Affaire Halimi, justice des experts, démocratie de l’entre-soi !, par Christian Vanneste.
Parmi les nombreux symptômes du mal qui touche notre pays, à savoir la perte de confiance des Français dans leur Etat, dans son avenir, et dans les institutions qui sont censées le préparer, l’un des plus graves est l’effondrement du jugement que nos compatriotes portent sur la Justice.
Si l’on prend deux sondages, celui pour l’Express de 2019, ou celui de 2020 pour l’Institut Montaigne, on ne peut qu’être étonné de la faiblesse de la confiance, voire de la méfiance exprimées à l’égard d’une institution en principe neutre, vouée par définition au bien commun, que la grande majorité devrait considérer comme une protectrice et non comme une menace. Or, en 2019, la méfiance est à 47%, et à 52% en 2020, soit présente dans à peu près la moitié de la population, avec une chute de 10% en dix ans pour le premier sondage, encore légèrement favorable.
Nombreuses sont les affaires qui très récemment, et sans remonter au désastre d’Outreau, suscitent cette défiance. L’une des dernières en date est la décision de la Cour de Cassation confirmant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, qui ne sera donc pas jugé par une Cour d’Assises, en raison de la “bouffée délirante” que sa toxicomanie aurait déclenchée, abolissant son discernement pour six experts et l’altérant seulement pour le septième. Curieusement le caractère antisémite de l’acte, d’abord éludé par le Parquet, a, lui, été retenu. On a donc un meurtrier qui ne savait pas ce qu’il faisait, sauf que sa victime était juive ! Il savait qui il tuait, mais ne savait pas qu’il tuait, en somme. Le bon sens est décidément la chose du monde la mieux partagée, puisque l’immense majorité des commentateurs n’accepte pas cette décision, et que du Sénat au président de la République, chacun se dit qu’il faut, comme d’habitude, changer la loi. Celle-ci indique que “n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.” Certes, on ne peut juger les malades mentaux, mais doit-on exonérer ceux qui se sont rendus malades ? On pourrait au contraire penser que le libre-arbitre, sans lequel il ne peut y avoir de justice, pouvait repousser l’addiction, et qu’il est de l’intérêt de la société que l’acte criminel commis sous son effet soit, dans un but dissuasif, considéré comme aggravé. Rien n’empêchait d’ailleurs les magistrats, ceux de la Cour d’Appel, puis ceux de la Cour de Cassation, d’établir une jurisprudence en ce sens en renvoyant Kobili Traoré devant les Assises où la défense aurait pu faire valoir les expertises, mais où les jurés auraient eu le dernier mot. Car il est quand même extraordinaire qu’un meurtre à la résonnance sociale aussi forte soit soustrait au jugement populaire par des experts. Nous sommes en plein dans l’antipopulisme qui considère qu’on ne peut laisser le peuple décider des sujets sérieux qui le concernent. Un musulman toxicomane a assassiné une femme de confession juive : les experts ont décidé qu’il fallait reconnaître la confession de la victime, non la responsabilité de l’auteur. Imaginons que la victime fût une dame musulmane, et le meurtrier un “Gaulois” alcoolique, la décision aurait-elle été identique ? En fait, les juges ont déjà répondu : dans ce cas, l’ivrogne sait les dangers de l’alcool alors que le toxicomane ne pouvait connaître ceux du cannabis dont certains réclament la dépénalisation. Ce mélange d’opportunisme et de casuistique est l’expression d’une justice d’experts qui veulent rester au-dessus des passions populaires tout en se soumettant au politiquement correct à la mode.
Comme cela devient coutumier, un “vert”, à savoir Julien Bayou, s’est distingué par une saillie d’une rare stupidité. Il a déclaré comprendre “l’émoi de la communauté juive”, mais refuser que la justice tourne à la vengeance, comme si le meurtre barbare d’une femme ne touchait pas tous les Français et comme si la justice à rendre n’était pas celle qui doit viser le bien commun de la nation et non l’excessive protection juridique d’un individu dangereux. Dissuader les addictions y compris chez des gens que leur culture d’origine tient peu informés des risques, tandis qu’elle augmente leur agressivité à l’encontre de certains Français, relève de ce bien commun. L’appel à un jury populaire aurait au moins évité que le procès soit subtilisé par les experts. Il est d’ailleurs inquiétant que le projet de réforme présenté par l’ex-champion de la défense devenu ministre de la Justice supprime le jury populaire en première instance des cours d’Assise. On sent bien cette sourde volonté d’éloigner le peuple, de rester entre juristes. Il se trouve que les détracteurs de l’institution judiciaire se recrutent surtout parmi les moins diplômés, les électeurs de droite et d’extrême droite, les employés, les ouvriers et les habitants de communes rurales et ses meilleurs défenseurs chez les cadres supérieurs, les Parisiens, les (très) diplômés, les étudiants, les partisans de la République en marche, d’Europe Ecologie Les Verts et du Parti Socialiste. En justice, comme ailleurs, le slogan du macronisme, c’est “cachez ce peuple que nous ne saurions voir !” Nous vivons une démocratie de l’entre-soi !
Source : https://www.christianvanneste.fr/