Lire Jacques Bainville (XXVI) : Encore Jean-Jacques Rousseau
(Comme tous les textes publiés dans cette catégorie, celui-ci, aussitôt paru, est incorporé à notre album Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville. 120 photos)
À table, l'autre soir, on parlait de Rousseau. C'est l'homme du jour et il est de moins en moins probable que la fête de son bi-centenaire soit très heureuse pour sa mémoire. Chaque fois qu'une affreuse curiosité ramène la pensée sur Jean-Jacques, c'est pour découvrir chez lui un peu plus d'ignominie. Et pourtant, ce livre monstrueux, ce musée des horreurs qui s'appelle les Confessions, ce n'est pas un livre que le dégoût fasse refermer. Jean-Jacques a beau être, selon le mot d'un personnage de M. Anatole France, un "plat coquin", l'ouvrage où il s'est déshabillé et mortifié en public, ouvrage écoeurant, révoltant même si l'on veut, n'a pas la moindre platitude. Le sortilège de l'art le soutient et plusieurs de ces épisodes (celui du gué, celui des cerises, celui de la courtisane vénitienne) resteront parmi les choses célèbres de la littérature de tous les temps, en dépit de leur fausse innocence ou de leur troublante impureté.
C'était un très grand, un très puissant écrivain que Jean-Jacques. Quel critique a dit que sa période, pour l'ampleur, n'avait d'égale que celle de Bossuet ? Il est certain que son action n'a été si profonde qu'en raison du charme de sa voix.