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Alain de Benoist : « Il ne sert à rien de supprimer Daech si l’on ne sait pas par quoi le remplacer ! »

 

Nous reprenons ces excellentes - et pertinentes - réflexions d'Alain de Benoist qui visent, au fond, à mettre en garde contre une politique étrangère perpétuellement moralisante, idéologique et sans vision ni projet de long terme. Celle que nous avons, nous aussi, toujours dénoncée ici. Qui fut à la base des tragiques erreurs irakiennes, libyennes, afghanes et autres, dont nous avons aujourd'hui les conséquences dramatiques jusque sur notre sol. LFAR 

 

1251985609.2.jpgFrançois Hollande a promis aux Invalides de « tout faire pour détruire les fanatiques de l’armée de Daech ». On en prend le chemin ?

C’est de la gesticulation. Après s’être refusé à bombarder les positions de l’État islamique pendant plus d’un an pour se concentrer sur l’aide apportée aux opposants à Bachar el-Assad, le chef de l’État a seulement décidé d’intensifier nos frappes. Mais des attaques aériennes n’ont jamais permis de gagner une guerre, surtout réalisée par des chasseurs-bombardiers qui ont le plus grand mal à atteindre les cibles mobiles et des ennemis particulièrement aptes à la dispersion et à l’imbrication avec les populations (ne soyons pas naïfs au point de croire que nos frappes ne touchent que des djihadistes !). On compte à l’heure actuelle de vingt à trente frappes par jour sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, soit environ 8.300 frappes depuis le début des bombardements. Les frappes réalisées par nos avions de combat ne représentent que 4 % de ce total. Elles ont, au mieux, permis de détruire 1 % du total des effectifs armés de Daech. On est loin du compte.

Qui dit guerre dit effort de guerre. Or, depuis des années, les budgets militaires sont les parents pauvres de la dépense publique. Passés désormais au-dessous du seuil de suffisance, ils ne permettent plus d’assurer nos missions régaliennes dans un monde qui devient pourtant toujours plus dangereux. Parallèlement, des milliers de militaires qui pourraient être mieux employés ailleurs ont été transformés en vigiles de rue (les opérations Vigipirate et Sentinelle mobilisent l’équivalent de deux brigades, alors que nous n’en avons que douze). Comme l’a dit le colonel Michel Goya, « il est toujours délicat de jouer les gros bras quand on n’a plus de bras ».

Que faudrait-il faire ?

Chacun sait bien qu’on ne pourra pas faire éternellement l’économie d’un envoi de troupes au sol. Mais personne ne s’y résout pour l’instant. Citons encore le colonel Goya : « Il n’y a combat dit asymétrique et résistance souvent victorieuse du “petit” sur le “fort” que tant que ce dernier craint de venir combattre sur le terrain du premier […] Quand on ne veut pas de pertes, on ne lance pas d’opérations militaires. »

S’assurer de l’étanchéité de la frontière avec la Turquie, aujourd’hui inexistante, serait l’un des premiers objectifs à atteindre. La Turquie joue, en effet, un jeu irresponsable. Tout ce qui l’intéresse est de nuire à Bachar el-Assad et d’empêcher la naissance d’un État kurde indépendant. Elle aide directement ou indirectement Daech, et elle le finance en lui achetant son pétrole. Elle n’a pas hésité à abattre un avion russe parce que celui-ci bombardait des convois pétroliers, et les États-Unis lui ont apporté leur soutien dans cette agression d’une gravité inouïe au seul motif que les Turcs sont membres de l’OTAN.

Cela pose la question de nos rapports avec l’OTAN, dont le général Vincent Desportes n’hésite pas à dire qu’elle est devenue une « menace sur la sécurité des Européens » et un « outil de déresponsabilisation stratégique » qui « nous prive des moyens de gagner des guerres et constitue le meilleur obstacle à l’édification d’une défense commune européenne indépendante ». À l’inverse, cela devrait nous amener à collaborer sans arrière-pensées avec tous les ennemis de nos ennemis, à commencer par la Russie, la Syrie et l’Iran. Mais soyons sans illusions : tous les spécialistes savent que cette guerre ne peut être qu’une entreprise de longue haleine, qui va durer au moins dix ou vingt ans.

À supposer que les Occidentaux – ce terme est employé à dessein – aient la capacité technologique de gagner la guerre contre le terrorisme, comment ensuite gagner une paix durable ?

Parler de « guerre contre le terrorisme » (ou « contre le fanatisme »), comme le font les Américains, n’est qu’une façon détournée de ne pas nommer l’ennemi. Notre ennemi n’est pas le terrorisme. Notre ennemi, ce sont ceux qui utilisent le terrorisme contre nous – et qui nous ont à ce jour plus terrorisé que nous ne les avons terrorisés nous-mêmes. On a tendance, aujourd’hui, à présenter les interventions militaires comme des « opérations de police ». C’est oublier qu’il y a une différence essentielle entre les unes et les autres, car la guerre aspire à la paix par la victoire, tandis que la police poursuit une mission sans fin (on ne fait pas la paix avec les délinquants). Refuser le statut d’ennemis à ceux que l’on combat, c’est s’engager dans des hostilités qui n’en finiront jamais.

