bon lait de la tendresse électorale. 

    L'amour pour ma patrie étant plus fort que l'amour-propre, j'en arrive à regretter d'avoir, dès le début de l'année de disgrâce 2012 et en basculant déjà dans l'opposition, tout prévu des malheurs qui allaient fondre sur nous. 

    A savoir l'incompétence gouvernementale d'un cacique de province propulsé directement de la direction du département le plus endetté du pays à la tête de la cinquième puissance mondiale. Une incapacité à rallumer les fours de la croissance, beaucoup plus angoissante que celle d'un réparateur de chaudière connaissant mal son métier. 

    L'entêtement idéologique, le défaut de pragmatisme et le manque de charisme ont abouti à ce que, élu voilà trente mois avec 52% des voix, Hollande ne disposerait même pas aujourd'hui d'une majorité au conseil municipal de Tulle. 

    Certains remarqueront qu'on ne doit pas plus apprendre l'arithmétique que l'orthographe à l'ENA. D'autres dresseront la liste des bons sentiments tombés en quenouille, des promesses non tenues parce qu'intenables et des formules pompeuses vidées de leur sens par les réalités. Emplois d'avenir devenus jobs sans lendemain. Soi-disant pactes impliquant l'accord de tous mais rejetés la semaine suivant leur annonce. Suppression des impôts mais pour ceux qui n'auraient jamais dû en payer. 

    Le pouvoir devient une impasse lorsque le peuple descend dans la rue. La mosaïque formée par les déçus, mécontents, protestataires qui recouvre toutes les régions, toutes les générations, toutes les professions.

    Les policiers se suicident. Les paysans sont désespérés.

    Les médecins ferment leurs cabinets. Les avocats retirent leur robe.

    Les huissiers sont tout saisis.

    Pour la première fois, les enseignants, les parents et les enfants éprouvent le même ras-le bol.

    Les mensonges d'Etat s'érigent en système de communication.

    Le remplacement des 16 « Moi Président », qui ont fait, paraît-il, la victoire contre le seul "sans-dents » qui consomme la défaite. 

    Les braves gens ne comprennent pas qu'on puisse terminer un quinquennat alors qu'ils n'ont pas de quoi finir le mois. 

    521358.jpgUn endettement galopant dont on n'ose même plus préciser le montant. Un chef des armées faisant tomber nos soldats un à un dans des pays improbables, s'immisçant dans des luttes tribales et des guerres de religion au nom d'un passé révolu. 

    Un va-t-en-guerre menaçant de ses canons un tyran syrien mais ne réussissant à faire fuir que vers Bruxelles ou vers Londres les riches de son propre pays. Sans oublier le summum de l'irresponsabilité : la fausse nouvelle de la libération - jamais intervenue à la suite de tractations jamais amorcées - des 250 jeunes filles nigérianes mariées de force à leurs ravisseurs. 

    Et que dire l'image véhiculée par des médias moins friands de séductions que de ridicules ? Un personnage mal fagoté, affublé par son tailleur, déguisé par son chemisier, abandonné par ses amis, décrié par ses femmes, mal entouré, mal conseillé, mal dans une peau tavelée par les coups reçus de toutes parts. 

    Une vie privée vaudevillesque jalonnée par l'octroi d'un ministère plutôt que d'un pacs à la mère de ses quatre enfants, poursuivie par la répudiation publique en dix-huit mots d'une femme aimée pendant sept ans et achevée par l'édition d'un livre de secrets d'alcôve griffonnés au saut du lit. 

    Pour l'heure, les appartements, désormais moins privés, de l'Elysée verraient débarquer chaque soir et repartir chaque matin, une comédienne dont il faudrait vérifier que les horaires tardifs et la régularité des prestations n'enfreignent pas la législation du travail de nuit. 

    Non seulement, je n'envie pas sa place mais je le plains de s'y accrocher, car je n'ose imaginer cette marionnette pathétique ne tenant plus qu'à un fil, errant dans le triste palais-bureau déserté par les courtisans, lorsqu'une secrétaire embarrassée prétend que par suite d'une grève de la distribution affectant seulement le 55 rue du Faubourg Saint-honoré, les odieux quotidiens et les méchants magazines ne sont pas arrivés. 

    « Le pauvre homme », comme disait Orgon dans Tartuffe.

    Un père de la Nation en l'honneur duquel les enfants n'agitent plus de petits drapeaux qu'à Bamako et qui ne peut plus parcourir l'Hexagone sans se faire huer.

    A Hollande qui lui faisait remarquer, en le décorant pour six mois de cohabitation, qu'on pouvait réussir sa vie sans devenir président de la République, Valls aurait eu beau jeu de rétorquer qu'on peut tout rater en le devenant.                                                          

    Plus besoin de posséder la science des conjectures pour prévoir la catastrophe.                                                         

    Elle est déjà là. 

    PHILIPPE BOUVARD 

    Block-notes du Fig-Mag

  • Boualem Sansal : « Un scénario syrien est possible en Algérie »

    La nouvelle grande mosquée d'Alger, Djamaa El Djazaïr en construction 

     

    C'est un entretien d'un très grand intérêt avec Boualem Sansal qu'Alexandre Devecchio a publié dans Figarovox, le 23.02. Ce n'est pas que nous fassions totale confiance à Boualem Sansal. Publier les réflexions d'un auteur, d'un intellectuel, ce n'est ni faire son éloge, ni, nécessairement prendre son propos pour parole d'Evangile. Nous savons, en outre que Sansal est une personnalité ambiguë. Et qu'il ne cesse pas d'être une énigme, même pour de fins connaisseurs des pays d'Afrique du Nord. Mais il s'agit ici du devenir de l'Algérie, bombe à retardement, inquiétante à plus d'un titre. Et au premier chef pour la France qu'une explosion du système algérien menacerait de façon sans doute gravissime. Nous avons dit, ici, à plusieurs reprises, notre inquiétude face à cette menace à laquelle il paraît assez clair que la France ni l'Europe ne se préparent. C'est ce dont Sansal traite ici et nous conseillons de le lire, certes avec esprit critique, mais aussi avec une véritable attention.  Lafautearousseau   


    XVM570e4212-da34-11e5-94e2-a58df5601745.jpgDans son roman d'anticipation 2084, le grand écrivain algérien imaginait un monde dominé par l'islam radical. Il se montre tout aussi pessi­miste pour l'avenir de l'Algérie.

    LE FIGARO - Alors que le président Bouteflika reste très affaibli, l'Algérie est confrontée à un début de crise économique…

    Boualem SANSAL - Bouteflika, pendant ses seize années de règne, a acheté la paix sociale en faisant vivre les Algériens au-dessus de leurs moyens sans même avoir besoin de travailler. Cette gestion financière et psychologique catastrophique pourrait déboucher sur une crise multidimensionnelle à la fois économique, politique et religieuse. Les journaux n'en parlent pas, mais il faut savoir qu'il y a des émeutes quotidiennes en Algérie. La seule réponse du pouvoir est d'« arroser » la population. Pour l'instant, celle-ci en profite. Mais la manne n'est pas infinie. Que se passera-t-il lorsque celle-ci sera épuisée ?

    En cas d'aggravation de la crise, comment le pouvoir peut-il réagir ?

    Ma conviction est que le pouvoir est indestructible. Il résistera à tout parce qu'il n'hésitera pas à réprimer avec violence comme le fait Bachar el-Assad en Syrie. S'il se sent débordé, il fera tirer sur la population. Si cela ne suffit pas, il internationalisera l'affaire en y mêlant les islamistes. Le problème politique sera transformé en problème religieux et exporté hors des frontières algériennes jusqu'en Europe, et singulièrement en France. Le scénario d'une escalade de la terreur sur le modèle syrien me paraît tout à fait crédible.

    L'Algérie peut-elle être également menacée par Daech ?

    Les islamistes étrangers, ceux de Daech ou d'al-Qaida, sont en embuscade. Mais il faut aussi compter avec les islamistes algériens. Ces derniers ont fait un deal avec le pouvoir. Ils partagent avec l'État la rente pétrolière et sont introduits dans les rouages de l'administration: certains islamistes sont députés ou ministres. En parallèle, ils investissent le domaine culturel et social. Le terrain économique leur permet également de « faire beaucoup d'argent»  avec l'Arabie saoudite, Dubaï ou la Turquie. Cela participe à l'internationale islamiste comme à la reconstitution de leurs forces en Algérie. Bouteflika leur a cédé la « gestion » du peuple. Dans les petites villes et les villages, ils sont maîtres du jeu et font régner leurs règles théocratiques terrifiantes. Ces seize dernières années, il s'est construit plus de mosquées dans le pays que durant tout le siècle dernier.

    Justement, que pensez-vous de la construction de la nouvelle grande mosquée d'Alger, Djamaa El Djazaïr ?

