« Ce qui nous reste, c’est de sombrer avec élégance » : Michel Onfray dresse un portrait désespéré de la société contemporaine.
Michel Onfray à Nice en mai 2019. Le philosophe a une vision bien mélancolique de la civilisation chrétienne © SYSPEO/SIPA
A l’occasion de la parution d’un nouvel essai, « L’art d’être français », le très prolixe philosophe Michel Onfray a dressé, pour Le Figaro, un portrait amer de la déclinante civilisation française.
Nous sommes sur le Titanic. Si personne ne peut en empêcher le naufrage, charge aux passagers et à l’équipage de sauver sa vie ou de mourir avec distinction – et pendant que les musiciens jouent, en tout cas selon James Cameron, « Plus près de toi mon Dieu ». C’est, en substance, ce qu’il faudrait retenir de l’entretien accordé au Figaro, vendredi 18 juin, par le philosophe Michel Onfray. A l’occasion de la parution d’un nouvel essai intitulé « L’art d’être français », ce dernier s’est essayé à dresser le portrait de la civilisation française, telle qu’elle fut et telle qu’elle devient. Un exercice durant lequel le penseur athée et anticlérical fait une déclaration d’amour à la civilisation chrétienne, qu’il estime en voie de disparition. « Je suis un fils de cette vieille civilisation plus proche du pot-au-feu que de la viande cellulaire clonée vers laquelle nous cheminons à grand pas », confesse ce bouffeur de curé patenté, qui estime que la civilisation du sacré, c’est-à-dire chrétienne, est en train de disparaître au profit de la « civilisation post-humaniste ». De là, Michel Onfray développe son point de vue : « Ce qui nous reste dans ces cas-là, c’est de sombrer avec élégance ».
Partir avec panache
« Rien ne pourra moralement interdire son avènement qui s’effectue avec d’actuelles transgressions qu’aucune éthique, aucune morale, ne saurait arrêter », constate Michel Onfray, qui cite les expérimentations scientifiques, les chimères homme-animal, l’intelligence artificielle ou la fin des limites de la loi naturelle. Cet ensemble de mesures phares, explique-t-il, « constitue une barbarie, qui, un jour, sera nommée civilisation, car toute civilisation nouvelle est dite un jour barbare par les témoins de ceux qui voient la leur s’effondrer ». En somme, pour le philosophe, nous vivons une époque paradoxale durant laquelle la vieille civilisation s’effondre, et la nouvelle s’éveille à peine. A ce titre, explique Michel Onfray au quotidien, « Elon Musk [un milliardaire américain très engagé dans la conquête spatiale et le développement de l’intelligence artificielle] est le Christophe Colomb de cette nouvelle civilisation ». Ce constat effectué, que faire ? Assumer son héritage, et le défendre, estime Michel Onfray, qui affirme « se battre pour la civilisation judéo-chrétienne ». Se battre, non pas pour gagner mais pour « mourir vivant ». « J’ai envie de mourir vivant à l’heure où le bateau commence à s’enfoncer dans les flots. Je souhaite que ceux qui vivront plus que moi cette coulée dantesque de notre civilisation disposent ainsi d’un cordial [NDLR, boisson énergisante] utile ».
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