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  • Toujours l’immigration…, par Gérard Leclerc.

    Jungle de Calais (2016).

    © Han Soete / CC by-sa 4.0

    Avec les incidents de lundi soir place de la République, mais aussi journellement nous sont rappelées les difficultés de l’immigration. De même, dans un livre à paraître dans quelques jours, le Pape revient sur le sujet. Mais comment caractériser l’hospitalité qui nous est demandée ?

    gerard leclerc.jpgHier, en revenant sur les incidents de la place de la République à Paris et les difficultés du maintien de l’ordre, j’esquivais un peu, dans ma conclusion, la question éminemment difficile de l’immigration. Il ne s’agit pas de se dérober sur une affaire aussi grave pour notre pays, pour l’Europe, et qui concerne le reste du monde. Comment le pourrions-nous sans irresponsabilité, alors que nous, catholiques, sommes ainsi constamment rappelés à l’ordre par notre pape François ? Il en parle encore dans un livre qui paraîtra dans quelques jours, et qui fait déjà pas mal de bruit, en vertu de son aspect direct, plus abordable sans doute qu’une encyclique [1].

    Ainsi écrit-il : « Rejeter un migrant en difficulté, quelle que soit sa croyance religieuse, par peur de diluer une culture “chrétienne” c’est déformer de manière grotesque à la fois le christianisme et la culture… défendre l’Évangile et ne pas accueillir les étrangers dans le besoin, ne pas affirmer leur humanité en tant qu’enfants de Dieu, c’est chercher à encourager une culture chrétienne que de nom, vidée de tout ce qui la rend unique. » Nul doute que le Saint-Père se trouvera une nouvelle fois en butte à la contradiction. Beaucoup lui opposeront, par exemple, qu’« une hospitalité pour tous est susceptible de devenir une hospitalité pour personne », tant l’accueil de qui vient d’ailleurs est un problème de civilisation qui passe par des étapes complexes.

    Mais il est impossible de ne pas accorder au Saint-Père la dimension universelle de sa sollicitude pastorale et humaine. Toutes les nations, au premier rang desquelles les plus favorisées, se doivent de prendre en charge la destinée commune de la planète. Selon des modalités, qui prennent en compte à la fois les dimensions géopolitiques mais aussi ce qui relève du soin « des exclus, des pauvres et des marginaux » qui doivent être les premiers servis selon l’Évangile.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 novembre 2020.

    [1Pape François, Un temps pour changer. Viens, parlons, osons rêver…, Flammarion, 224 p., 16,90 €.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Les chrétiens et l’immigration, par Gérard Leclerc.

    Le Bon Samaritain, monastère de Kykkos,

    Chypre.

    © Philippe Lissac / GODONG

    Pourquoi ne pas l’admettre ? Lorsqu’il y a désaccord dans n’importe quelle situation, il vaut mieux mettre clairement en évidence les termes du débat, les causes du dissentiment, plutôt que de rester dans un à-peu-près qui, finalement, ne satisfait personne et contribue, au contraire, à gâcher le climat et à envenimer les relations sociales. Cela vaut autant pour l’Église catholique que pour la communauté nationale.

    gerard leclerc.jpgEt je pense ici particulièrement à la question de l’immigration qui est omniprésente dans le domaine politique, mais se présente de façon beaucoup plus feutrée chez les catholiques. Pour ces derniers, il est une référence qui s’applique non seulement en matière de foi, mais aussi de morale et de morale sociale – il y a une doctrine sociale de l’Église – c’est celle du pape. Or, sur l’immigration, il semble que François ait des convictions affirmées, qu’il a réitérées dans sa dernière encyclique Fratelli tutti, où, commentant l’évangile du Bon Samaritain, il affirme « un prochain sans frontière ».

    Philippe d’Iribarne, vendredi dernier dans Le Figaro, n’a pas hésité a contrer nettement le pape dans son exégèse des Écritures. Il objecte à François que si l’accueil de l’Étranger démuni est un commandement certain, il est aussi patent que cet étranger, est contraint de se soumettre aux lois du pays où il s’installe. Et de reprocher à la dernière encyclique de s’affranchir du « réalisme biblique ». Un État n’a pas seulement à accueillir des individus, il a à apprécier les effets globaux d’une politique d’immigration. Il y a une différence entre un acte de charité solidaire et la responsabilité d’un État aux prises avec certains effets géopolitiques massifs. On pourrait répondre à Philippe d’Iribarne que François n’est pas indifférent à de pareilles considérations, même si c’est sur un mode mineur.

