Coronavirus : Pas de « rupture » sur les masques ? Les propos d’Emmanuel Macron contredits par les alertes des soignants.
Source : https://www.20minutes.fr/
Le président de la République a évoqué des « tensions » mais pas de « rupture » sur l'approvisionnement en masques. Une déclaration contredite par des syndicats de soignants, qui ont dénoncé à plusieurs reprises le manque d'équipements.
- Emmanuel Macron a parlé lundi soir de « tensions » mais pas de « rupture » sur l’approvisionnement en masques.
- Le président de la République n’a pas précisé à quels types de masque il faisait allusion.
- Des syndicats de soignants ont toutefois alerté à plusieurs reprises sur le manque d’équipements, et le gouvernement a reconnu des difficultés.
Il a reconnu « des manques » et des « tensions » mais pas de « rupture ». Emmanuel Macron est revenu sur les difficultés d’approvisionnement en masques pour lutter contre l’épidémie de coronavirusdans un reportage diffusé lundi sur BFMTV. « Il y a eu une doctrine restrictive pour ne jamais être en rupture que le gouvernement a prise et qui je pense était la bonne, a expliqué le président de la République. Il y a eu ensuite un approvisionnement renforcé et une production renforcée et nous n’avons jamais été en rupture. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu des manques, qu’il y a eu des tensions, c’est ça qui faudra regarder pour le corriger. »
Le chef de l’Etat a ensuite avancé « qu’au début du mois de mars, même encore plus en février ou en janvier, personne ne parlait des masques parce que nous n’aurions jamais pensé être obligés de restreindre la distribution de ceux-ci pour les soignants ».
La déclaration a fait bondir dans les rangs de l’opposition et chez certains syndicats de soignants. Médecins du Monde a également ironisé sur la communication présidentielle.
FAKE OFF
Contacté par 20 Minutes, l’Elysée n’a pas précisé quels types de masques évoquait le président dans cette interview. Il a repris lundi des éléments de langage qui avaient déjà été utilisés par Sibeth Ndiaye en mars. Le 4, elle avait avancé qu’il n’y avait « pas de risque de pénurie » pour les masques chirurgicaux, alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé la veille une réquisition des stocks dans le pays. Quelques jours plus tard, elle reconnaissait des « difficultés logistiques ».
Des déclarations démenties à plusieurs reprises par les syndicats de professionnels de santé. Le 7 mars, alors que les cabinets de dentistes étaient encore ouverts, Patrick Solera, président de la Fédération des syndicats dentaires libéraux, expliquait en premier lieu à l’AFP que les masques FFP2 étaient introuvables. Il exprimait également son inquiétude sur l’approvisionnement en masques chirurgicaux : « Alors que, dans notre métier, nous devons gérer chaque jour des projections de sang et de salive, nos fournisseurs nous ont écrit hier [le 6 mars] qu’ils ne pourraient plus nous fournir en masques chirurgicaux d’ici la fin mai car tout a été réquisitionné ».
Infirmiers et médecins libéraux tiraient également la sirène d’alarme. A l’époque, le gouvernement recommandait l’usage de masques FFP2 uniquement en milieu hospitalier.
Le 24 mars, nouvelle alerte, cette fois-ci de la part d’une dizaine de syndicats de médecins généralistes et de fédérations hospitalières. Ceux-ci dénoncent alors « la lenteur de l’approvisionnement en masques et la quantité insuffisante de matériels de protection pour les professionnels ».
Trois semaines plus tard, le 7 avril, « les manques perdurent », affirme le Syndicat national des professionnels infirmiers auprès de l’AFP. Le Syndicat a réalisé une enquête en ligne, qui a reçu 31.047 réponses entre le 31 mars et le 4 avril. Plus de la moitié des répondants (53 %) a « constaté un manque » de modèles chirurgicaux et plus des trois-quarts (81 %) de modèles FFP2.
Les masques « ont mis du temps à arriver sur le terrain »
Entre-temps, Olivier Véran, le ministre de la Santé, a reconnu que les masques « ont mis du temps à arriver sur le terrain ». Le 20 mars, il avait reconnu un manque de préparation auprès du Sénat : « Nous étions un pays hélas pas préparé du point de vue des masques et des équipements de protection, en raison d’une décision prise il y a neuf ans. Si nous avions eu un milliard de masques chirurgicaux et 600 millions de masques FFP2 comme c’était le cas en 2010, personne ne parlerait des masques. »
Le même jour, Sibeth Ndiaye explique que la France disposait « au début de cette crise, en 2019 », de 140 millions de masques chirurgicaux, dont, précise-t-elle, « une partie pas utilisable car destinée aux enfants ». Avant d’ajouter : « Nous n’avions pas de masques FFP2 en stock. »
Face à ces difficultés, le gouvernement a d’ailleurs évolué dans sa stratégie d’approvisionnement et de distribution des masques chirurgicaux et FFP2. Dans un premier temps, les FFP2 sont réservés aux seuls personnels hospitaliers, avant d’être rendus disponibles plus largement aux professionnels de santé.
Des soignants saisissent le Conseil d’Etat
A la mi-mars, alors que la colère des professionnels de santé gronde toujours face au manque d’équipement, l’exécutif annonce que les médecins et les infirmiers pourront aller récupérer un nombre rationné de masques dans les pharmacies. Mais le nombre d’équipements distribués est insuffisant, dénoncent des syndicats de médecins. Le 26 mars, un collectif de soignants décide de saisir le Conseil d’Etat.
Un mois plus tard, le Syndicat des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs affirme que 20 % des praticiens sondés par le syndicat déclarent encore manquer de masques FFP2. En vue du déconfinement, alors que les dentistes alertent sur le manque de protection pour la réouverture de leur cabinet, Olivier Véran annonce le 7 mai que 100 millions de masques vont être distribués à partir du 11 mai à destination des soignants, des malades et des personnes fragiles.
Le gouvernement a également encouragé, en vue du déconfinement, la production de masques en tissu lavables à destination du grand public, une autre manière de soulager la pression sur les stocks de masques de protection.