Une Union européenne en décomposition, par François Reloujac
Il ne se passe pas un jour sans que les médias n’évoquent le « Grexit » (la sortie de la Grèce de l’euro), les tribulations du gouvernement français face à une Commission européenne qui la somme de respecter ses engagements financiers et la « politique non conventionnelle » suivie par la BCE. Le point commun à tous ces sujets ? La décomposition avancée de l’Europe.
Les débats autour de la situation en Grèce montrent à quel point l’absence de solidarité entre les états européens – assumée par les divers gouvernements et alimentée par les médias – est patente. On a beaucoup glosé sur le manque d’honnêteté des Grecs lorsqu’ils sont entrés dans la zone euro et sur la façon dont les partis successivement au pouvoir ont utilisé la monnaie unique en vertu de leurs intérêts partisans jusqu’au moment où le peuple s’est révolté, pour l’instant uniquement dans les urnes. On a beaucoup moins fait allusion aux décisions européennes qui ont nui (l’euro fort), ou nuisent encore (l’embargo russe décrété dans le cadre de la crise ukrainienne), à l’économie grecque. Mais depuis qu’un gouvernement improbable est sorti des urnes, menaçant l’establishment politique, l’Union européenne a décidé de jouer la politique du pire. Le 10 mars dernier, le commissaire Dijsselbloem déclarait ainsi cyniquement que « s’il y a une pression sur la liquidité de l’état grec, cela pourrait accélérer la mise en œuvre des réformes » imposées par la « Troïka », quoiqu’elles aient déjà montré leur nocivité absolue.
En fait la Commission européenne a peur. Peur que l’exemple grec ne devienne contagieux, à commencer par l’Espagne prochainement. Il faut donc, par tous les moyens, acculer le gouvernement Tsipras à l’échec. Tout le monde s’y met, hors de Grèce. Des chaînes de télévision qui rediffusent d’anciens reportages sur l’actuel ministre grec de l’économie en détournant le sens de ses positions. Jusqu’aux journaux les plus importants qui déforment sciemment les mesures proposées par le gouvernement grec, notamment pour lutter contre la fraude fiscale. Le but est toujours le même : déconsidérer ce gouvernement aux yeux de l’opinion publique européenne et pousser le pays vers la sortie de l’UE Même la Banque centrale européenne s’y est mise en imposant à la Grèce des mesures spéciales qui vont au-delà de ce que prévoit le respect des traités.
La « politique non conventionnelle » de la BCE
Et ce n’est pas uniquement vis-à-vis de la Grèce que la BCE trahit l’esprit des traités. En lançant son programme d’« assouplissement quantitatif », permettant aux banques centrales nationales de racheter, aux financiers qui les détiennent, les titres d’état déjà émis – ce qui leur permet d’en acquérir de nouveaux – elle détourne l’interdiction de financer les déficits publics. Or cette politique, censée relancer la croissance, risque de ne déboucher que sur une accélération de la spéculation financière. Ainsi, la Bundesbank, qui ne peut racheter que des titres publics allemands, n’en trouve pas sur le marché. Les banques qui les détiennent ne veulent pas s’en séparer. D’une part parce qu’elles n’ont pas besoin de liquidités supplémentaires pour financer de nouveaux emprunts allemands (l’Allemagne n’a pas l’intention de lancer autant de nouvelles émissions) et, d’autre part, parce qu’elles y perdraient : elles ne pourraient placer les liquidités obtenues et inutiles que sur les marchés financiers… à un taux négatif ! Alors, à quoi sert ce plan qui a peu de chances de casser le phénomène déflationniste qui s’amorce ? Certains observateurs, de plus en plus nombreux, se demandent si l’unique objectif de la BCE n’est pas de préparer les opérateurs financiers internationaux à affronter le risque d’une implosion de la monnaie unique. En poussant le cours de l’euro à la baisse, on répartit dans le temps les conséquences des moins-values sur les titres obligataires et on permet au détenteurs de titres à risques de moins-value de s’en défaire… tout en leur laissant la possibilité de conserver les titres (allemands ?) qui pourraient à l’inverse bénéficier à terme d’une plus-value. C’est bien pourquoi le plan mis en place par Mario Draghi, avec la bénédiction d’Angela Merkel, n’est pas un plan européen. Il est un plan commun à tous les pays européens.
