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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • L'Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l'économie africaine (partie 1), par Ilyes Zoua­ri.

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    Pré­sident du CERMF (Centre d’é­tude et de réflexion sur le Monde francophone)

    www.cermf.org

    info@cermf.org

    En dépit d’une année par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile, mar­quée par la pan­dé­mie, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a glo­ba­le­ment réa­li­sé les meilleures per­for­mances éco­no­miques du conti­nent pour la sep­tième année consé­cu­tive et la hui­tième fois en neuf ans, tout en en demeu­rant, et plus qu’au­pa­ra­vant, la par­tie la moins endet­tée. La ten­dance devrait se main­te­nir pour l’an­née 2021, avec un rebond atten­du de l’ac­ti­vi­té, même si les pré­vi­sions en la matière res­tent, à ce stade, assez hasardeuses.

    1.jpgPour la sep­tième année consé­cu­tive et pour la hui­tième fois en neuf ans, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a affi­ché les meilleures per­for­mances du conti­nent en termes de varia­tion de PIB, selon les don­nées four­nies par la Banque mon­diale dans son rap­port « Pers­pec­tives éco­no­miques mon­diales », publié en jan­vier der­nier. Glo­ba­le­ment, cet ensemble de 22 pays est ain­si par­ve­nu à limi­ter la baisse de l’ac­ti­vi­té résul­tant de la crise liée au Covid-19, en enre­gis­trant une crois­sance néga­tive de ‑2,1 %, tan­dis que le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne enre­gis­trait un taux de ‑4,3 % *. Du côté de la dette publique, et selon les der­nières don­nées du FMI, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a glo­ba­le­ment réus­si à maî­tri­ser son niveau d’en­det­te­ment, qui était déjà le plus faible du conti­nent, avec une hausse de 4,1 points de pour­cen­tage du poids glo­bal de la dette publique par rap­port au PIB, contre une hausse de 8,3 points pour le reste de l’A­frique subsaharienne.

    Une crois­sance glo­bale néga­tive de ‑2,1 %

    La crois­sance de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a donc connu une impor­tante baisse par rap­port à l’an­née pré­cé­dente, lors­qu’elle s’é­tait éta­blie à 4,1 % (4,6 % hors cas très par­ti­cu­lier de la Gui­née équa­to­riale). Cette même année, en 2019, la crois­sance avait été de 1,8 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays fran­co­phones (dont la Gui­née équa­to­riale, ancienne colo­nie espa­gnole et par­tiel­le­ment fran­co­phone), ain­si que la Gui­née Bis­sau (luso­phone et ancienne colo­nie por­tu­gaise), qui ras­semble 54 % de la popu­la­tion de l’A­frique fran­co­phone sub­sa­ha­rienne (et 43 % de celle de l’A­frique fran­co­phone), la crois­sance est pas­sée de 3,9 % en 2019 à ‑1,6 % (ou de 4,6 % à ‑1,1 %, hors Gui­née équa­to­riale). Dans cet espace, la zone UEMOA conti­nue à se dis­tin­guer en ayant réus­si à enre­gis­trer une évo­lu­tion légè­re­ment posi­tive (0,2 %), à l’in­verse de la zone CEMAC dont les trois pays les plus dépen­dants des hydro­car­bures ont fait bais­ser la moyenne glo­bale de la crois­sance économique. 

    En 2020, et même en réper­to­riant Mau­rice et les Sey­chelles par­mi les pays fran­co­phones (deux pays consi­dé­rés comme à la fois fran­co­phones et anglo­phones*), quatre des douze pays d’A­frique sub­sa­ha­rienne ayant affi­ché une crois­sance néga­tive de plus 5 % sont fran­co­phones (ou seule­ment deux sur dix, si l’on ne tient pas compte des deux pays pré­cé­dem­ment cités). Un an plus tôt, soit avant l’ap­pa­ri­tion de la pan­dé­mie, seuls deux des huit pays sub­sa­ha­riens ayant connu une varia­tion néga­tive (< 0 %) étaient francophones.

    En Afrique sub­sa­ha­rienne non fran­co­phone, la Nige­ria, l’A­frique du Sud et l’An­go­la, trois des prin­ci­pales éco­no­mies de la zone, ont été dure­ment tou­chés par la crise éco­no­mique inter­na­tio­nale, alors que ces pays étaient déjà en grande dif­fi­cul­té depuis plu­sieurs années, notam­ment en rai­son du déclin pro­gres­sif de leur très impor­tante pro­duc­tion pétro­lière (pour le Nige­ria et l’An­go­la, res­pec­ti­ve­ment pre­mier et deuxième pro­duc­teur d’hy­dro­car­bures d’A­frique sub­sa­ha­rienne), ou auri­fère (cas de l’A­frique du Sud, désor­mais second pro­duc­teur du conti­nent, après avoir été récem­ment dépas­sée par le Gha­na). Ces pays ont ain­si res­pec­ti­ve­ment affi­ché une crois­sance néga­tive de ‑4,1 %, ‑7,8 % et ‑4,0 %, après avoir réa­li­sé d’as­sez mau­vaises per­for­mances en 2019 (2,2 %, 0,2 % et ‑0,9 %, respectivement). 

    Ce manque de dyna­misme semble dura­ble­ment ins­tal­lé selon les pré­vi­sions de la Banque mon­diale, qui conti­nue de tabler sur des crois­sances ané­miques pour ces trois pays au cours des quelques années à venir, au moins. Le Nige­ria, l’A­frique du Sud et l’An­go­la sont donc des pays en voie d’ap­pau­vris­se­ment, puis­qu’ils affichent désor­mais constam­ment des taux de crois­sance lar­ge­ment infé­rieurs à leur crois­sance démo­gra­phique (contrai­re­ment aux pays fran­co­phones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nige­ria, qui enre­gistre les taux de crois­sance éco­no­mique les plus éle­vés de ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que de 0,3 % en moyenne annuelle sur les six der­nières années (et de 1,2 % sur la période 2015 – 2019) contre une crois­sance démo­gra­phique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la même période. Par ailleurs, le Nige­ria et l’An­go­la ont connu une impor­tante dépré­cia­tion de leur mon­naie, dont la valeur a bais­sé de près de 60 % et 85 %, res­pec­ti­ve­ment, par rap­port au dol­lar depuis 2014. Avec à la clé une forte infla­tion et le main­tien d’une forte dol­la­ri­sa­tion de leur éco­no­mie (uti­li­sa­tion du dol­lar pour une par­tie impor­tante des tran­sac­tions, par refus de la mon­naie locale consi­dé­rée comme risquée). 

    Sur la période 2012 – 2020, soit neuf années, la crois­sance annuelle de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone s’est donc éta­blie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors Gui­née équa­to­riale, et 5,6 % pour la zone UEMOA). Ce taux a été de 1,9 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. Pour rap­pel, la crois­sance glo­bale annuelle s’é­tait éta­blie à 4,2 % pour l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone pen­dant les huit années de la période 2012 – 2019, juste avant la pan­dé­mie (4,8 % hors Gui­née équa­to­riale), et à 2,8 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. Quant aux quatre pre­mières éco­no­mies de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone, et sur la période de neuf années 2012 – 2020 (donc pan­dé­mie incluse), la Côte d’I­voire, la RDC, le Came­roun et le Séné­gal, ont res­pec­ti­ve­ment enre­gis­tré une crois­sance annuelle de 7,5 %, 5,1 %, 3,9 % et 5,1 % en moyenne. De leur côté, les quatre pre­mières éco­no­mies en début de période pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne, à savoir le Nige­ria, l’A­frique du Sud, l’An­go­la et le Kenya (l’An­go­la ayant été rem­pla­cée par l’É­thio­pie en 2019), ont res­pec­ti­ve­ment connu une pro­gres­sion annuelle de 2,1 %, 0,3 %, 1,0 % et 4,8 %.

    Une Afrique de l’Ouest fran­co­phone assez résiliente

    Après avoir réa­li­sé une crois­sance glo­bale supé­rieure à 6 % pen­dant six années consé­cu­tives (de 2014 à 2019), et enre­gis­tré une crois­sance annuelle de 6,3 % en moyenne sur les huit années de la période 2012 – 2019, la zone UEMOA (huit pays, dont la luso­phone, mais très fran­co­pho­no­phile, Gui­née-Bis­sau) a connu un impor­tant ralen­tis­se­ment de l’ac­ti­vi­té éco­no­mique en 2020, mais est tout de même par­ve­nue à affi­cher une crois­sance légè­re­ment posi­tive et s’é­ta­blis­sant à 0,2 %. Cette même année, quatre des sept pays fran­co­phones de la zone moné­taire ont enre­gis­tré une évo­lu­tion posi­tive (Le Bénin, la Côte d’I­voire, le Niger et le Togo), avec un maxi­mum de 2 % pour le Bénin. À l’in­verse, les trois autres pays fran­co­phones ont enre­gis­tré une crois­sance néga­tive, avec un plus bas de ‑2 % pour le Mali et le Bur­ki­na Faso (sui­vis de la Gui­née-Bis­sau, en der­nière posi­tion de la zone avec une taux de ‑2,4 %). L’es­pace UEMOA conforte ain­si son sta­tut de plus vaste zone de sta­bi­li­té du conti­nent, après en avoir éga­le­ment été la plus vaste zone de forte crois­sance sur la période de huit années 2012 – 2019, avant l’ap­pa­ri­tion de la pan­dé­mie dont les consé­quences ont affec­té l’en­semble du continent. 

    Hors UEMOA, la Gui­née a éga­le­ment affi­ché une crois­sance posi­tive, en rai­son de la hausse des acti­vi­tés extrac­tives avec l’en­trée en pro­duc­tion de nou­velles mines. Ain­si, l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone (soit la zone UEMOA + Gui­née et Mau­ri­ta­nie, situées hors zone CFA), a concen­tré à elle seule cinq des sept pays fran­co­phones d’A­frique sub­sa­ha­rienne étant par­ve­nus à réa­li­ser une crois­sance posi­tive en 2020. 

