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Affaire Sud Radio : "Rokhaya Diallo piégée par la violence du nouveau discours racial", par Guylain Chevrier.

Rokhaya Diallo
© PHILIPPE HUGUEN / AFP 

Guylain Chevrier, docteur en histoire, formateur, enseignant, consultant et ancien membre de la mission laïcité du Haut conseil à l'intégration, revient sur les propos racistes dont a été victime Rokhaya Diallo et sur sa responsabilité concernant la racialisation du débat public.

3.jpgLa journaliste Rokhaya Diallo a annoncé, ce lundi 21 décembre 2020, sur Sud Radio avoir porté plainte contre une auditrice de la station Sud Radio qui avait livré à son encontre un propos injurieux à caractère racial lors d’une des émissions d’octobre dans la série Les Vraies Voix. Les chroniqueurs Philippe Rossi, Philippe Bilger, Jean Doridot et Céline Pina débattaient autour du sujet : « Diallo, Bruckner, les indigénistes ont-ils une part de responsabilité dans les attentats ? » Intervenait alors une auditrice : « Madame Diallo se plaint de la France, elle se plaint des blancs, mais si aujourd’hui elle est journaliste […] elle le doit à l’ouverture d’esprit de notre éducation et de notre pays (…) Parce que Mme Diallo, elle n’aurait pas bénéficié de tout ce que donne la France, je crois qu’il y a de fortes chances qu’elle serait en Afrique, avec 30 kg de plus, 15 gosses en train de piler le mil par terre et d’attendre que son mari lui donne son tour entre les 4 autres épouses. »

Le poison du retour de la race dans le débat public

Par-delà la tournure du propos moralement condamnable, et condamné de toutes parts, quelles qu’en soient les suites juridiques, on relèvera particulièrement l’aspect racial de celui-ci. L’auditrice dit réagir au fait que Mme Diallo se plaigne « des blancs ». Aussi, cet aspect racial d’une violence symboliquement certaine, viendrait-il de la seule imagination de l’auditrice, voire d’un racisme français, ou d’un climat sur ce sujet qui met le feu aux poudres ?

Madame Rokhaya Diallo est l’une des chefs de file d’un retour de la « race » dans le débat public, que l’on croyait rayé de l’histoire depuis la victoire sur le nazisme. Elle participe d’un courant qui entend rabattre sur la question des discriminations toute analyse, traitant comme des races les couleurs de la peau, la différence des sexes, l’orientation sexuelle, l’origine géographique, telle ou telle filiation culturelle… C’est le propre d’un discours indigéniste, racialiste ou décolonial, qui s’est imposé à la faveur de médias complaisants et mêmes d’institutions officielles, mettant en accusation la France comme raciste. On justifie cette accusation par le fait qu’être « blanc » serait être l’héritier d’une domination coloniale qui perdurerait dans les rapports sociaux par des privilèges, ayant pour pendant la discrimination des autres. Les blancs seraient ainsi consciemment ou inconsciemment des racistes. Certains opposent ainsi aujourd’hui à la « lutte des classes » ce qui serait le seul vrai combat, celui de la lutte des « races ».

L’affirmation d’un privilège blanc est sans fondement et dangereux

Tout d’abord, s’il y a des discriminations qu’il faut combattre sans concession, cette généralisation d’un « privilège blanc » n’a aucun fondement, à moins de tirer un trait sur l’existence de classes sociales qui reste la réalité structurante des inégalités dans les sociétés développées, dont la France. Rappelons ici que selon l’Observatoire des inégalités, à classe sociale égale les enfants d’immigrés et de non-immigrés réussissent aussi bien. Ceci indiquant combien ce sont les classes sociales qui demeurent le critère essentiel en matière d’inégalités.

On peut être discriminé pour sa condition sociale, son sexe, le fait d’être en surpoids, d’être handicapé, d’être âgé, d’être syndicaliste, et qu’on soit « blanc » ou pas, il n’y a là à attendre aucun privilège. Les personnes blanches, qui constituent une large partie des personnes sous le seuil de pauvreté, il suffit d’observer celles qui s’inscrivent et se rendent aux restaurants du cœur pour s’en apercevoir, de quel héritage colonial relèvent-elles, et de quels privilèges ? Bien des migrants venus d’Europe de l’est, qui sont en situation précaire, ont la peau blanche, cela en fait-il des privilégiés ? Et ces ouvriers désignés avant tout ainsi comme « blancs », qui subissent les licenciements régulièrement pour raison économique, comme les autres, en chômage de longue durée, des centaines de milliers vivant dans des régions industriellement sinistrées, des privilégiés ? On voit déjà combien cette assignation de chacun à une « race » est un fantasme, un tour de passe-passe pour alimenter un fonds de commerce idéologique, une hystérie identitaire, l’ambition d’un pouvoir politique qui a son projet : En montant les uns contre les autres, on cherche à instaurer des fractures poussant au renoncement à l’égalité républicaine, pour justifier le passage au multiculturalisme et à la discrimination positive !

L’essentialisation du blanc, un renversement de l’antiracisme en son contraire

Cette assignation des « blancs » à un statut de privilège est une essentialisation raciale, jetant à la vindicte des autres un groupe humain en raison de sa couleur de peau. Et donc, susceptible de l’exposer à une hostilité violente. N’est-ce pas là le renversement de l’accusation de racisme au regard de ce l’on prétend combattre ?

Pour l’ONU, l’expression « discrimination raciale » « vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel, ou dans tout autre domaine de la vie publique… » Autrement dit, en essentialisant les blancs comme privilégiés, on exclut ceux qui dans la réalité ne le sont pas d’une prise en compte des inégalités qui les frappent, on les y livre ainsi par un traitement racial de la question sociale.

Cette mise en procès générale pour racisme des « blancs » tend d’ailleurs à devenir un véritable terrorisme intellectuel, car l’accusation de racisme est sans doute moralement l’une des plus dégradantes. C’est aussi un instrument d’intimidation puissant, régulièrement brandi pour faire taire des voix contraires.

Le racialisme, une voie sans issue, incendiaire et fratricide

N’est-ce pas là ce qui enflamme aujourd’hui les esprits, cette outrance sur l’argument de « la race » qui pousse à ne se voir que chacun dans un camp, son présumé ghetto selon telle ou telle différence, au lieu de se penser en citoyens, travaillant à faire évoluer une société qui nous est commune vers plus d’égalité pour tous ? De plus, cette vision raciale tous azimuts divise les forces sociales dont l’unité est pourtant la seule à pouvoir, comme elle l’a fait par le passé, créer un rapport de force permettant de combattre les inégalités. Elle n’a rien de la gauche dont elle se réclame cette idéologie, elle est au contraire réactionnaire, en faisant resurgir du passé innommable le concept de « race » et le culte des tribus.

La communauté scientifique s’accorde sur le fait qu’il n’y a qu’une race humaine, tous les êtres humains appartenant à une seule et même espèce, tous naissant égaux car avec les mêmes propriétés. Les sociétés ensuite leurs donnent des destins différents susceptibles d’évolutions. On voit ce que représente de recul le racialisme, au regard de cette vision universelle de l’Homme, au sens de ses droits naturels, affirmés par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, repris dans les principes et valeurs fondamentaux de la République. C’est une voie sans issue, incendiaire et fratricide.

Source : https://www.marianne.net/

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