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La crise de 2008 a profité à l'Asie (petit rappel pour comprendre 2020), par Jean-Philippe Chauvin.

Le texte ci-dessous a été écrit et publié en octobre 2008, et il ne me semble pas incongru de le republier aujourd'hui, pour entretenir la mémoire et en tirer quelques leçons, au regard de la crise actuelle qui voit désormais la Chine tirer bénéfice d'une situation qu'elle n'a pas entièrement créée même si elle en porte une part de responsabilité indéniable. Après 2008, la mondialisation a continué et s'est même accélérée, et la Chine a conforté ses positions, aidée en cela par l'irresponsabilité ou la cupidité des actionnaires et de nombre de multinationales qui ne raisonnent qu'en termes « d'avantages comparatifs » : les conséquences sont là, et nous pouvons les mesurer (les masques et le matériel médical qui manquent en France, puisque désormais fabriqués en Chine, par exemple), sans être bien certain, pour mon compte, que la République et les partisans de la mondialisation libérale aient la volonté réelle d'infléchir les choses et de revenir à plus de raison et, disons le mot, de « nation »...

jean philippe chauvin.jpgLa crise financière continue à se développer sans que l’on sache combien de temps elle va durer et quelles en seront toutes les conséquences. La dégringolade des places boursières donne l’impression d’une vaste panique incontrôlée et d’une perte de confiance généralisée dans le système financier mondial. Mais, au-delà des évènements, il me semble important de chercher à comprendre ce qui se passe, condition indispensable à toute stratégie économique crédible et à toute réponse politique.

 

En fait, il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.

 

Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.

 

La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.

 

Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)

Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.

(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)

Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.

(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».

 

Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…

Commentaires

  • Je serais moins pessimiste que monsieur Chauvin non pas tant que "nous "vaincrons" parce que nous sommes les plus forts", que par un défaut de paralaxe quant à la condition civilisationnelle des empires asiatiques. Je connais mal l'Inde mais un pays où 900 millions de gens se demandent chaque matin où vont-ils bien pouvoir déféquer en évitant le coin d'hier ne m'effraie pas encore. Reste l'Empire du Milieu. Nation gigantesque, les défis qu'elle affronte ne le sont pas moins et si la technologie accède à la pointe de l'excellence, ce n'est pas ce qui va entraîner le reste du pays vers l'hégémonie mondiale.
    Passons sur le système bancaire perclus de dettes irrécouvrables des municipalités qui forcent les prêts à leur bénéfice (corruption aidant); les développements de la crise financière du Covid-19 vont montrer les limites de résilience des banques et du régime de régulation des parités internationales avec un encours de bons du Trésor américain faramineux.

    Les deux plus grands défis sont discrets : le premier est la caporalisation de l'économie par le retour du Parti communiste chinois dans toutes les entreprises, universités et collèges. On sait que la prééminence donnée aux commissaires politiques stérilise la créativité au bénéfice de la conformité (c'est ce contre quoi Hong Kong se bat). Les bureaux occidentaux de R&D se plaignent que les recrues chinoises arrachées aux meilleures facultés sont des conformistes qui ne voient dans leur diplôme qu'une porte ouverte vers une carrière tranquille bien payée. A l'opposé, les créateurs sont fliqués (Ma Yun a laissé tomber Alibaba avant que le PCC ne lui mette un adjoint dans le bureau) ; l'esprit d'entreprise pour enrichissement familial en pâtit dès lors qu'il faut attribuer tout succès au Parti communiste qui revendique la création d'un environnement gagnant.

    Le second défi est dans la démographie des masses laborieuses. Les Hans ne sont pas un peuple pacifique ; les émeutes villageoises récurrentes sont soigneusement gommées des actualités. Les pubs de consommation débridée n'y sont pas étrangères. Les consignes de confinement ont donné lieu à des affrontements violents entre la police urbaine et les "gens" dans plusieurs villes : les voitures de police sont mises sur le toit. C'est le travail qui calme la population mais si les usines ferment faute de commandes, il y aura beaucoup de mécontentement en vadrouille dans les rues ! Normalement le seuil de confort du gouvernement est une croissance de 6-8% selon les provinces. Personne ne sait combien va faire la Chine en 2020 puisque toutes leurs statistiques sont politiques, mais ce sera faible.

    On pourrait parler de la pollution de l'air qui est devenue un souci quotidien, les indices IQA sont publiés chaque jour ville par ville et les gens ont appris à s'inquiéter. Des révoltes citoyennes sont possibles comme en Occident, qui peuvent dévier des projets rentables mais fortement anti-écologiques.
    Il y a vingt ans la Chine rachetait toutes les usines à papier canadienne qui étaient décommissionnées car trop polluantes. Elle a ruiné la qualité des eaux de rivière pour longtemps et les maraîchers la puisent. Les gens le savent.
    Un dernier pour la route : Xi Jinping n'a pas le bac.

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