Big bang. Institutions démocratiques : tout changer avant que tout explose, par Natacha Polony.
Soyons clairs, un taux de 67 % d’abstention signifie tout simplement que ces représentants élus légalement ne sont absolument pas légitimes pour mener quelque politique que ce soit.
© PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/MAXPP
Le premier tour des régionales et départementales du 20 juin a enregistré un bien triste record pour la démocratie : une abstention de 66,7 %. Peut-on rester les bras ballants face à un tel naufrage ? « Marianne » lance des pistes de réforme d'un système sclérosé.
Il y a ceux, bien sûr, qui nous expliquent que tout va bien. Que l’abstention record de ce dimanche, c’est finalement la preuve que la colère n’est pas si forte, que les gens, au contraire, ont voulu profiter de la vie, du déconfinement. Des citoyens en colère, ça vote, forcément. Et pour des partis radicaux. Tandis que là… Chacun savoure même, sans attendre le second tour, la déroute du Rassemblement national.
La seule explication admise, c’est le repli de l’habitant des sociétés démocratiques modernes sur sa vie privée et son bonheur individuel, tel que décrit par Tocqueville. Tout au plus faudrait-il adapter les conditions du vote au rythme de vie de ces citoyens d’un genre nouveau. Le vote par Internet, stade ultime de la prise de conscience des élites sur la crise démocratique.
D’ailleurs, le sujet devrait inévitablement rebondir, puisque le calendrier de l’élection présidentielle semble fixer le second tour pour le 24 avril, alors que l’ensemble de la France sera en vacances. Pour le premier tour, les régions Paca et Hauts-de-France seront seules en vacances : de quoi alimenter les accusations de manipulation. Mais faciliter le vote par correspondance ressemble à un emplâtre sur une jambe de bois.
L'indifférence civique n'est pas un bienfait
S’il est parfaitement légitime de s’interroger sur les moyens de faciliter l’acte de voter (et Marianne l’inclut dans ses pistes de réforme), c’est bien davantage un dynamitage en règle d’un système sclérosé qui peut seul sauver encore ce qui peut l’être. Soyons clairs, un taux de 67 % d’abstention signifie tout simplement que ces représentants élus légalement ne sont absolument pas légitimes pour mener quelque politique que ce soit. Le déni maladif des élites politico-médiatiques n’y changera rien, la démocratie va imploser, et la faute n’en revient pas aux citoyens indifférents ou dégoûtés, mais à un système dont les promoteurs se satisfont – et se réjouissent – de ne pas être dérangés par cette entité gênante qu’est le peuple. Quiconque est véritablement démocrate ne peut considérer que l’indifférence civique soit un bienfait.
Bien entendu, il appartient aux représentants de faire oublier ces trahisons, 2005 en tête, qui ont éloigné les électeurs. Si les citoyens avaient l’impression qu’une élection peut « changer la vie », ils se précipiteraient. Mais, à court terme, il existe des solutions pour réinsuffler un peu de démocratie dans les rouages institutionnels. Les solutions de Marianne sont, pour certaines, radicales. Pour d’autres, éventuellement contestables. Nous les mettons sur la table parce que nous ne pouvons nous résoudre à regarder la République se défaire et le pays sombrer.
Le minimum, bien sûr, est la prise en compte du vote blanc. Pour cesser de faire croire que ceux qui refusent le choix qui leur est donné sont simplement des irresponsables partis à la pêche le jour du vote. Avec 6 millions de votes blancs à une présidentielle, on fait exploser le système. Parce que, justement, le déni n’est plus possible. Ensuite, quorum, votations, proportionnelle… Maintenant, il faut oser. Et vite.
Source : https://www.marianne.net/