    Nous sommes face à des problèmes de civilisation qui doivent être traités selon leur nature et leur complexité, et il convient que les chrétiens participent au débat, en pleine connaissance de cause.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 novembre 2020.

     

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • L’épidémie du complotisme, par Gérard Leclerc.

    À la une du Monde daté d’aujourd’hui, un gros titre en couleur bleue qui polarise l’attention : « Covid-19. Comment combattre l’épidémie du complotisme ? » Si l’on comprend bien, nous sommes donc aux prises avec deux épidémies, celle du covid-19 et celle du complotisme, que l’on peut définir comme le vecteur des thèses conspirationnistes actuelles.

    gerard leclerc.jpgL’opinion serait en proie à des phobies, c’est-à-dire des craintes de nature pathologique à l’égard de menaces considérées comme redoutables, qui planeraient sur l’avenir de la planète. Une cabale mondiale serait en marche, qui nous manipulerait en nous privant de nos libertés. Le gouvernement français serait partie prenante de ce complot, comme le dénonce une énorme propagande sur les réseaux sociaux. L’audience extraordinaire réalisée par le film Hold-up rassemblerait tous les ingrédients du complotisme et montrerait l’importance du danger pour la démocratie.

    Sans doute faudrait-il juger exactement sur pièce. Je n’ai pas vu personnellement le film. Mais il n’est pas douteux, à mon sens, que le complotisme constitue une pathologie dont il importe de se prémunir. Les journalistes du Monde n’ont pas tort d’expliquer comment la tâche est difficile. Lutter contre des grilles de lecture hyper simplistes relève d’autant plus de l’exploit qu’il faut déployer des trésors d’argumentation pour montrer à quel point les thèses conspirationnistes sont fondées sur des mensonges. Mensonges qu’il faut démonter minutieusement tandis que l’adversaire est fort de l’énormité persuasive de ses affirmations. Comment expliquer, démontrer, « sans ostraciser ni caricaturer » ?

    On a envie d’approuver. Mais une réserve peut nous retenir d’acquiescer complètement. Celle qu’énonce Eugénie Bastié dans Le Figaro d’hier. Le complotisme aurait-il autant de succès si on ne s’était acharné depuis tant d’années à promouvoir un relativisme universel ? Si tout est relatif, on ne voit pas très bien à qui accorder sa confiance.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 novembre 2020.

     

    Source : https://www.france-catholique.fr/

  • Un temps pour changer, par Gérard Leclerc.

    En introduction d’un livre qui paraît ces jours-ci, intitulé Un temps pour changer [1], le pape François se dit persuadé que les temps que nous vivons sont propices à une sorte de réexamen collectif généralisé. Les façons de penser, les priorités ont été bousculées par les tribulations de la crise sanitaire.

    gerard leclerc.jpgLa question est de savoir si nous allons nous en sortir, meilleurs ou pires. Quand on est mis à l’épreuve, on doit choisir, et à travers son choix on révèle son cœur. C’est donc que, depuis le Vatican où il observe l’évolution du monde, François a perçu, peut-être plus qu’aucun autre, à quel point l’épreuve à laquelle était soumise l’humanité entière avait un sens. Un sens qu’il lui appartenait, dans sa situation, de mieux préciser. Une des scènes les plus symboliques qu’il nous ait été donné de vivre, n’est-ce pas le pape seul dans l’immensité vide de la place Saint-Pierre, s’adressant à une planète muette ?