    D'abord, cela traduit la stratégie d'équilibre des pouvoirs de Bouteflika. Pour ne pas être totalement dépendant des militaires, il a ouvert la porte aux islamistes. La future grande mosquée d'Alger est un gage donné à ces derniers. Le gigantisme du projet traduit également la mégalomanie de Bouteflika. C'est pour lui, une manière de marquer l'Histoire, quitte à livrer le pays aux fondamentalistes.

    La guerre civile algérienne peut-elle faire son retour ?

    Le chaos est presque inéluctable. Bouteflika a fait le vide politique autour de lui et beaucoup vont prétendre à sa succession. Les islamistes voudront gouverner au nom de l'islam. Les militaires, humiliés durant son règne, voudront prendre leur revanche. Il y a aussi une oligarchie économique et financière avide et insatiable qui gouverne par le truchement de Saïd Bouteflika, frère cadet du chef de l'État. Ce contexte d'éclatement général ouvre la porte à toutes les aventures. La Kabylie, qui est marginalisée et persécutée, pourrait être tentée par une proclamation d'indépendance. Le Sud est dans une situation explosive, avec des tensions séparatistes notamment chez les Touaregs. Et, en ce moment même, la région du Mzab est le théâtre de guerres tribales. Enfin, la question de la jeunesse est préoccupante. Les jeunes représentent 35 à 40 % de la population et ne sont la clientèle ni des uns, ni des autres. Quel sera le comportement de ces électrons libres dans une situation où tous les grands verrous vont sauter ? Si tous ces mouvements coagulent, il y aura un printemps algérien sur fond de vengeance et de ressentiment. Celui-ci sera suivi d'un hiver islamiste.

    Quelles peuvent être les conséquences d'une explosion sur l'Europe ?

    L'Occident a perdu son influence et n'a plus de politique à l'égard du monde arabe. Sur la défensive, il ne peut que subir. S'il y a une explosion de l'Algérie, le Maroc et la Tunisie seront déstabilisés. L'Europe sera confrontée à un mouvement migratoire de masse qu'elle ne pourra pas maîtriser. Le problème de Calais apparaîtra bien minuscule en comparaison.

    Dans 2084, vous allez jusqu'à décrire un empire islamiste mondial…

    Depuis les indépendances, la religion musulmane ne cesse de s'affirmer. La seule force profondément installée dans la société arabo-musulmane est la religion. Le mouvement islamiste au sens large occupe l'espace et empêche l'émergence de toute autre idéologie. Il y a, certes, une compétition entre islam salafiste et islam traditionnel, entre chiites et sunnites. Cependant, on constate aujourd'hui que les différences s'estompent à l'intérieur du monde sunnite tandis que la confrontation a lieu entre chiites et sunnites. Mais, là aussi, des alliances stratégiques se nouent. Peu à peu, le monde musulman se reconstruit et retrouve ses ambitions premières et sa volonté hégémonique. La frontière avec l'Occident commence à être abolie puisque maintenant l'islam politique s'ouvre des espaces à Londres, à Paris et à Bruxelles. On peut imaginer que dans trente ans l'islam gouvernera l'ensemble du monde musulman qu'il aura unifié. Dans soixante ans, il partira à la conquête de la civilisation occidentale.

     

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

  • Civilisation & Société • Les grands cimetières sous le hamburger

     

    La réussite de Mc Donald's dans l'Hexagone rappelle que la France, qui pleure sur ses paysans et son art de vivre, est aujourd'hui la terre d'élection du fast-food et de la grande distribution. Dans cette chronique du Figaro [20.02], Natache Polony a bien raison de flétrir cette société décivilisée où nous sommes entrés, qu'elle décrit avec force et finesse et qu'elle nomme, dans une formule fort appropriée qui devrait donner à réfléchir, le camp de consommation, stade ultime de la modernité.  LFAR

     

    XVMbd3235a0-219b-11e5-93d6-2261d4e29204 - Copie.jpgJoie, gastronomie et croissance ! La France accueille désormais sur les Champs-Élysées le plus grand « restaurant » McDonald's du monde. Un exemple de réussite puisque le géant du sandwich atteint en France la quintessence de son art, au moment même où ses résultats reculent aux États-Unis. Là-bas, c'est une blogueuse qui a sonné la révolte contre la nourriture grasse et sucrée, déclenchant un mouvement de défiance contre le modèle jusque-là triomphant. Heureusement pour McDonald's, il reste la France, ce paradis ! La direction américaine, jusque-là sceptique, est même venue en délégation au printemps 2015 prendre des cours auprès de son entité française.

    Le secret de cette réussite ? L'adaptation, l'art de faire couleur locale. Des baguettes, un coin café, des salades et des fruits pour rassurer les mamans consciencieuses… Et puis surtout, en cette période de crise agricole, on affiche la solidarité avec les paysans français. La viande, les pommes de terre, le blé du pain… du produit français. Et le consommateur est content. Il a bonne conscience. Et c'est important, pour bien digérer, d'avoir bonne conscience. Il ne tue pas ses agriculteurs puisqu'il se nourrit dans un « restaurant » où l'on achète français. Certes, pas seulement français, mais peu importe, l'éthique est sauve. D'ailleurs, le consommateur est ravi, quand il arrive au Salon de l'agriculture, où il est autorisé, une semaine par an, à se souvenir que la France fut une nation paysanne, de voir trôner au milieu des vaches le stand orné d'un M géant, ce M qui incarne les millions de tonnes de viande et de pommes de terre écoulées chaque année par nos agriculteurs.

    Il faudrait avoir sacrément mauvais esprit pour y trouver à redire. Comment oserait-on remettre en cause ce beau modèle ? Faire valoir que l'instrumentalisation des discours nutritionnels à base de « cinq fruits et légumes par jour » n'effacera jamais la déshumanisation de l'acte alimentaire à travers la généralisation du sucre et du gras, du « mou-doux », rien à mâcher, rien à croquer, rien à comprendre ? Ce serait chercher des noises. Alors, on évitera de culpabiliser les consommateurs (il ne faut jamais culpabiliser les consommateurs, pas plus que les parents qui collent les enfants devant la télévision pour avoir la paix mais déplorent que l'école ne transmette plus l'amour des livres). On évitera de signaler combien l'uniformisation du goût, dès le plus jeune âge, prépare à l'absorption passive d'aliments prémâchés, payés le moins cher possible pour pouvoir consacrer les maigres revenus du foyer à d'autres postes plus utiles comme les produits de l'industrie culturelle ou des loisirs.

    Quelques concessions apparentes aux préoccupations d'ordre nutritionnel suffiraient donc à faire oublier la réduction des individus au rang d'avaleurs de calories vides, privés, avec leur consentement, de la plus intime des libertés, celle de goûter, de savourer, et de jouir, loin des sensations standardisées et des pulsions commandées par la publicité. Faut-il rappeler que la France, qui aime à se souvenir qu'elle fut un phare de civilisation, est aujourd'hui la terre d'élection du fast-food et de la grande distribution? La France qui pleure sur ses paysans, mais aussi sur sa culture, ses belles lettres et son art de vivre, plébiscite un mode de vie qui tue les uns et les autres en s'habituant à la facilité à bas prix. Et après tout, diront certains, si c'est le choix du consommateur ? Vous ne voudriez pas interdire, crypto-communiste que vous êtes !

    On répondra que la liberté ne vaut pas sans la capacité à l'exercer, c'est-à-dire sans le libre arbitre. Et que le système que nous avons créé produit ce que l'on désigne d'un concept marxiste aujourd'hui désuet : de l'aliénation. Le contraire de la citoyenneté. Le contraire de la capacité pour l'être humain à décider de son destin, à jouir de sa liberté en la goûtant pleinement et en nommant les sensations qui produisent son plaisir. Une « école » qui prive des mots et de leur complexité, une « nourriture » qui prive des goûts et de leur richesse, une « démocratie » qui prive de la souveraineté et de la capacité à penser un modèle alternatif… mais tout cela en préservant les apparences, à travers des travaux interdisciplinaires ronflants (et des panneaux publicitaires flamboyants), un programme nutrition-santé et des étiquettes « 100 % viande française » ou des élections en bonne et due forme (n'étaient les 50 % d'abstention, mais justement, ça ne compte pas…). Nos agriculteurs peuvent poursuivre leur descente aux enfers, comme nos professeurs, comme tous ceux que broie cette transformation du citoyen en consommateur, de l'être humain en sous-produit industriel rangé dans son box à consommer des burgers, comme les vaches qu'il avale furent rangées dans leur box sans voir jamais un brin d'herbe. Le camp de consommation, stade ultime de la modernité. 

