Gilles-William Goldnadel: «Théo est mort dans le silence des “antiracistes” sélectifs».
Gilles-William Goldnadel AFP
Alors que le jeune Théo a été assassiné par un ressortissant sénégalais disposant d'un titre de séjour valable jusqu'en juillet 2021, une partie du monde culturel et médiatique rabâche la même vulgate indigéniste. L'essayiste et avocat Gilles-William Goldnadel dénonce un antiracisme qui choisit ses victimes et ses coupables.
La dilection pour l'altérité non-occidentale, ou pour le dire plus crûment, la préférence pour cet Autre qui n'est pas blanc me paraît, au prix de me répéter inlassablement, le marqueur indélébile de la débilité du temps. Trois exemples tirés de l'actualité de la semaine.
À Claye-Souilly, Théo, 18 ans, a été poignardé à mort par un délinquant sénégalais en situation régulière en France, disposant d'un titre de séjour en bonne et due forme, valable jusqu'au 20 juillet 2021, déjà connu des services de police... Ce martyr innocent est également victime de l'occultation délibérée par la presse conformiste ordinairement antiraciste.
Au rebours du Figaro, Le Monde et France Inter ont tu soigneusement le statut et l'origine du meurtrier. Des tartuffes pourraient objecter qu'il est dangereux de focaliser racialement.
Il faudra nous expliquer dans ce cas leur insistance chromatique obsessionnelle sur les couleurs de peau de Derek Chauvin et de sa victime Georges Floyd.
Pauvre Théo, définitivement disparu et passé à la trappe médiatique. Son célèbre homonyme, toujours en vie, aura occupé durant des jours l'espace médiatique jusqu'à voir son cas évoqué par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Obscénité de la différence de traitement du fait de société. Le fait divers n'est édifiant que s'il concerne la diversité.
(...) l'invitation faite à Spike Lee de présider le jury du festival de Cannes est la preuve la plus emblématique de cet antiracisme sélectif qui montre l'indulgence pour l'Autre en même temps que le mépris des siens.
Jeudi dernier, huit heures et douze minutes sur France Inter. Reportage empathique sur Khaled, migrant algérien qui tente de pénétrer illégalement sur le territoire français en suite de la faillite économique de son pays. Khaled décrit son «rêve». Il ne viendrait pas à l'idée du journaliste de service public d'interviewer avec la même empathie Pierre qui raconterait son cauchemar de voir pénétrer tous les Khaled au mépris de la souveraineté et de la sécurité de son pays.
Mais pour être moins dramatique, l'invitation faite à Spike Lee de présider le jury du festival de Cannes est la preuve la plus emblématique de cet antiracisme sélectif qui montre l'indulgence pour l'Autre en même temps que le mépris des siens.
L'homme noir au smoking rose a été accueilli en héros sur la Croisette.
Il commence évidemment son discours par la stigmatisation des violences policières dans son pays et la victimisation de ses frères de couleur : «quand vous voyez le roi George Floyd, tué, lynché, vous pourriez croire et espérer que plus de 30 putains d'années après, les personnes noires ne soient plus chassées comme des animaux».
Et l'AFP de résumer : «Spike Lee a placé d'emblée le festival sous le signe de la lutte, dénonçant les discriminations raciales et de genre».
C'est donc sur ce territoire hagiographique que Libération évoque «sa stature de guérillero» tandis que le Monde rend hommage à un «infatigable militant».
Sauf que sous ce statut gratifiant, gît un individu autrement moins reluisant.
C'est ainsi que dans son film Get on the Bus (1996), où le méchant de l'histoire est un chauffeur juif, Spike Lee célèbre la Marche du Million, une manifestation organisée un an auparavant à Washington par Louis Farrakhan, le leader raciste noir, antisémite, négationniste et homophobe de la Nation de l'Islam, organisation suprémaciste, noire et islamiste. Prêcheur de haine, Farrakhan a traité les blancs de «diables aux yeux bleus», Hitler de «très grand homme» et les juifs de «sangsues» accusées d'avoir fomenté le trafic d'esclaves et de diriger le gouvernement, l'économie, Hollywood et les médias. Pas gêné pour si peu, Spike Lee déclare: «Je suis allé voir le ministre Farrakhan pour avoir sa bénédiction». Lee fait même appel aux miliciens violents de l'organisation raciste pour sécuriser les plateaux de ses films.
