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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (12)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Henri de La Rochejaquelein...

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    1. De Michel Mourre :

    "Ancien officier de la garde constitutionnelle de Louis XVI et fils d'un émigré, il se retira après le 10 août 1792 dans la terre de Clisson, auprès de son cousin Lescure.
    À la tête de paysans vendéens, il rejoignit Bonchamps et d'Elbée, se distingua à la bataille de Fontenay (24 mai 1793), entra dans Saumur (9 juin), sauva les vendéens de la déroute à Luçon, remporta la victoire de Chantonnay (septembre) mais fut vaincu à Cholet (octobre).

    Devenu commandant en chef des vendéens après la mort de Lescure, il fit preuve de réels talents militaires, mais finit par être réduit à une guérilla sans espoir après les défaites d'Ancenis et de Savenay, et fut tué au combat de Nouaillé." 

     

    ...et son frère Louis

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     Louis du Vergier, marquis de La Rochejaquelein, par Pierre-Narcisse Guérin.



    Né le 30 novembre 1777 à Saint-Aubin-de-Baubigné et tué au combat le 5 juin 1815, à 37 ans, à Saint-Hilaire-de-Riez...

    Général de la grande Armée catholique et royale, il participa au soulèvement de la Vendée lors du retour insensé de Napoléon de l'île d'Elbe.
    Il participa aux batailles d'Aizenay, de Saint-Gilles-sur-Vie, des Mathes, à Saint-Hilaire-de-Riez, où il fut tué...

    En 1801, il épousa Victoire de Donnissan, veuve du marquis de Lescure, héros des premières guerres de Vendée.
    Napoléon chercha, en vain, à le gagner à sa cause.
    Dès le mois de mars 1813, il se concerta avec un envoyé du roi, et quand le parti royaliste fut de nouveau formé à Bordeaux - sous l'impulsion, entre autres, de Jean-Baptiste Lynch - il fut choisi pour aller présenter au duc d'Angoulême, alors à Saint-Jean-de-Luz, l'hommage de la ville qui venait de proclamer Louis XVIII, Roi de France.

    Au premier retour de Louis XVIII, il fut nommé chef d'un des corps militaires de sa garde (commandant des grenadiers royaux) et élevé ainsi au grade d'officier général.

    Au retour de Napoléon en France il protégea la retraite du roi jusqu'aux frontières du nord, et de là jusqu'à Gand.
    Revenu en Vendée dès le 16 mai, il souleva le pays : Napoléon apprit cette insurrection dans la nuit du 17 mai, et il se hâta d'envoyer un corps de 12.000 hommes sous les ordres du général Lamarque.
    La Rochejaquelein arriva à Saint-Jean-de-Monts le 3 juin, avec la division de son frère Auguste (le troisième et dernier garçon de la fratrie).
    Là, il apprit qu'une forte colonne s'approchait ; elle était commandée par le général Estève, qui, le lendemain, au point du jour, se porta à la ferme des Mattes, sur le bord du Marais. Au cours d'un combat furieux, et héroïque, Louis fut tué, à la tête de ses troupes, et son frère blessé...

    Il est inhumé avec ses frères dans l'église de Saint-Aubin-de-Baubigné dans les Deux-Sèvres.
    Il laissait huit enfants et une veuve.

     

    3. La Durbeliere

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    Ruines du château de La Rochejaquelein, incendié cinq fois pendant la Révolution...

    https://monumentum.fr/propriete-durbeliere-pa00101257.html

     

    4. Blason des La Rochejaquelein

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    De sinople à la croix d'argent cantonnée de quatre coquilles du même et chargée d'une coquille de gueules en abîme

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (13)

     

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    Aujourd'hui : Cathelineau

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    De Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'Histoire, page 809 :

    "Il exerçait la profession de tisserand lorsque, en 1793, une révolte éclata à Saint Florent parmi les jeunes vendéens appelés à tirer au sort. Cathelineau, quoique exempt de service militaire en tant qu'homme marié, se mit à le tête des insurgés, battit les républicains (10 mars 1793), s'empara de Cholet, de Thouars, puis de Saumur, et devint (12 juin 1793) "Commandant en chef de l'armée catholique et royale".

    Il ne craignit pas de s'attaquer à Nantes, mais fut repoussé et reçut, au cours des combats, une blessure dont il devait mourir." 

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    Son tombeau, à Saint Florent le Vieil...

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    ... et sa statue sur la place de l’église au Pin-en-Mauges.

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (14)

     

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    Aujourd'hui : "Bonchamps, en qui revivait Bayard..." (Chateaubriand)

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    Blason des Bonchamps.

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    "De gueules à deux triangles vidés d’or entrelacés en forme d’étoile"

     

    Bonchamps mourant

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    Mortellement blessé devant Cholet, Charles Artus, marquis de Bonchamps, expire après avoir gracié 5.000 prisonniers républicains, enfermés dans l'église de Saint Florent-le-Vieil, qu'on allait massacrer: "Grâce aux prisonniers, Bonchamps l'ordonne !" furent ses dernières paroles.

    David d'Angers, dont le père fut l'un de ces graciés, sculptera son monument funéraire.

     

    Le dernier ordre de Bonchamps

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    17 octobre 1793...