    Natacha Polony

  • Année Saint Louis : La Sainte Chapelle retrouve son éclat d’origine

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    Débutées en 2008, les opérations de restauration des vitraux de la Sainte Chapelle s’achèveront en décembre 2014. Dernière phase du travail des maîtres verriers, c’est au tour de la rose occidentale du XVe d’être restaurée. 

    Dernière étape de la restauration des vitraux de la Sainte Chapelle à Paris, la rose de l’apocalypse, chef d’oeuvre du XVe siècle, retrouve un nouvel éclat entre les mains des artisans d’Atelier Vitrail France au Mans.  » Les vitraux ont subi deux types de dégradations », explique Christophe Bottineau, architecte en chef des monuments historiques : « en face externe, c’est la pollution qui a abîmé les œuvres tandis qu’en face interne, les grisailles – motifs réalisés dans le verre avant qu’il ne soit recuit – ont parfois été abîmées par le ruissellement dû à la condensation ». Afin de retrouver le lustre d’origine, chaque panneau est donc déposé puis nettoyé. «Une fois le plan du sertissage en plomb d’origine relevé, les vitraux sont dessertis», commente Emmanuel Putanier, dirigeant des ateliers. C’est ensuite un travail au cas par cas qui est réalisé. 

    Depuis le XVe siècle, plusieurs opérations de restauration ont eu lieu. Les vitraux ont parfois été remplacés par d’autres sans rapport avec le tableau d’ensemble ou des badigeons ont été utilisés pour assombrir les couleurs jugés trop vives et chatoyantes en fonction des époques. «Ce qui prime aujourd’hui c’est bien la lecture de la scène dans son ensemble», indique Philippe Bottineau avant de préciser que les éléments à conserver, à remplacer ou à restaurer font à chaque fois l’objet d’un arbitrage par un comité d’experts. 

    Protéger les vitraux 

    Les vitraux cassés sont ainsi réparés soit à la résine si la casse est nette, soit au cuivre si les bords sont altérés. Des éléments neufs peuvent être introduits pour restaurer la lisibilité de l’ensemble. Ces opérations nécessitent 1,5 jours par panneau avant son sertissage au plomb. «L’opération s’effectue avec un profilé en H sur mesure », précise Emmanuel Putanier. Une fois terminé, chaque panneau est ensuite installé dans un cadre équipé de vergettes en laiton qui le rigidifient et éviteront son affaissement dans le temps. 

    Dès qu’ils sonts prêts à être réinstallés dans leur emplacement d’origine, les panneaux partent sous haute sécurité pour la Sainte Chapelle, où une double verrière a été mise en place, afin de les protéger à l’avenir. La double verrière permettra de créer une lame d’air entre les vitraux restaurés et le vitrage de protection. En cas d’humidité importante dans l’édifice, celle-ci condensera sur le vitrage extérieur ce qui protégera les vitraux. Une étude sur le traitement de l’air vient par ailleurs de commencer afin de pouvoir continuer à accueillir plus d’un million de visiteurs par an, sans dégrader l’édifice. A plus long terme, de nouveaux aménagements sont prévus afin de relier la Sainte Chapelle à la conciergerie, en utilisant les locaux existant en sous-sol qui pourraient être transformés en galerie, une fois que le tribunal de grande instance aura déménagé.  

    Restauration de la rose de la Sainte-Chapelle  

    La campagne de restauration des verrières de la Sainte-Chapelle de Paris, engagée depuis 2008 par le Centre des Monuments Nationaux et financée pour moitié par les Fondations Velux, s’achèvera en décembre prochain avec la repose de la Rose de l’Apocalypse sur la façade occidentale. Avant elle, plusieurs grandes campagnes de restauration avaient déjà été menées sur ces vitraux. La première, au XIXe siècle, concerna l’ensemble de l’édifice endommagé par les incendies de 1630 et 1776 puis par la Révolution. La seconde, initiée en 1970 sur la rose occidentale et les verrières de la façade sud, fut poursuivie dans l’abside en 1999-2002 puis en 2007. Depuis 2008, l’ensemble des quatre verrières de la façade nord est pour majorité restauré dans les ateliers chartrains de Claire Babet. Deux sont déjà réinstallées tandis qu’une est en cours de repose et la dernière encore en restauration. Pour la rose composée de 136 panneaux, c’est l’Atelier VitrailFrance dirigé par Emmanuel Putanier, au Mans, qui a été retenu. 

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    1. Dépose des vitraux  Photo : Atelier VitrailFrance 

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    2. Nettoyage des vitraux Photo : Atelier VitrailFrance  

    A la différence des 15 verrières des façades nord et sud et de l’abside, la rose n’est pas conservée dans son état initial du XIIIe siècle mais a été refaite au XVe siècle en style flamboyant puis, comme toutes, très abîmées et partiellement détruites après la Révolution, largement remaniée au XIXe siècle. C’est ce dernier état - préservé par la dépose complète des vitraux lors des deux dernières guerres mondiales - qui sert de référence à la restauration menée par l’atelier manceau. L’ordre des panneaux du XVe siècle, bien que visible dans une des miniatures des Très riches heures du Duc de Berry, reste trop méconnu. Les éléments à conserver, remplacer ou restaurer, afin de retrouver la plus grande lisibilité possible de l’œuvre, sont individuellement soumis à l’arbitrage d’un collège d’experts puis débattus en Commission Supérieure des Monuments Historiques. 

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    3. Dessertissage Photo : Atelier VitrailFrance 

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    4. Montage Photo : Atelier VitrailFrance 

    Les différentes étapes de la restauration peuvent alors commencer. Aux dépôts laissés par les badigeons gris des artistes du XIXe, cherchant à assombrir et matifier des couleurs jugées trop éclatantes, s’ajoutent deux causes principales d’altération, la pollution extérieure et la condensation intérieure. Il s’agit alors de nettoyer chacun des panneaux (ill. 2) puis de les dessertir (ill. 3) pour débarrasser les différents fragments des anciens plombs de casse et procéder au collage des verres ou aux comblements à la résine de façon réversible. Les grisailles qui le nécessitent sont ponctuellement retouchées ou restituées sur un verre de doublage neuf appliqué sur le verre ancien. L’ensemble des fragments est alors remis en plomb selon le gabarit initial des panneaux (ill. 4) et installé dans un cadre équipé de vergettes en laiton qui le rigidifient et éviteront son affaissement dans le temps. 
      

    Pour pérenniser ce travail de restauration, les vitraux, lorsqu’ils seront réinstallés à la Sainte-Chapelle, la première semaine de décembre, seront protégés par un système de verrière de doublage. Ce procédé de conservation préventive a été inventé par Hervé Debitus pour cet édifice, les verrières de la façade nord et de l’abside en bénéficient déjà. Il consiste à doubler chaque vitrail en face externe par une protection de verre thermoformé épousant les moindres irrégularités de la surface de celui-ci. Les dépôts créés par la pollution tout comme la condensation intérieure, qui se fixe désormais sur la face interne du doublage, n’ont alors plus prise sur le verre ancien. Cette opération, non programmée pour le moment, restera à conduire sur les 4 baies sud de la Sainte-Chapelle qui, restaurées dans les années 1970, n’en bénéficient pas. A plus long terme encore, de nouveaux aménagements sont envisagés afin de redonner une vision d’ensemble au palais de la Cité. Il s’agirait de relier la Sainte-Chapelle à la Conciergerie par la galerie souterraine existante une fois que le Palais de justice de Paris aura déménagé.  u

  • Où va l’Europe ? • Par François Reloujac *

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    L’actualité européenne de ce mois de novembre a été riche en rebondissements. Petit tour d’horizon des psychodrames qui ont secoué l’Europe économique et des révélations de la presse sur les pratiques fiscales du Luxembourg. 

    Dans le courant du mois de novembre, avant que le pape François ne vienne rendre visite au Parlement de Strasbourg, plusieurs psychodrames ont secoué l’Europe économique. Ce fut d’abord des divergences entre les membres du Conseil des gouverneurs des banques centrales européennes et des difficultés à constituer la nouvelle Commission européenne. Ce fut ensuite un scandale fiscal atteignant le président de ladite Commission et la mise en accusation de l’économie européenne par le G20 ! 

     

    Revenons d’abord sur les divergences qui ont éclaté au grand jour entre les représentants des états du Sud et ceux de l’Europe du Nord. Les uns ont absolument besoin de souplesse monétaire pour relancer leur économie ; les autres sont irréductiblement attachés à un « euro fort » qui leur permet d’engranger des bénéfices importants dans la conjoncture actuelle. Dans sa dernière intervention publique du mois de novembre, Mario Draghi a insisté sur le fait que le Conseil des gouverneurs des banques centrales européennes avait décidé, à l’unanimité, d’autoriser la BCE à augmenter le total de son bilan en « monétisant » les dettes publiques. Mais il a oublié de préciser que, malgré cet accord de principe, il devrait solliciter une nouvelle autorisation chaque fois qu’il voudrait passer à l’acte. 

