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En 2022, l’Action française soutiendra Marine Le Pen «faute de mieux» par Ivanne Trippenbach Ivanne Trippenbach.

Des royalistes français de l’Action française, lors d'un rassemblement en l’honneur de Jeanne d'Arc, le 13 mai 2018 à Paris.

© Sipa Press

Ragaillardi par la crise des Gilets jaunes et les confinements, le mouvement nationaliste et royaliste juge la présidente du RN trop normalisée...

3.pngLe mouvement d’extrême droite, fondé en 1898, revendique 3 000 membres, une implantation dans 70 villes et l’ouverture d’une à trois nouvelles antennes locales chaque mois en France.

Paris, samedi dernier. Dans un somptueux appartement du XVIIe arrondissement, Jean-Marie Le Pen pousse de la voix. Le fondateur du Front national chante « Vive le roi quand même » en compagnie des dirigeants de l’Action française, le mouvement royaliste héritier de Charles Maurras. Lors de cette rencontre en costume-cravate à fleurs de lys (« sans enjeu politique », tient à préciser l’AF), les convives devisent sur l’avenir de la France, leurs écrits et... Marine Le Pen.

Deux semaines plus tôt, la présidente du Rassemblement national avait qualifié les membres d’Action française d’« idiots ». « Je ne savais même pas qu’ils existaient encore », ajoutait-elle sur France 3, après leur intrusion de force au conseil régional d’Occitanie, le 25 mars. Une dizaine de militants avait surgi aux portes de l’hémicycle en hurlant, avec une banderole « Islamo-gauchistes, traîtres à la France ». Condamnation unanime de la classe politique, jusqu’au chef de l’Etat évoquant « le vrai visage de l’extrême droite ».

En réplique, les membres de l’AF rappellent que Marine Le Pen répondait encore à leur revue il y a une dizaine d’années et qu’elle avait assisté en 2007 aux funérailles de Pierre Pujo, dirigeant du mouvement pendant quarante ans et défenseur de l’Algérie française (elle représentait alors son père). « Elle savait où elle mettait les pieds », insiste François Bel-Ker, le secrétaire général. A l’inverse de Marion Maréchal, acclamée par l’AF en 2016, elle n’en a toutefois jamais été l’invitée d’honneur.

 

Curieusement, des membres de l’AF ne sont pas insensibles à Emmanuel Macron, lui qui déclarait, en 2015 dans Le 1, que la démocratie française souffrait d’un absent, la « figure du roi »

 

« Potache ». L’épisode de l’intrusion à Toulouse creuse la cassure entre le lepénisme historique et la candidate RN à l’Elysée, qui juge réussie sa décennie de dédiabolisation. Loin d’un Jean-Marie Le Pen qui enregistrait deux disques en l’honneur de l’Action française, dont un chant royaliste entonné par lui-même en ligne sur YouTube... Ou des penchants d’élus locaux, tel Emmanuel Crenne, conseiller régional ex-RN d’Occitanie et fier royaliste : « Je trouve sympathique que la vraie jeunesse entre au conseil régional, c’est potache ! On est loin des Camelots du roi avec leur canne. » Aux élus socialistes qui soupçonnent une complicité interne, il réplique, ironique : « Qu’ils apportent les preuves et qu’ils viennent me chercher. »

Les « idiots » de l’AF n’ont pas dit leur dernier mot. « C’est celui qui dit qui y est, peste un cadre historique. La pensée maurassienne n’a rien d’idiot, c’est un mouvement de plus de cent ans qui a influencé la politique française. C’est un truc très sérieux, comme le marxisme. » Dans un texte au vitriol contre une Marine Le Pen trop normalisée à leur goût, ils étrillent sa volonté de faire du RN « un parti lisse, dont toutes les aspérités ont été méticuleusement passées à la toile émeri du politiquement correct ». Sévères contre ses revirements sur l’Europe et Schengen, ils jugent que « les Français seraient bien en peine aujourd’hui de citer des mesures fortes du programme du RN ».