    En toute hâte, on s’affaire sous la fine pluie qui trempe la terre. L’armée vendéenne est en déroute. Dans le bruit des chevaux qui hennissent, des hommes qui s’interpellent, des armes que l’on apprête, les derniers combattants royalistes dressent le camp de repli. Leur général en second, le marquis de Bonchamps a été blessé devant Cholet et c’est mourant, qu’avec eux, il a gagné St-Florent au bord de la Loire.
    Il est étendu sur un brancard. Autour de lui, ses lieutenants, hommes du peuple ou grands noms de l’Ouest, le veillent. Tous savent que la fin est proche. Après Cathelineau, le voiturier, à qui il avait laissé la tête de l’armée, c’est l’une des grandes figures de la guerre de Vendée qui va s’éteindre. Sur les visages épuisés de ses hommes dont les yeux ont pourtant déjà vu tant de morts, l’émotion perce et les larmes coulent.
    Un prêtre, cachant sa soutane sous un pourpoint, pistolet, épée et crucifix entremêlés à la ceinture, récite l’office des défunts.
    À l’extérieur de la tente, des cris éclatent : "À mort ! À mort !"; "Tuons-les !" "À mort les Bleus !" Scandés comme un refrain macabre les cris de haine résonnent dans le crâne bouillant de fièvre du marquis de Bonchamps. Se relevant à grand peine, il demande :
    - Qu’est-ce donc ? Après qui en a-t-on de la sorte ?
    - Mon général, ce sont nos hommes qui veulent se venger des Bleus.
    - Quels Bleus ?
    - Dans notre déroute, nous avons capturé cinq mille républicains que nous avons enfermés dans un couvent à quelques pas d’ici. Ce sont sur eux que nos hommes ont décidé de pointer les canons.
    Le marquis se crispe. Malgré l’agonie qui meurtrit son corps, malgré la souffrance qui contracte ses traits et l’empêche de se lever, il supplie son cousin, le comte d’Autichamp, d’obtenir la grâce des Bleus : "Mon ami, c’est sûrement le dernier ordre que je vous donnerai…"
    D’Autichamp ne discute pas. Il se précipite au dehors de la tente, saute sur un cheval et galope jusqu’aux abords du couvent où les hommes s’apprêtent déjà à la vengeance. Là, il fait battre tambour pour obtenir le silence et proclame : "Grâce au prisonniers ! Bonchamps le veut. Bonchamps l’ordonne !" Les soldats hésitent, se regardent. Ils n’ont pas la charité de leur général. Mais ils le respectent profondément. Depuis qu’ils sont allés le chercher pour combattre avec eux, le marquis de Bonchamps est devenu pour eux un père et un modèle. Certains regagnent les tentes dressées un peu plus loin et obéissent par devoir; d’autres comprenant les motifs de leur chef, acceptent de libérer les républicains.
    En fait ce dernier geste ne les étonne pas vraiment. Clémence, miséricorde, justice… : Charles de Bonchamps a toujours été un exemple d’humanité.
    Les plus anciens se souviennent que dès les premiers jours de la guerre, il avait empêché les pillages, les incendies et les exécutions. Il avait relâché les prisonniers sur la simple promesse qu’ils ne reprendraient pas les armes. Comme certains violaient leur serment, les Blancs avaient décidé de raser la tête de ceux que leur général libérait. À Thouars, en mai, Bonchamps avait battu le général Quétineau, un républicain réputé pour sa bravoure et son honnêteté. Pour ces raisons, le marquis l’avait soustrait au désir de vengeance des Vendéens et lui avait même offert l’asile pour le protéger des Bleus qui ne manqueraient pas de le mettre à mort s’il retournait vers eux. Par honneur et par fidélité à la Révolution, Quétineau avait refusé. Bonchamps l’avait donc libéré et le tribunal révolutionnaire l’avait immédiatement condamné à être guillotiné pour reddition et connivence avec les rebelles !
    Sur les bords de la Loire, un autre roulement de tambour retentit dans la nuit. Il appelle les hommes à se rassembler. Le marquis de Bonchamps est mort. Son corps est exposé sur une civière. Un dais blanc, marqué d’une fleur de lys et des cœurs de Jésus et de Marie enlacés, le protège de la pluie. Un à un, ses soldats viennent s’agenouiller devant lui. Ils ne cachent pas la peine qui les étreint. Certains racontent les mois passés avec lui. "Je faisais parti des sept gars du pays qui sont allés le chercher. Je m’en souviens, il avait hésité, mais le 21 mars, il était à Challonnes avec d’Elbée", raconte un paysan d’Anjou, la terre des Bonchamps.
    Les uns et les autres racontent les hauts faits du marquis. En sept mois de guerre, le jeune officier qui avait fait ses classes en Inde, s’était révélé un général exceptionnel. En avril, il avait sauvé l’armée catholique et royale par un repli sur Tiffauges qu’il avait imposé à ses pairs découragés. En mai, il avait gagné la bataille de Fontenay, avant d’être blessé par un soldat qu’il venait de gracier. En juin, il s’était opposé à l’attaque de Nantes, qu’il jugeait trop téméraire. Malgré son concours, la bataille avait tourné au désastre pour les Blancs. De nouveau blessé en juillet, il n’avait pu reprendre le combat que le 19 septembre, à Torfou, où il avait battu les Mayençais de Kléber. Mais voilà, qu’à Cholet, ces mêmes Mayençais avaient été les plus forts....
    Tard dans la nuit, à la lumière des feux de camp, les soldats épuisés continuent de tisser la vie de leur général aux fils de la mémoire et de la légende.
    Dans sa dépêche du 19 octobre au Comité de salut public, le citoyen Merlin de Thionville écrit : "Il faut ensevelir dans l’oubli cette malheureuse action." Pour lui, le pardon de Bonchamps déshonore les soldats ainsi empêchés de mourir en héros de la République. On poursuit et condamne sa veuve qui en transmettait le souvenir. Peine perdue. Elle s’échappe, aidée par ces soldats mêmes que son mari avait rendus "indignes". C’est le fils de l’un d’entre eux, le sculpteur David d’Angers, qui figera le geste du pardon dans la pierre. La statue funéraire, à Saint-Florent-le-Viel, montre Bonchamps mourant, se soulevant de son grabat pour tendre la main vers le ciel et crier dans son dernier soupir :"Grâce aux prisonniers !"

     

    De Louis Aragon, sur Bonchamps...

     

    "...Regardez-le bien, ce jeune homme, ce général de 34 ans, dans toute la force de l'âge, ce chef de Partisans, mortellement atteint.
    Le bras droit qu'il lève, c'est celui qui fut fracassé à Torfou; la poitrine, puissante, est enflée par le cri de l'agonisant.
    Tout, le mouvement du cou, de la bouche, tout s'achève dans ce cri...
    Regardez bien, car ceci c'est la France, et vous ne me direz plus que l'art n'a pas de patrie..."

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (15)

     

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    Aujourd'hui : Lescure...

     

    I. De Michel Mourre :

    "Commandant d'une Compagnie du Royal-Piémont au début de la Révolution, il rentra dans le Poitou après le 10 Août et fut emprisonné; délivré par les Vendéens, il devint un de leurs chefs.

    Il mena de brillants combats à Bressuire, Thouards, Fontenay, Saumur, Torfou, montrant partout une grande humanité à l'égard des prisonniers républicains.

    Blessé à la tête au combat de La Tremblaye, il mourut quelques jours plus tard..." 

    Il fut surnommé "le saint du Poitou".

     

    II. Blason des Lescure

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    "Écartelé, d'or au lion d'azur et de gueules au lion d'or accompagné de douze besants du même posés en orle"

     

    III. Le Calvaire des besnardières, où tomba Lescure...

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    IV. Lescure : le Calvaire des Besnardières (détail)

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (16)

     

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    Aujourd'hui : Maurice Joseph Louis Gigost d'Elbée

     

    Louis-Marie Turreau de Garambouville, bourreau de la Vendée, a donné ce portrait de lui :

    "A un physique agréable et distingué, d'Elbée joignait les talents nécessaires à un chef de parti. Militaire consommé, il avait formé les vendéens à la manière de combattre la plus convenable à la localité et au génie de ce peuple. Ce chef de parti avait toutes les qualités pour jouer un grand rôle...
    D'Elbée a donné la preuve de ses talents dans l'exécution des plans. Ses lieutenants ont été battus à chaque fois qu'ils se sont écartés de ses principes. D'Elbée avait le don de la parole. Il s'exprimait avec grâce et facilité. Son éloquence était douce et persuasive. Il savait varier ses formes et ses tons. Il prenait souvent vis-à-vis des rebelles celui d'un inspiré, et il avait tellement acquis leur confiance et leur attachement, qu'après sa mort, j'ai vu des prisonniers vendéens verser des larmes , lorsqu'ils entendaient prononcer son nom."

     

    Le Pater de d'Elbée...

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    Vitrail de l'Eglise Saint Pierre de Chemillé.

    Dans l’ivresse de la victoire "du grand choc de Chemillé", certains crient vengeance des 600 Vendéens tués en combattant et des villageois massacrés (il y a 150 morts chez les bleus) :
    "Pas de quartier aux prisonniers !"

    D’Elbée tente en vain de les calmer. Se voyant impuissant, il crie d’une voix forte :
    "Soldats à genoux ! Disons d’abord notre Pater."

    Les paysans, nu-tête, obéissent… : "...Pardonnez-nous nos offenses…"
    "Arrêtez ! - crie d’Elbée. Ne mentez pas à Dieu. Vous Lui demandez qu’Il vous pardonne comme vous, vous pardonnez aux autres, vous pardonnez aux autres ?"

    La leçon est comprise : les fusils s’abaissent; les quatre cents prisonniers Bleus sont sauvés...

     

    La mort du Général...

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    Mort du général d'Elbée, huile sur toile de Julien Le Blant, 1878, Musée de Noirmoutier.

     

    Le 3 janvier 1794, les "Bleus" débarquent sur l'île de Noirmoutier et la garnison vendéenne capitule. D'Elbée, découvert, est fait prisonnier. Malgré les promesses du général Haxo, tous les prisonniers vendéens sont fusillés sur ordre des représentants en mission Prieur de la Marne, Turreau et Bourbotte.  Incapable de marcher, d'Elbée est porté sur un fauteuil jusqu'à la place d'Armes...

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (17)

     

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    Aujourd'hui : Stofflet...

     

    Le 12 mars 1793, Nicolas Stofflet se mit à la tête des jeunes, gens d'Yzenay qui refusaient le Tirage au sort ordonné par la Convention nationale.