    Il convient de sou­li­gner que le sta­tut de zone la plus dyna­mique du conti­nent consti­tue une réelle per­for­mance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n’en est pas la plus pauvre, cette place étant occu­pée par l’A­frique de l’Est. Ain­si, à titre d’exemple, et hors Dji­bou­ti (pays fran­co­phone), seul un pays d’A­frique de l’Est conti­nen­tale affi­chait début 2020 un PIB par habi­tant dépas­sant clai­re­ment la barre des 1 000 dol­lars, à savoir le Kenya (1 816 dol­lars, sui­vi loin der­rière par la Tan­za­nie, 1 122 dol­lars, selon les der­nières don­nées dis­po­nibles). À la même date, trois pays fran­co­phones de l’es­pace UEMOA dépas­saient clai­re­ment ce seuil sym­bo­lique, en l’oc­cur­rence la Côte d’I­voire (2 276 dol­lars), le Séné­gal (1 447 dol­lars) et le Bénin (1 219). Et même quatre pays pour l’en­semble de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone, en tenant compte de la Mau­ri­ta­nie, aux impor­tantes richesses minières (et aux­quels s’a­joutent, pour toute l’A­frique de l’Ouest conti­nen­tale, le Nige­ria pétro­lier et le Gha­na, impor­tant pro­duc­teur de pétrole et pre­mier pro­duc­teur afri­cain d’or). Par ailleurs, l’A­frique de l’Est abrite les cinq pays les plus pauvres du conti­nent, à savoir le Sou­dan du Sud, le Sou­dan, la Soma­lie, le Mala­wi et le Burun­di (quatre pays anglo­phones et un fran­co­phone, ayant tous un PIB par habi­tant infé­rieur à 450 dol­lars, début 2020. Enfin, l’A­frique de l’Est est éga­le­ment la par­tie la plus instable du conti­nent, mar­quée par de nom­breux pro­blèmes sécu­ri­taires et abri­tant, notam­ment, les deux pays connais­sant les conflits les plus meur­triers d’A­frique sub­sa­ha­rienne, pro­por­tion­nel­le­ment à la popu­la­tion locale, en l’oc­cur­rence la Soma­lie et le Sou­dan du Sud. Deux conflits aux­quels s’est récem­ment ajou­tée la guerre civile ayant frap­pé l’É­thio­pie fin 2020, un des pays les plus pauvres d’A­frique et où les ten­sions inter­eth­niques et les répres­sions poli­cières avaient déjà fait plu­sieurs cen­taines de morts ces quelques der­nières années, fai­sant de ce pays l’un de ceux connais­sant les plus fortes ten­sions sociales sur le conti­nent, avec en par­ti­cu­lier l’A­frique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homi­cides par an).

    En Afrique de l’Ouest fran­co­phone, et grâce à une crois­sance de 8,2 % en moyenne sur la période 2012 – 2019, soit la deuxième plus forte pro­gres­sion au monde de ces huit années (et la plus forte pour la caté­go­rie des pays ayant un PIB par habi­tant supé­rieur à 1 000 dol­lars début 2012), la Côte-d’I­voire vient, par exemple, de dépas­ser le Nica­ra­gua en termes de richesse par habi­tant, pour deve­nir le pre­mier pays afri­cain au sous-sol glo­ba­le­ment pauvre de l’his­toire à devan­cer un pays d’A­mé­rique his­pa­nique (hors très petits États de moins de 1,5 mil­lion d’ha­bi­tants, majo­ri­tai­re­ment insu­laires et ne pou­vant être pris en compte pour de per­ti­nentes com­pa­rai­sons). Une per­for­mance réa­li­sée après avoir dépas­sé le Kenya, et sur­tout après avoir réus­si l’ex­ploit de devan­cer le Gha­na et le Nige­ria, deux pays voi­sins regor­geant de richesses natu­relles, pour deve­nir le pays le plus riche de toute l’A­frique de l’Ouest (le Gha­na et le Nige­ria étant à des niveaux de pro­duc­tion de pétrole et/ou d’or de très loin supé­rieurs à ceux de la Côte d’I­voire). Par ailleurs, et selon les pré­vi­sions de crois­sance pour les quelques années à venir, ces deux der­niers pays devraient éga­le­ment être pro­chai­ne­ment dépas­sés par le Séné­gal, lui aus­si pauvre en richesses natu­relles. Quant au Niger, il vient de réus­sir la per­for­mance de devan­cer la Sier­ra Leone, quit­tant ain­si la place peu enviable de pays le plus pauvre d’A­frique de l’Ouest (554 dol­lars par habi­tant, contre 527 dol­lars), ain­si que la liste des dix pays les plus pauvres du conti­nent. Compte tenu des pré­vi­sions, le Niger devait éga­le­ment très pro­chai­ne­ment dépas­ser le Libe­ria, autre pays anglo­phone côtier d’A­frique de l’Ouest. 

    Les bonnes per­for­mances de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone s’ex­pliquent prin­ci­pa­le­ment par les nom­breuses réformes entre­prises par les pays de la région, aus­si bien sur le plan éco­no­mique qu’en matière de bonne gou­ver­nance. Des plans de diver­si­fi­ca­tion ont ain­si été mis en place, comme le « Plan Séné­gal émergent » (PSE), ou encore la « Stra­té­gie de crois­sance accé­lé­rée et de déve­lop­pe­ment durable » (SCADD) au Bur­ki­na Faso, dont la crois­sance a été de 5,7 % en moyenne annuelle sur la période de huit années 2012 – 2019. Pour ce qui du cli­mat des affaires, cer­tains pays ont réa­li­sé un bon consi­dé­rable entre les clas­se­ments Doing Busi­ness 2012 et 2020, et notam­ment le Togo (pas­sé de la 162e à la 97e place), la Côte d’I­voire (de la 167e place à la 110e place), le Séné­gal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (pas­sé de la 173e à la 132e place, talon­nant ain­si le Nige­ria, 131e). Pays fran­co­phone le moins bien clas­sé d’A­frique de l’Ouest, la Gui­née est tou­te­fois pas­sée de la 179e à la 156e place sur la même période.

    À titre de com­pa­rai­son, il convient de savoir, par exemple, que la Nige­ria, l’É­thio­pie et l’An­go­la, res­pec­ti­ve­ment pre­mière, troi­sième et cin­quième éco­no­mie d’A­frique sub­sa­ha­rienne selon la Banque mon­diale (du fait de leur très impor­tante pro­duc­tion pétro­lière et/ou popu­la­tion), se classent à la 131e, 159e et 177e place, res­pec­ti­ve­ment. Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays fran­co­phone ne figure désor­mais par­mi les six der­niers pays de ce clas­se­ment inter­na­tio­nal, places désor­mais majo­ri­tai­re­ment occu­pées par des pays anglophones.

    Dans un autre registre, et mis à part l’an­née très par­ti­cu­lière qui vient de s’é­cou­ler, il est utile de sou­li­gner que la crois­sance éco­no­mique de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone est glo­ba­le­ment et régu­liè­re­ment deux fois supé­rieure à sa crois­sance démo­gra­phique, contre­di­sant ain­si cer­taines théo­ries assez média­ti­sées. Grâce au cadre plus favo­rable ins­tau­ré par les dif­fé­rentes réformes en matière d’é­co­no­mie et de bonne gou­ver­nance, cet essor démo­gra­phique contri­bue donc à son tour au dyna­misme éco­no­mique, en per­met­tant notam­ment au mar­ché inté­rieur de ces pays d’at­teindre une masse cri­tique néces­saire au déve­lop­pe­ment de nom­breuses acti­vi­tés. Il convient d’ailleurs de rap­pe­ler que la plu­part des pays fran­co­phones de la région demeurent encore assez fai­ble­ment peu­plés. À titre d’exemple, la Gui­née et le Bur­ki­na Faso, légè­re­ment plus éten­dus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’in­dique la majo­ri­té, bien trom­peuse, des cartes en cir­cu­la­tion dans les médias et éta­blis­se­ments publics ou pri­vés), ne comptent res­pec­ti­ve­ment que 13 et 21 mil­lions d’ha­bi­tants, contre 67 mil­lions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’I­voire, un tiers plus éten­due mais ne comp­tant que 26 mil­lions d’ha­bi­tants, elle abri­te­rait aujourd’­hui une popu­la­tion de 89 mil­lions d’ha­bi­tants si elle était pro­por­tion­nel­le­ment aus­si peu­plée que le Royaume-Uni.

    Une situa­tion contras­tée en Afrique centrale

    En Afrique cen­trale fran­co­phone, la crois­sance glo­bale a elle aus­si connu une forte baisse, pas­sant de à 2,2 % en 2019 à ‑3,3 % en 2020. Au Came­roun, qui dis­pose de l’é­co­no­mie

  • Michel Houellebecq n'aime pas les féministes.

    "Pour ma part j’ai toujours considéré les féministes comme d’aimables connes, inoffensives dans leur principe, malheureusement rendues dangereuses par leur désarmante absence de lucidité. Ainsi pouvait-on dans les années 1970 les voir lutter pour la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle, etc. tout à fait comme si le « système patriarcal » était une invention des méchants mâles, alors que l’objectif historique des hommes était à l’évidence de baiser le maximum de nanas sans avoir à se mettre une famille sur le dos.

    Les pauvres poussaient même la naïveté jusqu’à s’imaginer que l’amour lesbien, condiment érotique apprécié par la quasi-totalité des hétérosexuels en activité, était une dangereuse remise en cause du pouvoir masculin. Elles manifestaient enfin, et c’était le plus triste, un incompréhensible appétit à l’égard du monde professionnel et de la vie de l’entreprise ; les hommes, qui savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir sur la « liberté » et « l’épanouissement » offerts par le travail, ricanaient doucement.
    Trente ans après les débuts du féminisme « grand public », les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l’entreprise, mais elles y accomplissent l’essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s’en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d’une tâche collective quelconque).
    Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d’années, se consacrer à l’entretien de leur « capital séduction », dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l’ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N’ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu’elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entretemps quittées pour une plus jeunes ; encore bien heureuses lorsqu’elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire.
    En résumé, l’immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l’homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d’en faire une créature à peu près susceptible d’une vie sociale s’est trouvé réduit à néant en l’espace d’une génération."

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    Interventions 2020 Michel Houellebecq

    Merci à Aristide RENOU d'avoir relayé cette intervention.

    https://www.facebook.com/aristide.renou

  • Dans le monde, et dans notre Pays légal en folie : la revue de presse de lafautearousseau...

    1. Théo et son assassin immigré : un tweet de La Cocarde Étudiante qui remet bien les points sur les "i" :

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    1 BIS. Oui, Jean Messiha a raison : ceux qui renouvellent, depuis des années, des titres de séjour à des immigrés qui, pour finir, nous remercient en nous assassinant, DOIVENT PAYER ! :

    Jean MESSIHA
    "Le sénégalais qui a massacré Theo à Claye Souilly avait un titre de séjour. Il a commis maint crimes et délits entre 1993 et 2006. Ça veut dire que ça fait 20 ans qu’on renouvelle à cette crapule l’autorisation de séjourner en France. Ceux qui ont signé ça doivent payer !"

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    1 TER. Et Zemmour a raison aussi :

    "Si j'étais Emmanuel Macron, j'irai visiter la famille de ce pauvre enfant qui a été assassiné. Ce serait un hommage au peuple français qui souffre et qui paie une politique d'immigration complètement folle."

    (extrait 0'50)

    https://twitter.com/ZemmourEric/status/1414873880112553984?s=20

     

    4. Ce semble gouvernement ? Une belle bande de menteurs ! Voilà ce que disait Adrien Taquet, Secrétaire d'État au Ministère de la Santé le 25 mai, donc il n'y a pas deux mois :

    "Le Pass Sanitaire sera réservé aux grands événements, en aucun cas pour aller dans un commerce alimentaire ou dans un restaurant." 

    https://twitter.com/AnonymeCitoyen/status/1414662164573573121?s=20

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    5. C'est dans Marianne : une (excellente) première et un exemple à suivre : L’Autriche, premier pays européen à interdire les Frères musulmans,  inscrits sur la liste noire des organisations terroristes... L’islam politique est un fléau : Thibault de Montbrial a proposé l’interdiction de l’association "Musulmans de France" (Frères Musulmans) dans son dernier livre Osons l’autorité... :

     

    6. Retour drolatique sur l'hystérie vaccino/gouvernementale :

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    7. De l'Alliance Vita : Controverses autour de la GPA :

    https://www.alliancevita.org/2021/07/controverses-autour-de-la-gpa/

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    8.                                             #saccageparis

    Paris bobo, Par'Hidalgo, Paris pas beau !

