Sehzade Ohran Osmanoğlu et la basilique Sainte-Sophie, par Frédéric de Natal.
Source : http://www.monarchiesetdynastiesdumonde.com/
«La Grèce ne peut prétendre à avoir des droits sur [la basilique de] Sainte-Sophie». La charge est venue de la bouche même d’un descendant de Mehmet II, ce sultan qui s’est emparé de Constantinople en mai 1453. Symbole de la puissance chrétienne orthodoxe, les turcs s’empresseront un siècle plus tard de lui rajouter des minarets et de la coiffer d’un croissant. C’est la république d’Atatürk qui décide finalement de désacraliser «AyaSofia» et d’en faire un musée.
Source de tensions permanentes entre le monde orthodoxe et musulman, le président Recep Tayip Erdogan souhaite aujourd’hui lui redonner son statut religieux. Le Sehzade impérial Ohran Osmanoğlu a apporté son soutien au gouvernement et ne mâche pas ses mots.
La basilique de Sainte Sophie d’Istanbul est soudainement devenue un enjeu politique et religieux pour Ankara. Le président islamo-conservateur Recep Tayip Erdogan a demandé au Conseil d’Etat, la juridiction administrative suprême, d’étudier la possibilité d’annuler le décret de novembre 1934 qui a transformé ce bijou artistique byzantin en musée. Pour le dirigeant turc, il y a urgence à redonner le statut religieux à Sainte-Sophie, passée de basilique à mosquée après 1453. Un projet qui a reçu le soutien de la maison impériale des Osmanoğlu. «Bien qu'il n'y ait aucun obstacle juridique, politique et administratif à la transformer en mosquée, chaque fois qu'elle a été ouverte au culte, il y a toujours eu des oppositions venue de l'intérieur et de l'extérieur» s’agace le Sehzade (prince) Ohran Osmanoğlu, porte-parole auto-proclamé de l'ancienne dynastie régnante. L’arrière-arrière-petit-fils du sultan Abdul Hamid II va plus loin et pointe du doigt la Grèce qui a abrité encore quelques années après la conquête de Constantinople, des principautés byzantines sur son sol et qui estime être l’héritière de Constantin XI Paléologue (le dernier Basileus à avoir régné sur Byzance). Une épopée qui continue de fasciner aujourd’hui tout un chacun. «La Grèce ne peut prétendre à avoir des droits sur [la basilique de] Sainte-Sophie, ses demandes n'ont pas la moindre valeur» écrit-il dans un éditorial publié dans le journal-TV en ligne «Ogun Haber». «Nous avons transformé un empire intriguant et corrompu en un état de miséricorde et nous avons permis à l’humanité de connaître les bienfaits de la civilisation islamique» n’hésite pas à déclarer dans un autre éditorial le prince impérial.
«Une conquête qui a été bénie par le prophète» affirme Ohran Osmanoğlu qui calque sa voix à celle des plus nationalistes de ses compatriotes. «Je rappelle aux grecs que la mosquée de Cordoue a été convertie en cathédrale par les catholiques et que des centaines d'objets historiques ont été volés et dispatchés. Bien sûr, ce n’est certainement pas aujourd’hui que nous allons apprendre à ces gens* le respect des civilisations et des cultures» poursuit de manière très virulente le prince. «A l’époque, cela n’a pas posé de problèmes aux grecs, aux arméniens ou aux catholiques que des appels à la prière soient émis » dans Sainte-Sophie feint-il de s’étonner après que le patriarche de Constantinople, Bartholémée Ier, ait exhorté les autorités turques à conserver le statu quo de la Basilique. «Sa conversion en mosquée inciterait des millions de chrétiens du monde entier à prendre position contre l’islam» a averti le chef spirituel des orthodoxes qui n’a pas oublié que c’est ici que les empereurs byzantins furent tous couronner.
D’ailleurs au cours du début du XXème siècle, les grecs tentèrent (en vain) de planifier l’invasion de la Turquie. Le roi de Grèce, lui-même, avait pris le nom de Constantin XII afin de situer dans la ligne droite de succession des Comnènes, Doukas et autres Paléologues. Un pays qui n’a toujours pas digéré l’invasion et l’occupation d’une partie de Chypre en 1974, gardienne d’un héritage que revendiquèrent aussi les Romanov par la suite. «Sainte-Sophie a toujours été dans l’agenda de notre nation» continue Ohran Osmanoğlu qui ne cache pas son soutien à l'initiative de Recep Tayip Erdogan. «Nous attendons désormais l’accord nécessaire du Conseil d'État afin qu’il autorise la re-transformation de ce musée en mosquée, témoin de notre héritage conquérant» renchérit le prince. «Ne fragilisez pas le dialogue inter-religieux» a plaidé le patriarche de Russie au gouvernement turc et dont la demande traduit les préoccupations palpables sur le sujet, visibles depuis des mois, de la part des chrétiens orthodoxes.
«Nous, les descendants de Fatih [«conquête» et le titre d’un film à succès sorti sur les écrans en 2012-nlr], allons bientôt renverser les idoles et te transformer à nouveau en mosquée. Avec nos camarades, aux larmes embuées de sang (…), nous remplirons de nouveau les dômes des messages prophétiques de Tekbir et de Tehlil , et il y aura de nouveau une seconde conquête (…)» conclu le Sehzade Ohran Osmanoğlu qui dédie à «AyaSofia», un poème du célèbre Osman Yüksel Serdengeçti.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, le premier ministre puis président Erdogan a initié une politique néo-ottomane et réhabilité la maison impériale de Turquie dont certains membres font aujourd’hui de la politique. Où s’affiche aux côtés du président. «Les accusations à l'égard de notre pays sur Sainte-Sophie visent directement nos droits souverains» s’est plaint le dirigeant turc en réponse aux protestations conjointes de la France [qui abrite encore des descendants des Comnène en Corse-ndlr], de la Russie, de la Grèce et des Etats-Unis de cette initiative. La réponse du conseil d’état est attendue sous quinze jours.
Le Sehzade Ohran Osmanoğlu, 57 ans, est le fils de l'actuel prétendant au trône de Turquie, Dündar Ali Osman VI (né en 1930). La monarchie turque a été abolie en mars 1924.
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*le mot employé par le prince à été volontairement changé afin de ne pas heurter la sensibilité des lecteurs.