    Je ne puis en quelques mots résumer tout un ouvrage, même si son langage est particulièrement clair. Du moins puis-je en extraire une proposition qui me paraît particulièrement opportune : « Pour sortir du labyrinthe, écrit François, nous devons laisser derrière nous la culture des « selfies » pour aller à la rencontre des autres : pour regarder les yeux, les visages, les mains et les besoins de ceux qui nous entourent ; et ainsi trouver aussi nos propres visages, nos propres mains pleines d’opportunités. »

    Cela ne s’adresse-t-il pas directement à nous, à nous Français, à l’heure où loin de tenter pacifiquement de nous sortir ensemble de la crise, nous sommes tentés par une violence qui nous empêche d’aller à la rencontre des autres, pour en sortir le meilleur. C’est peut-être moins la propension aux selfies qui nous menace que la tension extrême entre nous. Oui, le temps est venu de nous en sortir pour qu’il y ait une vraie après-crise.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 décembre 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Clarifications sur la sécurité, par Gérard Leclerc.

    Ainsi Emmanuel Macron serait aux prises avec une véritable crise politique en raison du climat de violence qui s’est créé ces jours-ci, à la suite de plusieurs événements dont un tabassage commis par des policiers à l’encontre d’un producteur de musique à Paris. Celui-ci a donné lieu à beaucoup d’émotion.

    gerard leclerc.jpgEst-il juste pour autant de concentrer toute l’attention sur des violences policières qui entacheraient profondément l’image des forces de l’ordre ? Non, parce que ces forces de l’ordre sont elles-mêmes l’objet d’agressions incessantes, jusque dans leurs domiciles privés. Et lors de la manifestation de samedi à Paris pour protester contre ces violences et le projet de loi sur « la sécurité globale », un policier a, bel et bien, été tabassé sans ménagement sur le pavé.

    On peut mettre en cause une certaine confusion qui règne en ce moment, avec toutes les accusations qui volent en sens contraires. Il y aurait lieu d’établir une clarification du côté des pouvoirs publics, de telle façon qu’on reprenne confiance, notamment dans les procédures de vérification des enquêtes administratives. Clarification aussi à l’intérieur du gouvernement où Gérald Darmanin semble en difficulté. Mais plus généralement, on peut s’inquiéter du climat de l’opinion publique. Sans doute celle-ci se manifeste très majoritairement en faveur du maintien de l’ordre, même lorsqu’il entraîne des ripostes musclées. Mais il se forme aussi une minorité conséquente coalisée avec vigueur contre l’ordre policier qu’elle dénonce.

    D’où la possibilité d’un phénomène générateur d’incompréhension et surtout de schisme social. Avec des conséquences durables pour la santé morale d’un pays, qui n’a vraiment pas besoin de cela, alors qu’il affronte une crise sanitaire et une crise économique qui requièrent la solidarité de tous.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 novembre 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Le diagnostic de Jacques Julliard, par Gérard Leclerc.

    © Chalon sur Saône / CC by-sa 

    Si le discours sur le malheur des temps est récurrent, il prend en ce moment une nouvelle tournure. Jacques Julliard parle pour la France de déclassement et s’attriste notamment de notre déclin intellectuel et scolaire. Difficile de contredire sa démonstration…

    gerard leclerc.jpgSi l’on interrogeait le passé, on ne serait sûrement pas en faute pour retrouver un discours récurrent sur les malheurs du temps. L’historien Jacques Bainville écrivait que « tout avait toujours très mal marché ». Et cela aux époques réputées pourtant comme privilégiées et demeurant des références pour avoir atteint un certain degré de civilisation. Cela veut-il dire qu’il ne faut pas trop se laisser prendre au discours désenchanté, voire très pessimiste de certains analystes ? Je pense là très précisément à Jacques Julliard dont je lis, avec une sorte d’avidité, le carnet qu’il publie chaque premier lundi du mois au Figaro. Celui d’hier consistait en une implacable démonstration. Seul le mot de « déclassement » convient pour qualifier la situation de notre pays. La France serait en miettes, et le signe le plus alarmant de notre déchéance serait la fin de notre ambition intellectuelle.

    Jacques Julliard, distingué par sa compétence d’historien dans le domaine social, lui qui connaît à fond les ressorts de notre syndicalisme, a pourtant toujours privilégié l’essor littéraire comme miroir et expression de notre excellence en général. Et il réitère aujourd’hui : « C’est une chose étrange et inédite, comme si, en perdant son esprit éducatif la France avait perdu aussi son souffle créateur. » Et de déplorer que pas un seul écrivain de la grande espèce ne soit apparu en notre temps pour permettre à notre peuple d’identifier son avenir. À la façon d’un Rabelais, d’un Molière ou d’un Balzac.