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    Joyeux Anniversaire  au plot blanc "milieu de trottoir" : il fête sa première année !  on finit pas s’habituer...

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    Quai en face de Notre-Dame : amis de l'Électricité, bonjour !

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    Et, là, c'était une petite place sympathique du Paris/20ème, du Paris populaire, mais c'était "le Paris d'avant" !...

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    À DEMAIN !

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  • Dans le monde, et dans notre Pays légal en folie...

    Les "petits commerces" c'est vital ! L’année 2019 a été bousculée par les gilets jaunes, l’année 2020 on les a déjà fermé trois mois... Ce ne sont pas des aides qu'il faut obtenir pour eux mais leur réouverture : tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire que leur fermeture n'a aucun impact sur le Covid-19. Mais le Gouvernement s'enferme dans ses erreurs à répétition...

    A Bondy, un propriétaire qui expulse manu-militari une femme squattant son pavillon est mis en garde-à-vue. Cela se confirme : l'Etat de droit dont les bobos/gauchos/trotskos, journaleux et bien-pensants de diverses obédiences nous bourrent le crâne est en réalité l'Etat de non-droit...

    Et pendant ce temps-là... la police est priée de chronométrer nos sorties mais laisse des groupes de 20 "jeunes" semer la terreur toute la nuit dans les "quartiers"...

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    Jeanne Barseghian, le "khmaire vert" de Strasbourg, va-t-elle vraiment l'oser ? La future mosquée "Eyyub Sultan", d'un coût de 33 millions d'euros, vitrine de l'association turque pro-califat MillîGörrüs, va peut-être obtenir "un coup de pouce de la ville à hauteur de 10%" ! Les escrolos ne se cachent plus de financer l'islamisme !

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    La fermeture des centrales nucléaires allemandes transforme ce pays en 1er pollueur en Europe. Quand l’idéologie aveugle gouverne, les conséquences sont toujours dramatiques ! D’ici 2030,  l'Allemagne sera responsable de 30% des émissions de CO2 du secteur électrique en Europe. Et la France? où les escrolos ont forcé à fermer Fessenheim, a rouvert ses quatre centrales à charbon, forcément plus polluantes qu'une centrale nucléaire. Qui a parlé d'urgence climatique ?
     
    NON à la destruction d’un site "NATURA 2000" par 40 éoliennes industrielles et 60.000 tonnes de béton armé ! Protégeons l’ESTUAIRE de la GIRONDE et la BIODIVERSITÉ.
     
     
    - Signez la pétition ! chng.it/NfyVRBwC via @ChangeFrance
     
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  • Kamel Daoud : en Algérie, « le mur de la peur a été cassé »

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgDeux autres réactions nous ont paru intéressantes à noter. Celles de Kamel Daoud, écrivain algérien de talent et  Yasmina Khadra qui vit en France. Tous deux balancent entre joie et inquiétude. On les comprend. Quant à nous, c'est essentiellement du risque que court la France dans cette affaire que nous nous préoccupons. Ce risque est réel et grand.  LFAR

    « le mur de la peur a été cassé » C’est par ces quelques mots, sur RTL, que l'écrivain Kamel Daoud s’est réjoui vendredi dernier du fait que ses concitoyens qui manifestent contre un cinquième mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika « ne reculeront plus » malgré les risques de violence.

    Comme plusieurs écrivains algériens se sont réjouis dans des médias français de cette contestation inédite depuis plusieurs années, Kamal Daoud dit aussi sa joie tout en craignant la répression d'un mouvement qui fait suite à la décision annoncée le 10 février du président, 81 ans, au pouvoir depuis 1999, de se représenter lors de la présidentielle du 18 avril. 

    « Le principal changement, c'est le fait que les gens n'ont plus peur. Ce qu'on appelle communément le mur de la peur a été cassé et c'est extraordinaire de sentir cette sorte de frisson, d'enthousiasme, cette sorte de joie », a déclaré Kamel Daoud sur RTL, en ligne depuis Oran (nord-ouest de l'Algérie). « Les gens ne se sentent plus terrorisés, et je choisis bien mon mot ». 

    « Je pense que l'écrasante majorité des Algériens ne reculeront plus », a-t-il dit. 

    « Mais d'un autre côté, le régime n'a pas de sortie de secours, pas de plan B pour le moment, et la tentation de la violence est là », a noté l'écrivain, soulignant la « volonté évidente (du régime) de terroriser les Algériens et de les immobiliser par ce chantage +soit nous, soit le chaos, soit nous, soit la guerre civile »

    Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en garde jeudi dernier contre un scénario comparable à la Syrie, pays en guerre depuis 2011. 

    « Il faut être sincère, j'espérais ce mouvement, mais je ne l'attendais pas car les Algériens nous ont habitués à beaucoup de renoncements. Pendant des années, j'ai écrit que l'Algérie avait renoncé. Quel bonheur de m'apercevoir que je me trompais », commente dans Le Parisien un autre écrivain algérien, Yasmina Khadra, qui vit en France. 

    Le régime « va tout faire pour calmer les esprits. Mais les Algériens sont fatigués. Ils ne veulent plus voir leurs enfants traverser la Méditerranée sur des bateaux de fortune et mourir au large », ajoute-t-il. 

    Source AFP

  • SOLIDARITÉ KOSOVO !... : INAUGURATION DE L’ÉCOLE ACA MAROVIC DE KUZMIN, TOUT JUSTE RÉNOVÉE...

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    Site officiel : Solidarité Kosovo

    lafautearousseau "aime" et vous invite à "aimer" la page facebook Solidarité Kosovo :

    https://www.facebook.com/solidarite.kosovo/

    INAUGURATION DE L’ÉCOLE ACA MAROVIC DE KUZMIN, TOUT JUSTE RÉNOVÉE

    Mercredi 19 mai, le Père Serdjan et Milovan étaient à Kuzmin, dans la région de Kosovo Polje, pour présider l’inauguration de l’école Aca Marovic, que Solidarité Kosovo vient de finir de rénover de fond en combles dans le cadre de sa campagne de rénovation 2021.

     

    Ce chantier de rénovation a été particulièrement important, comme l’a rappelé Milovan, membre du bureau humanitaire de Solidarité Kosovo, aux journalistes présents pour cette inauguration : « Les sols de l’école ont été intégralement refaits, ainsi qu’une bonne partie des plafonds et des menuiseries extérieures. Les salles de classes ont été entièrement remises à neuf et nous avons installé de nouvelles toilettes ainsi qu’une nouvelle chaufferie dans une extension construite spécialement pour elle ».

    Milovan Simonovic, membre du bureau humanitaire de Solidarité Kosovo à qui est revenu l’honneur de couper le cordon, fait une déclaration à la presse à l’issue de la cérémonie.

    Snezana Stojkovic, directrice de l’établissement, a quant à elle insisté sur le fait que ces travaux étaient fondamentaux pour cette école, qui fêtait cette année ses 65 ans d’existence et était dans un état inquiétant, n’ayant – comme la plupart des écoles serbes du Kosovo-Métochie – bénéficié d’aucune campagne de rénovation depuis la fin de la guerre en 1999. « Aujourd’hui, les 85 élèves de cette école, âgés de 3 ans à 12 ans, peuvent travailler dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles qu’ils connaissaient avant », s’est-elle réjouie à l’issue de la visite, avant de remercier chaleureusement le Père Serdjan, directeur du bureau humanitaire.

    Les élèves, eux non plus, ne cachaient pas leur joie : « Avant, nous avions toujours froid, il y avait du vent dans toutes les classes. Maintenant, nous allons pouvoir travailler au chaud et apprendre mieux ». Ils ont d’ailleurs tenu à manifester leur gratitude en organisant un spectacle pour les représentants de Solidarité Kosovo, alternant tours de chant et scènes de théâtre sous les applaudissements.

    Le Père Serdjan, directeur du bureau humanitaire de Solidarité Kosovo, s’adresse aux enfants de l’école de Kuzmin pour les remercier pour leur accueil et leur transmettre l’amitié des donateurs français de l’association.

    Une gratitude dont le Père Serdjan a tenu à rappeler qu’elle s’adressait autant à eux qu’à tous les donateurs de Solidarité Kosovo qui ont rendu ces travaux possibles cette année encore.

  • Les chiffres et la dure réalité condamnent Mélenchon et ses incantations révolutionnaires...

     

    Mur-bleu gds.jpgIl faut reconnaître ses mérites à Mélenchon : il est cultivé, il est sans-doute personnellement honnête même si - il l'admet - il vit bien du Système, et surtout, c'est un vrai militant. Et, en tant que tel, il mérite le respect des militants que nous sommes nous-mêmes.

    Cela étant dit, il faut bien reconnaître que son discours d'ensemble est assez répétitif, depuis un nombre d'années assez grand maintenant, et que ses incantations mille fois reprises sur la République et la Révolution ont de plus en plus de mal à « passer ». Tout simplement parce qu'il y a une question que Mélenchon ne se pose pas, et c'est bien là le problème.

    Ecoutez-le parler (par exemple, ce samedi, place de la République). Parler ou, plutôt, prêcher, envoûter un public conquis d'avance; l'enflammer, lyrique, par les souvenirs glorieux - dit-il et croit-il - de la Révolution, de la Commune, de Jaurès, de la République et tout le tremblement... Tout cela est bel et bon, mais ce que Jean-Luc ne nous dit pas c'est comment il se fait que, avec des ancêtres pareils, et le régime qu'ils nous ont donné, la France en soit réduite à l'état lamentable où elle est aujourd'hui...

    Il y a, depuis 1875, 142 ans que la République est installée, en France. Elle affirme hautement sa filiation avec la révolution qui s'est produite il y a 228 ans, dans laquelle elle trouve son fondement.

    L'arbre a donc eu tout le temps nécessaire pour produire de bons fruits. Or, les fruits se révèlent être pourris. Et Jean-Luc Mélenchon ne s'en rend pas compte. Au lieu d'arracher cet arbre, qui produit de si mauvais fruits, il va chercher mille et une excuses (et même une sixième république !) au lieu de se poser la seule question qui vaille :  comment se fait-il qu'un si merveilleux Système ait transformé en vil plomb l'héritage fastueux qui était celui de la France ?

    La République idéologique endette la France de 2.700 euros par seconde, le règlement des seuls intérêts de la dette engloutit chaque année 50 milliards d'euros (c'est le second poste de dépenses, après le budget du lamentable Ministère de la des-Education nationale !), et la dette dont la même république a chargé la France atteint les 2.105 milliards d'euros ! A titre indicatif, cela signifie que la république idéologique, tant vantée par Mélenchon, a contracté, pour chaque Français, 30.000 euros de dette !

