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Dans le monde d’après, un Noir n’est pas noir !, par Jean-Pierre Pélaez.

C’est un événement historique que nous venons de vivre en direct à la télévision, mardi dernier, aussitôt répercuté par tous les médias ; c’est, aussi important que celui d’Archimède ou de Pythagore dans l’histoire de l’humanité, un nouveau théorème qui a été établi ; c’est une loi physique et chromatique dont on a soudain découvert l’obsolescence : un Noir n’est pas un Noir !

1.jpgLe PSG affrontait l’équipe d’Istanbul et, soudain, à la suite d’une friction un peu trop vive entre deux joueurs, l’un des assistants entraîneurs du club turc, camerounais et noir de son état, manifeste sur la touche une excitation un peu trop vive ; le quatrième arbitre le signale à l’arbitre central, et comme il est le seul Noir dans le groupe et qu’il ne le connaît pas, il le désigne par le terme de « Noir ».

Insulte raciste ! S’ensuit une algarade générale. Le match est finalement arrêté, à la 14e minute, les joueurs rentrent au vestiaire car non, un Noir n’est pas un Noir, il est tout ce que vous voudrez, un bleu, un petit homme vert, un rouge-gorge, un Schtroumpf, mais certainement pas un Noir ! L’avoir appelé Noir, même s’il est noir, est un contresens, le non-Noir n’en démord pas. Est-ce que tu aurais dit le Blanc si j’avais été blanc ? dit-il au malheureux quatrième arbitre qui se retrouve au centre d’un raz-de-marée d’indignation, effaré, hébété.

Les médias s’emparent de l’affaire, les titres sont grandioses, hyperboliques, apocalyptiques. À la une de certains quotidiens, en caractères plus énormes qu’un jour d’armistice, on peut lire des titres tels que « Première mondiale : les grands joueurs disent non au racisme », « Racisme dans le football : l’électrochoc », « Arbitre raciste » ou « Chaos à Paris »

Et, comme pour d’autres événements tout aussi tragiques, surgit une résolution originale, mille fois entendue : plus rien ne sera comme avant, il y aura un avant et un après. Et le lendemain, dans un communion grandiose, les 22 joueurs se mettent à genoux sur le terrain et célèbrent l’avènement du Noir qui ne sera plus Noir…

Nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle où si un Noir n’est pas un Noir, un chat n’est plus un chat, mais un chien, une grenouille un perroquet, un mulet un cheval de course et le blanc d’Espagne du charbon de bois ; et l’on imagine déjà la métamorphose du monde qui est en train de s’opérer.

Désormais, une souris verte ne trottera plus dans l’herbe mais dans le blé jaune, ne sera plus catalan mais alsacien, Dupond-Moretti ne sera plus Garde des Sceaux mais garde-barrière à Capendu, dans l’Aude, Mandela sera un Viking, Biden une soupière et Macron le pape François… Tout est possible et il suffira de dire que tel n’est pas ce qu’il est pas pour qu’il soit ce qu’il n’est pas.

L’Académie française sera amenée à sortir du dictionnaire le mot « noir » et ses dérivés : « nègre », « négro », « négrillon », « négritude », « négrologie », « noiraud »… Le pâtissier ne fera plus des têtes de nègres mais des têtes d’œuf sorties de l’ENA. Au café, le petit noir sera remplacé par un blanc sec, les dépressifs ne broieront plus du noir mais de la chicorée, le vieux cinéma en noir et blanc deviendra le cinéma en bleu blanc rouge et la chanson de Johnny Hallyday « Noir, c’est noir » deviendra « En passant par la Lorraine »…

Oui, c’est un événement historique, et même physique et cosmogonique, qui a eu lieu, ce mardi 8 décembre 2020, à Paris.

 

Jean-Pierre Pélaez

Auteur dramatique
 

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