Lettre ouverte aux nouveaux convertis du sanitairement correct, par Jean-Michel Pradel.
Madame, Monsieur,
Je m’adresse à vous qui, au cours de cette crise, avez adhéré, après quelques hésitations, aux lignes directrices tracées par nos gouvernants (confinement, couvre-feu, masques à tous les étages, passe sanitaire, vaccination quasi obligatoire).
À vous qui, par ailleurs, vous êtes toujours distingués par vos grandes aptitudes intellectuelles et votre capacité à vous démarquer de l’air du temps quand cela vous semble juste, sur des lignes plutôt souverainistes ou patriotes.
Je pense que vous faites fausse route, et j’ai du mal à m’y résoudre, au regard de l’importance du sujet, de l’estime que je porte à vos idées et du trouble que cela peut provoquer au sein même de vos admirateurs.
Avant tout, définissons ce sanitairement correct : jusqu’à récemment, la santé était perçue comme un moyen de vie, un « outil » permettant l’expression dans de bonnes conditions de toutes ses potentialités humaines, affectives, culturelles, philosophiques, voire patriotiques. Cette conception s’est fracassée sur le mur du déconstructivisme ambiant qui, reniant les valeurs que je viens de citer, face à son nihilisme, se replie vers une folle fuite en avant sanitariste, qui devient de facto une fin en soi avec, pour seul compagnon de route, les idéologies trans, autres symptômes de la déconstruction.
Je pense que cette nouvelle idéologie « totalisante » est un ultime instrument de destruction de nos structures traditionnelles vitales, celles de la common decency chère à Michéa.
Je pense que pour un gouvernement en errance à la fois idéologique et technique, le Covid est devenu un outil extraordinaire de reprise en main de la situation, en jouant sur la terreur de la maladie, pour apparaître en sauveur des corps, à défaut des âmes.
Je crois qu’il nous engage dans le scientisme où, par une extraordinaire hubris, le fait scientifique invérifié est « saisi » comme une révélation divine qui vient régir nos comportements et nos vies.
Je pense, enfin, que cette fuite en avant pervertit la vraie science, devenue une fonction supplétive de l’acte politique à l’aide de courtisans en blouse blanche, aux dépens de toute réflexion complexe sur le rapport bénéfice individuel-collectif/risque individuel-collectif.
Par cette adhésion, vous risquez non seulement bien sûr de vous fourvoyer, mais de mettre à mal tout l’édifice conceptuel que vous avez patiemment élaboré et sur la base duquel tant de gens ont repris espoir. En d’autres termes, je crains que vous ne jouiez le rôle trotskiste peu enviable d’idiots utiles des transformations profondes dans lesquelles la gouvernance actuelle nous aspire.
Je voudrais vous rappeler une règle d’or que vous connaissez bien sûr parfaitement en tout autre domaine, à savoir que des contre-vérités répétées 200 fois ne deviennent pas des vérités. Les aspects techniques de la médecine, associés à la peur de la maladie, rendent très vulnérables aux discours répétitifs des Diafoirus de plateau. Gardez intact, je vous en supplie, votre doute critique.
Je vous conjure, pour ces raisons, de porter, quitte à les réfuter le cas échéant, une attention particulière aux vrais scientifiques et universitaires de la santé qui n’ont pas adopté l’attitude paresseuse de conformation à la pensée dominante, et dont l’entrave majeure à leur expression les rend malheureusement quasi inaudibles.
Le mythe d’une santé parfaite, hyperbole de l’expression populaire « Tant qu’on a la santé », rate non seulement sa cible mais détruit tout sur son passage : à l’usage des plus nietzschéens, je rappellerai sa prophétie : « La mort vivra une vie humaine. » Ne transformons pas nos vies en une simple survie.