    1687822_7_1a99_lors-de-la-maniefstation-pour-la-vie_19d1787fded0186eb1bcc73fa70373d3.jpgEt c'est ce régime-là, ce Système de folie que Mélenchon idolâtre, et fait acclamer par une foule dont on se demande si, un jour, les mots « réflexion », « bon sens », « simple observation du réel » ont eu un sens, du sens. 

    Encore ne s'en tient-on, ici, qu'à l'aspect matériel des choses, à l'échec patent du Système dans sa gestion des choses et des gens, à la catastrophe purement monétaire et financière qu'il nous a apportée. Les dégâts immatériels, parce que moraux, sur l'esprit public et le mental du peuple français étant plus importants encore, et condamnant évidemment encore plus ce Système, que Mélenchon, lyrique, extatique, persiste à voir, contre toute évidence, comme un grand soleil levant, mais que nous voyons, nous (pour reprendre le mot de Jacques Julliard) comme « un soleil levant drapé de deuil... un immense cauchemar ». 

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (17)

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Les adresses des Daudet, avant Paris puis à Paris...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Né à Nîmes, en 1840, Alphonse Daudet passa d'abord quelques années dans le Gard, puis arriva à Paris après de brefs séjours à Alès et à Lyon.
    A Nîmes, Alphonse Daudet naquit dans la Maison Sabran, 24 Grand Cours (où la famille vécût jusqu'en 1844-1845).
    Puis la famille se transporta Rue Graverol (à partir de 1844-1845 à 1847); Route d'Avignon (de 1847 à 1848); enfin, Rue Séguier (de 1848 à 1849.
    Vincent Daudet s'installa ensuite à Lyon, en 1849, au 2 rue de Castries (1849-1857).
    Vincent est ce grand-père royaliste, ce "blanc du midi", dont Léon Daudet dit, dans ses Souvenirs, que plus il avance en âge, plus il lui ressemble; en opposition à son autre grand-père, Allard, qui était, lui "un bleu de Bretagne", camp que Léon Daudet abandonna définitivement... à 36 ans !
    Enfin Alphonse Daudet "monta" à Paris...
    Avant la naissance de Léon, ses parents habitèrent 2 rue de Tournon, puis rue Bonaparte, rue de l'Ouest, rue d'Amsterdam, passage des Douze Maisons, dans l'ancienne allée des Veuves (avenue Montaigne).
    Ensuite, le couple se posa au 24 rue Pavée (Hôtel Lamoignon), où naquit Léon, puis habita 18 place des Vosges, 31 rue de Bellechasse (dans la maison où mourut Jacques Bainville, le 9 février 1936), 3 avenue de l'Observatoire, et 41 rue de l'Université, où Alphonse Daudet décéda en 1897.

    Il est curieux de constater que, dans "Fantômes et vivants" (page 178), Daudet confirme ces adresses, mais oublie les années passées rue de Bellechasse :

    "... A Paris, nous avons habité successivement 24, rue Pavée au Marais, 18, Place des Vosges, 3, avenue de l'Observatoire, et 42, rue de l'Université, où mon père est mort, le 16 décembre 1897..."


    Puis, il parle de Champrosay (document suivant)...

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (11)

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Soirées entre "compagnons d'infortune", à Lamalou (4)...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    De "Devant la douleur", pages 218/219/220 (continuation immédiate du texte précédent):

    "...Le climat de Lamalou, accablant en été, est cependant propice à l'activité de l'esprit. Arrangez cela. En outre, parmi ses compagnons d'infortune, Alphonse Daudet rencontrait, en ce coin perdu de son Languedoc, des partenaires dignes de lui.
    En première ligne, le philosophe Brochard et l'historien Auguste Brachet. Nous nous arrangions chaque année, eux et nous, pour nous retrouver ensemble à Lamalou. Ces causeries à quatre, dans la cour de l'hôtel, le jardin du casino et sur la route chaude, sont parmi mes plus chers souvenirs.
    La maladie de Brochard donnait l'impression de l'accident; sauf cela, il était solide et robuste au physique et au moral.
    Il la traitait en circonstance accessoire, avec une intrépidité parfaite. Chaque année sa diplopie augmentait et ce lui devait être une souffrance, car il aimait à contempler la beauté des femmes et des paysages et il lui fallait constater le retrécissement progressif de son champ visuel.
    Sa voix demeurait forte, persuasive, détachant les périodes d'un argument comme les mots.
    Il venait de publier son magistral ouvrage sur "Les sceptiques grecs". Nous en parlions. Les idées gagnent à sortir toutes chaudes d'un cerveau en ébullition, tel que celui de cet enseigneur incomparable. Il en est d'elles ainsi que des gaufres, qu'il faut savourer séance tenante.
    Mon père lui disait : "Brochard, je vous tiens. Je suis faible en philosophie. Je n'ai jamais pu y mordre. Mais on dit que tout est dans Aristote. Expliquez-moi ce qu'est Aristote. Léon profitera de la leçon.
    - Ah ! ah ! - Brochard souriait malicieusement - C'est un peu comme si vous me demandiez de vous expliquer en gros l'univers. Car Aristote est une de ces cervelles où tout s'est condensé et reflété. Néanmoins je vais essayer.
    Sa manière d'exposer était si belle et si intéressante, si serrée et pleine d'horizons, que nous demeurions à l'écouter pendant deux, trois heures, sans lassitude.
    Quelquefois nous l'interrompions pour demander une glose complémentaire. Cela l'enchantait : "Quels bons élèves !" Il levait les bras au ciel. Puis : "Vous savez qu'on nous regarde. Les gens se demandent : quel est ce pet-de-loup qui fait la classe à Alphonse Daudet ?"...

  • 20 et 21 Juillet : Domaine royal de Dreux vous invite...

     

    Fort de la première édition 2023, la magie du Moyen Âge reviendra les 20 et 21 juillet 2024 avec la tenue du festival Au fil des siècles, centré cette année sur le thème des bâtisseurs.
    En 1224, Robert III, comte de Dreux, demande la construction du château de Dannemarche. Nous commémorons cette année le huitième centenaire de cet évènement.
    Compagnies de reconstitution présentes :
    – Excalibur Yvelines
    – Le griffon rouge
    – Compagnie médiévale de Saint-Ouen
    – Les derniers Trouvères
    – Viva Historia
    – Tria Acumina
    – Ecomusée des vignerons et artisans drouais
    Un espace de 3 hectares occupé par des campements médiévaux, une arène de combat, du tir à l’arc et un espace de tournois de chevalerie.
    Vous assisterez à des joutes chevaleresques palpitantes où les chevaliers s’affronteront pour l’honneur et la gloire ainsi qu’à des combats à pied à l’épée tandis que les musiciens et danseurs vous divertiront avec leurs performances tout au long de la journée.
    Vous plongerez dans la vie quotidienne du Moyen Âge en visitant des reconstitutions de campements médiévaux, en découvrant les recettes médiévales, les instruments de musique, les tenues et armes des combattants, l’artisanat, la calligraphie… Les artisans vous présenteront leurs compétences dans des métiers tels que la forge, la taille de pierre, le tournage sur bois, l’art du vitrail, la fabrique de corde ou encore la frappe de monnaie…
    Pour les petits (et les grands) : Initiation au tir à l’arc, initiation à la taille de pierre, combats des chevaliers, maquillage lettrines, jeu « les bâtisseurs », assemblage de voûtes avec maquette, etc.
    Point de restauration sur place assuré par le traiteur drouais Au cochon de Saint Antoine.
    Un évènement pour petits et grands, en famille et entre amis.
    Les visiteurs sont encouragés à se costumer en tenues médiévales pour ajouter à l’atmosphère festive (réduction appliquée).
    Cet évènement donne accès à l’ensemble du domaine dont la visite de la chapelle royale. Des jeux en bois seront installés dans le premier parc.
    Informations pratiques :
    - Samedi 20 et dimanche 21 juillet
    - De 10h00 à 18h00
    - Parking gratuit à proximité
    - Gratuit jusqu’à 16 ans
    - 9.50€/Adulte plein tarif
    - 7.40€/Adulte tarif réduit sur justificatif (habitant de Dreux, demandeur d’emploi, enseignant, personne en situation de handicap)
    - Réduction pour les personnes costumées (7.40€ si plein tarif ou 5.20€ si tarif réduit)
    Evènement labellisé « Nouvelles Renaissances » par la région Centre Val de Loire ;
    Manifestation réalisée avec le soutien de la Ville de Dreux ; de l’agglo du Pays de Dreux
    Manifestation réalisée avec le soutien du Conseil départemental d’Eure-et-Loir.
     
     
     
    (Merci aux organisateurs de nous avoir transmis cette invation par courriel... lafautearousseau)
     
  • Sur le blog de Michel Onfray, la méthode insurrectionnelle.

    Sous le signe de La Boétie

    Pendant longtemps, la politique s’est appuyée sur la théocratie – le pouvoir de Dieu. Le compagnonnage entre les rois et les prêtres est vieux comme le monde. Quand les dieux parlaient c’était bien évidemment le clergé qui prétendait avoir l’oreille pour entendre ces voix réductibles à leurs chuchotements. Quand Dieu a remplacé les dieux, le schéma n’a pas changé: on est passé de plusieurs donneurs d’ordres à un seul, mais le clergé associé aux rois pour constituer la classe dominante a continué d’imposer sa loi au peuple. La classe intermédiaire des guerriers veillait à ce qu’il ne vienne pas à l’idée des gouvernés de vouloir décider par eux mêmes, pour eux-mêmes… Le peuple? Voilà l’ennemi de tous les gouvernants.

    Le schéma trifonctionnel (roi et clergé / soldats et militaires / producteurs et peuple) a été analysé dans l’Histoire par Georges Dumézil. Il est bien évident que ce schéma perdure mais que la caste des prêtres, en temps de nihilisme religieux, a été remplacée par celle des journalistes qui constitue la caste sacerdotale pour une grande part.

    L’éviction des dieux commence avec les philosophes matérialistes de l’antiquité. Il reste hélas peu de choses de la politique d’Epicure, les textes ont été détruits par le judéo-christianisme. Mais il demeure l’essentiel: une philosophie du contrat social. La politique est pour le philosophe des atomes une affaire entre les hommes sans que les dieux n’aient à s’en soucier. Dans l’une des Maximes capitales, Epicure parle d’un «contrat sur le point de ne pas se faire tort mais de n’en pas subir non plus» (XXXII). Il ne s’agit plus d’une contrat théocratique qui déciderait des relations des hommes entre eux via le divin, mais d’un contrat laïc qui concerne les hommes et rien qu’eux.

    Il existe peu de textes de philosophie politique qui donnent le mode d’emploi insurrectionnel.

    Dans la courte liste de ceux-ci, on trouve les inévitables bibles marxistes-léninistes qui font la part belle à la violence, au sang, à la terreur – le Manifeste du parti communiste de Marx, Que faire? de Lénine, Leur morale et la nôtre de Trotski, le Petit Livre rouge de Mao. L’Histoire nous a appris vers quels enfers conduisent ces prétendues voies d’accès au Paradis social!

