Pour une opposition rationnelle au macronisme.
COMMUNIQUÉ. Après l’allocution présidentielle fourre-tout du 12 juillet, le renforcement sanitaire se poursuit. Des camps se forment et la France se divise au lieu de faire front. Une opposition rationnelle au macronisme est plus urgente que jamais.
Près de 115 000 Français ont manifesté à travers toute la France ce samedi, cinq jours après l’annonce présidentielle des nouvelles conditions sanitaires sur le territoire français (obligation vaccinale pour les soignants, incitation générale à la vaccination, extension du passe sanitaire, déremboursement des tests PCR…).
Malgré certaines différences de ligne idéologique entre les intervenants les plus en vue et entre les manifestants eux-mêmes (certains clairement « anti-vaccins », d’autres principalement opposés la logique du « passe sanitaire »), un plus petit dénominateur commun a largement émergé : contester la mise en place de ce qu’à peu près tous considèrent une situation « tyrannique » inédite dans l’histoire de France récente : une société à deux vitesses fondée sur la discrimination entre « vaccinés » et « non-vaccinés ».
« Non à la dictature sanitaire ! », « Macron démission ! », « Macron dictateur ! », « libérons la France », « Je ne suis pas un cobaye », « Mon corps mon choix », pouvait-on par exemple entendre à Paris où trois manifestations ont rassemblé environ 18 000 personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Même son de cloche, semble-t-il, sur le Vieux-Port à Marseille, à Bordeaux, à Nice, à Toulouse, à Strasbourg ou à Quimper.
Une présidence illégitime
Entendons-nous bien : nous sommes de ceux qui considèrent que l’on n’a jamais fini de dénoncer les compromissions, les mensonges et les louvoiements de la macronie en général, et d’Emmanuel Macron en particulier. Au-delà de son système de valeurs (néolibéralisme autoritaire), la parole de ce dernier a été durablement discréditée et en égrener ici la liste serait long et fastidieux. Rappelons tout de même quelques éléments récents pas piqués des hannetons :
« Les gens qui peuvent vous dire qu’on aura un vaccin au mois de mars ou au mois d’avril vous trompent. » (Salon BPI France, 1er octobre 2020)
« Je vais être clair, je ne rendrai pas la vaccination obligatoire. » (allocution présidentielle, 24 novembre 2020)
« Le passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français. Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis. » (Entretien Ouest-France, 29 avril 2021)
« J’ai toujours tenu un langage de vérité. » (allocution présidentielle, 12 juillet 2021)
Il se trouve qu’entre temps, plusieurs vaccins ont été mis au point, que la vaccination prend des allures d’obligation (via le déremboursement des tests PCR), que le passe sanitaire est bien en passe d’être étendu aux lieux de la vie de tous les jours, et que, dès lors, il s’en faut de beaucoup que l’on puisse parler de « langage de vérité » !
Il est évident que le logiciel du macronisme est en tout point opposé à ce que nous défendons et espérons pour la France. Cette défiance s’inscrit jusque dans son illégitimité même à gouverner étant donné le contexte – jugé illégal par notre chroniqueur Régis de Castelnau - de son élection en 2017.
Mais de même qu’il serait stupide de vouloir démolir le palais de L’Élysée (qui appartient au patrimoine des Français) au seul prétexte qu’il est momentanément habité par Emmanuel et Brigitte Macron, il est urgent de découpler la parole personnelle d’Emmanuel Macron de la stratégie sanitaire française.
En somme, ce n’est pas parce que ce que dit Macron est souvent faux ou mauvais pour la France, qu’il faut tenir pour systématiquement faux ce qu’il dit. C’est toute la différence entre l’exercice de l’esprit critique et le réflexe pavlovien. Il faut prendre Emmanuel Macron pour ce qu’il est : une horloge cassée qui, comme toutes les horloges cassées, finit mécaniquement, à un moment ou un autre, par donner la bonne heure (deux fois toutes les 24h).
La question vaccinale
La question vaccinale a moins à voir avec la liberté d’opinion qu’avec la responsabilité de l’État. Les vaccins fonctionnent partout dans le monde, quels que soient les gouvernements en place. Et paradoxalement, la problématique du vaccin reste davantage politique que scientifique. Les citoyens opposés aux vaccins ne refusent pas l’usage du vaccin sur la base d’une analyse rationnelle des propriétés du vaccin (peu de gens savent comment fonctionne un vaccin et du reste tout le monde prend de l’aspirine…molécule synthétisée par le géant allemand de l’agrochimie Bayer, acheteur récent de Monsanto !), mais parce qu’ils n’ont pas confiance dans « l’élite » qui veut le leur injecter.
