Jusqu’où va aller le nouveau khalife ottoman ?, par Jacques Myard.
Les insultes de Recep Tayyip Erdoğan à l’adresse d’Emmanuel Macron ne sont pas qu’une simple querelle entre deux chefs d’État, un dérapage incontrôlé. Cela va bien au-delà et s’inscrit dans la volonté du nouveau khalife ottoman de prendre la tête d’une croisade islamique contre la France, nation impie et laïque. La politique d’Erdoğan ne peut surprendre que les naïfs qui ont refusé de regarder l’évolution de l’actuel homme fort – pour ne pas dire dictateur – d’Ankara.
Erdoğan est d’abord un Frère musulman qui s’est appliqué, en interne, à éradiquer le travail laïc de Mustafa Kemal Atatürk, en éloignant l’armée des centres de décision, en transformant Sainte-Sophie en mosquée, en pratiquant une politique nataliste et en maintenant la pression sur les Kurdes accusés de terrorisme séparatisme.
Sur le plan externe, sa politique est limpide en soutien aux mouvements islamistes. Son hostilité à Bachar el-Assad est d’abord sa volonté de chasser de Damas un régime adversaire des Frères musulmans à un moment où ces derniers sont au pouvoir en Egypte (Morsi) et en Tunisie (Ghannouchi).
Son objectif est simple : reconstituer, sous couvert d’idéologie des Frères musulmans, l’influence ottomane dans tous ces pays !
Il intervient alors massivement en soutien des rebelles contre le régime syrien. Le chef des services secrets turcs (le MIT) confia par mégarde à des journalistes, qui le payèrent très cher, que la Turquie avait envoyé plus de 1.400 camions d’armes aux rebelles dont les accointances avec l’État islamique sont un secret de polichinelle. C’est l’époque où le pétrole de Daech s’écoulait très facilement en Turquie… et avait permis à l’État islamique d’avoir des ressources importantes pour faire face à la coalition occidentale !
Ce double jeu ne suscita guère de réactions de la part des puissances occidentales qui craignaient et craignent toujours que la Turquie, membre de l’OTAN et, à ce titre, gardienne des détroits, ne renverse les alliances et s’allie avec la Russie.
La Turquie se joue alors des contradictions européennes et fait monter les enchères en utilisant le levier des immigrés, elle procède à un véritable chantage : « Si vous ne donnez pas de l’argent, je pousse les immigrés vers l’Union européenne. »
Ankara, en 2016, obtient un premier versement de trois milliards d’euros – sur six – contre la maîtrise des flux d’immigrés ; cet accord ne fut pas respecté par la Turquie…