En Hongrie, on préfère vivre debout que mourir à genoux, par Arnaud Florac.
Ah, ces Hongrois ! C’est amusant, tout de même. Il n’y a pas si longtemps, quand on parlait de la Hongrie, une farandole de clichés plus ou moins sympathiques venaient en tête de l’observateur curieux : un surprenant mélange d’empires anciens, de barbarie folklorique, d’aristocrates guerriers dont les noms valent 90 points au Scrabble™, de maisons fleuries, de longues artères staliniennes, de tramways dans la grisaille, de petits villages lovés dans la verdure, autour de lacs de montagne.
Un peu du Sceptre d’Ottokar, un peu de Stefan Zweig, un peu de John Le Carré et un zeste de Mélodie du bonheur. Pas dégueulasse.
Ce à quoi on ne s’attendait pas jusqu’à l’élection d’Orbán, c’est que les Hongrois devinssent le porte-étendard de l’Occident. Une langue même pas indo-européenne, un pays martelé par la fureur du communisme, un pays enclavé, hésitant entre la vieille Europe et le monde slave ! Et pourtant…
Dernier acte de bravoure en date, ce match, mardi 8 juin, qui opposait, à Budapest, les Hongrois aux Irlandais. Avant la rencontre, bien sûr, petite minute Black Lives Matter obligatoire. Les Irlandais, bien sûr, imbibés de propagande jusqu’à la moelle, ont mis un genou à terre, dans ce triste geste de soumission désormais bien connu. Triple salto arrière dans la tombe de Michael Collins : tant de courage nationaliste pour devenir des marionnettes du mondialisme. Les Hongrois, eux, sont restés debout mais, surtout, leurs supporters ont copieusement hué les Irlandais. La vidéo est impressionnante – et assez jubilatoire, on peut le dire.
Interrogé à ce sujet, deux jours plus tard, le Premier ministre Orbán a donné son avis dans le plus grand des calmes : les Hongrois « s’agenouillent uniquement devant Dieu, la mère patrie et lorsqu’ils demandent en mariage leur dulcinée ». Il va jusqu’à dire que cet agenouillement est « un business » et – last but not least – que « le sport, c’est autre chose, les athlètes combattent debout ».
Monde surprenant que le nôtre. Le renouveau vient de l’ancien bloc de l’Est, qui a connu la dictature idéologique et n’en veut plus. La soumission, elle, vient, dans ce cas précis, d’un peuple celte pourtant connu pour sa combativité, la sauvegarde farouche de son identité, sa lutte – pas encore éteinte – pour son indépendance et le retour de ses provinces du nord, occupées par la Grande-Bretagne.
En Hongrie, pour tordre un peu le vieux proverbe, on préfère vivre debout que mourir à genoux, et par suicide qui plus est. On préfère réfléchir que de donner dans le psittacisme stérile et l’émotion sur commande. Se mettre à genoux devant Dieu, la patrie et celle que l’on aime ? Rien que de très normal, en somme.
Le youtubeur Papacito, bien connu des lecteurs de Boulevard Voltaire, répondait, cette semaine, à la provocation pleurnicharde de Mélenchon qui se juge menacé de mort. Parmi d’autres phrases parfaitement ciselées, il disait notamment ceci : « On vit dans un monde où tout ce qui est normal devient anormal. » Et vice versa, d’ailleurs. S’agenouiller, c’est témoigner du respect et une soumission volontaire : on se soumet de tout son cœur à son dieu, on s’offre volontairement en sacrifice à la patrie, on s’expose à la réponse fatidique de la femme à qui l’on demande sa main.
Chez nous, en France, me direz-vous, c’est tout l’inverse. On reste assis pendant « La Marseillaise » qui, malgré sa piètre qualité et sa triste symbolique, est devenue glorieuse parce que nos héros sont morts en la chantant. Quant aux demandes en mariage, le mot lui-même, usé d’avoir trop servi, fait déjà sourire.
Tout ce qui est normal devient anormal. Orbán et ses Hongrois ont simplement rappelé que, quelque part dans le monde, les choses normales étaient normales. Et que les pitreries compassionnelles n’étaient pas quelque chose de normal. Merci à eux !