Une « ruse de Parmentier » aurait peut-être suffi à le démontrer. Contexte : on dit qu’au 18ème siècle, le pharmacien Antoine Augustin Parmentier eut une idée ingénieuse pour faire manger à ses concitoyens une pomme de terre jusqu’alors réservée aux seuls animaux et considérée par le peuple comme toxique. Dans la pleine des Sablons, il fit garder les champs de pommes de terre le jour par des hommes en armes, mais pas la nuit. Comprenant que la denrée devait être rare et précieuse, les paysans se ruèrent la nuit pour en voler et les planter dans leur champ.
Procédons à l’expérience de pensée suivante : de même, si Macron avait déclaré publiquement que le vaccin allait être momentanément interdit pour les Français et réservé aux seuls hauts fonctionnaires d’État, les mêmes qui refusent le vaccin actuellement auraient probablement appelé à manifester pour le droit pour le peuple d’accéder au vaccin, arguant qu’il fallait en finir définitivement avec les privilèges iniques de l’élite…Preuve que la question est ici celle de la confiance et non celle de la validité des sciences dures.
À l’heure actuelle, sur le plan strictement scientifique, tous les arguments anti-vaccin ont été rationnellement réfutés, et ce par des gens qui n’y ont aucun intérêt personnel particulier autre qu’un certain goût pour la rigueur et l’exactitude (cf notre grand entretien à paraître avec Jacques Sapir). Les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montrent que sur 2120 tests positifs, 1700 concernent des non-vaccinés, lesquels représentent donc 80% des cas positifs. Ces chiffres se retrouvent un peu partout dans le monde. Aux États-Unis, 99,2% des morts du Covid en juin n’étaient pas vaccinés. Le taux atteint même 100% dans l’État du Maryland.
Le seul argument vaccinal non réfuté est celui des « effets potentiels à long terme » du vaccin et pour cause, cet argument ne peut pas être réfuté empiriquement. Toutefois, il peut l’être théoriquement : dans la longue histoire de la vaccination, aucune maladie rare n’a jamais été détectée plus de huit semaines après injection d’un vaccin.
De surcroît, il peut être renversé : le vaccin est récent donc son innocuité à long terme ne saurait être acquise. Admettons, mais il en va alors de même du Covid. Qu’est-ce qui nous garantit que l’infection par le Covid-19, jugée largement bénigne par les anti-vaccins, n’aura pas à long terme des conséquences désastreuses qu’elle n’a pas à court terme ? Rien. Or, les mêmes qui refusent les vaccins au nom d’un horizon d’analyse prétendument flou ajoutent que ce dernier n’est pas nécessaire puisque la maladie est peu dangereuse pour la majorité des gens, avec le même flou sur le long terme. D’ailleurs la symétrie est fausse, car nous savons justement qu’il y a des « Covids longs » en particulier chez les jeunes adultes.
L’ambiguïté du passe sanitaire
La question du passe sanitaire est encore plus politique que celle des vaccins. Son extension s’insère dans le « projet de loi relative à l’adoption de nos outils de gestion de la crise sanitaire » qui est présenté ce jour en conseil des ministres pour promulgation début août.
Actuellement entre les mains du Conseil d’État, il pourrait également passer devant le Conseil constitutionnel. Au cœur du débat : la question de la « disproportion » entre l’objectif poursuivi (protection de la santé publique) et l’atteinte aux libertés engendrée par la mise en pratique.
À ce titre, l’avant-projet de loi posait déjà réellement question, proposant notamment d’enfermer les positifs au Covid pendant 10 jours, sous la juridiction d’un Juge des libertés et de la détention (JLD), donc par déclinaison sous contrôle policier. Le fameux « isoler » du triptyque – pourtant peu appliqué faute de moyens depuis un an – « tester, tracer, isoler ». Dans ce cadre, une autorisation de sortie serait accordée entre 10h et 12h ainsi que des aménagements pour la « poursuite de la vie familiale »…
Une fois admis l’impératif de la vaccination dans une politique sanitaire sensée, l’impératif du contrôle des vaccinations s’entend comme une conséquence logique. Pour autant, la crainte de la mise en place d’une société de contrôle est largement compréhensible (les autorités sanitaires chinoises elles-mêmes viennent de recadrer le fonctionnement du passe sanitaire dans les provinces du pays en insistant sur la coopération « consentie »).
