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Livre – L’ordre et le désordre, dans Analyse et théorie, Démocratie, Livres, de Eugène Berg.

Source : https://www.revueconflits.com/

Aujourd’hui persona non grata, Charles Maurras a pourtant développé de nombreuses réflexions intéressantes, notamment sur le patriotisme ou la figure du chef. Dans cet ouvrage, le maître à penser de l’Action Française brille dans une réflexion actuelle et précieuse.

5.jpgOn ne lit plus Maurras, dont la pensée est reléguée dans un passé révolu. Or son Kiel et Tanger (1910) est l’un des premiers  ouvrages consacrés en France à la question géopolitique. Son Enquête sur la Monarchie (1900) peut paraître désuète, elle n’en constitue pas moins une réflexion sur le pouvoir et sa permanence , le lien national, l’enracinement dans la durée des collectivités humaines, qui après avoir abandonné le rêve de l’ empire universel, ont constitué des nations, concrètes, vivantes, charnelles. Ne parle-t-on pas aujourd’hui, pour ce qui en est de régime politique de la Vè République, de Monarchie républicaine, où le politologue Georges Burdeau, qui fut le professeur de l’auteur de ces lignes, distinguait le pouvoir d’Etat, s’inscrivant dans la durée et le pouvoir tout court, incarné par les partis ? Charles Maurras, n’est ni un ultra légitimiste dans la lignée des Bonald, Burke ou Maistre. Il est encore moins un théoricien du fascisme, le pendant de Gentile ou Mussolini. Tout les oppose, à commencer par leur conception, du « chef » ou de la nation. C ‘est celle -ci qui est placée au cœur de sa pensée.

Vers un patriotisme refondé

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L'ordre et le désordre (Français)

Ecrit en 1948, cet opuscule concis ne se paye pas de mots. Il relève bien que c’est la prodigieuse persévérance de l’Angleterre au cours des années 1940- 1945, qui a sauvé les vieilles démocraties, que c’est l’évolution panslaviste ou plutôt panrusse des Soviets, qui a alimenté la résistance que la Russie a opposé aux Nazis, la Russie dont l’héroïsme est exalté par Vladimir Poutine 75 ans après la victoire du 9 mai 1945. Il évoque même, bien avant l’America first, l’éclosion de la vaste conscience américaine. D’où son appel à un patriotisme français, seule bannière susceptible de rassembler, ouvriers, bourgeois, agriculteurs, artisans, intellectuels… D’où son appel à l’éveil au corps et à l’esprit de la nation réelle. D’où son espoir (qui s’est révélé bien vain) de la nation pour déclasser et fusionner ses partis. C’est ainsi qu‘à ses yeux la France s’en sortira, et que le nationalisme français se reverra par la force des choses. Rien n’est fini. Et si tout passe, tout revient.

Ne peut-on pas appliquer ces paroles à l’Amérique, la Chine, la Russie, la Pologne, la Hongrie et même plus prudemment à l’Allemagne, alors que dans l’Hexagone, nationalisme, patriotisme   paraissent encore sur la défensive, car portés, par ce que l’on appelle encore les « extrêmes », et non les partis de gouvernement. Andrew A.Michta, doyen du Centre d’ études de sécurité George- C- Marshall, grand éditorialiste à la revue The American Interest, n’a-t-il pas déclaré  dans son interview au Figaro, le 3 juillet dernier : «  Nos élites doivent réapprendre la patriotisme , le sens de l’amour du pays, et surtout, de l’obligation  mutuelle que nous devons ressentir l’un envers l’ autre quand nous appartenons à la même nation ».

 

Une réflexion actuelle

Cela ne veut nullement dire que nous faisons nôtres les idées de Maurras. Son royalisme paraît aujourd’hui bien décalé, hors du temps. Mais un aspect le rend moderne, c’est celui de la décentralisation. Certes il ne sera pas facile de restaurer les provinces, de redonner aux villes leur autonomie, de faire des communautés locales des entités indépendantes et vivantes, mais un mouvement en cette direction (esquissés lors du référendum d’avril 1969, rejeté) serait peut -être indiqué. Vaste débat jamais conclu entre un Etat central omnipotent et les autonomies régionales, la pandémie a jeté une nouvelle lueur.

Les Etats ont besoin de chefs et de guides comme les populations ont besoin de paix, concluait Maurras, dans une formule peu politiquement correcte. Car on constate bien qu’aujourd’hui les « vrais » chefs sont des autoritaires ou des populistes, ou mieux encore les deux à la fois, Poutine, XI Jinping, Erdogan, Modi, Trump, Bolsonaro, et une pléiade d’autres… Comment se fait -il que les Churchill, de Gaulle, Nehru n’ait pas été remplacés et qu’encore une fois nos vieilles nations ne sont capables ni d’en faire ressortir, ni de les maintenir en place. Il se peut que tout gouvernement soit, de sa nature, indigne et mauvais, comme toute chair est coupable, ; mais ce n’est pas de jugement moral qu’il s’agit en politique nationaliste : on s’occupe seulement de pourvoir aux nécessités pratiques, pressantes de l’existence. Prius vivere.  A l’heure du coronavirus, ces nécessités ont-elles jamais été aussi pressantes ?

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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