Lutter contre l’État islamique implique de s’attaquer aux causes premières de sa force, lesquelles ne sont pas militaires, ni même religieuses, mais fondamentalement politiques. Il ne sert à rien de supprimer l’État islamique si l’on ne sait pas par quoi le remplacer. S’imaginer que les choses reprendront leur cours normal une fois qu’on aura fait disparaître les « fanatiques » et les « psychopathes », c’est rêver debout. Cela exige une intense activité diplomatique, à la fois nationale et surtout régionale. Au bout du compte, une grande conférence internationale sera nécessaire, qui devra sans doute envisager un remodelage des frontières. Mais dans l’immédiat, il faudrait déjà en savoir plus sur l’État islamique, et se demander – la question a été posée récemment par Xavier Raufer – comment il se fait que ses principaux dirigeants ne sont justement pas des islamistes, mais le plus souvent des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein.  •

Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

Boulevard Voltaire

 

 

Commentaires

  • Je suis A.de Benoist depuis 50 ans . Globalement d'accord a ,disons,80% avec ses analyses et convictions toujours fondées sur une immense culture et une intelligence analytique hors-normes...... Meme quand je pensais ne pas etre d'accord avec lui au premier abord il m'a pratiquement toujours conduit a m'interroger sur la valeur de mes convictions et a me rendre compte qu'elles étaient trop souvent des idées "reçues" que je n'avais pas pris la peine de passer au crible de mon intelligence,dont je sais qu'elle n'a rien d'exceptionnel mais dont j'ai compris surtout grace a lui que je pouvais mieux en tirer parti......D'une certaine maniere il m'a eveillé. Je lui dois l'essentiel du peu que je sais et suis,mais qui est pour moi beaucoup
    Par contre sur cette intervention , je serais plutot a 50% seulement.d'accord avec lui
    Il me semble qu'elle peche sur deux points :
    Le premier est que ,meme si les dirigeants de l'EI ne sont pas a la base des islamistes purs et durs c'est bien sur l'Islam sunnite comme ciment et base de leur action qu'ils s'appuient.Sans appel a la foi ils n'auraient pas de troupes. Et si ces chefs revent d'un vaste pays a naitre faisant fi des anciennes frontieres de la region c'est seulement parceque l'Islam les transcende et a la limite les nie,parcequ'elles separent ceux qui NE DEVRAIENT PAS L'ETRE. que ce reve ,recurrent dans son Histoire, leur parait réalisable. La dimension religieuse du conflit actuel fait plus que surpasser sa dimension politique, elle seule l'autorise.
    Le deuxième point est que ce serait une terrible erreur que d'intervenir au sol pour le mariage de carpes et de lapins formé ,au moins en apparence,par l'hétéroclite coalition qui bombarde la région (Et,pas seulement l'armée de l'EI, comme en Serbie ,ou ,magiquement les "frappes chirurgicales" de l'Otan ne touchaient que les mechants.....) avec une efficacité douteuse. Sauf que des videos russes ont montré que des frappes pouvaient l'etre,ce qui conduit a s'interroger sur celles des Americains : absence de technique ou absence de vraie volonté.....?
    Ces memes Americains,intervenant au sol en Irak,ont balayé l'armée de Saddam avec leurs troupes d'élite surtout. Mais c'est aprés que les choses se sont gatées et se gateraient de la meme maniere cette fois-ci : une telle intervention,organisée "internationalement" selon AdB,devrait etre suivie d'une longue occupation. Il serait trop long d'en decrire ici les inconvenients ,rhédibitoires. ils apparaissent evidents ,a la lumiere notamment des tentatives americaines recentes. Ne citons que celui-ci :tous les Sunnites du monde y seraient violemment opposés. Le terrorisme mondialisé actuel serait une aimable plaisanterie a coté de ce qui adviendrait. Et sur place........
    Je crois qu'il faut reduire l'EI a un minimum avec les moyens ,l'energie et l'efficacité montrés par les Russes, puis laisser les choses se stabiliser en les surveillant a distance bien sur.
    Si intervention internationale il doit y avoir c'est sur les menées turques qu'elle devrait s'exercer.
    Quand on pense que l'Europe s met a plat ventre devant la Turquie! Merci Angela......

  • Il faut le dire : les commentaires de Richard Portier sont toujours intéressants. A lire !

  • Voeux de longue vie et santé a LFAR , necessaire espace de d'intelligence,de bon sens et de liberté........
    Merci a Bob par ailleurs,toujours pertinent,surtout dans ce message......! Pourriez -vous en convaincre mon épouse? Merci d'avance.
    Par ailleurs,et contrairement a une perfide rumeur,meme pas besoin de m'appeler Maitre!
    Voeux a tous les courtois intervenants du site.

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