Explosions africaines et ondes de choc, par Michel Servion.
Comme le disait l’ancien président du Mali, Ibrahim Boubacar Keita « Si la digue est rompue au Sahel, ce sera l’invasion de l’Europe ». Non seulement la digue en Afrique avec le risque de voir le djihad déferler vers l’Océan mais aussi la digue qui fait écran avec l’Europe et d’abord avec la France.
Depuis toujours les diasporas représentent dans un pays donné des populations plus ou moins homogènes venues d’ailleurs et conservant à des degrés divers des mœurs, une culture, une religion, une langue qui les caractérisent et leur permettent de persévérer dans leur être. Cette persévérance permet leur épanouissement dans une perspective de type fédéral ou du moins qui sait en prendre à son aise avec le totalitarisme jacobin. On parlera alors de communauté. Elles peuvent devenir des menaces pour l’unité nationale à proportion que le lien fédératif (qui peut être le Roi ou le sentiment du destin commun selon Renan) se distend ou s’affaiblit. Ces mêmes diasporas peuvent aussi se dissoudre dans une assimilation acceptée – ou subie (la diaspora polonaise, les Pieds Noirs, le Arméniens).
Nous nous en tiendrons ici aux diasporas sub-sahariennes
Ces diasporas sont présentées à juste titre comme des traits d’union entre le Nord (les pays d’accueil) et le Sud (les pays de départ) et cela sous divers aspects : soutien au pays d’origine par des transferts de fonds (30% du PIB comorien est assis sur des transferts d’argent Nord/Sud). On sait également que les transferts Nord/Sud émanent pour les ¾ des diasporas contre ¼ émanant des bailleurs publics ; renforcement des solidarités claniques, familiales et tribales à travers l’accueil réservés aux nouveaux arrivants ; participation même marginale aux tentatives de structurer l’Espace Francophone Mondial (OIF) ; développement des radios communautaires émettant en France. Il faut encore signaler les solidarités tenant au fait que les « migrants politiques » ayant fuit leur pays appartiennent souvent à ou aux ethnies victime de conflits civiles … ou d’élections perdues. On mesure d’importance du problème quand on voit avec quel soin les ambassades africaines surveillent leurs ressortissants émigrés. Les diasporas sont souvent des foyers d’oppositions pour les régimes en place.
Peu à peu la donne change. Avec le développement des communications modernes les diasporas sont devenues des acteurs politiques dans le pays d’origine. Par les transferts financiers d’abord, et de plus en plus par le « transferts de valeurs » acquises au Nord (revendications démocratiques essentiellement). Au fil du temps les diasporas sont devenues actrices sociales dans les pays d’origine et même actrices politiques, assez souvent contre le pouvoir en place. Avec des succès divers et souvent des phénomènes de rejet de personnalités voulant « revenir au pays » pour y faire carrière, comme ce fut le cas pour Kofi Yamgnane (qui fut ministre Français) au Togo. On entendit même au Togo des invectives telles que « Koffi go home » Reste que socialement ou politiquement les diasporas pèsent sur le pays d’origine.
Elles pèsent aussi, et de plus en plus, sur le pays d’accueil. Plus résilientes, moins impressionnées par les « valeurs » du pays d’accueil (on imagine les effets du mariage unisexe dans des populations attachées à des valeurs traditionnelles ou l’émergence d’une doxa LGBT qui ne demande plus à être reconnue mais à être dominante), développant leur propres solidarités familiales, coutumières, tribales. Devant l’effritement de la société française, l’échec de son école, son repli individualiste, les diasporas se rétractent, deviennent imperméables au discours du « pouvoir blanc ». Nous pouvons témoigner d’expériences comme dans le 18ème arrondissement où certaines communautés – y compris musulmanes – trouvaient dans les paroisses des secours que la mairie était incapable de fournir.
Bamako (capitale du Mali) comme N’Djamena (capitale du Tchad) sont en Afrique. Oui mais les diasporas issues des pays d’Afrique sub-saharienne sont bien en France et plutôt concentrées dans certaines villes comme les Comoriens à Marseille et Nanterre, les Sénégalais à Marseille, Paris ou Rouen et d’une manière moins voyante dans nombre de villes.
Si demain certains pays d’Afrique sub-saharienne devaient passer sous la coupe des djihadistes ce sont des populations entières qui deviendraient des otages à travers lesquels les nouveaux maitres pourraient donner des ordres aux membres des diasporas sur lesquelles s’exercerait un terrible chantage. Une approche fine devra tenir compte des solidarités ethniques (ou tribales) qui dessinent les véritables contours des diasporas. Paraphrasant Joseph de Maistre qui n’avait jamais vus d’Hommes mais seulement des Russes ou des Allemands on pourrait dire qu’on croit voir des Africains la où sont des Bamilekés ou des Zoulous. On se reportera ici aux travaux de Philippe Laburthe Tolra ou Michel Michel.
Emmanuel Macron, il y a deux ans déclarait « je gagnerai la présidentielle avec les diasporas » et d’ailleurs dès 2017 le mouvement s’était amorcé au 2ème tour. Aujourd’hui les diasporas sont actrices de la politique françaises, nationale, locale et nous allons bientôt le vérifier, régionale. Mais, en 2021 on est loin du discours de Ouagadougou appelant la jeunesse à secouer ce qui restait de la Françafrique. L’affaire tchadienne est passée par là. Macron, en adoubant le fils s’Idriss Deby, sans aucun recul possible, dans l’urgence, avec les « conquérants » à 200kms de N’Djamena, est, d’un seul coup, revenu à une politique dont la condamnation était sa marque de fabrique. La diaspora tchadienne réagit très mal par la voix de Vincent Homadji, secrétaire général de la Diaspora Tchadienne de France, membre du comité de pilotage du Partenariat Eurafricain. Les voix des différentes diasporas qui semblaient acquises à Macron pourraient lui faire défaut l’an prochain et marquer plus encore la distances entre elles et la société française. Jean Claude Gaudin parlait d’un glissement qui s’opérait entre la France et les diasporas. Ce glissement pourrait-il aller jusqu’à la fracture ? une de plus ? celle de trop ?
Source : https://www.actionfrancaise.net/