Hommages à Avignon : Un flic mort est un bon flic… si l’on soutenait aussi le flic vivant ?, par Gabrielle Cluzel.
« Un bon flic est un flic mort ». Tel est le tag qui a été découvert sur le mur de la gare à Villefranche-sur-Saône, près de Lyon, le jeudi 22 avril, veille de l’assassinat de Stéphanie Monfermé dans le commissariat de Rambouillet.
Une enquête a été ouverte, pour la forme, mais le slogan est (affreusement) banal, un grand classique de l’ultra-gauche. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller sur la petite boutique en ligne www.ni-dieu-ni-maître.com, commercialisant « T-shirts militants et vêtements éthiques » (sic) et ayant pignon sur rue tant le Net que sur Facebook dont les pudeurs sont décidément à géométrie variable. La phrase apparaît comme un must have, – c’est comme ça qu’on dit dans la mode – floqué sur un tee-shirt proposé dans toutes les couleurs, à la rubrique « violences policières ACAB », affichée benoîtement et sans complexe, comme d’autres ont l’onglet “collection printemps-été”.
Sur ce site, on trouvera d’ailleurs un vaste choix de produits “engagés“, offrant mieux qu’un long essai sociologique une synthèse de toute la gauchosphère dans ses diverses composantes : « antifa & anti-racisme, féminisme, athéisme, Black Lives Matter, LGBTQ+, Environnement, Contre le guerre, Vegan & Libération animale… avec en sus un rayon “humour” édifiant : on pourra y acquérir à prix modique le T-shirt « Va te faire cuire un keuf », au-dessus d’un pictogramme de voiture en flamme. Spéciale dédicace, sans doute aux frères Bernanos… qu’est-ce qu’on rigole, n’est-ce pas ? Mais que l’on se rassure, c’est bien précisé tout en bas, chaque t-shirt est garanti « 100 % Vegan par PETA, non-testé sur les animaux ». Faire cuire un keuf, oui. Faire cuire un steack, non.
Pourquoi vous parler (sinistres) chiffons aujourd’hui, alors qu’un policier, jeune père de famille, vient d’être tué à Avignon ? Car cette phrase, ou son symétrique, irrigue en réalité de façon inconsciente tous les esprits : ce jeune policier est mort, on se répand en louanges. Gérald Darmanin, autrement appelé, sur les réseaux sociaux Monsieur-je-condamne-avec-la-plus-grande-fermeté, est accouru aussitôt sur place pour lui rendre hommage, il évoque « un soldat » de la guerre face à la drogue, « mort au combat, en héros ». Un flic mort est un bon flic. Toujours. Il en va autrement hélas du flic vivant.
Que se serait-il passé si, ayant riposté, ou si l’un de ces collègues ayant riposté – et qui peut-être sûr que le climat ambiant n’a pas fait, consciemment ou non, hésiter l’un d’entre eux durant une demi seconde fatale ? – l’agresseur avait été tué avant d’avoir lui-même tué ? Combien d’émeutes dans les quartiers, d’indignations surjouées, de manifs anti-flics, de témoignages jurant que feu le dealer était doux comme un agneau, de déclarations politiques embarrassées soutenant les forces de l’ordre comme la corde soutient le pendu ?