    Le lendemain, il rejoignit avec eux les insurgés de Jacques Cathelineau, donnant à celui-ci l'un de ses habits de fonction, origine de l'uniforme vert des officiers vendéens.
    L'armée chrétienne, bientôt la Grande Armée Catholique et Royale, formée des troupes de Cathelineau et de Stofflet, prit Cholet le 14 mars 1793.
    Lorsque d'Elbée devint Généralissime en octobre 1793, Nicolas Stofflet fut nommé Major-général.

    Il ne cessa de combattre durant la "virée de Galerne" et, à la mort d'Henri de La Rochejaquelein, il commandait l'armée d'Anjou et du Haut-Poitou (février 1794).
    Au cœur de la forêt de Vezins, Nicolas Stofflet organisa ses hommes en unités régulières de dragons et de chasseurs, monta une imprimerie, des hôpitaux, un arsenal, entreposa du blé, battit monnaie et rendit justice.

    L'armée d'Anjou et du Haut-Poitou s'empara de nouveau, pour quelques heures, de Cholet (6 février 1794), vainquit les Bleus à Beaupréau, à Bressuire, à Argenton-le-Château, culbuta le général Grignon au Bief des Ouilleries, le 27 mars 1794.

    Le 2 mai 1795, Nicolas Stofflet signa sa soumission à Saint-Florent-le-Vieil, mais, nommé Lieutenant général, il se rebella pour la seconde fois quelques mois plus tard.

    Sans doute trahi par son aumônier, l'abbé Bernier, futur négociateur du Concordat, Nicolas Stofflet tomba dans un guet-apens à La Saugrenière et, malgré une belle défense à coups de sabre, resta prisonnier des Bleus.
    Il fut fusillé, en compagnie de son aide de camp et de son brosseur, au champ-de-mars d'Angers.

     

    L'obélisque de Stofflet

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    Couronné par une fleur de lys, l'obélisque de Stofflet se trouve en Anjou, à Maulévrier, près de l'entrée du château Colbert.
    Il fut offert par le comte de Colbert-Maulévrier à son ancien garde-chasse.
    Le monument fut dignement fêté par une foule venue nombreuse, le 20 juin 1826.

    On lit sur le côté orienté vers le château l'inscription suivante :

    "À la mémoire de Jean-Nicole Stofflet, né le 3 février 1753 à Barthellemont, arrondissement de Lunéville, général en chef de l'armée royale du Bas-Anjou, mort à Angers le 26 février 1796. Toujours fidèle à Dieu et au Roi, il mourut en obéissant"

    Et au dos :

    "Ce monument fut érigé par Édouard Victurnien Charles René de Colbert comte de Maulévrier 1820"

     

    Le visage du général vendéen Jean-Nicolas Stofflet (1753-1796) a été reconstitué en 3D par Visual Forensic.

     

    Le visage de Stofflet a été reconstitué en 3D à partir de son crâne exposé au Musée de Cholet. Il a été dévoilé le vendredi 31 mars 2023 au château Colbert à Maulévrier par le Souvenir vendéen à l’origine du projet.

    C’est une des "reliques" les plus précieuses des guerres de Vendée avec le masque mortuaire de Charette...

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (18)

     

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    Aujourd'hui : Frotté...

     

    Fusillé traitreusement, au mépris de la parole donnée, le 18 février 1800...

    Au plus fort de ses succès, il avait réussi à entrainer une troupe de plus de dix mille hommes.

    Le Premier Consul avait fait presque une affaire personnelle de l'élimination du "Général des Royalistes de Normandie". Arrêté par traitrise à Alençon, alors qu'on lui avait délivré un Sauf-conduit pour aller négocier, il sera condamné par une commission militaire, sans avocat ni témoin...

    Il sera le dernier Général des Chouans, "...ce Frotté à l'écharpe blanche, tué par le fusil des gendarmes, avec un sauf-conduit sur le cœur..." qu'évoque Barbey d'Aurevilly dans L'Ensorcelée...

     

    La stèle de Louis de Frotté...

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    ... érigée le dimanche 14 octobre 1973 par le "Souvenir de la Chouannerie normande", au Clos-Frotté, près de Verneuil.

    Source : l'excellent numéro Hors série de la Nouvelle Revue d'Histoire, Printemps-Été 2011, numéro 2H

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (19)

     

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    Aujourd'hui : Cadoudal...

     

    25 juin 1804 : Cadoudal refuse de demander sa grâce. Onze ans après l'année terrible de 1793, l'échafaud se dresse toujours en plein Paris ! Depuis la Terreur, on n'avait jamais vu en un seul jour répandre tant de sang : on va tuer onze de ses compagnons avec lui !

    Fils d'un meunier du Morbihan, "Georges", le colosse, rebelle indomptable et Chouan depuis la première heure, resta fidèle jusqu'au bout au Roi et à la Foi. Ferme jusqu'au dernier moment de son existence, il dit au bourreau :

    "Monsieur, on a dû vous apprendre que j'ai demandé à mourir le premier. C'est à moi, d'ailleurs, de montrer l'exemple."


    Il avait été nommé Lieutenant Général par le Comte d'Artois.

    Après avoir eu la vie de fidélité et d'héroïsme que l'on sait, il atteint au sublime en déclarant à ses compagnons :

    "Nous avions assez souvent battu les bleus pour avoir droit à la mort de soldats ; mais nous ne devons rien regretter, en nous rappelant que l'échafaud sur lequel nous allons monter a été consacré par le martyre de notre roi !"


    Il retrouvait là la veine épique et héroïque de cette femme Tricot qui, pour réconforter ses parents qu'on allait guillotiner, leur lança :

    "Souvenez-vous que votre Dieu est mort sur une Croix, et votre Roi sur l'Echafaud !..."

     

    Cadoudal, vu par Napoléon...

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    "...Tenez, par exemple, il y a parmi les conjurés un homme que je regrette ; c’est Georges.
    Celui-là est bien trempé; entre mes mains un pareil homme aurait fait de grandes choses.
    Je sais apprécier tout ce que vaut la fermeté de son caractère, et je lui a aurais donné une bonne direction.
    Je lui ai fait dire par Réal que s’il voulait s’attacher à moi, non seulement il aurait sa grâce, mais que je lui aurais donné un régiment.
    Que sais-je ? je l’aurais peut-être pris pour aide-de-camp. On aurait crié; mais cela m’eût été, parbleu, bien égal.
    Georges a tout refusé; c’est une barre de fer. Qu’y puis-je ? Il subira son sort, car c’est un homme trop dangereux dans un parti; c’est une nécessité de ma position.
    Que je ne fasse pas d’exemples, et l’Angleterre va me jeter en France tous les vauriens de l’émigration; mais patience, patience ! j’ai les bras longs, et je saurai les atteindre s’ils bougent.
    Moreau n’a vu dans Georges qu’un brutal, moi j’y vois autre chose. Vous devez vous rappeler la conversation que j’eus avec lui aux Tuileries, vous étiez avec Rapp dans la pièce à côté. Je n’ai pu parvenir à le remuer. Quelques-uns de ses camarades furent émus au nom de la patrie et de la gloire, mais pour lui il resta froid.
    J’eus beau tâter toutes les fibres, parcourir toutes les cordes; ce fut en vain, je le trouvai constamment insensible à tout ce que je lui disais. Georges ne parut alors à mes yeux que froidement avide du pouvoir, il en demeurait toujours à vouloir commander les Vendéens. Ce fut après avoir épuisé tout moyen de conciliation que je pris le langage du premier magistrat. Je le congédiai en lui recommandant surtout d’aller vivre chez lui, tranquille et soumis, de ne pas se méprendre sur la nature de la démarche que j’avais faite vis-à-vis de lui, de ne pas attribuer à faiblesse ce qui n’était que le résultat de ma modération et de ma force : "Dites-vous bien, ajoutai-je, et répétez à tous les vôtres que, tant que j’aurai les rênes de l’autorité, il n’y aura ni chance ni salut pour quiconque oserait conspirer".
    Je le congédiai alors, et la suite a prouvé si j’avais raison de lui recommander de se tenir tranquille. Réal m’a dit que quand Moreau et lui s’étaient trouvés en sa présence avec Pichegru, ils n’avaient pu s’entendre, parce que Georges ne voulait pas agir autrement que pour les Bourbons. Eh bien, il avait un plan, mais Moreau n’en avait aucun : il voulait renverser mon pouvoir sans savoir ce qu’il mettrait à ma place. Cela n’avait pas le sens commun..."