La France déboussolée
L’exemple grec et la politique de la BCE sont suffisants pour montrer dans quel état de décomposition avancée se trouve l’Europe. Il est donc inutile d’examiner en détail la situation économique de la France et ses discussions de marchand de tapis avec l’Union européenne – et le commissaire Moscovici – qui en découlent. Force est cependant de constater qu’au-delà des effets oratoires auxquels ces discussions donnent lieu, la Commission européenne est plus indulgente avec la France, qui pèse 20 % de l’économie européenne, qu’avec la Grèce qui n’en pèse que 3 %. La « morale » y trouve peut-être son compte. La sécurité économique et l’avenir des peuples sûrement pas. En même temps, on peut se demander ce qui reste de la souveraineté nationale, lorsque le budget du pays est soumis à des contraintes externes insupportables. Ces contraintes ne permettent même pas de masquer l’hypocrisie qui règne en maître dans le système économique français. Ainsi, par exemple, on a beaucoup parlé des quelques mesures emblématiques de la loi Macron dont la portée économique semble moins importante que l’émotion politique qu’elles ont suscitée. Mais personne ne s’est préoccupé de la portée des dizaines de mesures pointillistes qui y sont contenues pour réformer le code du travail. En réalité, ces mesures dictées par des considérations dogmatiques ont toutes été calibrées pour qu’aucune ne puisse donner lieu à une contestation publique. Mais quel sera l’effet exact de leur combinaison ? Aucune « étude d’impact » n’a été établie. Et il faut rappeler que cette loi est passée à l’Assemblée nationale sans vote des députés !
Que reste-t-il de la « démocratie » quand un gouvernement élu (la Grèce) se voit interdire par une administration apatride (la Commission européenne) de mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu ? Quand le budget d’un autre (la France) est soumis à des contraintes qui transforment le Parlement en simple chambre d’enregistrement et quand la politique de la Banque centrale est faite dans l’intérêt des financiers internationaux au mépris des peuples ? Voilà où conduisent les « valeurs européennes »… •
Commentaires
Mais l'Euro est mort depuis septembre 2011,paraît-il !
MERCI CHER AMI de nous donner quelques informations car je suis triste de voir et entendre des stupidités on fait un foin avec des vieilles guerres (dans le métro dans les années 60 sur qu'il y avait des comportements digne de la bête humaine mais un texte de loi ne change rien mais ce qui est lus grave c'est que les gens ne bougent même pas ! l'Europe et bien j'y croyais un peu il y a 40 ans mais maintenant c'est pire on nous triture la cervelle avec des reportages et combien de FRANCAIS réfléchisse sur leur POLITIQUE ?
il serait bon de VOIR a une FRANCE UNIE au dessus DES PARTIS ! avec un arbitre
Commençons par nous débarrassez de ceux qui sont responsables de cette situation et de ceux qui la soutiennent pour de vils intérêts, car moi, je n'ai jamais voulu ni de Maastricht ni de l'euro, et comme beaucoup de Français, j'en subi les néfastes conséquences !
Cet article met en avant l'abandon de souveraineté des pays européens. On oublie que les Etats-nations ont perdu depuis longtemps leur souveraineté dans les principaux domaines. L'impuissance des gouvernements nationaux face aux mouvements de capitaux, au pouvoir des marchés financiers est aujourd'hui évidente. Il faut en prendre acte pour instaurer les moyens d'une nouvelle souveraineté : au niveau européen par exemple.
Ce qu'écrit Bastet est bel et bon mais largement irréaliste.
Qu'un certain nombre d'Etats-nations aient perdu - pour des raisons d'ailleurs identifiables et pas du tout nouvelles - une part importante de leur souveraineté est évident. Mais c'est loin d'être une loi générale. Ni même une loi nouvelle. Il faudrait y regarder d'un peu plus près ... Au reste, en cas de crise grave, économique, financière ou géopolitique, ce sont toujours les Etats qui interviennent. Rien d'autre.
Jusqu'à présent,, les "Institutions" dites européennes existantes ne sont pas faites pour être une puissance "face aux mouvements de capitaux, au pouvoir des marchés financiers" mais pour les servir.
Une "nouvelle souveraineté" ne "s'instaure" pas, ne se décrète pas au jour J, à l'instant T; elle se construit dans le temps long, à l'échelle historique. A l'heure actuelle, un examen attentif de la situation des vingt-huit membres de l'Union Européenne montre plutôt la persistance des peuples et des nations et la permanence voire l'accroissement de leurs divergences que leur capacité à s'unir.
Cela dit, on peut, si l'on veut, s'en tenir à des idées qui avaient cours il y a vingt, trente, quarante ou cinquante ans, mais qui sont aujourd'hui démenties.