Curieusement, des membres de l’AF ne sont pas insensibles à Emmanuel Macron, lui qui déclarait, en 2015 dans Le 1, que la démocratie française souffrait d’un absent, la « figure du roi ». Le chef de l’Etat a confié à L’Express qu’il trouvait « absurde de dire que Maurras ne doit plus exister ». Devant les hauts fonctionnaires auxquels il annonçait la suppression de l’ENA, il s’est dit « grand admirateur de Bernanos », fervent catholique royaliste qui milita à l’Action française (jusqu’à la rupture des années 1930) et se disait ni de droite, ni de gauche... « Qu’il soit Bernanosien, on applaudit, mais il y a une déconnexion avec sa manière de régenter le pays, une perte de bien commun », regrette François Bel-Ker.

Entendra-t-on davantage parler de l’Action française ? Depuis 2019, l’association connaît un regain de popularité. « Dieu sait qu’on a été très investi dans les Gilets jaunes, comme pour les Bonnets rouges, affirme son secrétaire général. C’est notre ADN, le pays réel qui se révolte contre le pouvoir éloigné des instances communales...» Les militants de l’AF, inspirés du régionalisme de Maurras, étaient présents sur les ronds-points. La crise sanitaire, ensuite, a boosté leur audience sur Instagram, Twitter, TikTok... 2 000 jeunes sont abonnés aux conférences hebdomadaires de l’AF sur Discord, réseau initialement dédié aux jeux vidéo.

 

Ses dirigeants espèrent qu’émerge une autre figure, un Philippe de Villiers ou un Eric Zemmour, qui livraient des conférences au Cercle de Flore, au siège de l’AF, il y a quelques années

 

« Agit-prop ». La disparition de Génération identitaire, dissoute en conseil des ministres le 3 mars, libère le terrain de l’« agit-prop ». Les jeunes militants de l’AF aiment à se comparer aux écolos radicaux d’Extinction Rebellion et comptent multiplier les actions contre « l’islamo-gauchisme ». Un membre influent explique que « l’antisémitisme maurrassien était d’abord un anti-communautarisme » pour dire que musulmans et juifs doivent, selon lui, s’afficher « Français d’abord »... La caisse de résonance est supérieure à leurs happenings anti-République, comme celui de mars 2020, lorsqu’ils avaient pendu un mannequin à l’effigie de Marianne depuis un pont à Toulouse.

Cette « école de pensée » veut diffuser ses idées sur la souveraineté, les traditions et l’identité, jugées porteuses. A Rennes, les tags anti-musulmans sur une mosquée, dimanche, présentaient une coloration royaliste (« Vive le Roy », « Charles Martel sauve-nous », « catholicisme religion d’Etat »...), mais l’AF réfute toute implication. L’organisation cite plutôt « un certain nombre d’élus RN » réceptifs, même s’ils se font rares. Bruno Gollnisch, ancien vice-président FN, revendiqué « contre-révolutionnaire », confie avoir « de la sympathie » pour l’AF. Agnès Marion, élue RN à Lyon, a rendu un lyrique hommage à l’écrivain royaliste Jean Raspail, adulé par les identitaires, dans la revue de l’AF l’été dernier — mais sans en être adhérente.

Si le mouvement revendique son indépendance, il avait appelé à voter pour Marine Le Pen « sans hésitation » en 2012. En 2017, il avait soutenu plusieurs candidats souverainistes au premier tour, puis Marine Le Pen au second. Ses dirigeants espèrent qu’émerge une autre figure, un Philippe de Villiers ou un Eric Zemmour, qui livraient des conférences au Cercle de Flore, au siège de l’AF, rue Croix-des-Petits-Champs, il y a quelques années... Mais ils envisagent d’appeler à voter Le Pen en 2022 « faute de mieux », disent-ils, pour coller à leur devise : « Tout ce qui est national est nôtre. »

Source : https://www.lopinion.fr/

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