    (Cité par Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne, Mémoires)

     

    Blason des Cadoudal, à partir de 1815...

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    La famille Cadoudal est anoblie en 1815, et reçoit le blason suivant :

    "D'azur au dextrochère de carnation, armé d'or, mouvant du flanc dextre, tenant une épée d'argent garnie aussi d'or, à l'écusson d'hermine chargé d'une fleur de lys de gueules, brochant en bouclier sur le dextrochère"

     

    Cadoudal, "Georges", à Paris...

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    À l'angle des rues de Varenne et du Bac (Paris 7ème) , on peut voir un immeuble qui abritait sous l'Empire le Cabaret des Deux-Anges, d'abord dit de "La Cloche d'or".
    C'est au 2ème étage que logea Cadoudal en 1804, alors qu'il ourdissait un complot contre Bonaparte.
    Il se fit arrêter peu après...

    L'immeuble a subi de sérieuses modifications depuis l'Empire, mais l'enseigne des Deux-Anges est toujours là... ainsi que la Plaque commémorative apposée en 1989 sur la facade donnant sur la rue du Bac...

     

    Mausolée de Cadoudal...

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    ...à Auray, sur la colline de Kerléano, tout près de sa maison natale.

    Il fut édifié sous la Restauration, au même moment où Louis XVIII ennoblissait la famille Cadoudal.

     

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (20)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : La Gaubretière...

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    Le 27 février 1794, la colonne infernale Huché massacre environ 130 habitants à La Gaubretière, surnomméee souvent "le Panthéon de la guerre de Vendée".

    1. Pierre Rangeard écrit dans ses Mémoires :


    "Notre infortunée paroisse, déjà si cruellement éprouvée, commençait à peine à respirer, lorsque le 27 février 1794 vint mettre un comble à ces désastres. Dès le matin, des colonnes parties de Nantes, de Cholet, de Mortaigu la cernèrent de toute parts. Ils étaient peut-être 10.000, n'ayant pour mot d'ordre que la mort et l'incendie...
    Plus de 500 personnes furent tuées ! Voici les détails les plus marquants : Mme Le Bault de la Touche chez laquelle l'état-major tenait ses réunions, on lui trancha la tête que l'on jeta dans un bassin plein d'eau. Son corps fut lancé au milieu des flammes avec ceux de ses quatre domestique qui ne voulurent pas l'abandonner et partagèrent son sort. M. Morinière, sa femme, deux domestiques et une de mes tantes furent traités avec la dernière barbarie.
    Sur leur refus constant de crier "Vive la République", ils eurent la langue arrachée, les yeux crevés et les oreilles coupées avant de recevoir le coup de la mort.
    M. de la Boucherie, sa femme, et Mlle de la Blouère, sa sœur, furent suspendus par le menton à des crampons de fer, au milieu de leur cuisine, et consumés dans cet état par l'incendie qui réduisit leur maison en cendre.
    Quatre MM. de Rangot avaient quitté l'armée, au passage de la Loire; ils furent massacrés dans un champ de la ferme appelée le Gros Bois.
    M. le Chevalier de Boisy, frère du comte fusillé à Noirmoutier, succomba sous les coups de assassins auprès du village de la Ripaudière.
    Deux hommes pris dans les jardins de M. Forestier, périrent par le sauvage supplice du pal, au lieu même de leur arrestation.
    Le cœur saigne encore à la pensée de tant d'horreur..."

    2. Madame de Sapinaud écrit également :


    "Les Bleus vinrent à Saint-Laurent où ils commirent mille horreurs.
    Je les entendis passer plusieurs fois devant la maison où j'étais cachée... il me semblait les voir le sabre levé, prêts à me tuer, comme ils avaient faits quelques jours auparavant à Mme de la Touche, à la Graubetière.
    Les ayant entendus arriver, elle se hâta de descendre dans la cour avec une bouteille de vin, croyant les attendrir par la politesse; le premier Bleu qui entra la tua. Sa tête roula dans un bassin plein d'eau.
    Les derniers jours de janvier nous entendîmes crier : "Voilà les Bleus !" J'étais chez Perrine, elle me dit : "Je vais voir s'il y en a beaucoup. Eh ! mon Dieu, lui dis-je, restez donc, il y en aura toujours assez pour vous faire périr !"
    J'étais tout en guenilles, j'avais une vieille coiffe de laine qui était toute jaune...
    Les larmes que je ne cessais de répandre depuis quatre mois m'avaient tellement changée, que j'étais méconnaissable. Comme je sortais quatre Bleus entrèrent. Je fus saisie : "Restez, bonne femme, me dirent-ils; vous avez l'air bien malade !"
    Je m'assis sur une pierre devant la porte et je vis entrer successivement seize soldats. Je m'arrêtai à regarder ces misérables dont l'aspect effrayait tout le monde. Il y avait parmi eux beaucoup d'Allemands..."

     

    Chapelle Notre-Dame des Martyrs...

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    Ce mémorial élevé aux victimes de la Révolution se trouve sur la commune de Saint-Martin-des-Tilleuls, entre Mortagne et Tiffauges...

     

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (21)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Le soulèvement général du gand Ouest, dans son ensemble, et de la Vendée, en particulier, sont évidemment uniques en leur genre.

    Pourtant, à leur image, partout en France on s'est levé contre cette démence sanguinaire des terroristes révolutionnaires, sauvant ainsi également, en tous points du pays,  l'honneur du nom Français.

    Aussi avons-nous choisi de prendre trois exemples de ces soulèvements "pour Dieu et pour le Roi", pour la liberté de l'homme intérieur, et que l'on peut qualifier, sans porter nullement atteinte à la Geste vendéenne, "d'autres Vendées". Soljénitsyne ne dira-t-il pas, d'ailleurs, que les Russes aussi ont eu "leur Vendée" (à Tanbow, comme on le verra plus bas) ?

    On évoquera donc ici :

    • une Vendée dans les Flandres;

    • une Vendée créole, en Martinique;

    • et la "Vendée provençale", d'où surgiront, plus tard, un Maurras, un Daudet...

     

     

    Aujourd'hui : Une Vendée dans les Flandres : Louis Fruchart...

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    "Une Vendée flamande" (1813-1814), par L'abbé Harrau :

    L'année 1813, marquée dans l'histoire du Premier Empire, par de lâches et perfides trahisons, s'achevait sous les plus sinistres présages. Napoléon, après avoir repassé le Rhin avec les débris de son armée, refusait de s'avouer vaincu et un Senatus-consulte avait décrété une nouvelle levée de trois cent mille hommes ; mais la France était dépeuplée, les campagnes étaient épuisées, et nos populations du Nord maudissaient en secret l'humeur guerrière du grand faucheur d'hommes.