     

     

    Démantèlement des règles ?

     

    Que doit-on en penser de cette façon d’agir ? Qu’elle permet à chacun de sauver la face dans un monde hyper-médiatisé ? Peut-être, mais on peut aussi considérer que la BCE anticipe la fin de la politique de « quantitative easing » (« assouplissement quantitatif »), actuellement pratiquée par la Banque fédérale américaine. Dès lors, pour soutenir les marchés financiers internationaux – dont chacun sait maintenant qu’ils sont devenus plus importants que tout le reste du fonctionnement de l’économie, car ils conditionnent tout à la fois le montant des intérêts payés par les états surendettés et les profits des multinationales –, elle devrait se lancer dans une « politique non conventionnelle »… ainsi appelée parce qu’aucun économiste n’en a jamais imaginé les conséquences pratiques, surtout à moyen terme !

     

    Lorsque, dans le cadre du G20, on répète ad nauseam la nécessité – notamment pour la France – d’engager un programme ambitieux de « réformes structurelles », cela signifie en réalité que l’on cherche à imposer le démantèlement des règles qui encadrent le marché du travail et à abandonner une politique sociale jugée « trop généreuse ». Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas véritablement d’autoriser les états à desserrer le « carcan » social et fiscal souvent si contraignante pour la vie économique. Il s’agit d’abord de faire sauter les barrières qui empêchent les entreprises multinationales opérant en Europe – et surtout en France – de délocaliser leurs productions, devenues « localement » trop onéreuses. Ou de vendre les derniers joyaux qu’elles détiennent encore et qui ont une valeur sur les marchés internationaux.

     

     

    Une Commission européenne décrédibilisée

     

    A peine le président de la BCE avait-il obtenu l’unanimité du Conseil des gouverneurs des banques centrales en faveur de sa « politique non conventionnelle » que l’on « découvrait » que le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait triché pendant plusieurs années. Du temps où il était ministre du Budget et Premier ministre du Luxembourg ainsi que Président de l’« Eurogroupe », Juncker a en effet utilisé une faculté des textes qu’il connaît bien – la « tax ruling » – pour détourner au profit de son petit état, et au détriment de ses partenaires, la manne venant des entreprises multinationales. 

     

    Sous prétexte de garantir à celles qui s’implantent dans le pays le montant des impôts qu’elles y paient, l’on négocie avec elles les avantages qu’on leur octroie. Une pratique qui permet aux multinationales de savoir à l’avance où « localiser » leur production afin de payer moins d’impôt. Pour cela, elles déplacent comptablement – et parfois uniquement virtuellement – une partie de leur production dans le pays qui « siphonne » ainsi des recettes qui normalement devraient revenir à un voisin. Ce dumping fiscal a deux avantages pour le pays qui le pratique : il augmente artificiellement le montant de son PIB – et donc la croissance affichée – et il lui permet d’obtenir de bonnes notes de la part des agences de notation dont chacun sait que les trois principales sont américaines. Partant, de faire baisser les taux d’intérêt sur les emprunts auxquels il peut être amené à recourir. Dans un régime de « monnaie unique », la seule façon pour les partenaires lésés de se défendre contre ce type d’agression est de pratiquer à leur tour un dumping fiscal ou social. Au total, cette guerre économique ne profite qu’aux multinationales qui peuvent déplacer sans difficulté leur production apparente d’un état à un autre. à l’inverse, pesant sur le budget des états, elle les pousse à recourir à l’emprunt, emprunt auquel l’entreprise multinationale qui a économisé sur le montant de ses impôts, peut souscrire. Tout avantage fiscal accordé par un état dont le budget est équilibré impose donc à tout pays endetté, s’il veut rester compétitif, de démanteler son propre système de protection sociale.

     

    En imposant Jean-Claude Juncker à la tête de l’Union européenne, Angela Merkel a-t-elle promu un nouveau Vidocq ministre de la police – économique ! – ou a-t-elle confié les clés de la cave à un alcoolique notoire ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, l’on remarque que les principaux bénéficiaires de ce que l’on appelle désormais le « Luxleaks » sont des sociétés qui ont pour nom Google, Amazon, Microsoft ou encore Apple. 

     

    En mettant en avant les avantages obtenus par quelques banques françaises, les médias ne sont-ils pas en train de montrer des arbres soigneusement choisis pour cacher la forêt ? On peut d’autant plus se poser la question que l’enquête sur les paradis fiscaux qui a abouti à la dénonciation du Luxembourg – mais aussi dans une moindre mesure, de l’Irlande – a été établie par le réseau intitulé « Tax Justice Network »… qui ne fait figurer dans sa liste aucun état américain !  

     

     

    * Politique magazine

  • Une étude magistrale sur l’effacement du politique : Le Suicide français d' Éric Zemmour, par Danièle Masson

    A9R54B0.jpgL'envoi de décembre du Réseau Regain* nous a apporté deux excellents articles de Danièle Masson à propos du Suicide français. Le premier d'entre eux - déjà publié ici-même** jeudi dernier 4 décembre - traite de Zemmour face à la doxa et aux médias. Et voici le second qui analyse le livre lui-même.  Nous ne disons pas qu'il s'agit d'un ouvrage indépassable mais qu'il porte, par delà Gauche et Droite, une très forte et très globale critique du Système en tant que tel et la fait connaître - et / ou partager - à des centaines de milliers de Français. Nous ne saurions nous en désintéresser ou ne pas nous en féliciter. Pour le reste, nous recommandons de suivre les publications du Réseau Regain, où sont traités bien d'autres sujets.  ♦  Lafautearousseau

     

    4588019.jpgZemmour ouvre son livre sur « la France, homme malade de l’Europe », et l’achève par l’issue fatale : « la France se meurt, la France est morte ». Il est pourtant tonique, ce livre. Peut-être parce que, quand on est venu à bout de ces 527 pages de réflexion foisonnante qui, pour raconter « les quarante Piteuses », se nourrit de tout, cinéma, séries télévisées, chansons, foot, avec des embardées volontaires dans l’histoire et dans l’actualité, on saisit avec lui, grâce à lui, le fil rouge, le fil d’Ariane qui relie des événements que nous avons vécus éclatés, sans toujours en comprendre la cohérence. 

    Et cette compréhension est le choc qui provoque le sursaut. Zemmour n’est pas de ceux qui déplorent les effets, dont ils chérissent les causes. Posant un diagnostic, il remonte aux causes, et passe à d’autres le relais, leur donnant les armes du redressement et de la renaissance. 

    La mort du père

    L’avant-dernière page concentre le diagnostic : « Nous avons aboli les frontières, nous avons renoncé à notre souveraineté, nos élites politiques ont interdit à l’Europe de se référer à ses racines chrétiennes. Cette triple apostasie a détruit le pacte millénaire de la France avec son histoire ».

     

    C’est donc avec elle qu’il faut renouer. Il n’est pas indifférent qu’il dédie son livre à son père, qu’il ait choisi pour son premier chapitre le mot d’un révolutionnaire : « l’histoire n’est pas notre code », et pour son dernier un verset d’Ezéchiel : « Les pères ont mangé des raisins trop verts, les dents des enfants ont été agacées ».

     

    Zemmour n’est pas essentiellement polémiste, il est historien et quand l’histoire prend des allures apocalyptiques, il use du vocabulaire théologique : l’apostasie n’est pas un simple reniement, mais l’abandon public d’une religion inhérente à un être ou une nation, au profit d’une autre.

     

    On peut s’étonner, et se scandaliser, qu’il ouvre son livre sur « la mort du père de la nation » c’est-à-dire, pour lui, la mort de De Gaulle, et qu’il écrive avec Philippe Muray, « De Gaulle a été le dernier père, et après lui viendrait le temps des papas-poussettes ». De Gaulle parjure ? Zemmour justifie le nécessaire machiavélisme du prince. Pour lui «De Gaulle était émule de Machiavel et de Richelieu : il ne connaissait que les rapports entre États, les souverainetés nationales et la Realpolitik. Il ignorait les régimes et ne faisait pas de morale au nom des droits de l’homme ».

     

    Provocateur sans doute, mais cette provocation-là ne lui sera pas reprochée par les médias, il écrit : « De Gaulle est un enfant de Maurras […] héritier des maurrassiens anticolonisateurs du XIXe siècle qui n’ont jamais cru aux mythes émancipateurs de la gauche colonisatrice ». Sa volonté d’indépendance le poussa à quitter l'OTAN, à se libérer du « protectorat américain » et « à se lancer dans une politique d’alliances tous azimuts, avec l'URSS, l'Europe de l'Est (Roumanie), jusqu'en Amérique du Sud (« Mexicanos con francos mano en la mano ») ou en Amérique du Nord (« Vive le Québec libre»). Ce fut le sommet de la volonté gaullienne d’indépendance nationale. » Zemmour y voit une mise en œuvre tardive de la « France seule » chère à Charles Maurras, qui n'eut guère de lendemain.