    Seul le nom de Michel Houellebecq lui semble émerger, parce que, romancier, il a su rendre compte de notre état de dépression. Je serais assez d’accord sur ce diagnostic, en le complétant toutefois par un regard sur notre université gagnée par la contagion américaine à un extrémisme dévastateur pour notre fierté même d’appartenir à la culture qui nous a façonnés. Mais cela demanderait toute une explication…

    Chronique diffusée sur Radio-Notre Dame le 8 décembre 2020.

    Source : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Gare aux analogies historiques !, par Gérard Leclerc.

    1904 Séparation de l’Église et de l’État en France

    - Manifestation devant Notre-Dame des Champs

    Y a-t-il un danger de recrispation à l’égard du domaine religieux dans le projet de loi contre le séparatisme. C’est la crainte de certains. Va-t-on au contraire vers un processus d’apaisement semblable à ce qui s’est passé autour de 1905. Mais l’analogie entre christianisme et islam est-elle pertinente ?

    gerard leclerc.jpgDécidément, je n’échapperai pas, cette semaine, à la discussion sur la loi contre le séparatisme, ou plutôt la loi « confirmant les principes républicains », pour reprendre les termes employés par le gouvernement. Cet infléchissement sémantique permettra-t-il d’apaiser les esprits, en clarifiant l’objet poursuivi ? Je n’en suis pas sûr. Dans un entretien au Monde, le premier ministre se défend avec force de stigmatiser les musulmans. Il semble que cela ne suffise pas à rassurer notre confrère La Croix, dont le directeur Guillaume Goubert, ne cache pas sa crainte « que les esprits antireligieux ne voient dans cette nouvelle loi l’occasion d’une revanche sur le principe de liberté religieuse qui a fini par prévaloir lors des débats de 1905 ».

    Voilà qui m’a rappelé des débats anciens, notamment une conversation avec le professeur René Rémond, figure éminente de l’intellectuel catholique, qui exprimait une inquiétude analogue. On peut voir dans ce type de position un front commun des religions dénoncé autrefois par Alain Finkielkraut. Mon sentiment est qu’au sein même du catholicisme, voire de la hiérarchie, les opinions sur le sujet, et l’islam en particulier, sont très loin de coïncider. Tout d’abord, parce qu’il est périlleux de mettre toutes les religions sur une sorte de pied d’égalité, alors que leurs structures intimes diffèrent considérablement.

    Aussi suis-je, personnellement, très circonspect à propos de l’analogie que l’on tient à faire entre ce qui s’est passé entre l’Église catholique et la République française autour de la loi de 1905 et les problèmes d’intégration actuels de l’islam. Certes, on doit souhaiter un apaisement. Mais celui-ci n’interviendra pas dans la méconnaissance d’un tout autre contexte religieux, historique et civilisationnel.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 décembre 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Notre-Dame de Paris comme une parabole, par Gérard Leclerc.

    © Pyb / CC by-sa 

    La Croix titre sur « les progrès saisissants accomplis » dans le chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris. Mais la cathédrale blessée ne constitue-t-elle pas une image de notre monde angoissé ? En attente d’une résurrection ?

    gerard leclerc.jpgEn ces jours d’attente de Noël, à la tonalité plutôt grave, avec les mauvaises nouvelles venues d’Angleterre, la cathédrale Notre-Dame de Paris pourrait constituer comme une parabole. Depuis l’incendie meurtrier qui l’a blessée cruellement, n’est-elle pas l’image de notre propre fragilité ? Je connais des Parisiens tout proches qui hésitent à venir au bord des quais où ils avaient l’habitude de l’admirer, par crainte de souffrir de sa plaie béante. Pourtant, les dernières nouvelles du chantier de restauration sont rassurantes. La Croix parle même de « progrès saisissants ». Le démontage de l’échafaudage massif, qui mettait l’édifice en danger, a été achevé le 24 novembre dernier. De même, le grand orgue a lui aussi été démonté. S’il n’a pas été endommagé gravement ou détruit, comme c’est arrivé à Soissons ou à Nantes, il a besoin d’un nettoyage complet. Et le général Jean-Louis Georgelin, qui préside à la reconstruction, prévoit qu’il sera remis en marche, en prévision du Te Deum qui devrait résonner dans la cathédrale en avril 2024. C’est que nous sommes toujours dans le scénario des cinq ans de travaux prévus.