    Si l’on veut écrire une histoire de l’insurrection non-violente, bien qu’efficace, elle s’avérera bien courte. Et les quelques titres qui s’imposeront (De la désobéissance civile de Thoreau, les textes de Gandhi et de Luther-King) procèdent tous d’une même référence: le Discours de la servitude volontaire de La Boétie.

    Ce texte, comme son auteur, est un météore dans le ciel philosophique occidental. Montaigne l’a dévalorisé et présenté comme étant d’extrême jeunesse, écrit à l’âge de seize puis dix-huit ans, un genre d’exercice de rhétorique effectué par son ami sans qu’il faille y voir autre chose. Il avait annoncé que les Essais seraient la poursuite de sa conversation avec son ami mort et qu’au coeur même de son livre à venir il placerait celui de son compagnon – avant de n’en rien faire et, pour se donner bonne conscience, de placer, à la place manquante, d’honorables sonnets de facture très classique…

    Pour quelles raisons?

    Le Discours de la servitude volontaire était devenu une arme de guerre protestante contre l’autoritarisme catholique du régime monarchique pendant les guerres de Religion – ce que, Montaigne qui était un légitimiste catholique qui y mettait les formes, ne pouvait accepter, voire cautionner…

    Ce texte est peut-être un écrit d’extrême jeunesse. Et alors? Il est sans doute un exercice de rhétorique. Et après? On peut être jeune et doué pour l’exposé sans que la vérité ni le fond ne s’en trouvent affectés! A l’époque, l’Ecole normale supérieure n’existait pas encore… La Boétie démonte le pouvoir, tout pouvoir, comme s’il s’agissait d’un automate. Pièce après pièce, le jeune philosophe nous explique comment il fonctionne, pourquoi et comment. Autrement dit, ce faisant, il nous donne également les outils pour enrayer la machine…

    Que dit ce bref Discours de la servitude volontaire?

    Qu’il est funeste de se retrouver aux mains d’un maître qui peut à tout moment devenir un tyran; que beaucoup craignent ce genre d’homme alors qu’il ne tient son pouvoir que des assujettis qui le lui donnent ; qu’un seul tient son pouvoir de la multitude; qu’il ne faut pas agresser le tyran et le combattre positivement mais ne plus lui donner ce qui le constitue comme tel; qu’il faut cesser de nourrir le monstre et que c’en sera fini de lui; que «c’est le peuple qui s’asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d’être sujet ou d’être libre, quitte sa franchise, et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse»; qu’il ne faut pas vouloir éteindre le feu avec de l’eau mais cesser de l’alimenter en bois; que la liberté est le plus grand bien et que, sans elle, le reste est catastrophe; que les hommes ne veulent pas la liberté car il leur suffirait de la vouloir pour l’obtenir; que, s’ils ne l’ont pas, c’est qu’ils ne l’ont pas désirée; que les hommes sont complices des maux qui les frappent; que la première soumission s’effectue après le triomphe de la force, mais que cette situation se perpétue parce qu’on l’imagine naturelle; que certains ne sont pas dupes de ces mécanismes de sujétion mais que les tyrans les empêchent de s’exprimer; que l’assujettissement constitue un peuple serf; que cette servitude empêche les sujets de faire de grandes choses; que les tyrans abêtissent leurs sujets; que le tyran maintient sa puissance et assure la servitude avec du pain et des jeux; qu’il se présente sous le signe du sacré afin d’empêcher qu’on le critique; qu’il n’aime, ni n’est aimé et ne vit qu’avec sa cour qui le flatte et lui ment; que les principes de la sujétion ne sont pas la force armée, mais l’organisation pyramidale du pouvoir, chacun tyrannisant l’autre jusqu’à la base, et ce sur le principe édicté par le premier tyran – et puis cette fameuse phrase, sublime parce qu’elle est programmatique: «Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres»! Celle-ci également qu’il faut entendre comme la maxime d’un idéal: «Jamais à bon vouloir ne défaut la fortune» - autrement dit: chaque fois qu’un révolté a voulu détruire ce mécanisme de la sujétion, il a eu l’Histoire avec lui, voire: il a fait l’Histoire…

    Ce bref texte dense et génial s’inscrit dans un courant de la philosophie politique dont on parle assez peu (pour ne pas dire : pas du tout…) celui des monarchomaques.

    Qui sont-ils ?

    Des penseurs politiques pour lesquels les sujets ne sont pas aux ordres du souverain mais l’inverse. En plein XVI° siècle, après les massacres de la Saint-Barthélemy, ils proposent une politique singulière. Ces calvinistes, pour la plupart, ne sont pas Républicains, ce qui n’aurait guère de sens à cette époque, mais ils veulent une monarchie constitutionnelle à même d’en finir avec la monarchie absolue qu’ils appellent tyrannie. Ils proposent le contrôle du roi par ses sujets. L’un d’entre eux, François Hotman, écrit en effet ceci: «Entre un gouvernement et ses sujets, il y a un lien, ou contrat, et les gens peuvent se soulever contre la tyrannie d'un gouvernement lorsque celui-ci viole ce pacte».

    Qu’en cas de viol du contrat social, le peuple recouvre sa liberté d’agir contre celui qui se nomme un tyran, voilà une fois de plus qui fonde philosophiquement le droit d’insurrection.

    Le nom de Jean-Jacques Rousseau, et l’ombre de Robespierre, écrasent en France la pensée de Thomas Hobbes, un philosophe atomiste et matérialiste du contrat qui les précède d’un siècle. L’auteur du Léviathan ne part pas d’une fiction après avoir écarté les faits, selon la méthode rousseauiste, mais il part du réel: les hommes ne sont pas naturellement bons et pervertis par la société, comme le pense Rousseau qui estime de ce fait qu’en instaurant une société bonne on restaurera l’homme dans son bonté, mais ils sont naturellement méchants et mauvais. Reprenant la phrase célèbre de Térence, Hobbes affirme que «L’homme est un loup pour l’homme». Il n’a pas tort…

    Le philosophe anglais pense que, dans la nature, règnent la peur, la crainte, l’angoisse que les plus forts ou les plus rusés imposent leur loi aux plus faibles ou au plus désarmés. Chacun craint de tout le monde qu’il lui nuise – et cet état n’est pas désirable longtemps.

    Le contrat social est l’art politique majeur puisqu’il repose sur le renoncement de chacun à nuire afin que le souverain, investi de la force de ce renoncement, garantisse la sécurité, la sûreté et la liberté à tous. Ce souverain peut-être aussi bien un homme, dans le cas de la monarchie, qu’une assemblée, dans celui de la république. En renonçant à leur liberté de nuire à leur prochain les hommes constituent un souverain dont l’obligation consiste à les protéger; si le souverain s’en montre incapable alors le peuple dispose du droit de recouvrer à sa liberté première. Lisons: «L’obligation qu’ont les sujet envers le souverain est réputée durer aussi longtemps, et pas plus, que le pouvoir par lequel celui-ci est apte à les protéger. En effet, le droit qu’ont les hommes, par nature, de se protéger, lorsque personne d’autre ne peut le faire, est un droit qu’on ne peut abandonner par aucune convention. La souveraineté est l’âme de la république: une fois séparée du corps, cette âme cesse d’imprimer son mouvement aux membres. La fin que vise la soumission, c’est la protection : cette protection, quelque que soit l’endroit où les hommes la voient résider, que ce soit leur propre épée ou dans celle d’autrui, c’est vers elle que la nature conduit leur soumission, c’est elle que par nature ils s’efforcent de faire durer » (Léviathan, ch. XXI, De la liberté des sujets).

    Hobbes examine plusieurs cas dans lesquels le Peuple se trouve libéré de sa sujétion au Souverain qu’il a lui-même constituée. Nomment quand «le souverain s’assujettit à un autre souverain» (idem.) – qui dira que, dans la configuration maastrichtienne, le souverain français ne s’est pas assujetti à un autre souverain, et que, de ce fait, le peuple dispose du droit à recouvrer sa liberté.

    Ce droit est très clairement le droit à l’insurrection contre le souverain qui ne protège plus son peuple.

    Dans les premières pages de L’Archipel du Goulag, Soljenitsyne ne cite pas La Boétie, mais on découvre qu’il connaît ses thèses et l’a probablement lu. Il n’accable pas Marx, Lénine ou Staline, mais il explique que, sans le consentement des Soviétiques au pouvoir marxiste-léniniste, il n’y aurait pas eu de dictature – «la maudite machine se serait arrêtée» (I.17).

    Le Discours sur la servitude volontaire n’est rien d’autre qu’un manuel d’insurrection – mais quel manuel! Il explique qu’il ne sert à rien d’accabler le tyran, le dictateur, le despote, car il n’y a de tyrannie, de dictature et de despotisme que parce que les assujettis à ces autocrates le veulent bien. Il leur suffirait de ne plus vouloir pour que le pouvoir de cet homme disparaisse en fumée.

    Chacun conviendra que l’analyse effectuée par La Boétie au XVI° siècle se trouve confirmé par l’actualité.

    En Occident, la tyrannie a pris la forme d’une Europe libérale que j’ai nommée l’Etat maastrichtien, qui vise l’Etat universel et un gouvernement mondial populicide. La leçon de La Boétie est qu’il suffit au peuple de ne pas le vouloir pour qu’il n’ait pas lieu.

    La revue Front Populaire se propose d’être le parlement perpétuel des idées de ce que veulent les peuples contre les populicides qui souhaitent leur mort.

    Michel Onfray

  • Elisabeth Lévy : « Le peuple, voilà l'ennemi ! »

     

    Par Vincent Tremolet de Villers  

    A l'occasion de la parution du dernier numéro de Causeur, Elisabeth Lévy a donné un long entretien à FigaroVox [24.07]. Exceptionnellement, vous le lirez en entier en cliquant sur Lire la suite. Elle y décrypte les ravages de l'opposition entre le peuple et les élites sur fond de Brexit et d'attentats. En beaucoup de points, nous partageons ses analyses, évidemment pertinentes. Y-a--t-il des sujets de désaccord ? Sans doute. Nous laissons au lecteur le soin de les déceler. Mais sur l'essentiel, quel talent ! Quelle lucidité et quel bon sens ! LFAR

     

    627969587.jpgDans votre (savoureux) éditorial vous reprochez à Anne Hidalgo d'avoir rétabli les octrois. Quelques pages plus loin, vous félicitez le prolo anglais d'avoir voté contre « les élites » London-bruxelloises. Vous virez populiste ?