Présenter un QR-Code à l’entrée de chaque lieu de la vie rend possible le traçage des activités quotidiennes. Les données ne seront pas enregistrées, nous a-t-on prévenus pour rassurer les foules ? Qu’il nous soit permis d’en douter (non pas parce qu’il faudrait douter de tout, mais précisément parce que ce doute est rationnel).
Dans une tribune publiée vendredi 16 juillet dans le Figaro, Cyrille Dalmont, spécialiste du numérique de l’Institut Thomas More, affirme que l’application « TousAntiCovid » n’est pas respectueuse de la vie privée des utilisateurs : « si le QR code est effectivement stocké en local sur un smartphone (ou sur une feuille de papier), il devient actif dès qu'il est scanné. C'est sa vocation même ! Une application de tracking et de back tracking (identification des relations interpersonnelles) ne fonctionne pas autrement et les informations recueillies sont alors stockées dans des bases de données distantes. »
Par ailleurs, tel qu’il est déployé par le gouvernement – dans la précipitation et au doigt mouillé -, le passe sanitaire n’est pas fonctionnel. Demander aux citoyens de se contrôler entre eux ne pourra qu’accentuer la fracture sociétale entre les « pro » et les « anti ». C’est faire reposer un travail de police sur les épaules de commerçants dont ce n’est pas le métier ni la vocation. Quant à l’exploitant qui écoperait de 45 000 euros d’amende et d’un an de prison pour manquement à l’obligation de contrôle, même Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, juge la mesure excessive !
Plus largement, le fait que l’accès à l’espace public soit conditionné à la présentation de données de santé pose une vraie question philosophique. Comme l’a relevé l’euro-député François-Xavier Bellamy récemment dans une tribune dans le Figaro, cette décision devrait à minima faire l’objet d’un débat parlementaire. Le premier passe sanitaire avait été accepté par les autorités administratives françaises précisément car il ne concernait pas les lieux de vie quotidienne…
En réalité, le gouvernement est face à un problème majeur de stratégie : ayant annoncé que la vaccination ne serait pas imposée de façon discrétionnaire, puis ayant pris conscience qu’elle était la meilleure chance d’atteindre l’immunité collective, il est obligé de la rendre obligatoire officieusement en sur-contrôlant les Français. Il aurait été beaucoup plus clair et efficace (et surtout loyal) de rendre la vaccination obligatoire (en Etat stratège), de renoncer au passe sanitaire, et d’encadrer la couverture vaccinale par le biais de la sécurité sociale.
Réhabiliter la raison citoyenne
« Je suis l’ami de Platon, mais plus encore de la vérité », nous rappelle Aristote dans son Éthique à Nicomaque. Nous pourrions retourner la formule : nous sommes les adversaires de Macron, mais plus encore ceux de l’erreur. Et en l’état actuel des données scientifiques, dire que le vaccin est un poison est une erreur.
À ce titre, il nous faut retrouver collectivement le goût du jugement rationnel, et éviter ce que la philosophe Catherine Kintzler a appelé la « dictature avilissante de l’affectivité ». En l’occurrence, l’exemple présidentiel est probant : Emmanuel Macron est insupportable, or il défend la vaccination et le passe sanitaire, donc la vaccination et le passe sanitaire sont insupportables. Le syllogisme paraît rigoureux, mais il est fautif.
Cette émotion pose un redoutable défi à la démocratie en tant qu’il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Or, s’il n’y a plus d’arguments réels irréfutables contre les vaccins, il existe des arguments intéressants pour et contre la mise en place du passe sanitaire. S’empêcher de penser une problématique du seul fait que l’on conteste la légitimité de celui qui la symbolise dans l’espace public (Macron, en l’occurrence) est une erreur. La pensée rationnelle est une lutte de tous les instants. Or la démocratie est le lieu d’expression du citoyen éclairé par sa raison et son libre jugement…ou n’est pas.