    Autre bonne nouvelle : samedi dernier un concert a été enregistré dans la cathédrale, qui sera retransmis la veille de Noël sur France 2, avant la messe de minuit du pape depuis Rome. Le Figaro d’hier nous offrait un reportage complet sur cet enregistrement singulier. Le général Georgelin n’a admis, en raison de toutes les contraintes que huit choristes. Henri Chalet, le chef de chœur, en aurait souhaité une vingtaine, mais il fallait aussi compter avec les musiciens et le personnel technique. Pour les participants, ce fut une moment d’émotion, vécu parfois les larmes aux yeux. Pour tous ceux qui seront présents devant leur télévision jeudi, ce sera aussi un beau moment qui résonnera à l’unisson du temps que nous vivons. La cathédrale se reconstruit, elle est toujours le lieu du mystère qui l’habite, et ont peut y entendre l’écho éternel de Noël.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 décembre 2020.

  • Un parti centenaire, par Gérard Leclerc.

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    Le siège du parti communiste français aujourd’hui

    © Ralf.treinen / CC by-sa

    Il y a cent ans, à Tours, était fondé le parti communiste français. Né d’une dissidence majoritaire de la SFIO fondée par Jean Jaurès. Cette formation politique joua un rôle considérable jusque dans les années 80. Profondément intégrée dans le tissu social mais aussi lié au totalitarisme soviétique.

    gerard leclerc.jpgL’heure est-elle aux commémorations ? Nous avons trop de préoccupations en tête pour nous permettre de nous échapper dans le temps. Et puis l’événement dont nous pourrions évoquer le centenaire nous renvoie à une toute autre époque. Au moment de son cinquantenaire, il aurait frappé tous les esprits et mobilisé tous les médias, puisqu’il s’agissait de rendre compte d’une réalité politique majeure dans notre pays. Le parti communiste français rassemblait autour du quart de l’électorat, il était solidement implanté dans ce qu’on appelait la banlieue rouge, et ses dirigeants, tel Georges Marchais après Maurice Thorez, étaient des voix écoutées et même admirées jusque chez leurs adversaires. Aujourd’hui, le parti longtemps appelé parti des travailleurs, ne joue plus qu’un rôle marginal à l’intérieur d’une gauche elle-même mal en point.

    Tout s’est joué autour de 1989, avec la chute du mur de Berlin qui entraîne celle de l’empire soviétique. Un certain Jean-Paul II a joué un grand rôle dans ce tournant historique. Mais puisqu’il s’agit d’anniversaire, il est permis de se remémorer, un instant, ce que fut la réalité humaine de ce phénomène dont la solidité apparaissait si forte. Comme le souligne l’historien Stéphane Courtois, il y avait deux dimensions essentielles dans ce phénomène. Une dimension sociale considérable qui faisait du parti l’interprète de ce qu’on appelait le prolétariat, avec un tissu associatif de premier ordre. Et puis aussi une dimension que Courtois appelle téléologique, et qui se rapporte aux buts du communisme international, dirigé depuis Moscou. Le simple nom de Staline évoque l’horreur totalitaire du communisme réel.

    Et pourquoi ne pas le dire ? La séduction communiste a aussi touché une frange de chrétiens appelés progressistes. De là des polémiques dont nous avons perdu le souvenir, puisque nous appartenons à un autre monde.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 décembre 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Le culturel et le cultuel, par Gérard Leclerc.