     

    Je sais bien que certains lecteurs arrêteront là leur lecture. Mais cet aspect de sa pensée est si essentiel qu’on ne peut l’occulter. Quand il cite De Gaulle: « Il y a d’abord la France, ensuite l’État, enfin le droit », c’est pour illustrer ce renversement, cette « pyramide retournée – d’abord le droit, ensuite l‘État, enfin la France », que constitua, en 1971 et 1974, « la révolution des juges», qui soumit toute loi nouvelle au bon vouloir du Conseil Constitutionnel : « la politique était saisie par le droit qui ne la lâcherait plus ».

     

    A ce renversement contribua, en 1972, la loi Pleven qui, en élargissant démesurément la notion de « discrimination », supprima la liberté d’expression, et dont la descendance se retrouve dans les lois Gayssot, Taubira, Perben : « la loi donne au juge le droit et le devoir de sonder les cœurs et les âmes, de faire l’archéologie des pensées et des arrière-pensées ». À l’époque d’une immigration maghrébine massive, la loi Pleven annonçait « la dissolution programmée de la nation dans un magma planétaire ». 

     

    Dessaisissement du politique

     

    Les traités européens, de 1992 à 2007, ont accéléré ce dessaisissement par l’État du politique : « La construction européenne s’éleva comme un mur entre une représentation sans pouvoir (les gouvernements des États) et un pouvoir sans représentation (les technocrates, les juges et les lobbies à Bruxelles) ». Cette désappropriation, Zemmour la traque dans les mots : « gouvernance », empruntée au vocabulaire des entreprises, est préférée à « gouvernement », « responsabilités  » à « pouvoir ». Il illustre son propos par les priorités de Chirac en 2002: « la lutte contre le cancer, l’insécurité routière et l’insertion des handicapés : des objectifs dignes d’un président de Conseil général ».

     

    Les vrais gouvernants ne sont plus les chefs d’État : « le commissaire, le juge et le banquier revêtirent la pourpre des cardinaux ».

     

    Zemmour, amoureux de la France qu’il a reçue comme un don plus que comme un héritage – il est juif berbère – constate qu’elle n’est plus maîtresse d’elle-même. La liberté totale, à l’intérieur de l’Union européenne, des mouvements de capitaux, de marchandises et d’hommes signe l’effacement de la France : « Américanisation et libéralisation sont les deux mamelles du monde qui s’annonce. L’Europe en est le cheval de Troie ». Chaque étape de la « construction européenne » entraîne la suivante en un engrenage infernal : du marché commun au marché unique, à la monnaie unique, aux règles budgétaires communes.

     

  • Crise des migrants : « L'espace Schengen n'existe plus »

     

    Pour le Figaro, une analyse de Gérard-François Dumont, président de la revue Population & Avenir.

    Une analyse qui, par delà un avis autorisé sur le phénomène migratoire en cours, ne manque pas de mette en cause les options géopolitiques des nations européennes ou dites occidentales au cours des dernières années. LFAR

     

    LE FIGARO - Face à l'arrivée ininterrompue de migrants par train, l'Allemagne a décidé de suspendre le trafic ferroviaire en provenance de l'Autriche, et de renforcer les contrôles aux frontières. La République tchèque a annoncé un renforcement similaire de ses frontières avec l'Autriche. Comment interprétez-vous ces décisions ?

    Gérard-François DUMONT - Les événements qui se déroulent correspondent à l'une des dix lois de géopolitique des populations que j'ai désigné « loi du nombre »*: lorsque le nombre de demandeurs d'asile n'était pas fort différent des années précédentes, les procédures prévues se mettaient en œuvre sans difficulté majeure. Lorsque la pression du nombre devient considérable, la nature du phénomène change de nature et la situation devient difficilement gérable, même pour un pays comme l'Allemagne qui a exprimé la volonté initiale de recevoir de nombreux demandeurs d'asile et d'en financer les conséquences.

    Quand l'Allemagne a décidé fin août de suspendre les accords de Dublin (aux termes desquels toute demande d'asile doit être faite dans le premier pays européen où la personne pose le pied) uniquement pour les personnes en provenance de Syrie, aucun autre pays européen, pas même la France, n'a suivi. L'Allemagne s'est donc retrouvée seule et l'est encore à ce jour. Comme les autres pays européens ne sont pas inscrits dans son sillage, l'appel d'air sur l'Allemagne, plus particulièrement sur les Länder les plus proches de l'Autriche et donc de la Hongrie, c'est-à-dire des pays où débouchent la route des Balkans, s'en trouve considérablement accru.

    On peut se demander si l'Allemagne n'a pas confondu des modalités de gestion fédérale avec celle de l'Union européenne. Après la fin du rideau de fer en 1989, l'Allemagne a accueilli des centaines de milliers de «rapatriés tardifs» (Spätaussiedler), c'est-à-dire de personnes considérées de souche allemande au titre de la Loi fondamentale de 1949, mais vivant auparavant en URSS. Berlin a organisé une répartition démographique entre les Länder. En 2015, a-t-elle pensé mettre en œuvre le même procédé entre les États de l'Union européenne qui n'est pourtant pas une fédération ?

    Alors qu'une réunion d'urgence des ministres de l'Intérieur et de la Justice européens doit se tenir ce lundi à Bruxelles, l'Allemagne cherche-t-elle à exercer une forme de pression sur ses voisins qui, comme la Pologne, la Slovaquie ou la République tchèque, ne veulent pas appliquer le système des quotas ?

    Cette décision n'est pas le fait du hasard dans la mesure où elle aurait pu aussi être prise quelques jours auparavant, puisque la montée de la pression migratoire était prévisible. Mais l'Allemagne se trouve surtout prise par l'urgence, en difficulté de faire face à cette loi du nombre, comme l'a exposé le maire de Munich le 13 septembre.

    Que peut-on attendre de la réunion d'urgence à Bruxelles ?

    Trois scénarios sont possibles. Soit des déclarations d'intention pour donner l'impression qu'une solution est apportée à la crise des migrants, avec une répartition affichée des migrants, dont la mise en œuvre risque d'être aléatoire, car tout probablement contournée par certains gouvernements ou par les migrants eux-mêmes qui souhaitent se diriger là où ils peuvent disposer d'un meilleur réseau ou de meilleures chances d'accueil et de revenus. Soit des annonces signifiant que l'on partage l'émotion ressentie depuis la diffusion de la photo de ce pauvre garçon syrien mais qui, en réalité, renvoient à une prochaine réunion. Troisième scénario, l'échec: il acterait que les voies suivies par les autorités de Bruxelles depuis des mois sont inadaptées, soit ne rien dire aux pays membres qui ne respectent pas les modalités des accords de Schengen, vouloir répartir les humains comme des marchandises, et ne pas s'attaquer aux causes des exodes et des mouvements migratoires.

    Faudrait-il alors un « Schengen 2 », comme l'évoquait Nicolas Sarkozy au Touquet ce week-end ?

    Dans les faits, tous les événements qui se sont déroulés ces derniers mois aux frontières internes comme aux frontières extérieures de l'espace Schengen, montrent que le « Schengen 1 » ne fonctionne plus. Nous sommes déjà dans un « Schengen 2 », mais avec les règles nullement définies, d'où des décisions divergentes des États de l'Union européenne ou de membres de l'espace Schengen non membres de l'Union européenne, comme la Suisse.

    Comment voyez-vous les semaines et les mois à venir?

    Cela fait longtemps que j'ai annoncé la montée en flèche des migrations en Europe, dans la mesure où elles sont notamment le résultat direct d'événements géopolitiques se déroulant depuis 2011 et du manque d'anticipation des pays européens, notamment dans la zone syrienne et la zone libyenne, où aucune solution politique ne se dessine. La guerre civile syrienne est très particulière, non seulement du fait de la présence de l'État islamique, mais en raison de la pluralité des groupes militaires qui s'opposent. L'exode ne semble pas devoir s'arrêter, d'autant qu'il s'est trouvé amplifié par l'absence de réaction face à l'offensive de l'État islamique sur Palmyre. En outre, parmi les premiers pays d'asile, la Turquie d'Erdogan ne fait guère - c'est un euphémisme - pour faciliter une solution politique et ne décourage en rien le départ des Syriens vers d'autres destinations, comme si elle voulait contribuer à gêner, voire à déstabiliser l'Union européenne. 

    Gérard-François DUMONT, professeur à la Sorbonne et président de la revue Population & Avenir. 