    Merci pour savoureux ! Vous avez raison, l'interdiction des vieilles voitures à Paris et le fanatisme européiste sont deux expressions du mépris prononcé des élites pour le populo qui pense mal, vote mal, vit mal et qui, en prime, sent mauvais. Au mieux des grands enfants qui ne savent pas ce qui est bon pour eux, au pire des barbares qui, avec leurs tas de ferraille pourris, menacent les bronches délicates de nos chérubins élevés bio. Je précise que je suis contre les maladies respiratoires et pour la paix entre les peuples, mais dans les deux cas, Brexit et pseudo mesures anti-pollution, c'est une idéologie qui est à l'œuvre, et cette idéologie s'emploie à détruire tout résidu du passé, qu'il s'agisse des nations ou des bagnoles ! Alors vous qualifiez ma critique ironique de « populiste », dernière insulte à la mode. C'est marrant, autrefois, défendre les intérêts du populo (alors appelé classe ouvrière), c'était le comble du progressisme. Aujourd'hui, cela signe votre appartenance à la réaction, allez comprendre. En réalité, « populisme » est le nom que la gauche donne au peuple quand le peuple lui déplait. Dans notre émission « L'Esprit de l'Escalier » sur RCJ, Alain Finkielkraut a eu la bonne idée d'exhumer le fameux poème de Brecht qu'on cite sans le connaître. Brecht, qui est pourtant communiste, l'écrit pendant la répression de la grève ouvrière de 1953 à Berlin-Est. Il trouve un tract du Parti qui déclare que « le peuple a perdu la confiance du Gouvernement ». Et Brecht conseille ironiquement à ce dernier de « dissoudre le peuple et d'en élire un nouveau ». Et c'est exactement ce que la gauche essaie de faire depuis trente ans. Le peuple vote mal ? Changeons de peuple ! Le peuple ne veut pas la poursuite de l'immigration massive ? Changeons de peuple ! Le peuple a peur de l'islam ? Changeons de peuple ! Le peuple veut rester un peuple ? Changeons de peuple ! Autrement dit, la gauche, représentante autoproclamée du peuple, ne se demande jamais comment répondre à ses aspirations ou inquiétudes mais comment lui faire entendre raison, enfin c'est une façon de parler, car elle utilise plutôt le prêchi-prêcha, l'invective et le chantage. Dans le cas du Brexit on aura tout eu : si vous votez « oui » vous irez en enfer ; puis, ce sont les vieux, les bouseux alcooliques (et les consanguins, non?) qui ont voté Brexit ; et enfin, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, la preuve ils ont changé d'avis. Quand un peuple dit « non », c'est « oui », on connaît la musique….

    « Le peuple n'a pas toujours raison » a dit Daniel Cohn-Bendit au sujet du Brexit…

    Quel aveu ! Désolée, mais si, en démocratie, le moins pire des systèmes comme on le sait, le peuple a par principe raison. Voilà pourquoi la destruction de l'école, sous de fallacieux prétextes égalitaires, est dangereuse : si le peuple a raison, il vaut mieux qu'il soit éclairé et capable de se forger une opinion autonome, on sait ça depuis Condorcet. Au passage, puisque c'est toujours cet exemple que Cohn-Bendit et les autres sont prêts à abattre sur la tête de l'électeur récalcitrant, si le peuple décide démocratiquement d'amener Hitler au pouvoir, il est déjà trop tard. Du reste, ce n'est pas ce qui s'est passé en 1933, d'abord parce qu'Hitler n'a pas obtenu la majorité, ensuite parce que l'atmosphère pré-terroriste de la campagne était tout sauf démocratique. Rappelons cependant que le peuple britannique n'a pas voté pour l'arrivée de Hitler au pouvoir, ni même pour « sortir de l'Europe » comme l'a annoncé Le Monde, mais pour quitter l'Union européenne. Alors revenons sur terre. Il me semble à moi que ce que l'histoire a fait, l'histoire doit pouvoir le défaire et qu'il ne faut peut-être pas en faire un tel plat. Du reste, avez-vous remarqué comme depuis l'attentat de Nice, le Brexit apparaît comme beaucoup moins cataclysmique ? Seulement, pour Cohn-Bendit et pour un certain nombre de mes confrères, la construction européenne n'est pas un fait historique, c'est une religion. Le vote britannique aura au moins eu le mérite de leur faire avouer qu'ils ne sont pas démocrates. C'est leur droit. Mais quand on se rappelle que les mêmes, quelques semaines plus tôt, rivalisaient dans l‘attendrissement et l'admiration pour Nuit debout et ses merveilleuses logorrhées citoyennes, on peut au moins exploser de rire. Leurs contorsions pour expliquer que, finalement, la démocratie participative c'est chouette mais qu'il ne faut pas en abuser, m'ont fait passer quelques bons moments.

     

    La dichotomie peuple/élites vous parait-elle pertinente ?

    Elle n'est pas l'alpha et l'oméga de tout mais dans une démocratie représentative, il y a par définition des gouvernés et des gouvernants. Et puis, il existe ce qu'on appelle une classe dirigeante, constituée d'élites économiques, intellectuelles et surtout médiatiques. L'une des caractéristiques de la période contemporaine est sans doute que les journalistes et autres médiacrates ont pris la place des écrivains et de penseurs, en termes de pouvoir et de statut social - et ce n'est pas une bonne nouvelle. Par ailleurs, si on repense à La trahison des clercs de Benda et surtout à L'étrange défaite, le magnifique livre de Marc Bloch sur l'origine de la défaite de 1940, il apparaît que les grands désastres historiques plongent souvent leur racine dans la faillite des élites. Cela ne signifie certes pas que le peuple est toujours bon et le pouvoir toujours mauvais. N'empêche, quand vous avez étudié dans les meilleures écoles, qu'on vous a confié des charges publiques ou privées, bref que l'on vous a fait confiance, cela devrait obliger. Or, je le répète, ce qu'on voit de plus en plus, ce sont des élites hors sol, qui méprisent ou ignorent ceux qu'elles prétendent diriger. Alors quand, au matin du 23 juin, j'ai vu la tête effarée de certains confrères, comme l'inénarrable Jean Quatremer, représentant de la Commission à Libération, découvrant que plus personne ne les écoutait plus et que leurs procès en sorcellerie faisaient rigoler tout le monde, j'ai immédiatement pensé: Ich bin ein Brexiter! Ce doit être mon côté populiste. Nos élites ne comprennent rien ? Changeons-en ! D'ailleurs, une bonne partie du peuple n'a pas demandé la permission pour préférer Polony ou Zemmour aux gauchistes qui pullulent dans nos universités et les colonnes de nos journaux….

    « Danse-t-on sur les ruines ? » écrivez-vous justement. Doit-on se réjouir du désordre et des incertitudes politiques ? Ce n'est pas un jeu !

    D'abord, je le répète, après l'attentat de Nice et le vrai-faux coup d'Etat turc, le Brexit semble un peu moins cataclysmique que le 24 juin. Et puis, où sont les ruines ? L'Angleterre n'a pas coulé, la City n'a pas disparu, les traders français n'ont pas été boutés hors de Londres. En supposant même que demain, les Britanniques aient à montrer leurs passeports en entrant dans l'Union ou que les étudiants aient à voyager sans le cocon Erasmus (ce qui n'arrivera sans doute pas), cela serait-il si terrible qu'on l'a dit ? On ne doit sans doute pas se réjouir du désordre, mais parfois un peu d'incertitude ne nuit pas. Nous l'a-t-on assez répété, en matière européenne, que l'Histoire était écrite dans le marbre et qu'on ne pourrait jamais faire marche arrière, l'Union était aussi intangible que la loi de la gravité. Alors oui, je préfère l'incertitude parce que l'Histoire écrite d'avance c'est la fin de l'Histoire. Bien sûr, Philippe Muray vous dirait que ce n'est pas un petit vote de rien du tout qui peut annoncer le retour de l'Histoire. N'empêche, il se passe quelque chose, et en prime quelque chose dont on nous disait que ça ne se passerait jamais. Appelez ça histoire ou politique, comme vous voulez, mais vous ne m'empêcherez pas de le savourer….

    A vous lire, vous semblez pourtant modérément souverainiste. Quel est votre rapport à l'Europe ?

    Je ne suis pas souverainiste, c'est la réalité qui est souverainiste. D'un point de vue anthropologique l'existence de nos vieilles nations me semble plus avérée que celle de cet artefact appelé Union européenne qui a une existence légale, administrative, technique, mais certainement pas culturelle, politique, ou même humaine. Un Européen ça existe, pas un Unioneuropéen ! Croyant au réel, si on peut dire, je crois aux nations comme cadres légitimes de la démocratie. Pour autant, il existe bel et bien une civilisation européenne et aussi un espace qui a des intérêts communs. En conséquence, je ne suis nullement opposée à une forme d'union et de coopération entre peuples européens mais je refuse qu'on singe la démocratie à une échelle où elle n'a pas de sens. Tant qu'il n'y aura pas un peuple européen au sein duquel les habitants de Hambourg seront d'accord pour payer pour ceux de Brindisi, les différents peuples d'Europe seront les seuls dépositaires légitimes de la souveraineté. Vous voyez, finalement, si ça se trouve, je suis souverainiste….

    Comment l'UE est-elle parvenue à se montrer si terne, sans relief et sans saveur ?

    Permettez-moi de renvoyer les lecteurs du Figaro à un auteur qu'ils connaissent bien, en l'occurrence Alain Finkielkraut et à son analyse limpide sur le sujet. C'est l'injonction du « Plus jamais ça » devenu le seul programme politique de l'UE qui a abouti à faire de l'Europe un réceptacle vide, ou plus exactement un contenant prié de se vider lui-même de tout contenu pour faire place à l'Autre. Pour accueillir, l'Europe doit renoncer à être elle-même. Si je voulais caresser le lecteur du Figaro dans le sens du poil, je dirais que l'idéologie européiste est une nouvelle version d'une certaine niaiserie de gauche. Ah, si tous les peuples du monde se donnaient la main… L'ennui, c'est que ce galimatias pour ados attardés ne s'intéresse absolument pas aux cultures qui font l'Europe.

    Cameron, Johnson, Farage ont démissionné. L'art britannique de la démission a-t-il quelque chose à nous apprendre ?

    Quand Jospin a démissionné après avoir échoué tout le monde a hurlé - moi je trouvais ça assez logique. Aujourd'hui, on voit des leaders qui démissionnent après avoir gagné et tout le monde s'extasie. Apparemment, rien n'est plus moderne qu'un leader qui renonce au pouvoir, rappelez-vous comment Benoît XVI est devenu populaire en une heure… Cependant, je ne partage pas votre admiration. Si Johnson et Farage ne voulaient pas gagner, ils n'auraient pas dû jouer. Il n'y a aucune grandeur dans leur attitude, seulement du cynisme. Comme dans celle de Pasqua et Séguin qui ont sablé le champagne après avoir perdu d'un cheveu le référendum sur Maastricht. Tous ont fait semblant de vouloir renverser la table pour obtenir les bénéfices symboliques de la subversion, mais aucun n'avait suffisamment d'estomac pour aller au bout. À cela il faut ajouter que Johnson et Farage n'ont reculé devant aucun mensonge durant la campagne. Certes, le camp du « remain » a aussi fait très fort dans le chantage à l'apocalypse. Et contrairement à ce qu'on raconte ici, il y a eu, à côté des outrances, un débat de bon niveau en Angleterre. J'ai donc tendance à penser que, dans ce cas, les électeurs valent mieux que ceux qui les ont amenés là. N'empêche, la victoire du « leave » a un drôle de goût, d'où notre titre « L'étrange victoire »….

