L’insécurité ? Rien qu’un « sentiment », vous dit-on…, par Marie Delarue.
Dans un sondage réalisé par l’institut CSA dont les résultats ont été rendus publics le 27 mai, il apparaît que 81 % des Français pensent que la justice de ce pays est trop laxiste. Dans le détail, 37 % sont tout à fait d’accord avec cette affirmation et 44 % plutôt d’accord quand 1 % seulement la réfutent.
Plus intéressant encore, ce sont majoritairement les jeunes qui pointent ce manque de sévérité, soit 83 % des 18-24 ans et 88 % des 25-34 ans ; ce taux n’atteint “que“ 77 % chez les 35-49 ans.
Et carrément époustouflifiant, cette fois, l’opinion est majoritaire quel que soit le bord politique, y compris à LREM (79 %) ou La France insoumise (67 %). Seuls les Verts sont partagés (51 %).
Qu’en dit le ministre Dupond-Moretti ? Il dit que les Français ont tort : ils sont abusés par leurs sens. Le laxisme de la justice, c’est comme l’insécurité : un « sentiment ». Et le ministre d’avancer des chiffres au poids et à l’épaule : 132.000 peines de prison ferme ont été prononcées en 2019 contre 120.000 en 2015. Il ne dit pas combien sont réellement exécutées… Ne dit pas non plus que sur les décisions de justice rendues chaque année, 30 % sont un simple rappel à la loi. Ne parle pas bien sûr des délais entre la commission du délit et le jugement, ce qui conforte le sentiment d’impunité.
Les Français sont donc idiots, ou trop sensibles. Toutefois, quand la télé d’É
tat s’en mêle, il devient difficile de taire la vérité. On espère donc que les duettistes Dupond-Moretti et Darmanin auront regardé le 27 mai le reportage d’Envoyé spécial (France2) intitulé « Des trafiquants aux portes de l’école ».
Une école élémentaire, dans un quartier “défavorisé“ totalement livré aux trafiquants. C’est à Nîmes, au Chemin-Bas d’Avignon, où l’on a monté des grilles de trois mètres de haut autour de l’école Georges Bruguier parce qu’un dealer s’y est réfugié, en décembre dernier, pour échapper à la police. On se tire dessus à proximité, en fond sonore pendant les récréations. Dix policiers ont été envoyés en renfort mais « les voitures de patrouilles, repérées par les guetteurs, sont régulièrement caillassées ». Le quartier est une zone de non-droit absolu où, en mars dernier, des camions de CRS ont été attaqués au mortier d’artifice et contraints de rebrousser chemin.
La drogue, tout le monde ou presque en vit. « C’est une toile d’araignée », dit une mère qui a accepté de témoigner. Elle raconte : « Il y a une maman, son fils guettait. Il a voulu arrêter. Ils lui ont défoncé la porte. Ils ont tout saccagé chez elle, en sa présence. Le petit, ils l’ont mis en sang, il s’est retrouvé aux urgences, et la maman, elle était impuissante. Elle n’a jamais porté plainte parce qu’elle savait ce qui allait se passer derrière. Tout le quartier le sait. »
Dans ce quartier où 60 % des familles vivent sous le seuil de pauvreté, on recrute les guetteurs à la porte de l’école : 100 euros la journée pour faire le chouf.
« Le 4 janvier 2021, les responsables d’écoles du Chemin-Bas et du Clos-d’Orville, à Nîmes, ont adressé une lettre ouverte au président de la République, restée pour le moment sans réponse », apprend-on. Il y a plus urgent : par exemple prendre des sanctions sévères contre les militaires qui savent, eux, qu’ils seront bientôt le dernier recours dans ces quartiers en sécession.
À propos de justice, j’ai un exemple concret pour le ministre. Victime d’une agression avec violence en février 2017, j’ai été avisée après plusieurs mois qu’un juge d’instruction devait être nommé. Quatre ans se sont écoulés. J’ai fini par oublier… le juge, pas l’agression. Et puis voilà un mois on m’a appelée pour me dire que mon agresseur allait passer devant le tribunal des enfants début mai. J’ignorais qu’on l’avait retrouvé. On m’a juste demandé si je voulais « me porter partie civile », espérant peut-être que je dirais non. Le juge était souffrant. Le procès est reporté à l’automne.
Ecrivain, musicienne, plasticienne