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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (203)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Le canulard "hénaurme" des Camelots du Roi...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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... qui "libèrent" Daudet "par téléphone" (!) et mettent les rieurs de toute la France de leurs côté, du côté de Léon Daudet et du côté de l'Action française...

C'était le 25 juin 1927.

"Le Gaulois", dans son édition du lendemain, raconte "l'affaire" :

"Hier, à midi un quart, M. Catry, directeur de la prison de la Santé, était appelé au téléphone :
"Allo ! ne quittez pas, lui disait une voix. M. le ministre de l'intérieur désire vous parler."
M. Catry attendait durant quelques secondes, et bientôt :
"C'est le ministre qui est à l'appareil. Voici. Nous venons de décider, en conseil des ministres, la libération immédiate de MM. Léon Daudet, Delest et Semard. Vous accomplirez votre mission à l'égard des détenus royalistes d'abord, puis à l'égard du communiste. Veuillez agir vite, car nous désirons prévenir toute manifestation sur la voie publique. Dans une demi-heure vous voudrez bien faire téléphoner à mes services pour le rapport.
Je pars déjeuner, mais les renseignements que vous communiquerez me seront transmis d'urgence."
M. Catry, perplexe et quelque peu méfiant, patientait pendant une dizaine de minutes et demandait, à son tour, le ministère de l'intérieur.
La communication s'établit aussitôt.
"Je désire parler à M. Sarraut. C'est le directeur de la Santé." Attente brève, puis, au bout du fil :
- "J'écoute. C'est M. Catry ?"
- "Oui."
- "Ici, un attaché du cabinet."
- "Est-il vrai, monsieur, que je doive libérer sans retard MM. Daudet, Delest et Semard ? L'ordre étant inattendu, je tiens à me le faire confirmer."
- "Mais agissez vite, monsieur le directeur ! Le ministre, qui vient de partir, vous a téléphoné devant moi. La décision ne fait aucun doute. Procédez à la levée d'écrous sans papiers, comme pour Girardin"
En effet, il y a huit jours, le communiste Girardin, qui faisait la grève de la faim, fut libéré par un ordre transmis téléphoniquement, et sans les formalités usuelles… Alors M. Catry, rassuré, raccrocha le récepteur, coiffa son képi galonné d'argent et alla aviser de la bonne nouvelle MM. Daudet et Delest, qui étaient à table, puis M. Semard.
Les préparatifs furent prompts, les adieux, cordiaux, abrégés, et les portes de la prison s'ouvrirent toutes grandes.
Les deux agents qui sont habituellement de service non loin arrêtèrent un instant la circulation.
Le chauffeur d'une automobile qui stationnait non loin fut hélé, les libérés prirent place dans la voiture et, précédant M. Semard —qui (respect scrupuleux des instructions officielles) devait partir une demi-heure plus tard — MM. Daudet et Delest roulèrent dans une direction… demeurée inconnue.
M. Catry téléphonait aux services pénitentiaires que sa mission était accomplie. Un fonctionnaire aimable prenait note et remerciait. Le tout n'avait pas demandé une heure.
Peu après, M. Catry était convoqué au ministère de la justice, où M. Mouton, directeur des affaires criminelles, lui faisait connaître qu'aucune mesure de libération n'avait été prise en faveur des prisonniers.
Une mystification organisée...
Or, le ministère de l'intérieur et la Sûreté générale n'étaient pour rien dans toute cette affaire. D'après ce qu'on nous dit à l'Action Française, les camelots du Roi s'étaient assuré de onze lignes téléphoniques, parmi les douze qui fonctionnent au ministère de l'intérieur, et s'étaient partagé la besogne de telle sorte que nulle d'entre elles pût être libre pendant le laps de temps nécessaire, à l'exception d'une seule.
Cette dernière devait évidemment jouer entre des comparses, dont l'un brancherait la communication sur celui — ou ceux — qui figurerait tour à tour le ministre de l'intérieur et l'un de ses collaborateurs.
Ainsi la place Beauvau et la rue des Saussaies se trouvaient placées téléphoniquement, pendant une heure, sous la surveillance discrétionnaire d'adversaires habiles et facétieux..."

Léon Daudet, tout en continuant à écrire chaque jour dans L'Action Française, resta introuvable.
Sous le titre "À la recherche de Léon Daudet", le journal royaliste, rendait compte quotidiennement, et narquoisement, des déploiements de police sur tout le territoire et à l'étranger, des contrôles d'automobiles opérés dans des dizaines de villes.
"Décidément, cette auto fantôme aura été vue par des visionnaires, dans tous les coins de la France. Attendons-nous à apprendre que le Mont-Blanc a été assiégé par la force armée, pour cerner nos amis réfugiés dans un des sous-marins de la Mer de glace", s'amusait-on le 14 juillet.


Ailleurs on évoquait le fil télégraphique comme moyen d'évasion.


L'un des compte-rendus (le 3 juillet) de la traque des deux fugitifs évoquait les initiales L. D :

"Nous avons dit hier que l'on avait mis toute la police sur pied à Cherbourg pour l'arrestation éventuelle de Léon Daudet. C'est qu'il s'agissait d'une piste sérieuse ! Qu'on en juge :
De Carentan était signalée une auto marquée des initiales L. D. Cette auto transportait un monsieur et une dame. Nul doute qu'il ne s'agit de M. et de Mme Daudet.
L'auto fut repérée à son arrivé à Cherbourg et filée dans les rues de la ville. À l'hôtel où elle s'arrêta, on laissa M. et Mme L. D. descendre tranquillement et entrer. Quand on eut la satisfaction de les savoir dans la souricière, on prit toutes les dispositions pour l'arrestation. Mais quand la police se présenta au contrôle de l'hôtel, elle apprit que M. L. D. était tout simplement M. L. Duboyle, employé de la White Star Line, très connu à Cherbourg dans les milieux maritimes. Les policiers étaient si dépités qu'ils ont attendu que M. Duboyle sortit de sa chambre pour s'assurer qu'il n'était pas Léon Daudet.
Mais le garagiste de Carentan, qui a signalé la voiture L. D., va-t-il être poursuivi pour mystification ?"

En réalité, muni d'une fausse barbe, Léon Daudet avait passé la frontière dès le 31 juillet 1927, et s'était réfugié à Bruxelles, où il restera pendant pendant deux ans et demi.
Il sera autorisé à rentrer en France en janvier 1930.

 

Dans "L'Humanité" du 26 juin 1927...

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