    En Europe, les votes se suivent et se ressemblent. Jusqu'où ira, selon vous, cette révolte des peuples ? Faut-il s'en inquiéter ? Et en France, est-ce le FN qui bénéficiera de cette envie d'insurrection civique ?

    D'abord, je ne suis pas sûre que tous les votes se ressemblent tant que ça. Certes, il existe des ressorts communs aux partis dits populistes - immigration, mondialisation, dépossession…-, mais ce courant est beaucoup plus libéral en Angleterre ou en Hollande qu'en France par exemple, où le FN est très étatiste. D'autre part, certains de ces partis, en Pologne, en Hongrie et dans toute cette Europe qui n'a guère connu d'expérience démocratique, me paraissent plus inquiétants que d'autres. Il n'est pas douteux que les difficultés engendrées par le multiculturalisme qui est tout sauf heureux, la montée de l'islam radical et l'installation du terrorisme font progresser les affects mauvais, à l'égard de nos compatriotes musulmans. Il faudrait être inconscient pour ne pas s'en inquiéter. Mais une chose est sûre. On ne calmera pas plus ces affects qu'on n'a fait reculer le vote protestataire par l'injonction morale, et encore moins par le déni de réalité. Si on veut libérer les musulmans européens de l'atroce risque d'amalgame qui pèse sur eux, il faut non pas taire les critiques de l'islam mais les encourager. Plus on empêchera les gens de dire qu'ils ne veulent pas d'un certain islam, sécessionniste et régressif, qui en France est minoritaire mais pas insignifiant, plus ils se tourneront vers les adeptes des solutions folles. Cependant, sur ce terrain, les gens du FN ne me semblent pas vouloir jeter de l'huile sur le feu et c'est tant mieux. Après tout, on finira peut-être par découvrir qu'ils sont un rempart contre les fachos…

    Justement, une semaine après Nice, quel regard portez-vous sur notre pays ?

    C'est la première fois, me semble-t-il, qu'un journal de la gauche raisonnable comme Le Monde se demande ouvertement s'il y a un risque de guerre civile - pour y répondre par la négative, mais tout de même. Au-delà de la sidération, de la peur, on sent effectivement monter une colère, en partie dirigée contre les gouvernants, mais pas seulement. Les Français ne sont pas en colère à cause des ratés de la sécurité, ils sont en colère parce qu'on leur raconte des bobards. On pensait que le déni avait fini par se fracasser sur le réel. Las ! Dès le 15 juillet, nombre de médias s'employaient à effacer tout lien entre le crime et l'islam, fût-il radical. Bien sûr, leurs gros sabots se voyaient et au moins, on a pu souffler et rire parce que, sur France Inter, 95 % des témoins et des proches de victimes interrogés avaient des prénoms maghrébins. De même, on nous a rebattu les oreilles avec les frasques du terroriste : il buvait de l'alcool, il mangeait du porc et il draguait les filles, et même les garçons, il ne pouvait pas être musulman ce gars là. Pour un peu, nous avions vécu un drame de l'alcool ou de la sexualité débridée. Ce dénégationnisme médiatique n'apaise pas au contraire, il rend les gens dingues. Bien sûr, nombre de victimes étaient musulmanes et ils sont des millions, qui font la fête le 14 juillet, ou d'ailleurs ne la font pas, à appartenir sans restriction à la communauté nationale. Mais d'autres, concitoyens ou pas, sont nos ennemis et il doit être permis de le dire. Voilà des mois qu'on dit aux Français qu'ils sont en guerre, aujourd'hui, ils attendent qu'on la fasse. Si on ne veut pas que cette guerre soit celle de tous contre tous, c'est à l'Etat de la mener. A l'extérieur de nos frontières, mais aussi et peut-être surtout, à l'intérieur. 

    Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction de Causeur. Dans son numéro de juillet « Brexit, l'étrange victoire », le magazine revient sur le Brexit, la stupeur des élites, le retour du peuple et l'apocalypse qui n'a pas eu lieu.

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    Vincent Tremolet de Villers      

    Rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et de Figarovox.         

  • Islam et féminisme (1/3), par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgCe "numéro 89" est la première des trois Petites feuiles vertes qu'Annie Laurent consacre à ce thème : Islam et féminisme.

    Nous donnerons évidemment - comme d'habitude - le lien de cet article-ci lors de la publication de la prochaine PFV (la 90) et le lien des deux premières lors de la parution de la troisième et dernière (sur le sujet) : afin que vous puissiez, comme d'habitude, consulter aisément l'ensemble de cette sorte de mini-dossier... 

    J'en profite pour renouveler mes remerciements personnels - et, j'en suis sûr, les vôtres... - à notre chère Annie Laurent, qui ne manque jamais de me communiquer  les textes si éclairants et si nécessaires qu'elle publie très régulièrement, et qui nous aident tous à mieux comprendre ce "sujet" immense : l'Islam...

    François Davin,

    Blogmestre

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    Présentation des trois intellectuelles musulmanes sunnites et de leurs livres qui ont inspiré le thème de cette Petite Feuille Verte et des deux suivantes.

    Deux d’entre elles sont Libanaises : Zeina El-Tibi (ci dessus, ndlr), docteur en droit, auteur de La condition de la femme musulmane (Cerf, 2021) ; et Nayla Tabbara (ci dessous, ndlr), docteur en sciences des religions, auteur de L’islam pensé par une femme (Bayard, 2018). La troisième est Marocaine : Asma Lamrabetmédecin biologiste, auteur de Islam et femmes. Les questions qui fâchent (Gallimard, Folio-Essais, 2017).

    Leurs approches du sujet, surtout en ce qui concerne l’enseignement religieux sur la femme ainsi que les relations entre hommes et femmes, dans la société ou dans le cadre familial, ne sont pas uniformes, mais un point commun les caractérise : l’islam, dans ses textes sacrés, ne peut être considéré comme étant la cause première du statut discriminatoire imposé à la femme jusqu’à nos jours en de nombreux pays régis par la charia (la loi islamique).

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    LE REGARD DE L’ISLAM SUR LA FEMME

    Ce sujet comporte deux aspects : l’inégalité de nature entre l’homme et la femme ; l’imputation de la faute originelle.

    L’inégalité de nature (ou ontologique) entre l’homme et la femme

    Asma Lamrabet regrette l’importance accordée par l’exégèse islamique classique au récit de la Bible selon lequel la femme a été créée à partir d’une côte d’Adam (Genèse 2, 21-22) et l’érection de ce passage « en norme sacrée Â», d’où il résulte que Dieu aurait voulu faire des femmes des « créatures subalternes Â». Or, souligne-t-elle, non seulement ce récit est absent du Coran mais il est contredit par ce dernier (4, 1) : « Ã” vous les humains, craignez votre Seigneur qui vous a créés d’une seule essence et qui a créé d’elle son conjoint et qui de ces deux-là a fait propager beaucoup d’hommes et de femmes Â» (p. 15-17). 

    Mais ce verset ne peut être assimilé à la mention biblique selon laquelle « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa Â» (Gn 1, 27). C’est pourtant sur cette précision fondatrice que repose le concept de personne humaine, impliquant l’égalité en dignité, la complémentarité et la communion. Or, l’islam ignore cette réalité ontologique, le mot « personne Â» étant par ailleurs absent du vocabulaire arabe. Cf. A. Laurent, L’Islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), Artège, 2017, p. 97.  

    On lit en outre sous la plume d’A. Lamrabet qu’« aucun verset coranique ne justifie, n’accepte ou ne suppose une supériorité ou une domination des hommes sur les femmes. Rien ne l’affirme clairement dans le Texte, mais l’interprétation de certains versets a conforté les a priori culturels qui, par la force des choses, se sont confondus avec la parole divine et ont fait que ce discours est devenu inhérent à l’essence du religieux Â» (op. cit., p. 37).

    Pourtant, le Coran lui-même assure : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-ci au-dessus de celles-là Â» (4, 34). Il s’agit donc d’une inégalité constitutive qui instaure une différence de dignité entre l’homme et la femme et une subordination certaine de la femme à l’homme. C’est pourquoi l’universitaire tunisien Abdelwahab Bouhdiba (1932-2020), titulaire d’un doctorat en islamologie (La Sorbonne, 1972), a pu écrire : « La prééminence masculine est fondamentale en islam Â» (La sexualité en islam, PUF, coll. Quadrige, 1975, p. 31).

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    Asma Lamrabet

     

    La faute originelle

    Zeina El-Tibi : « Venant à la suite des deux premières religions monothéistes, judaïsme et christianisme, l’Islam – qui est à la fois un rappel et une rectification (réforme) du Message monothéiste – constitue un progrès en donnant à la femme un statut d’égal de l’homme, tant sur le plan spirituel que sur le plan communautaire. Car le Message est particulièrement clair : il affirme la stricte égalité entre les hommes et les femmes sur le plan spirituel et leur complémentarité, englobant la protection des droits de la femme, sur le plan social Â» (p. 48).

    L’auteur fonde son affirmation sur le fait que le Coran impute au seul Adam la désobéissance initiale à l‘ordre de Dieu, même si sa femme (Ève, non nommée) fut associée à ce péché (cf. 7, 19-25), lequel n’a eu, selon elle, aucune conséquence dommageable sur la création, la faute commise ayant été effacée par le pardon divin et la promesse de l’envoi d’une « guidance », qui sera le Coran (cf. 20, 123-124) (ibid., p. 50).

    Nayla Tabbara (p. 106) et Asma Lamrabet (p. 26) reprennent cette idée en citant un autre verset (2, 35-36) selon lequel Satan est le seul coupable.

    Et A. Lamrabet en conclut : « Nulle trace donc au sein du Coran de ce fameux péché originel, irréparable et fardeau écrasant de toute l’humanité, comme le décrit la tradition chrétienne. Selon la vision islamique, l’arbre interdit a une fonction symbolique afin d’éprouver ce premier couple d’êtres humains […]. Cette première faute donc ne sera pas éternellement inscrite dans le destin de l’humanité Â» (p. 27).

    Cependant, aucune de ces trois musulmanes ne s’interroge sur l’origine du mal. Z. El-Tibi se contente d’affirmer que « la malédiction de la femme est donc totalement absente de l’Islam Â» (p. 50). Comment alors comprendre la méfiance envers la femme mariée telle qu’elle est enseignée par le Coran : « Ã” vous les croyants ! Vos épouses et vos enfants sont pour vous des ennemis. Prenez garde ! Â» (64, 14).

     

    L’HOMME, LA FEMME ET LES DROITS DE L’HOMME

    Deux aspects sont présentés ici : la référence aux droits de l’homme ; l’émancipation féminine.

    Les droits de l’homme, source d’égalité ?  

