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Henri Tincq, par Gérard Leclerc.

« À sa mort, il ferait titrer à la une du “Monde” que son pontificat avait été “hors normes”. »

CC by : Jean-Pierre Dalbéra

Pour ses collègues qui le connaissaient bien depuis longtemps, la mort d’Henri Tincq, victime de l’épidémie du coronavirus, constitue un vrai choc affectif. Dans le milieu des informateurs religieux, il était une référence, même si l’on était en désaccord avec lui, ce qui m’est arrivé plus d’une fois. L’homme avait ses convictions, forgées depuis ses origines nordistes, notamment à l’école de la Jeunesse étudiante chrétienne. Il n’aurait pas démenti son étiquette de catholique de gauche, tant son appartenance religieuse allait de pair avec ses engagements politiques.

gerard leclerc.jpgMais ce qui frappait aussi chez lui, c’était sa conscience professionnelle de travailleur acharné, d’enquêteur rigoureux. Au moral, on ne pouvait qu’admirer son courage devant les épreuves de la vie, qui ne lui ont pas manqué. Épreuves de la maladie, d’un deuil conjugal. Jusqu’à la fin, il aura su lutter avec la détermination d’un coureur de fond.

Faut-il aborder les questions qui fâchent, celles sur lesquelles nous nous sommes souvent opposés ? Pourquoi pas, même si j’ai découvert dans nos contacts qu’il était très sensible à la critique. C’est peut-être une caractéristique du milieu des informateurs religieux. Les passions exprimées y sont souvent très vives, presque plus qu’en politique. J’ai le souvenir d’un déjeuner – c’était en 1996 – où nous nous sommes engueulés, sans souffler un instant, sous les yeux effarés de la jeune femme, attachée de presse qui nous avait réunis. C’était à propos de Jean-Paul II, dont il estimait la fin prochaine, alors que je lui prévoyais encore quelques bonnes années à la tête de l’Église. Il admirait certes le pape polonais. À sa mort, il ferait titrer à la une du Monde que son pontificat avait été « hors normes ».

Mais la sensibilité doctrinale de Jean-Paul II, comme celle de Benoît XVI, n’était pas exactement la sienne. Peut-être se retrouvait-il un peu mieux avec François, sans qu’on soit vraiment sûr que ses orientations dessinent une autre alternative. C’est du moins l’impression que m’a donné son dernier essai intitulé Vatican, la fin d’un monde (Cerf). Je relis, non sans émotion, la dédicace qu’il m’adressait : « À toi cher Gérard, une relecture bien immodeste de la crise à la tête de l’Église. Revoyons-nous comme voisins. Amicalement. » Nous étions en effet voisins. Hélas, nous ne nous reverrons plus ici-bas. Ce sera pour un monde meilleur, auquel nous croyions, tous les deux.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 1er avril 2020.

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