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    © Daniel Enchev 

    En ce temps de Noël il n’est pas incongru de revenir sur la signification de la crèche. Objet culturel ou objet culturel ? La distinction est légitime mais la culture renvoie nécessairement à la signification religieuse et oblige à poser toutes les grandes questions.

    gerard leclerc.jpgÀ la veille de Noël, je m’étais concentré sur la crèche, en tant que premier lieu d’évangélisation. Peut-être avais-je ainsi fourni un bon motif à ceux qui militent ardemment contre la présence de la scène évangélique dans les lieux publics, au nom des principes de la stricte laïcité ? Il est vrai que sur le sujet, le Conseil d’État, me semble-t-il, a tranché en reconnaissant à la crèche un statut culturel, distinct de son statut cultuel. La distinction est intéressante, non sans laisser place à une interrogation. Car la culture, si elle peut être distinguée du domaine proprement religieux, ne saurait vraiment s’en séparer. Comme objet de culture la crèche renvoie nécessairement à l’événement fondateur qu’elle représente et elle oblige à réfléchir aux données essentielles du christianisme.

    Donner à réfléchir ce n’est d’évidence pas imposer la foi, mais c’est créer une ouverture à la pensée. Qu’est-ce que cette religion qui se fonde sur l’incarnation du Fils de Dieu en ce monde ? Est-il possible que le Verbe se soit fait chair et qu’il ait habité parmi nous ? De la représentation naïve, on est forcément renvoyé aux textes des Évangiles, les Évangiles de l’enfance, saint Matthieu et saint Luc, mais aussi au fameux prologue de l’Évangile de saint Jean : « La grâce et la vérité nous sont venues par Jésus Christ. Nul n’a jamais vu Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. »

    Tout est dit et tout commence. Il est vrai que nous ne pouvons comprendre notre civilisation sans la mémoire chrétienne. Mais cette mémoire, avec la crèche, est une invitation à poser toutes les grandes questions à la lumière de cet enfant qui est la vraie lumière venue en ce monde.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 décembre 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Célébrer Napoléon, par Gérard Leclerc.

    Statue équestre de Napoléon à Rouen.

    © Giogo / CC by-sa

    On célèbre cette année le bicentenaire de la mort de Napoléon à Sainte-Hélène. L’événement sera-t-il dignement rappelé ou fêté ? De grosse réticences se font sentir. Toute une coalition se dresse contre un personnage et une légende pour elle insupportable. Que penser de cette pureté inflexible ?

    gerard leclerc.jpg« Sauf pour l’art, sauf pour la gloire, il eut mieux valu que cet homme n’ait pas existé. » Ce mot célèbre de Jacques Bainville au terme de son superbe essai sur Napoléon peut paraître sévère. L’échec sanglant de l’empereur, au terme de son incroyable épopée, justifie sans doute une telle sévérité. Mais l’art et la gloire, ce n’est pas rien, et le même historien soulignait que la légende soigneusement ciselée à Sainte-Hélène hanterait longtemps le souvenir des Français. Pas seulement d’ailleurs. La légende de l’empereur est universelle. Le Figaro qui consacre un éditorial et une double page au bicentenaire de sa mort rappelle le mot de son ennemi Chateaubriand : « Vivant il a raté le monde, mort il l’a conquis. » Oui, même les Chinois se passionnent pour cette figure égale aux plus grandes.

    Et pourtant, la célébration du bicentenaire n’a pas que des partisans. Elle a aussi des adversaires résolus, coalisés dans une vindicte sans limite. Ceux-là sont très représentatifs des idéologies qui font fureur jusque dans nos universités. Comment pourrait-on célébrer l’homme qui a rétabli l’esclavage dans nos colonies ? Oui, il est vrai qu’à l’aune des passions actuelles Napoléon n’est pas recevable. Il est le contraire absolu du politiquement correct. Si on laissait faire la légion de ses détracteurs, pas une de ses statues ne resterait en place et la présence de ses cendres sous la coupole des Invalides devrait susciter colère et manifestations.

    Je ne puis m’empêcher de trouver cette pureté dangereuse. Cette rage d’éradication va bien au-delà des nécessaires jugements critiques. Elle pourrait bien être à l’origine d’un nouveau totalitarisme, car il n’est pires psychopathes dans l’histoire que ces inventeurs d’une humanité réinventée. Philippe Muray avait déjà tout dit sur les ravages de ce qu’il appelait « l’empire du Bien ».

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 février 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • La République et la loi des hommes, par Gérard Leclerc.

