“Loi bioéthique : au nom de l’égalité, on aura demain la GPA”, par Emmanuelle Ménard.
Après deux ans de travaux, le Parlement a adopté le projet de loi de bioéthique et sa mesure phare qui a déclenché une opposition ardue : l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes.
Au micro de Boulevard Voltaire, réaction de la députée Emmanuelle Ménard qui s’est vivement opposée à cette loi, notamment en déposant trois motions de rejet de ce texte.
La loi de bioéthique vient d’être adoptée, on imagine que vous le déplorez…
Je déplore cette décision, J’ai d’ailleurs déposé pour la troisième fois consécutive une motion de rejet de ce texte et cela n’a pas eu beaucoup d’effet et je le regrette.
Je regrette ce vote, car c’est la consécration d’enfants sans père ainsi que la création des chimères animal homme entre autres.
Pendant les discussions sur le mariage pour tous, on nous disait bien la main sur le cœur qu’il n’y aurait pas de PMA, que ça n’avait rien à voir avec la filiation, que c’était simplement pour accorder le droit aux couples homosexuels de se marier. Maintenant on a la PMA pour toutes, et on nous dit qu’il n’y aura jamais de GPA…
Oron commence à dire dans les discussions que la GPA éthique est à regarder. Le professeur Touraine a fait de grandes déclarations, en introduction de la troisième lecture début juin, selon lui ce projet de loi n’est qu’une étape, et il y en aura d’autres derrière : la PMA post-mortem et la GPA. Nous sommes prévenus.
Ce projet de loi reconnaît dans le droit français la filiation des enfants nés de GPA qui ont été faites à l’étranger. On se tue à répéter une évidence que les parlementaires de la majorité ne veulent pas entendre : il n’y aura pas besoin de repasser devant le Parlement pour autoriser la GPA, puisqu’ à partir du moment où on autorise aux couples de femmes de pouvoir avoir un enfant, les couples d’hommes seront tout à fait légitimes, au nom de la sacro-sainte égalité, de pouvoir aller devant le juge et réclamer le droit d’avoir des enfants. Au nom de légalité, les juges seront contraints de cautionner la GPA.
À partir du moment où on consacre les conséquences des GPA faites à l’étranger, c’est déjà un premier pas.
Quelle est la fin de ce « progrès » ?
On a vu pendant les discussions que ce n’est plus l’éthique ou la morale qui gouvernent les lois de bioéthique. On a consacré que tout ce qui est médicalement et scientifiquement possible devient l’éthique de demain. Et la recherche sur les embryons humains jusqu’à 14 jours le prouve. Si demain on peut faire cette recherche jusqu’à 21 jours ou trois mois, la loi pourrait autoriser la recherche sur les embryons humains pour 21 jours ou trois mois.
On est plus dans la logique de l’éthique mais dans celle de la science toute puissante qui dicte son calendrier et son tempo.
Avec le mariage pour tous la France était mobilisée. Cette mobilisation a diminué avec la loi bioéthique. Comment expliquer cela ?
C’était un débat très technique car il n’y a pas eu que la PMA pour toutes. Tous les aspects bioéthiques du projet de loi étaient très compliqués ainsi que la recherche sur l’embryon. Dans les médias, les questions étaient systématiquement biaisées. Quand vous parlez de la loi bioéthique et sur la PMA pour toute aux Français en leur demandant si deux femmes ont le droit au bonheur en ayant un enfant, naturellement tout le monde répond oui. On ne voit pas pourquoi les couples de lesbiennes n’auraient pas droit au bonheur. Sauf qu’en posant la question autrement, du côté de l’enfant, en précisant que cette loi va faire naître des enfants sans père et qui à leur majorité n’auront pas le droit de faire établir leurs liens de filiation avec leur père, les Français répondent majoritairement non.
Si on avait pris le temps dans les médias d’expliquer les choses du point de vue de l’enfant, il y aurait probablement eu une réaction de rejet plus importante et plus de mobilisation. C’est peut-être aussi de notre faute, nous n’avons pas su le faire passer ou trouver les bons mots pour l’expliquer.
Ce texte étant adopté, existe-t-il d’autres moyens d’opposition ?
Un recours va être déposé devant le conseil constitutionnel. J’en ai discuté avec des constitutionnalistes et là, trouver le bon biais n’est pas évident. Le conseil constitutionnel a déjà réfléchi sur le texte et estime que du point de vue de l’égalité le texte ne pose pas de problème. Tout le travail va être en fait de poser les bonnes questions au conseil constitutionnel pour qu’ils acceptent que du point de vue de l’égalité pour les enfants, il y a une vraie discrimination créée par ce texte. En effet, on va avoir des enfants qui pourront établir leur lien de filiation et d’autres qui ne le pourront pas. Il y aura des enfants qui naîtront avec un père et d’autres qui naîtront sans père. Je pense qu’il faut mettre vraiment l’accent sur le fait que dans 18 ans, L’État sera fréquemment poursuivi par des enfants qui ne comprennent pas leur naissance sans père.
Journaliste et essayiste