    *Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses.

  • ÉDUCATION : QUELLE PLACE POUR L'ÉTAT ?

    On doit au marquis de Condorcet l'invention de la matrice de l'Éducation nationale actuelle.

     

    PAR JEAN-BAPTISTE DONNIER

     

    J.B. DONNIER 1.JPGMYTHES ET MENSONGES... L'invocation incantatoire des « enfants de la République » ne pourra empêcher indéfiniment de poser la question de la mission éducative de l'État. Appartient-il à l'État d'éduquer les enfants ?.La question devra un jour être posée sérieusement dans le débat politique.

    La situation de tout ce qui relève de ce que Claude Allègre avait si justement nommé le « mammouth » de l'Éducation nationale est tellement catastrophique qu'elle ne peut plus être occultée ; la réalité est là, palpable, mesurable, visible. Gabegie budgétaire, naufrage intellectuel, féo-dalisation de l'appareil bureaucratique, le bateau ivre de la rue de Grenelle ressemble de plus en plus au Gosplan de la fin de l'époque soviétique. Mais, plus encore que les marques de la déréliction qui finissent par affecter toutes les créatures plus ou moins monstrueuses, c'est surtout le mensonge institutionnalisé qui rapproche le « mammouth » de son frère siamois soviétique. À l'instar du Gosplan annonçant régulièrement des chiffres mirobolants de production de biens que personne n'a jamais vus, l'administration de l'Éducation nationale publie chaque année des résultats tout aussi mirobolants d'un baccalauréat dont il n'est plus possible de feindre de croire qu'il signifie encore quelque chose. La machine, devenue folle, ne produit plus que sa propre justification.

    UN FORMIDABLE OUTIL DE MANIPULATION

    Ce constat, que chacun peut faire et qui n'est plus sérieusement contesté, est le résultat somme toute naturel d'une histoire singulière. L'Éducation nationale imaginée par Condorcet sous la Terreur, rendue possible par Bonaparte et instrumentalisée par les différents pouvoirs qui y ont vu un formidable outil de manipulation des consciences, constitue dès son origine un projet contre-nature. Il tend à arracher l'enfant aux liens naturels de la famille qui l'a fait naître pour en faire le citoyen d'un État considéré comme la seule réalité sociale. L'éducation se trouve de la sorte artificiellement séparée de la génération pour être confiée à l'État qui, de ce fait, se veut le véritable « géniteur » des enfants qu'il prétend éduquer ; le mythe des « enfants de la République », auquel se réfèrent à l'envie les ministricules du moment, est en parfaite cohérence avec le projet même d'Éducation nationale. Mais ce projet, étant contraire à la nature des choses, nécessite des moyens toujours plus considérables pour pouvoir plier la réalité à l'idéologie, sans jamais y parvenir entièrement car, totalitaire dans son essence, l'Éducation nationale est en pratique marquée par une contradiction qui la mine.

    La visée initiale du projet éducatif révolutionnaire, mis en place par la Convention et institutionnalisé par Bonaparte, s'est voulue émancipatrice. Il s'agissait d'arracher l'enfant, à travers sa famille, à l'emprise de la religion catholique pour le « libérer » et lui permettre de devenir le citoyen autonome d'un État prétendant tirer sa légitimité du Peuple. Or, ce faisant, l'État « éducateur » impose une conception de la place de la religion dans la vie humaine qui est nécessairement une conception religieuse. La « laïcité » de l'enseignement, proclamée dès l'origine et définitivement instaurée à partir de la IIIème République, n'est rien d'autre qu'une forme de religion paradoxale qui entend exercer une sorte de magistère supérieur sur les dogmes des autres religions et juger de leur compatibilité ou non avec les « valeurs de la République ». De même qu'elle s'est appropriée les lieux où est célébré un culte qu'elle ne reconnaît pas, la République s'est emparée de l'éducation pour y imposer sa propre conception de la religion sous couvert de l'affranchissement de toute religion. Il y a là une contradiction interne qui a pu, par des ambiguïtés réciproques, s'accommoder du christianisme, mais qui explose littéralement dès lors que le système se trouve confronté à un islam de masse pour lequel la notion de « laïcité » est totalement étrangère et n'est susceptible, dès lors, d'aucune interprétation ambiguë qui rendrait possible une forme de modus vivendi. 

    REDÉFINIR LE RÔLE DE L'ÉTAT DANS L'ÉDUCATION 

    Cette contradiction pourrait bien être fatale au projet républicain d'Éducation nationale et rendre ainsi possible une redéfinition du rôle de l'État en matière éducative, car elle manifeste, pour la première fois sans doute de manière aussi nette, la vanité politique de ce projet. Ce qui a assuré la pérennité de la prétention éducative de l'État depuis la Révolution est l'idée qu'il est possible par l'école de former des « citoyens » qui adhèrent, dans leur ensemble, à des « valeurs » fondatrices, qui ont pu varier selon les régimes, mais sans lesquelles l'État moderne, coupé de toute transcendance religieuse, ne saurait subsister. Toutes les luttes pour la maîtrise de l'Université napoléonienne qui ont émaillé le xixe siècle jusqu'à la victoire finale des républicains, s'expliquent par cette conviction partagée par tous. Or, l'Éducation nationale ne répond plus, aujourd'hui, à cet objectif qui, depuis l'origine, en constituait la véritable raison d'être. Mettant en évidence ce changement majeur, le Figaro titrait récemment, à propos des difficultés de mise en oeuvre des mesures éducatives annoncées après les attentats du début de l'année : « Éducation : les leçons oubliées du n janvier ». L'outil est cassé. L'instrument d'endoctrinement par lequel les régimes successifs ont cru, depuis la Révolution, pouvoir se rendre acceptables, ne fonctionne plus. La République ne parvient plus à imposer ses « valeurs » à l'école qui n'est plus, selon la formule de François-Xavier Bellamy, que le lieu du « choc des incultures ».

    Dans ces conditions, il est peut-être enfin permis d'espérer que, n'y trouvant plus d'intérêt pour sa propre conservation, l'État ou plutôt ceux qui s'en sont emparés, en viennent à se désintéresser de l'école, ouvrant la voie à une lente libération d'une emprise qui menace d'engloutir, comme 'dans un trou noir, la nation tout entière. Cette libération ne serait cependant pas sans dangers. Le premier qui vient à l'esprit est évidemment le risque de voir d'autres pouvoirs prendre la place désertée par l'État à des fins qui risqueraient de mettre gravement en péril la cohésion nationale. Mais il en est un autre, plus sournois 'mais au fond sans doute plus inquiétant. L'emprise étatique sur l'ensemble des « personnels de l'Éducation nationale », y compris dans les établissements privés et jusque dans les universités, a créé une forme de servitude volontaire qui risque de laisser désemparés bien des professeurs qui ont pris l'habitude de tout recevoir d'une Administration omniprésente, de leur traitement au contenu de leur enseignement ou à l'organisation interne de leurs établissements. Soljénitsyne nous a appris qu'on ne sort des révolutions que par une lente convalescence ; peut-être est-il temps de commencer la nôtre en refaisant de nos écoles, de nos collèges et de nos universités des lieux d'apprentissage d'une liberté recouvrée. •

     

  • Le miracle marocain : « Un roi, sinon rien » par Frédéric Rouvillois, (L'Action française 2000)

    Entretien entre le roi Mohamed VI et le prince Jean de France au palais royal de Tétouan (juillet 2003).

     

    frederic-rouvillois.jpgLa monarchie est la clef du miracle marocain, comme l’explique en substance Jean-Claude Martinez, dans un petit livre à paraître le mois prochain, où l’auteur souligne les bienfaits d’un roi « stabilisateur », ayant notamment préservé son pays des vents violents du Printemps arabe. 

    Il n’y a pas de miracle en politique. En revanche, il y a des exceptions, c’est-à-dire des situations singulières, mais explicables, dès lors que, contrairement aux miracles, elles ont des causes. Tel est le cas de ce que l’on a pris l’habitude, depuis quatre ans, d’appeler “l’exception marocaine”. Car, de fait, il s’agit bien d’une exception. Début 2011, alors que des autocraties que chacun pensait indéracinables, en Égypte et en Tunisie, s’effondrent en quelques heures au grand vent du Printemps arabe, le Maroc ploie sans rompre, et profite même de l’occasion pour accélérer le train de ses réformes et donner un coup de jeune à son organisation constitutionnelle. De même, à l’automne 2011, lorsque les islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement) remportent les élections législatives et se trouvent propulsés à la tête du gouvernement, le royaume ne connaît ni les troubles suscités en Tunisie ou en Égypte par la victoire d’Ennahdha et des Frères musulmans, ni, a fortiori, l’abominable guerre civile qui ensanglanta l’Algérie durant des années après le triomphe du FIS (Front islamique du salut) en 1991. Au lieu de cela, on assiste à une tranquille passation de pouvoirs, selon « une procédure dont la modestie sciemment organisée a voulu symboliquement montrer qu’il n’y avait là qu’un cours ordinaire des choses, enlevant aux résultats des élections toute dimension de révolution », comme le souligne Jean-Claude Martinez dans un ouvrage publié au lendemain de l’attentat de Tunis, Le Roi stabilisateur.

