Liban : Vers une catastrophe économique ?, par Guillaume Staub.
Au Liban, le 28 janvier 2020, les patriarches grec-catholique, syriaque-catholique, arménien-catholique, syriaque-orthodoxe, le catholicos arménien et d’autres évêques se sont réunis afin d’évoquer la très grave crise financière qui secoue actuellement le pays et qui entraîne son appauvrissement. Les autorités religieuses se disent particulièrement préoccupées par l’explosion du nombre de personnes nécessiteuses qui viennent frapper à la porte des paroisses.
Cette inquiétude révèle une triste réalité, le Liban est au bord d’un désastre économique et les solutions semblent pour l’instant inexistantes ; le pays pourrait rapidement se trouver en défaut de paiement sur sa dette, celle-ci pesant plus de 150 % du PIB en 2019 et, si les prévisions du FMI sont exactes, 161,8 % du PIB en 2020 et 167 % du PIB en 2021. Quant à la croissance du PIB, elle est estimée à 0,3 % en 2018, à 0,2 % en 2019 et ne devrait que faiblement augmenter en 2020 (0,9 %) et 2021 (2,3 %) selon les prévisions très incertaines du FMI – les prévisions ne pouvant être qu’incertaines dans un pays qui connaît de fortes mutations sociales, économiques et politiques.
Mais au-delà des chiffres, il y a des personnes, le quotidien des Libanais devient difficilement vivable. Ils ne parviennent plus à retirer de l’argent de leurs banques – ils disposent généralement d’un compte en dollars en plus de leur compte en livres libanaises – ou, selon les témoignages, seulement quelques centaines de dollars et souvent en billets d’un ou de cinq dollars. Beaucoup craignent de perdre leurs économies. De même, les entreprises ont beaucoup de mal à verser les salaires et certains produits viennent à manquer dans les magasins. Le prix des différents produits ne cessant d’augmenter, + 15 % en novembre, la Banque mondiale estime que le taux de pauvreté pourrait passer de 35 % à 50 % de la population si rien n’est fait pour juguler cette inflation. De même, le réseau électrique n’est plus entretenu et les coupures électriques deviennent fréquentes dans le pays. Cette crise de l’électricité s’ajoute à celle du traitement des déchets qui dure depuis 2015. Pas un seul jour ne passe sans que la presse locale ne fasse état d’un suicide, la situation est devenue dramatique.Comme le rapporte le journal La Croix, cette crise apparait particulièrement sérieuse parce qu’elle touche les banques, les libanais ne s’y trompent pas en les prenant pour principale cible des manifestations. Jusqu’ici, les banques libanaises apparaissaient comme l’un des rares secteurs d’excellence du pays, assurant la stabilité́ de l’économie. Le Liban était même considéré́ comme la « Suisse du Moyen-Orient », le pays où bon nombre de ressortissants de la région choisissaient de loger leurs économies pour les mettre en sécurité. C’est pour cette raison que l’état des banques libanaises inquiète également les gouvernements de la région à l’instar du gouvernement syrien ; on estime qu’un tiers des dépôts dans les banques libanaises sont des dépôts syriens, certains parlent même d’une possible famine en Syrie à cause de la situation économique du Liban. Est-ce qu’un des seuls pays stables de cette région du monde ne serait pas sur le point de sombrer, entraînant avec lui d’autres pays déjà̀ bien meurtris ?