Le comte de Paris donne sa position sur la question européenne dans Marianne
Visuel La Couronne
Le chef de la Maison de France s'est exprimé une nouvelle fois dans la presse nationale. A la veille des élections européennes, il vient de publier dans Marianne une tribune intitulée Nos enjeux européens.[13.05] Il convient de lire son analyse avec attention de façon à en discerner les lignes de force. Parmi ces dernières, nous relevons que l'Europe ne peut consister qu'en « des relations de coordination entre nations souveraines et non des rapports de subordination » et qu'elle ne peut exister sans l'assentiment populaire. « Les problèmes structurels de l’Union européenne se sont aggravés » constate le Prince parce qu'elle a ignoré ces deux conditions. Une réflexion riche de sages enseignements. Dans la tradition capétienne. LFAR
« Je tiens à faire part aux Français, engagés ou non dans cette campagne, des réflexions que m’inspire la tradition millénaire que j’incarne. »
La campagne en vue des élections au Parlement de Strasbourg mêle les considérations sur l’avenir de l’Union européenne et les affrontements entre les formations politiques de notre pays. Ma vocation à l’arbitrage dans le souci primordial du bien commun et de l’unité du pays me place au-delà des affrontements partisans. Je n’en méprise pas l’importance pour la vitalité de notre système politique mais je tiens à faire part aux Français, engagés ou non dans cette campagne, des réflexions que m’inspire la tradition millénaire que j’incarne.
Français de toutes religions, classes et origines, nous appartenons à la même nation souveraine. Nous n’avons pas à revendiquer cette souveraineté, qui est une réalité historique et juridique. Depuis le roi de France se proclamant "empereur en son royaume" jusqu’au Préambule de notre Constitution réaffirmant que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation", la France n’a cessé de défendre son indépendance - dont nous avons si souvent et si durement payé le prix.
Quand nous étions un royaume et depuis que nous sommes devenus une nation, dans les tourmentes de l’histoire mais toujours avec l’État sous la forme de la monarchie royale, du régime d’Assemblée puis de la monarchie élective, nous n’avons jamais conçu notre souveraineté dans l’isolement. Hormis la parenthèse napoléonienne, la France s’est toujours pensée et voulue comme partie prenante du concert des nations ; par ses alliances et à défaut par la guerre, la France a toujours cherché à préserver ou à rétablir l’équilibre européen face aux volontés de puissances hégémoniques.
Tandis que notre pays renforçait son État selon une conception rigoureuse de la souveraineté au sortir des guerres de Religion, Henri IV et Sully imaginaient le premier projet de confédération européenne fondé sur l’égalité des États qui en seraient membres. Aujourd’hui, l’Union européenne se définit comme un ensemble de nations également liées par des traités qui ne sauraient établir que des relations de coordination, à repenser sans cesse, et non des rapports de subordination. Au sein de cette Union, des intérêts communs sont poursuivis mais les États-membres ne cessent néanmoins d’y défendre, avec plus ou moins d’intensité et toujours sous forme de compromis, leurs légitimes intérêts nationaux.
Comme ses partenaires, la France a souverainement consenti des délégations de compétences, notamment dans les domaines de l’agriculture, du commerce et de la monnaie. Nos gouvernements successifs espéraient pouvoir contrôler ces délégations tout en entretenant la fiction d’un "Parlement" pourtant dépourvu de pouvoir législatif, et tout en acceptant, au mépris de la séparation des pouvoirs, une Commission qui est un organe exécutif disposant de l’initiative législative. Depuis 2007, les problèmes structurels de l’Union européenne se sont aggravés :
Le traité de Lisbonne est la copie conforme, à quelques détails près, du "Traité constitutionnel" rejeté par les peuples français et hollandais. Le "déficit démocratique" que mon grand-père déplorait après le traité de Maastricht s’en est trouvé considérablement accru.
La zone euro, en vérité un système rigide de taux de changes fixes, s’est instituée de manière autonome au sein de l’Union. Elle fonctionne la plupart du temps selon les injonctions du gouvernement allemand, selon les choix d’une Banque centrale totalement indépendante des Etats, et selon les décisions de l’Eurogroupe, structure dont le caractère "informel" a été reconnu par traité en 2009. Cela signifie que ces trois organes de décisions sont hors de contrôle des États-membres qui se retrouvent tous peu ou prou intégrés dans des mécanismes régis par des groupes d’experts.
Les politiques menées au nom de l’Union ne produisant pas les effets annoncés ou correspondant de moins en moins à la volonté des peuples, il n’est pas surprenant que la plupart d’entre eux, en réponse aux multiples crises qu’ils doivent affronter, souhaitent s’en affranchir et reprendre le plein exercice de leur souveraineté nationale.
Le référendum aboutissant au Brexit est l’exemple le plus frappant et l’Allemagne n’a quant à elle jamais hésité à faire prévaloir les règles qui lui conviennent dans l’ordre économique et monétaire par le biais du nouveau traité signé en 2012 et par son influence politique, tandis que les gouvernements français, de droite comme de gauche, continuent à œuvrer en faveur d’une "construction européenne" prétendument supérieure aux nations.