    Après avoir fermentée sourdement dans les chaumières, la révolte éclata, terrible, menaçante, le 22 novembre 1813. À Hazebrouck, chef-lieu d'arrondissement, où le sous-préfet De Ghesquières négligea de prendre les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité publique, on eut l'imprudence d'appeler toutes les recrues, près de 3.000 hommes, le même jour et l'on prépara ainsi une journée d'émotions restée célèbre sous le nom de "Stokken maendag". Ce lundi-là, 22 novembre, les conscrits devaient se présenter à la revue. Vers neuf heures du matin, ils firent leur entrée en ville par bandes plus ou moins nombreuses, jurant, vociférant mille insultes contre les autorités et frappant le pavé de leurs bâtons noueux. À dix heures, le nombre des recrues était à peu près complet. On les vit alors parcourir les rues dans un état d'exaspération indicible. Les uns se dirigèrent vers la Petite Place; d'autres suivirent la rue de l'Église et rencontrèrent par hasard la musique communale qui venait d'assister, en uniforme, à la messe Sainte-Cécile; ils voulurent tout d'abord se ruer sur cette troupe paisible et sans armes et s'attaquèrent surtout à Macquart, propriétaire, qu'ils prenaient pour le sous-préfet, quant on parvint heureusement à les calmer et à leur faire comprendre raison. L'hôtel de la Sous-Préfecture était désigné à leur fureur. De grosses pierres lancées d'un bras vigoureux, enfoncèrent la porte-cochère et les cinq employés des bureaux se hâtèrent de se sauver par les croisées. Papiers, glaces, meubles, cristaux voire même le cabriolet, tout fut brisé, mis en pièces et traîné dans la boue. Les salles inférieures sont saccagées et l'on arrive enfin dans une chambre où se tenaient cachés le sous-Préfet et un gendarme nommé Loutres. Le gendarme a compris qu'il faut, pour assurer leur salut, un acte de vigueur, et le voilà qu'il dégaine et s'élance en avant, le sabre au poing; il frappe de droite et de gauche et se fraye un passage à travers la foule qui recule. De Guesquières qui le suivait est reconnu; il est accablé de coups de bâton et il allait périr dans la bagarre sans le dévouement du vitrier Hanicot, son voisin, qui lui ouvrit la porte d'entrée de sa maison. L'infortuné sous-préfet était sauvé. Cependant le sac de l'hôtel continua et les conscrits songeaient même à mettre le feu aux bureaux, mais ils craignirent pour la vie de leurs camarades descendus dans les caves et le cellier. L'intervention de la gendarmerie et de la cohorte municipale mit fin à cette scène lugubre. À peine la nouvelle de ces désordres transmise par l'estafette fut-elle parvenue à Lille, que les autorités civiles et militaires se concertèrent pour envoyer à Hazebrouck le peu de forces disponibles en ce moment dans les dépôts. Des canonniers lillois, réunis aux troupes qui les avaient devancés, apparurent en ville, mirent leurs pièces en batterie sur la Grand'Place, pendant six jours, et rétablirent l'ordre. Ils furent relevés par un détachement d'artillerie de ligne envoyé de Douai.

    Les insurgés, comme on les appelait, pour se soustraire à tout danger, se retirèrent dans la forêt de Nieppe et dans les terrains marécageux des environs, entrecoupés de fossés profonds, et de fortes haies d'épines vives. À la tête des réfractaires et des mécontents qui s'étaient organisés aux abords de Bailleul et de Merville, se distinguait un certain Fruchart, qui fut comme le chef des Vendéens de la Flandre.

    Louis-Célestin-Joseph Fruchart, l'aîné de sa famille, était un brave paysan de l'Alleu ; ses traits expressifs et son visage reflétait un air de dignité supérieure à sa condition. Il était d'une haute stature, d'une force athlétique et d'une intrépidité qui défiait tout péril. On raconte qu'il domptait de quelques coups de main les chevaux les plus fougueux. Un jour, à la fête de La Gorgue, il aperçoit un militaire terrassé et foulé aux pieds par cinq ou six individus. Fruchart ne connaît pas cet homme mais la lâcheté des agresseurs l'indigne; soudain, il fond sur eux, assomme à demi l'un des assaillants et adossé à un mur il soutient, pendant un quart d'heure, une lutte héroïque qui ne prit fin qu'à l'arrivée de la police. Louis Fruchart était un chrétien convaincu autant qu'un royaliste ardent. Dieu et le Roi étaient dans son coeur plein de droiture l'objet de la plus profonde vénération. Que de fois, sous le manteau de la cheminée, Louis avait senti bondir sa jeune âme des plus vives émotions au récit des horreurs de la Révolution; ère de fraternité sanglante, une fraternité de Caïn qui n'était scellée que par le meurtre et le pillage; l'échafaud en permanence; les nobles proscrits ou expirants dans les cachots; les églises saccagées; les prêtres fidèles jetés sur tous les chemins de l'exil ou traqués comme des bêtes fauves.
    Pouvait-il oublier les avanies dont sa famille avait été abreuvée aux jours de la Terreur et les dangers qu'avait courus sa mère, sauvée, comme par miracle, par un généreux voisin : "Oui, mes enfants, racontait la mère, les Bleus m'avaient entraînée sur la place de La Gorgue, et là me présentant la cocarde tricolore, ils voulurent me la faire porter. Je la foulai aux pieds. Ils me menacèrent de me lier à l'arbre de la Liberté : je refuse, répondis-je; et devant l'échafaud je refuserai encore. Rien au monde ne serait capable de me faire changer !"

    Et maintenant qu'il ne suffit plus d'avoir déjà payé la dette du sang ou de s'être fait remplacer, au prix de l'or, deux ou trois fois, maintenant que l'empereur, pour faire face à toutes les puissances coalisées de l'Europe, réclame tous les célibataires valides et veut plonger dans les dix classes libérées (de 1803 à 1813) pour en tirer tout ce qui peut porter le fusil, n'est-ce pas le moment propice pour rallier sous un même étendard les mille et mille réfractaires du pays ? N'est-ce pas l'heure providentielle de servir la patrie en la délivrant du joug cruel qui l'accable et en rendant aux princes légitimes le trône qui leur appartient ? Ainsi pensait Louis Fruchart. Avant de prendre une résolution définitive le jeune homme consulte son père qui le félicite de son projet. "Mon fils, dit le paysan attendri et ému de fierté, je t'approuve ; va et si tu succombes, que ton dernier cri soit : Vivent les Bourbons !" Sa vieille mère, celle-là qui n'avait pas tremblé devant la guillotine, ajoute, les larmes aux yeux : "Louis, la cause que tu soutiens est juste; le ciel sera ta sauvegarde, mon coeur me le dit; nos princes légitimes reviendront sur ce trône qui n'a jamais cessé de leur appartenir. Pars, et ne crains rien; chaque nuit, je serai à genoux à prier. Dieu et ta mère veilleront sur toi."

    Et voici que ce nouveau Jean Chouan, vêtu de la blouse des campagnards, fixe à son chapeau de paille une cocarde blanche avec cette inscription : "Je combats pour Louis XVII." Il s'élance sur un cheval de labour et convoque les villageois insurgés qui veulent partager sa fortune. Ils arrivèrent nombreux et ce capitaine improvisé, après avoir organisé son armée par compagnies et tracé son plan de campagne, adressa à ses compagnons un mot d'ordre que l'on a retrouvé dans ses notes autographes et qui retracent énergiquement ses convictions patriotiques. "Mes amis, leur dit-il, de cette voix forte et accentuée dont il était doué, les puissances coalisées ne se battent contre la France que pour la délivrer de Bonaparte et rétablir les Bourbons, nos seuls souverains légitimes; ne rejoignons plus les armées du tyran; ne lui payons plus aucune espèce de contributions; armons-nous, unissons-nous pour chasser les troupes envoyées contre nous ! Pour se soustraire à la tyrannie, il suffit de vouloir hardiment; Bonaparte est aux prises avec l'Europe; il a contre lui l'opinion publique; il sera bientôt contraint de renoncer au trône usurpé. Un meilleur avenir nous attend ; mais pour l'obtenir, prenons les armes contre celui qui nous gouverne injustement et qui nous prouve, tous les jours, qu'il est capable de sacrifier à son ambition le dernier des Français..."