    Fronton de l’Assemblée nationale

    © Fred de Noyelle / Godong

    Comment juger la première étape de l’examen de la loi qui devait donner à l’État les moyens de lutter contre le séparatisme islamiste ? On peut s’inquiéter de certains débordements qui mettent en danger les principes de l’autonomie du religieux. Mais nous sommes loin de l’achèvement d’un débat dont la gravité ne devrait échapper à personne.

    gerard leclerc.jpgUn vote solennel sur la loi « confortant les principes républicains » doit avoir lieu aujourd’hui, au terme de 135 heures de discussion qui se sont étalées sur un mois. Nous ne sommes pas pour autant au terme du processus législatif, puisque le Sénat est encore appelé à délibérer sur le texte, qui risque par ailleurs, pour plusieurs de ses articles, d’être soumis à la censure du Conseil constitutionnel. Le moins qu’on puisse dire, au terme de cette étape, c’est que le jugement sur le travail accompli est pour le moins mitigé. On peut se demander si vraiment le but initial, la lutte contre le séparatisme islamiste, a trouvé ses modes d’action adéquats. Certains en doutent fortement et leurs motifs ne sont nullement négligeables.

    Mais je voudrais à nouveau concentrer mon attention sur une question de fond, concernant les relations du politique et du religieux. En effet, on est passé des mesures urgentes à prendre à l’encontre de l’islamisme à un réexamen général des lois qui réglementent l’exercice de certaines libertés fondamentales, en premier lieu la liberté religieuse. Au point d’alerter les responsables catholiques, protestants et juifs sur les dangers d’une mise en surveillance de l’exercice des cultes. Ceci a pu donner lieu au retour à l’expression d’un anticléricalisme assez rance, mais surtout à un dangereux débordement qui met en cause le principe de l’autonomie des religions, notamment dans le sanctuaire de leurs convictions.

    La République se doit de défendre scrupuleusement les conditions de la liberté de conscience avec les exigences du bien commun. Elle n’a pas à mettre en question la loi de Dieu. La loi des hommes suffit amplement à sa tache.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 février 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Le Carême et le déclin de la foi, par Gérard Leclerc.

    © Pascal Deloche / Godong

    L’ouverture du Carême avec la préparation à Pâques oblige à se recentrer sur les grandes questions qui se posent du point de vue de ses convictions personnelles mais aussi de la situation de la civilisation européenne. Le déclin de la foi s’explique-t-il par défaut d’adaptation du christianisme ou par défaut de vie intérieure ? Malraux s’interrogeait sur une civilisation incapable de créer un temple où un tombeau…

    gerard leclerc.jpgChaque année, l’ouverture du Carême impose aux chrétiens une sorte de réexamen général. Où en suis-je par rapport à ce grand mystère chrétien qui devrait éclairer ma vie ? Ma fidélité et ma ferveur sont-elles à la mesure de la foi et de l’espérance qui devraient m’animer ? Le problème n’est donc pas, comme je peux le lire ici ou là, de moderniser mes convictions, ni même d’inventer on ne sait quel aggiornamento, c’est-à-dire de mise à jour. Il est vrai que ce terme employé par Jean XXIII a eu une certaine fortune. Mais on aurait eu avantage à étudier la pensée de l’initiateur de Vatican II avec plus d’attention. Car pour lui, il s’agissait non pas de s’adapter platement aux conditions du monde moderne, mais bien au contraire d’y déployer à toute force la splendeur de ce mystère chrétien.

    Il n’empêche que l’équivoque aura la vie dure et qu’elle mettra en colère un théologien aussi éminent qu’Urs von Balthasar, qui confiait à son ami de Lubac qu’il ne pouvait y avoir de mise à jour de la Révélation, mais un continuel approfondissement. C’est d’ailleurs la seule question intéressante à ce moment où l’Europe apparaît tellement déchristianisée, tandis que le christianisme continue à progresser sur l’ensemble de la planète, parfois souterrainement comme en Chine.

    Cette déchristianisation s’analyse comme une mutation de civilisation. Cette mutation est-elle décisive ? On est frappé par le fait qu’elle ne correspond pas à l’émergence d’une nouvelle illumination. Faute de quoi les grandes énigmes de la vie et de la mort sont suspendues dans le vide. Bon Carême à tous !