    Le tournant de la modernité

    Dans cet essai au titre significatif, l’auteur, ex-député européen mais aussi ancien directeur des études de l’ENA du Maroc, entend précisément répondre à la question évoquée plus haut : cette (étonnante) exception marocaine, quelles peuvent en être les causes ? Et pour Jean-Claude Martinez, une réponse s’impose, de toute évidence : c’est la présence d’un roi. D’une monarchie qui, après avoir construit le Maroc au cours d’une histoire millénaire, lui permet aujourd’hui de prendre, de façon prudente mais résolue, le tournant de la modernité. Sans l’institution monarchique, assure Martinez, le pays s’effondrerait du jour au lendemain : « Il n’est pas besoin d’être grand futurologue pour savoir ce qu’il adviendrait en moins de cent jours si une chimère politique, issue d’un nouveau printemps, remplaçait des siècles de stabilité alaouite par quelques semaines d’aventure démocratico-participative, à l’égyptienne d’hier sinon à l’irakienne de maintenant. »

    Le commandeur des croyants

    Le propos de de l’ouvrage est d’abord d’éclairer en quoi, et comment, le roi du Maroc produit un tel effet. Un effet que Martinez attribue en premier lieu à sa double dimension temporelle et spirituelle – naguère affirmée dans le fameux article 19 de la constitution, qui fut, pendant des décennies, la bête noire des progressistes –, et qui demeure, selon lui, la grande force du système. Sur un plan spirituel, le monarque est qualifié d’amir al-mouminine, commandeur des croyants, un titre que même le roi d’Arabie saoudite, “gardien des deux saintes mosquées”, ne lui discute pas. En tant que tel, le monarque marocain se trouve en mesure de promouvoir une lecture modérée de l’islam, celle que propose le rite malékite – et, ce faisant, de s’opposer de façon crédible, aux yeux des musulmans eux-mêmes, aux entreprises des fondamentalistes. Il constitue par conséquent un indispensable « stabilisateur religieux » et, de nos jours, un contrepoids capital à « la fascination du Califat ». Mais cette fonction permet aussi au roi d’être un « stabilisateur social » – comme il le montra au début des années 2000 en imposant, contre une approche intégriste, une vision relativement ouverte et libérale de la condition féminine – et un « stabilisateur politique », ou géopolitique, dans une région aussi stratégique pour l’Afrique que pour l’Europe. En tant que roi, ancrant sa légitimité dans la tradition et dans l’histoire, et non dans le hasard de volontés changeantes et plus ou moins contraintes, il bénéficie du consensus et de la durée. Peu importe son âge, le roi sait qu’il n’est qu’un passeur, et qu’après lui, son fils lui succédera comme lui-même a succédé à son père. Ce qui lui « permet d’attendre et de voir venir ce qui est en marche inéluctablement » : par exemple, dans cette région, le jour sombre où, vers la fin des années 2030, l’Algérie, ayant définitivement épuisé ses réserves d’hydrocarbures, se réveillera à la fois ruinée, révoltée et surpeuplée, et deviendra quelque chose comme une bombe à fragmentation accrochée au flanc Sud de l’Europe. « C’est ce maelström d’agitation et de manipulation que le roi, bénéficiaire de la durée, peut », mais peut seul, tenter de « stabiliser ».

    Le Maroc, un verrou migratoire

    Cependant, Jean-Claude Martinez, s’il est universitaire, est aussi et d’abord un politique. À ce titre, il ne se contente pas d’expliquer les causes de l’exception marocaine. Il souligne, à l’attention de la France et de l’Europe, à quel point ce Maroc équilibré et équilbrant leur est objectivement nécessaire. Et combien il serait périlleux de faire mine de ne pas le comprendre, au nom d’intérêts médiocres ou de lubies idéologiques. Stabilisateur, le Maroc l’est en particulier en tant que « verrou migratoire », « garde-frontières » entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe de l’Ouest : c’est pourquoi « la politique européenne de voisinage, en Méditerranée ne repose plus pour l’essentiel que sur ce pays et sa stabilité, et donc, sur sa royauté qui la garantit. Que l’on déstabilise celle-ci [...] et toute la Méditerranée [...] accélère son déversement. » Que l’on prête la main à de telles folies, et ce sont, aux portes de l’Europe, mille Lampedusa qui risquent de fleurir, d’innombrables “camps des saints” qui se multiplient sans que personne soit en mesure de les gérer jusqu’à la catastrophe ultime.

    Et c’est sans doute l’une des grandes leçons de ce précieux petit livre : que la France a, plus que jamais, intérêt à soigner cet allié de toujours. Et qu’elle doit se souvenir que, dans certains cas, la loyauté est la plus payante et la plus raisonnable des politiques. 

    Jean-Claude Martinez, Le Roi stabilisateur, Jean-Cyrille Godefroy, à paraître le 7 mai 2015, 233 p., 15 euros. 

     

    L’Action Française 2000, 16 avril 2015

     

  • Comment l'antiracisme empêche le débat sur le multiculturalisme ... Par Mathieu Bock-Côté *

     

    C'est la troisième fois que nous publions ici l'une des analyses que Matthieu Bock-Côté - figure de la vie intellectuelle québécoise - donne régulièrement dans Figarovox. C'est que nous nous trouvons de façon très générale en accord de fond avec ses réflexions et avec les conclusions auxquelles elles aboutissent. Dans le cas présent, il pointe dans l'extension indéfinie de la notion de racisme un danger pour la liberté d'expression. Nous partageons son point de vue. Lafautearousseau   

    XVMe1dc764e-e736-11e4-af66-70b5c9d20aa7-300x200.jpgLes attentats du 7 janvier n'ont finalement pas provoqué de grand réveil politique en France. La prise de conscience patriotique s'est vite dissipée, la haine de soi est revenue. On avait déjà remarqué que la lutte contre l'islamisme s'était transformée en lutte contre l'islamisme et l'islamophobie, comme s'il fallait équilibrer les maux à tout prix. L'islamisme a vite été laissé de côté: on a parlé du terrorisme en général, en évitant de le caractériser, pour éviter de stigmatiser. On avait aussi noté que la France s'était finalement reconnue responsable de la haine à son endroit d'une partie de la jeunesse immigrée en se déclarant coupable d'apartheid. 

    Le dispositif pénitentiel qui pousse à croire bien méritée la haine anti-occidentale fonctionne comme jamais. C'est à cette lumière qu'il faut comprendre l'offensive annoncée du gouvernement de Manuel Valls contre le « racisme.»

    L'époque se veut en lutte contre le racisme. On comprend naturellement pourquoi et cette lutte a sa part de légitimité. Mais on sait aussi qu'elle a été depuis un bon moment détournée. N'est-elle pas utilisée avec une légèreté déconcertante pour en finir avec un contradicteur gênant, pour l'expulser des médias, ou encore, pour censurer certaines analyses remettant en question la vision officielle et bucolique du vivre-ensemble multiculturel? L'accusation de racisme servira à marquer publiquement et à disqualifier définitivement un homme politique ou un intellectuel commentant avec trop de franchise les dégâts du multiculturalisme. Elle permettra aussi de reléguer dans les marges de l'espace public les défenseurs de l'identité nationale, toujours suspectés du pire.

    On pourrait parler d'une extension du domaine du racisme. Et quiconque jette un œil dans la sociologie antiraciste d'inspiration américaine en verra l'ampleur. Elle repose sur une thèse forte: la structure même des sociétés occidentales, serait raciste, en ce sens qu'elle institutionnaliserait, en les dissimulant sous le masque de l'universalisme, les avantages d'une majorité historique «blanche». La sociologie antiraciste parle alors de racisme universaliste. En France, on dénoncera par exemple les «mensonges» de l'égalité républicaine qui favoriserait de manière systémique les «Français de souche». Inversement, ceux qui distinguent entre les cultures et se demandent lesquelles sont compatibles sur un même territoire, et lesquelles ne le sont peut-être pas, tant elles sont différentes, seront accusés de racisme différentialiste.

