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Doubler leur salaire comme le propose Hidalgo ? L’art de prendre les enseignants pour des pigeons, par Natacha Polony.

Le diagnostic sur la paupérisation des enseignants est enfin posé.
Hannah Assouline 

La promesse d’Anne Hidalgo de doubler le salaire des enseignants à l’échelle d’un quinquennat relève d’une partition somme toute classique. Voilà déjà longtemps que les socialistes, comme les autres partis, ont abandonné toute réflexion sur l’école. Pourtant, sur ce sujet, il faut une de ces remises à plat que seules permettent les ruptures historiques, estime Natacha Polony. Pour une fois, nous pourrions ne pas attendre la catastrophe.

Que faire, quand on est candidat à l’élection présidentielle pour le Parti socialiste, pour tenter d’exister ? Quand on n’a pas l’ombre d’un programme, ou d’une vision pour la France ? Quand même votre parti vous choisit par défaut, sans conviction, parce qu’il faut bien être présent à l’élection reine ? On se souvient que le Parti socialiste eut autrefois une clientèle, un électorat captif. Et l’on bat le rappel avec tambours et grosse caisse.

La promesse d’Anne Hidalgo de doubler le salaire des enseignants à l’échelle d’un quinquennat relève d’une partition somme toute classique. La mesure n’est pas chiffrée, et La France insoumise elle-même se paie le luxe de moquer un Parti socialiste qui, « autrefois, avait une culture de gouvernement ». Désormais, on peut dire n’importe quoi. Méfions-nous, la dernière fois que le Parti socialiste a lancé une proposition irréaliste, à laquelle son auteur ne croyait pas, pour exister dans une campagne où sa victoire était totalement improbable, cela a donné les 35 heures… À ceci près qu’une augmentation massive du salaire des enseignants serait, elle, souhaitable et nécessaire. C’est là toute la nuance. Encore faut-il s’entendre sur les modalités. Encore faut-il, surtout, avoir un projet pour l’Éducation nationale.

Voilà déjà longtemps que les socialistes, comme les autres partis, ont abandonné toute réflexion sur l’école. La promesse de François Hollande de créer 60 000 postes dans l’Éducation nationale (et non 60 000 postes de professeur, détail qui avait échappé à beaucoup) lui a servi de programme en la matière, et les idées de Vincent Peillon sur la « refondation de l’école » se sont limitées au « renforcement du socle commun » et davantage de numérique dans les classes. Benoît Hamon, éphémère ministre qui n’a pas fait sa rentrée, n’a pas davantage brillé en tant que candidat. Entre-temps, Najat Vallaud-Belkacem s’était faite le chantre, avec la foi du néophyte, de toutes les lubies pédagogiques des idéologues qui tiennent chaque strate de l’institution et l’ont méticuleusement massacrée depuis quarante ans.

Mise en compétition

Commençons par le bilan. Le diagnostic sur la paupérisation des enseignants est enfin posé. C’est une des fautes de Jean-Michel Blanquer de n’avoir pas, dès son arrivée au ministère, lancé la revalorisation comme une des principales urgences. Pour le reste, aucun ministre n’ose bouger, par peur des syndicats. Reste donc le décret de 1950 qui fixe le statut et le temps de travail des enseignants, avec toutes les caricatures auxquelles il donne lieu aujourd’hui. Dix-huit heures par semaine pour un professeur certifié, quinze heures pour un agrégé.

Quel scandale ! Et ils osent se plaindre ? Qui rappelle que ce temps correspond à un calcul précis : pour une heure de cours, une heure et demie de préparation, correction de copies, remise à niveau dans sa discipline, pour un certifié ; et deux heures pour un agrégé, censé fournir des cours plus pointus et lire des copies plus fournies. Donc quarante-cinq heures par semaine. C’est en fait davantage pour les consciencieux, pour les plus impliqués, et moins pour les paresseux, pour ceux qui recyclent chaque année le même cours. À ceci près que les professeurs, contrairement aux salariés classiques, ne seront jamais récompensés pour leur investissement et la qualité de leur travail. Leur seule gratification est de voir leurs élèves progresser et de savoir qu’ils ont été utiles.

« Le statu quo est insupportable parce qu’il broie les enseignants, détruit les vocations et amplifie la relégation de la France à travers la baisse de niveau de ses enfants. »

Revoir l’organisation du système est aujourd’hui un tabou absolu. Nombre de professeurs constatent depuis longtemps ce qu’ils appellent la « libéralisation » de l’école, à la fois triomphe de l’utilitarisme, contre la culture et le savoir, intrusion des intérêts privés, sous couvert, notamment, de développement du numérique, mise en compétition permanente de ce qui devient un marché de l’éducation. Ils craignent que tout changement n’amplifie ce mouvement. Pour autant, beaucoup aspirent à davantage de liberté dans leur travail, de reconnaissance de leur implication, de prise en compte du gouffre qui sépare l’enseignement dans des zones difficiles et dans des établissements de centre-ville.

Le rôle des politiques serait de poser sur la table tous les éléments du problème. Le système de points, totalement sclérosé, qui envoie dans les zones d’éducation prioritaire les jeunes professeurs, et même les vacataires qui ont échoué au concours. La coupure entre primaire et secondaire, en envisageant, pourquoi pas, la bivalence, l’enseignement de deux matières, pour la sixième, pour aider les élèves pour qui l’entrée au collège précipite l’effondrement. Peut-être intégrer davantage la sixième et la cinquième au primaire, et repenser quatrième et troisième comme des charnières d’orientation. Même l’autonomie des établissements scolaires mérite d’être discutée, pour savoir si elle peut être autre chose qu’une prime aux projets pédagogiques délirants et une mise en concurrence généralisée.

Le statu quo est insupportable parce qu’il broie les enseignants, détruit les vocations et amplifie la relégation de la France à travers la baisse de niveau de ses enfants. Là comme ailleurs, il faut une de ces remises à plat que seules permettent les ruptures historiques. Pour une fois, nous pourrions ne pas attendre la catastrophe.

Source : https://www.marianne.net/

Commentaires

  • LE problème est que vous ne pouvez pas refonder l'Education nationale en vous appuyant sur la hiérarchie de l'institution.

    Il faudrait débander tout le ministère (tabula rasa) et repartir au niveau de chaque académie, après avoir opéré une purge des pédagogistes et concédé une réelle autonomie régionale à compétence universelle.

    On y gagnerait aussi beaucoup de moyens budgétaires qui pourraient aider à revaloriser les traitements des profs au même niveau que ceux de nos voisins du Nord.

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