Péchés de jeunesse de Spike aujourd'hui prescrits ? En 2014, Farrakhan considère le judaïsme comme un «mensonge trompeur» et évoque encore ces «juifs sataniques qui contrôlent tout».
Cela n'empêche pas Lee de l'embrasser voluptueusement à l'avant-première de son film Chi-Rak à Chicago en 2015.
La sollicitude bienveillante de Spike Lee est identique à l'égard d'un autre raciste et antisémite noir, son «ami» Al Sharpton qui aura servi de modèle à Tom Wolff dans son Bûcher des Vanités pour camper son sulfureux révérend Bacon. Al Sharpton s'est rendu célèbre lorsqu'en 1991, après qu'un conducteur juif d'une ambulance tue accidentellement un garçon noir, il encourage de violentes émeutes dans le quartier de Crowh Heights à Brooklyn. : «Les juifs sont des «marchands de diamants» avec «du sang de bébés innocents sur les mains». Un étudiant israélite est même tué par une bande qui le poignarde à cette occasion. Cet épisode qui le discrédita fut narré en décembre 2014 dans Le Monde qui l'oublia lorsqu'il évoqua sans esprit critique l'homélie du pasteur en hommage à Georges Floyd.
Cela n'empêcha pas l'antiraciste Spike Lee de faire l'apologie de Sharpton en 2020 : «Mon frère a été à l'avant-garde de nos batailles encore et toujours. Depuis très longtemps jusqu'à cette révolution actuelle dans laquelle se trouve le monde. Le révérend a parlé de Black Lives Matter dès le début ... J'ai hâte, d'être debout à ses côtés…»
Le réalisateur «antiraciste» encensé a également relayé une théorie conspirationniste extravagante selon laquelle le gouvernement américain a créé le virus du sida : «tout d'un coup une maladie surgit de nulle part …qui cible spécifiquement les gays et les minorités. La maladie mystérieuse, ouais, à peu près aussi mystérieuse que le génocide… je suis convaincu que le sida est une maladie conçue par le gouvernement», déclare-t-il au magazine Rolling Stone.
Autre morceau de bravoure: après avoir visité l'Afrique du Sud «l'antiraciste» déclare: «je voulais sérieusement prendre une arme et tirer sur des blancs. La seule façon de résoudre les problèmes est un bain de sang».
Est-il imaginable que les organisateurs du festival de Cannes demandent à un réalisateur blanc, admirateur du Klu Klux Klan , de présider le jury ?
Gilles-William Goldnadel
Racialiste jusqu'au bout des ongles, Spike Lee avoue son dégoût pour les couples mixtes :
«Je ne vois jamais d'hommes noirs avec de belles femmes blanches… Et vous voyez toujours des hommes blancs avec de belles femmes noires». Lui-même a promis de ne jamais entretenir de relations avec des femmes blanches : «Je ne trouve pas les femmes blanches attirantes. C'est tout. Il y a beaucoup trop de belles femmes noires» dans le même entretien à Playboy, il ajoutait sans complexe : «les Noirs ne peuvent pas être racistes».
À ce stade terminal, une question : est-il imaginable que les organisateurs du festival de Cannes demandent à un réalisateur blanc, admirateur du Klu Klux Klan , de présider le jury ?
La réponse est dans la question : Inimaginable.
Pourquoi donc en conséquence avoir rendu à Spike Lee cet hommage indu alors que les faits ci-dessus relatés étaient notoires ? On pourrait évidemment expliquer cette inconséquence assez répugnante par l'insoutenable légèreté de l'être artistique progressiste. Cette explication est convaincante car elle cache en creux l'insoutenable préférence « progressiste » pour l'Autre.
On signalera que cette préférence raciale est mortelle, sans doute pourquoi Théo est mort dans le silence mortel des racistes sélectifs.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Source : https://www.lefigaro.fr/