Je vois dans la confusion bruxelloise des pouvoirs et dans cette "gouvernance" bureaucratique indifférente à l’affaiblissement économique et industriel de nombreux pays et aux souffrances sociales endurées par de nombreux peuples, les causes immédiates de la grande colère qui porte au rejet d’une "Europe" d’ailleurs fort réduite par rapport au continent européen.
Malgré les invocations rituelles à Jérusalem, à Athènes, à la Rome ancienne et à la Rome chrétienne, aux Lumières et à l’universalisme, l’Union n’a pas la politique de justice que devrait lui inspirer la pensée européenne. Elle organise la compétition entre les peuples, elle favorise le morcellement des nations, elle prive les États des moyens leur permettant de conduire des politiques publiques qui pourraient porter remède à nos multiples fractures sociales et territoriales. Elle néglige la culture européenne, conservant aux moindres coûts un patrimoine monumental dont elle a perdu le sens. Comment pourrait-elle se faire aimer ? ■
Commentaires
Profonde réflexion de Jean IV qui nous fait regretter l’exist’encenserai du régime republicain
Remarquable et claire déclaration,à la vérité, à laquelle il y a lieu d'ajouter la menace récurente que présente l'immigration, quand ce ne sont pas les Etats eux-mêmes qui la régulent.
bonjour à tous,
la pensée du prince Jean est clair sur l'Europe. Il est bien que le prince exprime ses idées et les fassent passer dans les médias nationaux . La justice est une belle idée mais tant que la "commission" régnera, sans justification législative, le justice ne sera pas présente.. Et même plus, la "commission" amène à in rejet de cette Europe.
amitiés de Dracénie sous le soleil
bonjour,
j'ai apprécié la mention "Français de toutes religions, classes et origines" et plus particulièrement le positionnement du Prince en tant qu'arbitre "Ma vocation à l’arbitrage dans le souci primordial du bien commun et de l’unité du pays me place au-delà des affrontements partisans". Autrement dit on n'est pas loin de la démocratie couronnée (arbitrale) où le Président serait remplacé par un Roi. Pas loin car il suffirait de ce remplacement pour que le Roi règne (arbitre) et que le 1° Ministre gouverne. C'est simple, lisible, compréhensible par tous. On est sur la bonne voie! Et la vison de l'Europe est bien précisée.
Enfin sorti du bois pour développer ses idées dans un magazine national d'informations générales. C'est un très bon début. Il y aura une autre occasion où il pourra s'exposer ses idées européennes, ce sera lors du renouvellement de la Commission européenne en octobre prochain. Bravo.
D'ici là il serait utile d'approfondir les dossiers, de potasser pour éviter quelques approximations voire erreurs qui tendent la perche du dénigrement à ses adversaires. Au boulot !
Seul en France à pouvoir jouer ce rôle, le Comte de Paris, dans son rôle naturel d'arbitre quasi institutionnel dans le pays, réussit à s'élever au-dessus de la cacophonie des argumentaires présentés par les quelques 34 listes de candidatures à la députation au Parlement Européen. En s'appuyant sur la durée, il situe bien où le débat européen, pour être fructueux devrait conduire pour la France et les autres nations de l'Europe.
Le moins que l'on puisse dire est que les institutions européennes actuelles sont très fragmentaires et brouillonnes et que les citoyens des pays membres y perdent leurs repères et ont des excuses dans l'insatisfaction démocratique qu'ils expriment.
Excellente tribune du comte de Paris. L’essentiel est dit avec concision et hauteur de vue. Par la presse, un grand nombre de Français vont découvrir sa pensée et incidemment la Monarchie. De plus, dans le cadre de sa fonction, le Prince a d’emblée trouvé son propre style : élégance, clarté, simplicité.
Ribus a tout résumé, tout dit. Le Prince Jean, c'est une chance !
Ce texte, c'est à l'état pur la pensée capétienne sur la France et sur l'Europe depuis mille ans. Le Prince incarne cette ligne dans les réalités d'aujourd'hui. Remarquable permanence !
Du dénigrement, il y en aura toujours. Surtout chez les royalistes où il y a beaucoup de rigidités et peu de rigueur. Certains écervelés et agités auraient tant et si bien, en 987, qu'Hugues Capet n'aurait pas été élu roi de France..
Bravo et merci Monseigneur,
Je lis dans ces lignes le premier commentaire qui se hisse au-dessus des réflexions fragmentaires ou partisanes
Merci Monseigneur, Tout comme M Vasselot je perçois enfin un espoir de vie collective. L'Europe oui, mais celle qui aide les peuples et non celle de fous, de plus en plus furieux, qui nous apporte que misère. Les Gilets jaunes ne sont pas rangés au placard, et pourtant c'est ce que notre gouvernance et nos médias à solde veulent bien nous en persuader. Oui, nous devons l'aider à présenter une autre vision de l'Europe et de la France, notre pays, notre nation si nous sommes tous en accord avec le modèle à construire, l'actuel nous conduit au trépas.