    Est-ce là le langage d'un chef de bandits et de pillards comme certains voulaient le faire croire ?... Parmi tous ces jeunes gens, conscrits, réfractaires, adversaires politiques, que l'on a évalués au chiffre de vingt mille; dans cette milice de volontaires qui avaient pris les armes pour défendre leurs familles appauvries et ruinées par des guerres incessantes, règne une discipline exacte et soutenue. Toute vexation injuste envers les particuliers est expressément défendue; le vol et le dévergondage sont menacés des punitions les plus sévères; aucune paie ne peut être réclamée et les plus riches fourniront aux vivres et aux besoins de la vie. Pour abréger la lutte on empêchera les fonds publics d'arriver à leur destination. On distribuera aux indigents le produit des captures et les convois de blé et de subsistances destinés à l'armée impériale. Que jamais un juron ne se fasse entendre... Chacun invoquera Dieu pour la cause commune.

    Forts de leurs droits, Louis Fruchart et ses partisans attendirent de pied ferme à Estaires un détachement de 800 soldats envoyés contre eux, par le commandant du Département. On était au 27 décembre 1813. Le tocsin sonne dans tous les villages soulevés; et tous les hommes en état de faire le coup de feu se réunissent au nord, à l'est et à l'ouest d'Estaires. À dix heures, toutes les compagnies sont en ligne et à midi sonnant, elles sont sur la place de la bourgade. Ce qui dépasse 1.500 hommes doit former la réserve. Le père Fruchart, à la tête des conscrits du Pas-de-Calais, se porte à l'est.

    Cependant le chef du détachement venu de Lille et qui s'imaginait que ses troupes allaient disperser ses adversaires au premier choc, eut l'imprudence de sectionner ses soldats en deux corps qui marchèrent l'un sur Merville, l'autre sur Estaires. C'est de ce côté qu'eut lieu la principale attaque. Débordées, à leur grande surprise, par des forces supérieures les troupes impériales cherchent un refuge dans l'Hôtel-de-Ville. Les conscrits pouvaient les en déloger facilement en incendiant l'édifice, mais cette mesure extrême répugnait à Fruchart qui préféra poster ses hommes dans les maisons avoisinantes. De part et d'autre une fusillade nourrie se poursuivit jusqu'au soir. Les réfractaires comptèrent sept hommes tués et vingt blessés. Quant aux assiégés, il firent dans cette rencontre de nombreuses pertes et ils profitèrent des ténèbres de la nuit pour emporter leurs morts et leurs blessés dans un bateau couvert et pour battre en retraite.

    Plusieurs autres escarmouches furent livrées, mais dans ces régions dépourvues alors de grandes routes, et où ne pouvaient pénétrer que de faibles détachements armés, le succès final resta toujours aux rebelles. À la tête de ses francs-tireurs apparaissait sans cesse Fruchart; il semblait se multiplier sur tous les points, aussi son nom et sa personne inspiraient de l'effroi à ses ennemis qui mirent en jeu tous les artifices pour le faire prisonnier. On rapporte qu'un jour, vêtu en paysan, mais armé sous sa blouse, il est accosté par deux gendarmes chargés de l'arrêter. Ces gendarmes qui ne le connaissaient pas, après un échange de quelques mots, lui demandèrent s'il ne pouvait leur indiquer la retraite de Fruchart connu sous le sobriquet de Louis XVII. "Je puis vous le faire voir, répondit-il, venez avec moi." Il les attire près d'une embuscade des siens et leur dit : "Ce Louis XVII que j'ai promis de vous montrer, le voici. En garde !" À ces mots il tire son pistolet de dessous son habit, les charge, les met hors de combat et puis regagne paisiblement ses compagnons.

    Cependant les alliés, Russes, Polonais, Saxons, partis de Courtrai, leur quartier général, pénétraient en Flandre du côté de Bailleul. Le 16 février 1814, le baron de Geismar, colonel aux gardes de l'empereur de Russie et commandant un corps de cavalerie légère de six à sept cents hommes vint prêter son appui aux conscrits insurgés. Il adresse aux habitants du pays de Lalleu et cantons voisins cette proclamation en français : "On fait savoir que tout conscrit et tous autres, qui voudront se battre pour la cause des Bourbons, seront commandés par Louis Fruchart surnommé Louis XVII, qui marche avec un corps de troupes alliées. Ils seront bien nourris, habillés et payés."

    Fruchart profita de ce nouveau concours pour faire triompher dans la vallée du Lys et dans toute la région d'alentour la cause monarchique et pour adoucir les rigueurs de l'invasion. Quand le baron de Geismar arriva à Hazebrouck le 17 février avec ses Cosaques et ses Saxons, Fruchart qui avait toujours traité avec humanité les prisonniers faits par les insurgés, lui qui distribuait aux indigents les produits des prises de guerre, osa lui parler avec autant de courage que d'indépendance et lui déclara qu'il ne souffrirait pas le pillage dont la ville semblait menacée... et les Cosaques ne regardèrent pas sans étonnement ce capitaine paysan coiffé d'un chapeau rond et caracolant fièrement sur sa grosse jument pommelée, au milieu de la Grand'Place d'Hazebrouck, où bivouaquaient leurs chevaux légers tartares.

    Après la première Restauration et au retour de Napoléon de l'île d'Elbe, les volontaires du pays de Lalleu coururent de nouveau aux armes et rejoignirent, à Gand, le monarque fugitif. Dans la suite ils composèrent deux régiments sous les ordres de Bourmont et du Prince Croï-Solre.

    Louis XVIII, rétabli sur le trône de ses aïeux, n'oublia pas la famille Fruchart. Pour récompenser Louis, le chef des Vendéens flamands, il le nomma capitaine de ses gardes. Un de ses frères fut incorporé dans la compagnie de Noailles, un autre fut lieutenant au 28ème de ligne. Quant aux vieux parents, le roi, plein de reconnaissance, leur alloua sur sa liste civile une honorable pension.

    Le 8 janvier 1851, midi sonnant, Louis Fruchart mourut auprès de sa soeur Catherine épouse Leroy dans leur maison Rue Haute à Lestrem.

    Un moment Louis Fruchart passa à l'état d'idole aux yeux de ses compatriotes. Le 27 août 1815, au château d'Assignies, une sorte de petit fanion blanc était offert au chef des Vendéens du Nord par ses admirateurs. Dans le haut de ce fanion étaient peintes trois fleurs de lys surmontées de la couronne royale encadrée de lauriers et des mots : Vive le Roi !
    Dans le bas étaient dessinés quatre personnages à cheval représentant :
    * Louis XVIII, Roi de France;
    * Louis-Célestin Fruchart, valeureux guerrier;
    * Pierre-Joseph-Célestin Fruchart ;
    * Benoît Xavier Fruchart.

    Enfin dans le milieu, figurait le texte suivant :

    Vers adressés à M. Louis Fruchart, au château d'Assignies, le 27 août 1815


    Digne et vaillant sujet d'un Roi que l'on révère,
    Deux fois contre un tyran, tu montras ta valeur;
    Accepte notre hommage : il est aussi sincère
    Que doit l'être pour toi le sentiment du coeur.
    Déjà depuis longtemps ta juste renommée
    Répandait en ces lieux le bruit de tes exploits;
    Heureuse mille fois, heureuse la contrée
    Qui voit ce serviteur du meilleur de nos Rois.
    Toi qui vient embellir ces lieux de ta présence
    Tu laisses dans nos coeurs le plus doux souvenir.

     

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (22)

     

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    Aujourd'hui : Antilles : la Vendée créole de Bernard de Percin...

