Passe sanitaire : les modalités des ennemis du peuple, par Yvan FALYS (Juriste).
OPINION. Alors qu’il aurait pu en être autrement, le passe sanitaire crée de facto une fracture au sein de la société française, dans ses dispositions actuelles. En préférant cette voie à un modèle fondé sur la confiance et la responsabilité, le gouvernement assume une stratégie perverse.
Imaginez : le président de la République annonce le passe sanitaire en s’excusant, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une privation de liberté et qu’elle sera strictement temporaire. Imaginez qu’il ajoute qu’il sera possible de faire des autotests devant témoin (pharmaciens, restaurateurs, vigiles à l’entrée des magasins, caissières, etc.) et que ceux-ci seront gratuits et valables cinq jours. En contrepartie, le passe pourra être demandé dans tous les lieux clos, y compris dans les RER et les métros. S’ensuivrait un appel à la responsabilisation de chacun et notamment des plus de 60 ans qui ne sont pas encore vaccinés et prennent le risque d’engorger les hôpitaux. Il y aurait eu des réactions, mais pensez-vous vraiment qu’il y aurait autant de monde dans les rues en plein mois d’août ? Aucune des objections des anti-passes n’aurait suscité l’adhésion totale.
Obligation vaccinale déguisée ? Non, vous avez une alternative, le test. Entrave à notre liberté ? Non, devoir perdre 30 minutes tous les 5 jours pour faire un autotest devant témoin n’est pas une atteinte disproportionnée à votre liberté. Rupture d’égalité ? Non, les tests sont gratuits. Contrôle par les citoyens et changement de civilisation ? Non, la mesure est temporaire et un commerçant peut déjà vous demander votre carte d’identité pour vérifier votre âge quand vous achetez de l’alcool ou des cigarettes (même si la comparaison est discutable). Inefficacité sanitaire ? Non, le manque de précision des autotests (il y a surtout des faux positifs) et leur durée de validité de 5 jours seraient largement compensés par la masse et la fréquence des tests effectués.
Ce qui choque, ce n’est pas le passe sanitaire en soit, mais la perversité d’un gouvernement qui piège une partie de sa population qu’il croit minoritaire pour en faire des boucs émissaires des échecs de sa politique sanitaire. Répéter à l’envi que la liberté vaccinale sera garantie, puis, une fois qu’une majorité de Français (dont moi) se sont fait vacciner, revenir sur sa parole est pervers. Créer deux catégories de citoyens, les bons, vaccinés dès 12 ans et majoritaires (bolcheviks en URSS) qui ont le droit de retrouver une vie normale, et les marginaux (hooligans en URSS), promis à la relégation sociale (sauf s’ils ont les moyens de payer les tests) et désignés à la vindicte populaire, est pervers. Être fort avec les faibles, mais reculer lâchement devant la moindre rumeur d’un possible fort (les camionneurs seront exemptés de passe pour accéder aux relais routiers) est pervers.
Un gouvernement pervers a besoin d’ennemis faibles. Le gouvernement croit qu’il n’a plus en face de lui que des papillons jaune fluo qui viendront se fracasser sur le parebrise de sa force publique. Il a peut-être raison, ne sous-estimons pas notre propre perversité. Si la nature humaine ne ressentait pas un certain plaisir sadique au sentiment de faire partie des happy-few, ça se saurait. Beaucoup de Brésiliens peuvent admirer, depuis la piscine du balcon de leur appartement, le mur qui sépare leur quartier des favelas. Je n’ai pas entendu dire que cela nuisait à leur bonheur… Pourtant, la présence de nombreux vaccinés dans les cortèges démontre que décidément le monde n’est pas encore un village et que les Français ne sont pas des Brésiliens.
Les modalités actuelles du passe heurtent notre roman national construit autour des valeurs de liberté, égalité, fraternité. Les manifestations sont peut-être un baroud, mais ceux qui y participent, vaccinés ou non, sauvent l’honneur de la France.
Source : https://frontpopulaire.fr/