Le Pape et Macron, par Gérard Leclerc.
© Antoine Mekary / Godong
Quand le président et le pape se téléphonent, un autre terrain de préoccupations se dessine, qui ne concerne plus seulement les responsabilités des politiques par rapport au souci médical. C’est celui de la charité et de la morale.
Mardi, Emmanuel Macron a donc eu une conversation téléphonique avec le pape François. Quelques images ont été diffusées de l’événement depuis le bureau du président à l’Élysée. On en a retenu l’invitation réitérée au Saint-Père de venir en France, mais la communication présidentielle a aussi insisté sur les convergences qui ont été réaffirmées sur des points importants, ceux que François avait mis en avant dans son allocution de Pâques : solidarité européenne, soutien au continent africain, abolition de la dette dans les pays les plus pauvres, arrêt total des conflits guerriers en cours. On ne sous-estimera pas l’importance de ces points d’accord, qui ont encore besoin d’être concrétisés en projets applicables sur le terrain.
Incontestablement, cet entretien nous permet de comprendre comment la crise mondiale actuelle impose une réflexion où le politique et le moral se recoupent. Et le Pape est dans sa pleine mission lorsqu’il intervient ainsi auprès d’un chef d’État. Mais il n’est pas inutile de prendre un peu de distance pour mesurer la mission du successeur de Pierre dans la conjoncture mondiale. Un excellent papier de Marie-Lucile Kubacki dans l’hebdomadaire La Vie, nous en donne une idée judicieuse, ne serait-ce qu’en rappelant un propos de François qui trouve sa peine signification dans les circonstances présentes : « Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. » Peut-être sommes-nous encore en pleine bataille, mais la mission n’en est que plus urgente : « Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui, c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer les cœurs des fidèles, la proximité, la convivialité. »
Il n’y a pas que l’arbitrage entre les connaissances médicales et les responsabilités politiques qui compte. Il y a aussi cette dimension caritative au sens fort, qui rejoint d’ailleurs les préoccupations des penseurs qui tentent de définir les défis éthiques du présent. Je pense notamment à Jürgen Habermas, qui s’est exprimé, il y a quelques jours dans Le Monde, en s’opposant à ce qu’il appelle l’utilitarisme. Le même met en garde contre une primauté de l’économie qui justifierait la levée de certaines protections : « Les droits fondamentaux interdisent aux institutions étatiques toute décision qui s’accommode de la mort de personnes physiques. »