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    "Histoire inconnue du grand public et ignorée des manuels scolaires, la victoire de la Vendée créole contre la République en 1794 fut celle des blancs, mulâtres et noirs unis dans une même résistance à la barbarie révolutionnaire" dit Odile de Lacoste-Lareymondie, qui raconte dans son livre l’incroyable destinée de son chef, Bernard de Percin, le Charette de la Martinique, celle de Dubuc de Marcoussy, le fier artilleur (de Sainte-Catherine) et Montlouis Jaham, à la tête de leurs compagnies d’hommes de couleur...

    À la veille de la Révolution française, les trois iles d’Amérique fournissaient à la métropole l’essentiel du sucre dont elle avait besoin.
    On avait pris l’habitude de les différencier par un dicton qui en disait long sur la qualité de leurs habitants :

    "Les seigneurs de Saint Domingue, ces messieurs de la Martinique et les gens de la Guadeloupe".

    À l’heure de la grande tourmente révolutionnaire, cette sociologie ne fut pas indifférente au sort que le destin devait réserver à chacune de ces îles.
    Saint-Domingue devint Haïti. La révolte des esclaves et des gens de couleurs avait anéanti tous les colons blancs, résisté aux troupes de Bonaparte et fondé la première république noire indépendante du monde.
    La Guadeloupe, pourtant ouverte aux idées nouvelles, avait dû subir l’effroyable guillotine du sinistre Victor Hugues, que la Convention avait dépêché sur l’île pour anéantir tout ce qu’elle pouvait contenir d’aristocrates et de contre-révolutionnaires.
    Ces messieurs de la Martinique, eux, résistèrent.
    Il y eut suffisamment d’hommes courageux et déterminés pour s’opposer au nouvel ordre des choses. Et ce fut ce que l’histoire a retenu sous le nom de "Vendée Créole" : une Vendée qui eut ses chefs, ses combats victorieux, ses revers, ses débarquements, ses embarquements, qui connut les horreurs de la guerre civile mais aussi les éclats victorieux de ses hauts faits d’armes.
    L’histoire officielle moderne n’est évidemment guère prolixe sur cet épisode de la Vendée créole.
    C’est essentiellement grâce à un homme exceptionnel que les habitants de la Martinique n’ont pas subi le même sort tragique que leurs voisins de la Guadeloupe.
    Cet homme s’appelle Claude Joseph Bernard de Percin, marquis de Montgaillard, comte de Northumberland.
    Selon l’historien Sydney Daney, "parmi ses autres compagnons d’armes, sa réputation brilla comme celle de Charette et de La Rochejaquelein."
    Petit cousin de Joséphine dont il favorisa le départ de la Martinique pour rejoindre son mari, le général de Beauharnais, et sa destinée impériale, et qui l’appelait "mon petit cousin Canon", Claude Joseph Bernard de Percin, dit "Percin-Canon" était issu d’une des plus vieilles familles du midi de la France.
    Originaire de Percy en Normandie, sa famille avait compté un compagnon de Guillaume le Conquérant et s’était installée en Angleterre, puis était revenue en Guyenne avec le Prince Noir.
    Un cadet de cette famille, enseigne de vaisseau en 1726 en Louisiane, prit son congé en 1727 à la Martinique où il finit par s’établir.
    Son petit-fils, notre héros, fut nommé en 1782 sous-lieutenant au régiment de Hainaut, qui faisait partie de ceux envoyés pour la guerre d’Amérique et prit part aux expéditions du Marquis de Bouillé. Ses qualités militaires, son ascendant naturel, sa fidélité à Dieu et au Roi, son intrépidité inouïe, son courage hors pair, l’appelèrent à la tête des "Habitants" et il devint peu à peu le chef de la "Vendée
    créole"...

    Voir le récit détaillé de la Bataille de l'Acajou dans notre note du Jeudi 30 Juin 2016 :

    Martinique, "Vendée créole" : la victoire des royalistes sur les républicains en 1794...

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (23)

     

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    Aujourd'hui : La "Vendée provençale"...

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    C'est seulement en 1812, presque vingt ans après ses forfait, que mourut, misérablement, Antoine-Louis Albitte, lui qui avait porté le fer et le feu, la désolation et le meurtre de masse partout où il était passé...
     
    Surnommé "le tigre de l'Ain", il fut l'un des plus féroces Représentants en mission de la Convention. Sévissant particulièrement dans le quart sud-est de la France (à Lyon, Marseille, Toulon, à l'armée des Alpes...), c'est lui qui est évoqué dans le chant célèbre 'La Ligue noire" :


     "...J'en veux foutre cent par terre
    Et de sang tout inonder ! 
    Oui, je veux, dans la poussière, 
    Rouler Albitte et Crancé..."
    (Crancé était l'autre "représentant en mission", complice d'Albitte en terrorisme de masse et crimes contre l'humanité...)


     
    Lors de la séance de la Convention du 17 juillet 1793 - rapportée par le Moniteur, dans lequel était notée l'intégralité de débats de l'Assemblée - il brossa le tableau d'un Midi contre-révolutionnaire, le comparant à la Vendée, et se trouve ainsi directement à l'origine de l'expression "Vendée du Midi", ou "Vendée provençale"...
     
    Après avoir tant terrorisé et massacré, il mourut lamentablement, de froid et d'épuisement, lors de la retraite de Russie, quelque part dans l'actuelle Lituanie...

    Mais Toulon (rebaptisée Port-la-Montagne, en référence à son Mont Faron) et Marseille, devenue "Ville-sans-nom", pour s'être l'une et l'autre ouvertement révoltées contre la démence révolutionnaire se souviennent de l'horreur que ce sinistre personnage leur a fait subir (comme Lyon, devenue "Ville affranchie" après avoir été martyrisée par le non moins sinistre "canonneur" Fouché...)

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (24)

     

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    Invention et mécanique du Génocide...

     

     

    Aujourd'hui : L'erreur initiale de Louis XVI...

     

    De Jacques Bainville, Journal, Tome III (1927-1935)

    15 juillet 1929

    Supposons qu'on apprenne ce soir qu'une bande de communistes, grossie des éléments louches de la population, a donné l'assaut à la prison de la Santé, massacré le directeur et les gardiens, délivré les détenus politiques et les autres. Supposons que cette journée reste dépourvue de sanctions, que, loin de là, on la glorifie et que les pierres de la prison emportée d'assaut soient vendues sur les places publiques comme un joyeux souvenir. Que dirait-on ? Que se passerait-il ?

    D'abord les citoyens prudents commenceraient à penser qu'il ne serait pas maladroit de mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens. Tel fut, après 1789, le principe de l'émigration. Mais peut-être y aurait-il aujourd'hui plus de français qu'en 1789 pour accuser l'imprévoyance et la faiblesse du gouvernement et pour les sommer de résister à l'émeute.

    Aujourd'hui le sens primitif du 14 juillet devenu fête nationale est un peu oublié et l'on danse parce que c'est le seul jour de l'année où des bals sont permis dans les rues. Mais reportons-nous au 14 juillet 1789 comme si nous en lisions le récit pour la première fois. Il nous apparaîtra qu'il s'agissait d'un très grave désordre, dont l'équivalent ne saurait être toléré sans péril pour la société, qui a conduit tout droit en effet à la Terreur et au règne de la guillotine, accompagnée des assignats. Et le gouvernement qui a laissé s'accomplir sans résister ces choses déplorables serait digne des plus durs reproches.

    Nous avons connu un vieux légitimiste qui disait, en manière de paradoxe, que Louis XVI était la seule victime de la Révolution dont le sort fût justifié. Quel avait donc été le tort de Louis XVI ? Quand on lit les Mémoires de Saint-Priest, on s'aperçoit que l'erreur du gouvernement de 1789 n' a pas été d'être tyrannique (il n'était même pas autoritaire) ni d'être hésitant, ni d'être fermé aux aspirations du siècle. Son erreur, énorme et funeste, a été de ne pas croire au mal. Elle a été de ne pas croire qu'il y eût de mauvaises gens, des criminels capables de tout le jour où ils ne rencontrent plus d'obstacle.