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 février 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Un ministère universel, par Gérard Leclerc.

    © Antoine Mekary / Godong

    À ce moment si particulier, où la vie du monde semble en grande partie suspendue, il n’est pas sans intérêt de tourner nos regards vers Rome, où le successeur de Pierre poursuit sa tâche de pasteur universel. Oui, un pasteur qui a le souci de toute les Églises comme le disait déjà saint Paul, mais aussi du destin total de la planète. 

    gerard leclerc.jpgCe n’est pas pour rien qu’à l’exception de 13 États, dont la Chine, tous les autres États ont leur ambassadeur auprès du Saint-Siège. C’étaient donc 182 diplomates qui se retrouvaient lundi réunis pour entendre le discours de François à l’occasion des vœux de la nouvelle année. En une heure, on peut dire que le pape a dressé le tableau des peines et des drames du monde entier, aucune situation n’échappant à sa vigilance.

    Ce faisant, François s’inscrit dans la tradition de ses prédécesseurs. Il est significatif qu’il ait cité deux d’entre eux, Pie XII et celui qu’il a appelé le grand saint Jean-Paul II. Alors que certains veulent absolument l’opposer au pape de l’ouverture du deuxième millénaire, François tient à mettre en relief une continuité doctrinale et pastorale. On pourrait dire aussi politique, car il y a une politique du Saint-Siège dont Pie XII, par ses discours très remarqués, fut un interprète particulièrement pertinent.

    Je ne puis résumer en quelques mots une heure de discours, sauf à signaler l’attention du pape pour certains points névralgiques notamment en Afrique. François a conclu sur l’importance de l’exercice de la liberté de culte, parce que le droit à la liberté religieuse est « le premier et plus fondamental droit humain ». N’est-ce pas dans cet ordre que se développe l’état de bonheur dont parlait Dante Alghieri que le pape a tenu à citer pour le septième centenaire de sa mort ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 février 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Le retour de l’euthanasie, par Gérard Leclerc.

    © Pascal Deloche / Godong 

    Un projet de loi en faveur de l’euthanasie a le soutien d’une bonne partie du groupe parlementaire. Parallèlement un mouvement de propagande se développe dans le même sens dans les médias.

    gerard leclerc.jpgDans deux quotidiens en vente hier dimanche, Le Parisien et Le Journal du dimanche, le thème de l’euthanasie était présenté sous le jour le plus favorable. Et même disons-le, de la façon la plus militante. Le moment est-il bien choisi pour lancer ce débat dans l’opinion ? Le gouvernement, par la voix d’Olivier Véran, ministre de la Santé, a donné un avis défavorable à la discussion d’un projet de loi sur la fin de vie. Ce faisant, il est en opposition avec une partie importante de sa majorité qui milite ouvertement en faveur de l’euthanasie. Une personnalité se détache nettement dans ce combat, celle de Jean-Louis Touraine, député de La République en marche, et par ailleurs professeur de médecine. Il s’est toujours distingué dans les débats dits sociétaux, relatifs notamment à la bioéthique par des positions radicales.

    Il n’est pas niable que la propagande en faveur « d’une assistance dite médicale permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleur » s’est révélée très efficace ces dernières années. Du moins, si l’on en croit les sondages. Et il est vrai aussi que certaines personnalités – je pense à Alain Finkielkraut – qui ne font pas partie des lobbys marqués par le gauchisme culturel, sont favorables à une évolution de la législation. Nous avons été précédés en ce sens par des voisins comme la Belgique et les Pays-Bas. En Suisse, on va encore plus loin avec la pratique du suicide assisté. Une ancienne ministre de Lionel Jospin, Paulette Guinchard, vient d’ailleurs d’y recourir à Berne.

    Opérer un tel choix, c’est prendre une véritable option civilisatrice. C’est même changer les signes fondamentaux de l’existence. Michel Houellebecq, dans un de ses romans [1], a su le traduire de façon saisissante. C’est le serment d’Hippocrate qui est en jeu. Il ne s’agit plus de guérir, mais de donner la mort.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 15 mars 2021.

    [1La carte et le territoire, publié chez Flammarion et prix Goncourt 2010.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/