Ces princes qui auraient dû être rois, par Jacques Trémolet de Villers.
Jeune et brillant historien, Thibault Gandouly nous avait déjà donné une très intéressante biographie de Paul de Cassagnac, l’enfant terrible du bonapartisme.
Nous retrouvons ce journaliste intrépide et intelligent dans un second ouvrage, Philippe d’Orléans, comte de Paris 1838-1894.
Ce prince, petit-fils de Louis-Philippe Ier était peu connu. Il gagne à l’être mieux. Intelligent, travailleur, prudent et réservé, il réunit les deux traditions qui font son héritage, la légitimité du comte de Chambord et la modernité de la maison d’Orléans.
Cette réconciliation n’était pas chose facile. Mais des deux côtés elle était tellement souhaitée que la lecture devient passionnante du déroulement de ces rencontres qui s’achèvent par le célèbre « les Orléans sont mes fils » du Comte de Chambord.
Après la mort du dernier des Bourbons de la branche aînée, c’est tout naturellement que ses fidèles de façon quasi-unanime, se tournent vers Philippe d’Orléans. Nous sommes dans un temps où légitimistes, orléanistes et bonapartistes font l’écrasante majorité à l’Assemblée.
Daniel Halévy a appelé cette période « la République des Ducs ». Ceux que René Rémond a appelé les trois droites sont ici en vraie représentation. Le comte de Paris dirige la manœuvre, s’occupe de chaque circonscription, sait qui est qui et où il est. Il conseille, ordonne, soutient financièrement ou interdit. Il négocie les alliances, dont celle, catastrophique et où il n’ira que contre son gré, avec le Général Boulanger. La fin de l’aventure boulangiste sonne le glas des espérances électorales royalistes. Les républicains, très minoritaires en 1871, sont vainqueurs en 1889. Le Ralliement prôné par Léon XIII va s’achever par la loi de séparation des Églises et de l’État, l’expulsion des congrégations et le vol des établissements d’éducation par la loi qui « fit l’école afin que l’école fasse la loi ».
En refermant cette chronique d’une époque charnière qui vit l’institution du système qui est encore au pouvoir, deux sentiments animent le lecteur. D’abord une grande tristesse que l’auteur résume ainsi : « En définitive, la possibilité d’une restauration monarchique est bien morte avec le comte de Paris, dernier représentant de la maison de France à la tête d’un parti royaliste puissant et organisé ».
Cette conclusion en appelle aussitôt une autre, l’immense admiration pour le jeune Maurras qui, à 25 ans, se lance à ce moment dans un extraordinaire renouveau intellectuel, politique et militant du royalisme moribond.
En 1952, Maurras meurt bagnard, matricule 8321 après sept ans de réclusion criminelle. Son oeuvre est en débris et sa mémoire encore marquée du sceau de l’infamie. Mais en 1969, De Gaulle, méditant en Irlande sur son second et définitif abandon du pouvoir, écrit au comte de Paris « je m’en vais mais vous, vous demeurez ».
À l’heure où j ‘écris ces lignes, l’actuel comte de Paris, qui a signé la préface de cet ouvrage, habite Dreux avec son épouse et ses cinq enfants, domaine royal depuis Robert le Grand.
À qui veut bien observer, il n’est pas difficile de voir où sont les signes d’espérance.