    Saint-Priest montre Louis XVI dans toutes les circonstances, et jusqu'au 10 août, ou peu s'en faut, convaincu que tout cela s'arrangerait et que ni les émeutiers de la Bastille ni les révolutionnaires n'étaient si méchants qu'on le disait, et d'ailleurs, au moins au début, bien peu de personnes le lui disaient. A la Convention, pendant son procès, Louis XVI répondait encore poliment, comme à des juges impartiaux et intègres. D'ailleurs on peut voir dans les Mémoires de Broussilof, qui viennent d'être présentés au public français par le général Niessel, que Nicolas II avait sur l'espèce humaine exactement les mêmes illusions, les mêmes illusions mortelles. Malheur aux peuples dont les chefs ne veulent pas savoir qu'il existe des canailles et restent incrédules quand on leur dit qu'il suffit d'un jour de faiblesse pour lâcher à travers un pays ses plus sinistres gredins !

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (25)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Robespierre, "jugé" par Jaurès...

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    "...Oui, il y avait en lui du prêtre et du sectaire, une prétention intolérable à l'infaillibilité, l'orgueil d'une vertu étroite, l'habitude tyrannique de tout juger sur sa propre conscience, et envers les souffrances individuelles la terrible sécheresse de coeur de l'homme obsédé par une idée et qui finit peu à peu par confondre sa personne et sa foi, l'intérêt de son ambition et l'intérêt de sa cause..."? ("Histoire Socialiste de la Révolution Française", Jean Jaurès, éditée en fascicules puis en 4 gros volumes, de 1900 à 1903)

    On complètera utilement, sans doute, ce court, mais féroce portrait, en rappelant les deux jugements suivants :

    1. D'abord, celui de l'un des trois défenseurs du Roi, de Sèze, qui apostropha le soi-disant "tribunal", et revient sur le coeur même de toute révolution : l'inhumanité. De Robespierre à Pol Pot en passant par le Goulag et le Lao Gaï, la Stasi et la Securitate, Ho Chi Minh et Mao.. les révolutionnaires ont oublié l'essentiel : l'amour de l'homme, la simple humanité... :

    "...Citoyens je vous parlerai avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c’est vous mêmes qui l’accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l’Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n’existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français, la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses !..."


    2. Ensuite ce spirituel et laconique jugement d'Aimée de Coigny (la "Mademoiselle Monk" de Maurras), dans son Journal :

     "M. de Robespierre aimait peut-être le peuple, l’humanité, etc... mais guère les hommes et pas du tout les femmes."

     

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  • Feuilleton "Vendée, Guerre de Géants..." (26)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : "Chimiquement pure... l'idée de la table rase"

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    Patrice Gueniffey est interrogé par Pascal Perrot
    Illustration : tête de Robespierre reconstituée



    - Quelle place Robespierre occupe-t-il dans la mémoire républicaine ?

    Le consensus républicain sur la Révolution française, au début de la IIIe République, s'est fondé sur l'exclusion de Robespierre du Panthéon des grands hommes de la décennie 1789-1799. Cette interprétation, forgée par les Thermidoriens dès le lendemain de la chute de Robespierre, a été popularisée par les manuels scolaires canoniques (Lavisse, Malet et Isaac) de la Belle Epoque. La IIIe République acceptait tout de 1789 à la chute des Girondins (juin 1793), et triait dans la période qui commence en juin 1793. Elle acceptait Danton et Carnot, qui représentaient la défense nationale, et refusait Robespierre, qui incarnait la guerre civile et la Terreur. Par ailleurs, le culte de l'Etre suprême cher à l'Incorruptible était suspect aux yeux de ces anticléricaux. C'est à l'occasion du centenaire de la Révolution, en 1889, qu'est érigée la statue de Danton place de l'Odéon à Paris. Le représentant de cette sensibilité parmi les historiens de l'époque, c'est Alphonse Aulard.

    - Pourtant, Clemenceau et Jaurès revendiquaient "l'Incorruptible" ?

    Oui, mais l'un était radical et l'autre socialiste, donc beaucoup plus à gauche que les "pères fondateurs" de la IIIe République (Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon, etc.). Après eux, le PCF va batailler pour réintégrer Robespierre dans la mémoire glorieuse de la Révolution. L'historien Albert Mathiez est l'interprète de cette thèse à l'université. Il célèbre l'Incorruptible en raison même de la Terreur, instrument, à ses yeux, de l'égalité sociale projetée par Robespierre. Et il est vrai que celui-ci préconisait un impôt progressif sur le revenu, idée qui révulsait jusqu'aux Montagnards respectueux de la propriété privée.

    - Les pétitionnaires qui demandent une rue Robespierre à Paris reprennent donc une revendication classique des communistes ?

    En effet, mais sans l'assumer. Le PCF, du temps de sa puissance, réclamait une rue Robespierre à Paris (il y en a, et même une station de métro, dans les anciens bastions communistes) en se fondant sur son action, laquelle incluait la Terreur. Aujourd'hui, leurs épigones demandent une rue Robespierre en alléguant qu'il n'était pour rien dans la Terreur. C'est le paradoxe: ces pétitionnaires rabaissent le rôle historique de l'Incorruptible afin de le défendre. Ils le rapetissent pour le rendre plus présentable. En somme, c'est une réhabilitation de la Terreur qui n'ose pas se revendiquer comme telle, avec des arguments sommaires. Une sorte de Nuit Debout appliquée à l'interprétation de la Révolution.

    - Sur le fond, Robespierre était-il responsable de la Terreur ?

    Robespierre est l'un des responsables, parmi d'autres, de la Terreur qui a débuté en 1793. A l'époque, d'autres (Fouché, Tallien, Barras), envoyés en mission en province, sont beaucoup plus directement responsables de massacres. En revanche, Robespierre est le principal responsable de la Terreur pendant la période qui va de l'exécution de Danton en avril 1794 à sa propre chute en juillet. La loi du 22 Prairial (10 juin 1794), la plus terroriste de la Révolution, est son œuvre et inaugure la Grande Terreur. Elle supprime les rares garanties procédurales encore accordées aux accusés. Et le tribunal révolutionnaire n'a qu'une alternative: l'acquittement ou la mort. Dès lors, la guillotine fonctionne à une cadence exponentielle. Jusqu'alors, les partisans de la Terreur l'avaient justifiée par les circonstances exceptionnelles (la nécessité de punir les ennemis intérieurs et extérieurs). À partir de Prairial, et par la volonté directe de Robespierre, la Terreur devient consubstantielle à la Révolution. La Terreur n'a plus d'objectif précis ni de fin assignée. Son objectif est de paralyser toute opposition, mais elle multiplie aussi les adversaires de Robespierre, qui ont peur pour leur tête. C'est une période où il n'y a plus ni lois ni règles. Le seul enjeu, pour les conventionnels, c'était de rester en vie.

    - Diriez-vous que la Grande Terreur a été une expérience proto-totalitaire ?

    Oui, cette période a vu l'invention du phénomène idéologique tel qu'on le verra ensuite dans d'autres révolutions. Du reste, Lénine s'en est inspiré pour élaborer sa théorie de la conquête du pouvoir et de la terreur comme instrument au service de la révolution. Pour que l'hécatombe se transforme en un massacre sans exemple dans l'histoire, il ne manquait rien: il y avait une idéologie, une rhétorique du bouc émissaire, la paranoïa révolutionnaire, le culte du chef (l'Incorruptible), des comités, des tribunaux d'exception, un système de surveillance et de délation généralisé. Il ne manquait qu'une chose: le parti. Les jacobins, malgré leurs efforts, n'ont jamais réussi à former un parti homogène et centralisé. Heureusement. Ce qui fait le grand intérêt de Robespierre, c'est précisément la responsabilité, en grande partie, de la Terreur. Il incarne, d'une façon presque "chimiquement" pure, l'idée moderne de la révolution et de la table rase.

     

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