Au cœur des manifestations de ce week-end, il y avait là des Gilets jaunes, des citoyens anonymes, des drapeaux français, quelques Marseillaises chantées par tel ou tel petit groupe. Et puis malheureusement, beaucoup de citoyens de bonne foi agitaient des banderoles « vaccin = thérapie génique = génocide » ou encore « vaccins = poison », pour ne rien dire des rapprochements avec la Shoah. Mélange des genres irrationnel, condamnable et honteux (qui nous rappelle celui des Gilets jaunes déconsidérés dans l’opinion à cause des Black blocs), car il jette en partie le discrédit sur un large mouvement populiste pourtant légitime et donne inévitablement l’occasion à certains médias de fredonner le vieil air populophobe du : « alors, vous voyez bien que ce sont des beaufs… »
Plus largement, le discrédit jeté sur une partie des médias traditionnels n’empêche pas d’interroger le fonctionnement en vase clos de l’information « dissidente ». Les réseaux sociaux et l’information numérique deviennent petit à petit un piège, car les algorithmes favorisent les biais cognitifs de confirmation, créant des îlots communautaires de gens d’accord entre eux sur une vérité (dès lors très relative) qu’ils auront fabriquée ensemble. Chacun renforce ses propres croyances par accumulation de pseudo-arguments venant confirmer ce qu’il pense déjà. Au lieu de penser la société comme des classes sociales qui s’affrontent politiquement, nous sommes amenés à la penser comme des strates cognitives enfermées dans leur chez-soi idéologique. Il y a une différence entre déclarer aimer la vérité et déclarer vraies les idées qu’on aime.
Dans La société malade, le sociologue Jean-Pierre Le Goff montre bien les limites de cette approche des choses : « Les faits sont censés parler d’eux-mêmes alors qu’ils sont intégrés d’emblée dans un système de pensée qui les relie entre eux à partir d’a priori (…) Il y a de l’intention et de la volonté cachée partout ; tout ce qui vient d’« en haut » est suspect ou mensonger ; inversement, tout ce qui vient d’« en bas » est authentique et bon. À partir de tels a priori sous-jacents, il est facile d’aller chercher dans la réalité tout ce qui de près ou de loin est censé les valider. »
Vaincre (vraiment) le macronisme
Les souverainistes ont tant perdu de batailles politiques depuis les années 1980 et l’avènement de l’euro-libéralisme que beaucoup sont désormais prêts à tous les calculs démagogiques pour tenter de reprendre le contrôle. Hypothèse court-termiste et potentiellement ravageuse.
L’esprit militant est important, car il pousse nos contemporains à se hisser à hauteur des affaires civiles, à assumer pleinement leur rôle de citoyen, mais il ne saurait souffrir de trop de garde-fous, sous peine de devenir une prison mentale. Se libérer politiquement de la macronie ? Oui ! Mais pas au prix d’une nouvelle aliénation. Le doute est fondamental, bien sûr, mais à condition qu’il ne mute pas en son contraire, car le doute perpétuel n’est qu’une certitude inversée.
Les derniers sondages Ipsos/Sopra Steria montrent que les mesures sanitaires sont approuvées par la majorité des Français. La majorité a-t-elle forcément raison ? Difficile à dire, mais en tout cas, en démocratie, elle décide (au moins théoriquement). Et malgré les problèmes éthiques réels que peut poser le passe sanitaire, une campagne massive de vaccination est à l’heure actuelle l’arsenal le plus performant pour endiguer la crise et désengorger les hôpitaux au moment des pics de contagion.
Comme le rappelle Guillaume Rozier, le créateur du site Covid tracker, même si environ 3 millions de Français (4,4% de la population) ont pris rendez-vous pour la vaccination Covid sous 48h après l’allocution présidentielle, la France demeure à la 18ème place des pays du continent européen en termes de couverture vaccinale (avec 37% de vaccinés double dose et 53% de vaccinés première dose). Les Français, héritiers de Pasteur, sont parmi les peuples les plus sceptiques du monde quant à la vaccination. Il n’y a pas lieu de s’en réjouir.
Il est plus que jamais nécessaire d’attaquer l’empire managérial post-historique macronien, mais pour que les coups portent, il faut aller au cœur du dispositif, celui de la bureaucratisation gestionnaire et comptable qui a transformé l’État en général, et l’hôpital en particulier, en entreprises. Ce processus d’austérité budgétaire et de rationalisation des coûts est le fruit de l’Union européenne ordolibérale et de ses porte-drapeaux successifs. Macron doit être combattu en tant qu’il est l’agent de cet ordre maastrichtien, car ce carcan est celui qui conditionne tous les autres.
La division des patriotes français ayant à cœur de mener ce projet serait le pire signal envoyé au pouvoir euro-macronien à un an de l’élection décisive de 2022.
Front Populaire
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