    La sociologie antiraciste en arrive ainsi à conceptualiser une société raciste sans «racistes». Il suffirait toutefois de participer à sa reproduction pour se rendre coupable de racisme sans le savoir et sans même le vouloir. Celui qui refuse, par exemple, la discrimination positive, sera accusé de s'opposer à un mécanisme visant à corriger les inégalités structurelles causées par le racisme occidental. Celui qui, quant à lui, plaidera pour une réduction significative de l'immigration subira la même accusation: n'entend-il pas maintenir l'hégémonie d'un groupe ethnique majoritaire dans nos sociétés, alors qu'il faudrait plutôt le dépouiller de ses privilèges institutionnels et culturels? À terme, c'est la simple remise en question de la sociologie antiraciste qui sera assimilée au racisme. 

    Des pans de plus en plus grands de la réalité tombent sous l'accusation de racisme simplement à travers un jeu de définitions de plus en plus agressif.

    On aura compris que le racisme n'est aussi qu'à sens unique - il représente un système de domination qui pousse à l'exclusion et à la discrimination contre les minorités issues de l'immigration. Mais les minorités ne pourraient jamais s'en rendre coupable, et on refusera par exemple de prendre au sérieux le rap des banlieues où s'exprime pourtant la véritable haine raciale en France. La situation est presque loufoque. D'un côté, on étend sans cesse la définition du racisme pour continuer à combattre les sociétés occidentales en son nom, alors qu'il ne trouve plus d'échos que dans les marges les plus éloignées de la vie sociale, au point même d'être souvent dénoncé dans les partis qu'on dit «d'extrême-droite». De l'autre, on refusera de voir le racisme lorsqu'il s'exprime crument et brutalement chez certaines franges de la population immigrée. Au pire, il ne serait rien d'autre chez eux qu'un réflexe de défense.

    On comprend dès lors la portée de la législation qui s'en vient. 

    La dissidence devant le multiculturalisme était déjà psychiatrisée à travers la multiplication des phobies dépistées chez ses contradicteurs. Elle sera désormais potentiellement criminalisée. On devine ainsi ce que les associations antiracistes les plus zélés sauront faire de ces nouvelles dispositions juridiques. Ne faudrait-il pas plutôt remettre en question la sociologie antiraciste et plus largement, cette fâcheuse manie qui consiste à accuser les sociétés occidentales d'être historiquement coupables de crimes si abjects à l'endroit de la diversité qu'elles ne pourront les expier qu'en se convertissant au multiculturalisme. Chose certaine, la restriction de la liberté d'expression, ici, sert bien moins la lutte contre le racisme que la diabolisation de ceux qui ne croient pas les sociétés occidentales coupables d'exister. 

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007). 

    Mathieu Bock-Côté FIGAROVOX

     

  • Une Union européenne en décomposition, par François Reloujac

     

    Il ne se passe pas un jour sans que les médias n’évoquent le « Grexit » (la sortie de la Grèce de l’euro), les tribulations du gouvernement français face à une Commission européenne qui la somme de respecter ses engagements financiers et la « politique non conventionnelle » suivie par la BCE. Le point commun à tous ces sujets ? La décomposition avancée de l’Europe. 

    Les débats autour de la situation en Grèce montrent à quel point l’absence de solidarité entre les états européens – assumée par les divers gouvernements et alimentée par les médias – est patente. On a beaucoup glosé sur le manque d’honnêteté des Grecs lorsqu’ils sont entrés dans la zone euro et sur la façon dont les partis successivement au pouvoir ont utilisé la monnaie unique en vertu de leurs intérêts partisans jusqu’au moment où le peuple s’est révolté, pour l’instant uniquement dans les urnes. On a beaucoup moins fait allusion aux décisions européennes qui ont nui (l’euro fort), ou nuisent encore (l’embargo russe décrété dans le cadre de la crise ukrainienne), à l’économie grecque. Mais depuis qu’un gouvernement improbable est sorti des urnes, menaçant l’establishment politique, l’Union européenne a décidé de jouer la politique du pire. Le 10 mars dernier, le commissaire Dijsselbloem déclarait ainsi cyniquement que « s’il y a une pression sur la liquidité de l’état grec, cela pourrait accélérer la mise en œuvre des réformes » imposées par la « Troïka », quoiqu’elles aient déjà montré leur nocivité absolue.  

    En fait la Commission européenne a peur. Peur que l’exemple grec ne devienne contagieux, à commencer par l’Espagne prochainement. Il faut donc, par tous les moyens, acculer le gouvernement Tsipras à l’échec. Tout le monde s’y met, hors de Grèce. Des chaînes de télévision qui rediffusent d’anciens reportages sur l’actuel ministre grec de l’économie en détournant le sens de ses positions. Jusqu’aux journaux les plus importants qui déforment sciemment les mesures proposées par le gouvernement grec, notamment pour lutter contre la fraude fiscale. Le but est toujours le même : déconsidérer ce gouvernement aux yeux de l’opinion publique européenne et pousser le pays vers la sortie de l’UE Même la Banque centrale européenne s’y est mise en imposant à la Grèce des mesures spéciales qui vont au-delà de ce que prévoit le respect des traités. 

    La « politique non conventionnelle » de la BCE 

    Et ce n’est pas uniquement vis-à-vis de la Grèce que la BCE trahit l’esprit des traités. En lançant son programme d’« assouplissement quantitatif », permettant aux banques centrales nationales de racheter, aux financiers qui les détiennent, les titres d’état déjà émis – ce qui leur permet d’en acquérir de nouveaux – elle détourne l’interdiction de financer les déficits publics. Or cette politique, censée relancer la croissance, risque de ne déboucher que sur une accélération de la spéculation financière. Ainsi, la Bundesbank, qui ne peut racheter que des titres publics allemands, n’en trouve pas sur le marché. Les banques qui les détiennent ne veulent pas s’en séparer. D’une part parce qu’elles n’ont pas besoin de liquidités supplémentaires pour financer de nouveaux emprunts allemands (l’Allemagne n’a pas l’intention de lancer autant de nouvelles émissions) et, d’autre part, parce qu’elles y perdraient : elles ne pourraient placer les liquidités obtenues et inutiles que sur les marchés financiers… à un taux négatif ! Alors, à quoi sert ce plan qui a peu de chances de casser le phénomène déflationniste qui s’amorce ? Certains observateurs, de plus en plus nombreux, se demandent si l’unique objectif de la BCE n’est pas de préparer les opérateurs financiers internationaux à affronter le risque d’une implosion de la monnaie unique. En poussant le cours de l’euro à la baisse, on répartit dans le temps les conséquences des moins-values sur les titres obligataires et on permet au détenteurs de titres à risques de moins-value de s’en défaire… tout en leur laissant la possibilité de conserver les titres (allemands ?) qui pourraient à l’inverse bénéficier à terme d’une plus-value. C’est bien pourquoi le plan mis en place par Mario Draghi, avec la bénédiction d’Angela Merkel, n’est pas un plan européen. Il est un plan commun à tous les pays européens. 

    La France déboussolée 

    L’exemple grec et la politique de la BCE sont suffisants pour montrer dans quel état de décomposition avancée se trouve l’Europe. Il est donc inutile d’examiner en détail la situation économique de la France et ses discussions de marchand de tapis avec l’Union européenne – et le commissaire Moscovici – qui en découlent. Force est cependant de constater qu’au-delà des effets oratoires auxquels ces discussions donnent lieu, la Commission européenne est plus indulgente avec la France, qui pèse 20 % de l’économie européenne, qu’avec la Grèce qui n’en pèse que 3 %. La « morale » y trouve peut-être son compte. La sécurité économique et l’avenir des peuples sûrement pas. En même temps, on peut se demander ce qui reste de la souveraineté nationale, lorsque le budget du pays est soumis à des contraintes externes insupportables. Ces contraintes ne permettent même pas de masquer l’hypocrisie qui règne en maître dans le système économique français. Ainsi, par exemple, on a beaucoup parlé des quelques mesures emblématiques de la loi Macron dont la portée économique semble moins importante que l’émotion politique qu’elles ont suscitée. Mais personne ne s’est préoccupé de la portée des dizaines de mesures pointillistes qui y sont contenues pour réformer le code du travail. En réalité, ces mesures dictées par des considérations dogmatiques ont toutes été calibrées pour qu’aucune ne puisse donner lieu à une contestation publique. Mais quel sera l’effet exact de leur combinaison ? Aucune « étude d’impact » n’a été établie. Et il faut rappeler que cette loi est passée à l’Assemblée nationale sans vote des députés ! 

    Que reste-t-il de la « démocratie » quand un gouvernement élu (la Grèce) se voit interdire par une administration apatride (la Commission européenne) de mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu ? Quand le budget d’un autre (la France) est soumis à des contraintes qui transforment le Parlement en simple chambre d’enregistrement et quand la politique de la Banque centrale est faite dans l’intérêt des financiers internationaux au mépris des peuples ? Voilà où conduisent les « valeurs européennes »…