    Pour Z. El-Tibi, l’égalité entre l’homme et la femme relève des droits de l’homme, « principes universels que l’on retrouve très tôt dans l’islam (respect de la vie, protection des plus faibles, sécurité des personnes et des biens, respect de la vie privée et de la liberté individuelle, dénonciation de la tyrannie, liberté de conscience, non-discrimination, etc.), souvent plus tôt que dans les sociétés occidentales Â» (p. 16). Elle en précise le rôle fondateur.

    « Les penseurs musulmans constatent que ces principes ont été posés par l’islam il y a quatorze siècles et que la civilisation islamique ne doit entretenir aucun complexe en matière de garantie des droits de l’homme Â» (p. 15). Certes, « dans le Coran, il n’y a pas une sourate ou une partie des sourates consacrées aux droits de l’homme. Cependant, les droits de l’homme sont partout dans le Coran Â» (p. 206).

    Pour cet auteur, l’islam garantit donc la liberté de conscience. Que penser alors de la sentence prononcée par Mahomet contre tout musulman, homme ou femme, qui renonce à sa religion pour en adopter une autre ou pour choisir l’athéisme ? « Celui qui quitte la religion [l’islam], tuez-le Â», rapporte un hadîth bien connu attribué à Mahomet.

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    La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ne fait d’ailleurs pas l’unanimité au sein de l’Oumma (la nation de l’islam). L’Arabie-Séoudite et le Yémen n’y ont pas adhéré. Quant aux États signataires, la plupart d’entre eux n’ont pas accordé leurs législations avec les principes qu’elle pose, en raison de leur incompatibilité avec les principes sacrés de la charia. Ils ont élaboré leurs propres documents parmi lesquels la Déclaration des droits de l’homme dans l’islam, approuvée en 1990 par l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) dont le siège est à Djeddah (57 États membres, arabes et non arabes). Son Préambule précise : « Tous les droits et libertés énoncés dans ce document sont subordonnés à la Loi islamique Â». Il s’agit donc d’un texte confessionnel et non universel. Cf. A. Laurent, L’islam peut-il rendre l’homme heureux ?, Artège, 2012.

    On lit d’ailleurs dans le Coran : « Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations et conformément à l’usage. Les hommes ont cependant une prééminence sur elles – Dieu est puissant et juste Â» (2, 228).

    « Pourquoi les hommes ont-ils autorité et prééminence si la femme est vraiment l’égale de l’homme dans tous les domaines comme ne cessent de le claironner les auteurs musulmans ? Â», s’interroge le Libanais Ghassan Ascha, docteur en Études islamiques de l’Université Sorbonne Nouvelle, en se référant, dans un esprit critique, à plusieurs auteurs pour lesquels l’autorité (qawâma) masculine est sans rapport avec la question de l’égalité juridique ou sociale. En effet, expliquent ceux-ci, les qualités supérieures de l’homme reposent sur des caractéristiques innées et des aptitudes diverses (biologiques, psychologiques ou intellectuelles) qui lui sont données par Dieu. Elles ne doivent donc pas être confondues avec le concept d’inégalité (Du statut inférieur de la femme en Islam, L’Harmattan, 1987, p. 87-93).

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    L’un des penseurs réformistes musulmans les plus connus du XXème siècle, le Syrien Rachid Ridha (ci dessus, ndlr), écrivait en 1932 : « Dieu a préféré l’homme à la femme en le créant plus fort en corps et en esprit. Ne conteste cette préférence de Dieu dans l’ordre naturel que celui qui est ignorant ou prétentieux Â» (cité par G. Ascha, ibid., p. 48).

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    L’émancipation féminine en Islam

    N. Tabbara écrit : « Le prophète Mahomet va leur donner [aux femmes] une place sociale dans une société où elles n’étaient rien si elles n’appartenaient pas aux grands clans. L’islam naissant va donc aider à l’autonomisation des femmes de toutes les classes sociales alors qu’auparavant seule une minorité de femmes agissait selon sa volonté propre Â» (p. 89).

    Elle s’attarde sur Aïcha, l’épouse préférée de Mahomet lorsqu’il devint polygame et à qui l’on attribue la sélection, la transmission et l’authentification d’un grand nombre de hadîths, récits des paroles et des actes de Mahomet, composant la Sunna (la Tradition) ; et sur Hafsa, fille d’Omar, le deuxième calife (634-644, qui fut « la première gardienne d’une copie du Coran après la mort de Mahomet Â» (p. 90-98).

    Z. El-Tibi consacre un chapitre au rôle des femmes dans les premiers temps de l’islam, en commençant par Khadija, femme d’affaires, employeur puis première épouse de Mahomet (alors monogame) devenue la première musulmane, parfait soutien de son mari dans les moments difficiles de sa mission (p. 105-115).

    Selon A. Lamrabet, pour « l’élaboration des fondements des sciences islamiques, le rôle des femmes a été essentiel puisque durant les deux premiers siècles qui ont suivi le décès du Prophète il a été répertorié plus de 8 000 noms d’érudites Â» qui se sont illustrées dans ces travaux (p. 139).

     

    Réfutations et mises au point de musulmans

    Certains auteurs musulmans tempèrent ou contredisent les démonstrations d’Asma Lamrabet, Zeina El-Tibi et Nayla Tabbara en mentionnant d’autres réalités bien moins avantageuses pour la femme en Islam.

    Ghassan Ascha rapporte les jugements négatifs portés sur la femme par Mahomet lui-même et par certains de ses proches.

    • Mahomet : « Les femmes ont moins de raison et de foi… Le manque de raison se traduit en ce que le témoignage de deux femmes vaut le témoignage d’un seul homme, et le manque de foi se traduit en ce que la femme pendant ses règles ne prie pas et ne jeûne pas Â» (op. cit., p. 28). Ce hadîth fait allusion à une prescription attribuée à Dieu : « Demandez le tÃ
  • La révolution copernicienne de l'enseignement par Jean-François Mattéi (V/V)

    3 L’ouverture de l’école

     

            Si l’on veut comprendre la spécificité de l’institution scolaire, dans son rapport aux impératifs de la connaissance et à la vocation de l’homme à réaliser son humanité, on doit abandonner ce que les théoriciens des sciences de l’éducation appellent le « triangle didactique ». Ses trois angles seraient, dans le langage convenu de la pédagogie nouvelle, le « savoir », « l’apprenant », et le « formateur », ou, mieux encore, selon la logomachie prétentieuse des pédagogues actuels, « l’épistémologie de référence de la discipline considérée », « la psychologie cognitive » et « les contraintes de la situation de formation » (18). On voit mal d’ailleurs comment l’élève pourrait occuper le centre du système éducatif dès lors qu’on confine l’apprenant à l’un des angles de ce triangle pédagogique.

            Si l’on veut opérer cette révolution copernicienne de l’éducation qui consiste à revenir à la réalité elle-même, il faut comprendre l’originalité de l’école en tant qu’institution spécifique afin de saisir ce qu’il y a en elle de permanent et de légitime pour offrir aux hommes une ouverture vers la culture véritable.

            Si l’étymologie du grec skholé est obscure, on sait que le premier sens de ce terme est l’« arrêt » dans le cours du temps, d’où les sens de « repos » et de « loisir », comme on le voit chez Pindare dans les Néméennes (10, 85). Les expressions skholen echein ou skholen labein signifient couramment « faire une pause » ou « se donner du loisir ». Platon prendra ce terme dans le sens plus large de l’occupation propre à un homme de loisir, celui qui suspend un temps les processus vitaux et sociaux pour se consacrer à la discussion et à l’étude. À la différence des hommes qui traînent dans les tribunaux et les lieux publics, toujours à l’affût d’une méchante plaidoirie, les philosophes « ont toujours présent ce bien, le loisir (skholé), et les propos qu’ils tiennent, ils les tiennent dans la paix et à loisir (en eiréné epi skholês) » (19). Aussi doit-on distinguer deux types d’hommes, celui qui vaque aux affaires courantes, contraint par la nécessité, et celui « dont l’éducation s’est faite dans une liberté et un loisir réels (en eleuthería te kaì skholé) » (20), le philosophe ami du savoir, c’est-à-dire l’homme cultivé.

            La skholé est donc, grâce à cette pause dans l’urgence de la vie quotidienne, la plénitude d’une réflexion studieuse menée avec d’autres hommes dans un lieu spécifique que l’on nommera bientôt « école », et dont l’Académie de Platon est le premier exemple connu. Il n’y a de culture possible, de paideia – et l’on sait que ce terme est formé, au même titre que paidia, le « jeu », sur paîs, l’« enfant » – que grâce à ce moment de « repos », skholé, où l’esprit de l’homme se confronte aux grandes questions de l’existence en acceptant la discussion avec les autres. La véritable éducation, dont Platon expose la nature dans l’allégorie de la caverne, ne revient donc pas à se refermer sur ses propres ombres ; elle consiste à sortir de soi et de son absence initiale d’éducation, l’apaideusia, à la suite d’une contrainte tout extérieure, pour s’ouvrir au monde et s’orienter vers la lumière de la connaissance. La skholé est bien l’origine de cette « ouverture » de l’âme en laquelle Comenius, et, à notre époque, Jan Patocka (21), décèleront la marque de l’humanisation véritable.

            Ce que l’on appelle l’éducation traditionnelle, cette éducation libérale que l’éducation progressiste cherche à supprimer sous le prétexte de souscrire aux intérêts de la société, à défaut de satisfaire aux exigences de l’élève, a toujours conservé cet héritage philosophique dont est issu le courant humaniste. Aussi avait-elle davantage le souci de la culture de l’âme, la cultura animi de Cicéron (22), que celui de la condition sociale ou de la situation économique.
    En abandonnant la sphère de l’humanisation, qui est celle de la liberté, pour se vouer à la sphère de la socialisation, qui est celle de la nécessité, notre culture démocratique, héritière de la culture classique et « censée être le rempart de la civilisation contre la barbarie », selon la formule de Léo Strauss, « est de plus en plus pervertie en instrument de retour à la barbarie » (23). Il y a barbarie, en effet, dès que l’on renonce à reconnaître l’humanité dans l’homme ou dans ses œuvres, et à conduire le mouvement d’hominisation en fonction de sa propre fin, pour mieux activer les processus sociaux.




            Or, l’humanisation n’est possible qu’à la condition que la société, et le pouvoir politique qui la commande, distingue clairement ce que Hannah Arendt appelait la « relation au monde » et la « relation à la vie ».
    Pour que l’enfant, quelles que soient ses origines familiales et sociales, puisse s’arracher aux déterminations qui sont les siennes et entre dans le monde public où il deviendra un citoyen, il faut laisser à l’école ce statut intermédiaire entre le domaine de la famille, tissé de processus vitaux, et le domaine de la cité, tissé de processus sociaux. Il faut interrompre un temps – le temps de la connaissance – le mouvement cyclique de la vie et de la société pour laisser sa place à cette pause originale de la skholé dans laquelle l’enfant va se confronter à l’extériorité de la culture. Cette notion d’extériorité, combattue par le pédocentrisme de la pédagogie moderne depuis John Dewey, est pourtant depuis toujours la marque de la culture et de l’éducation.

            Giorgio Colli écrivait en ce sens dans ses Cahiers posthumes :

            « Fondements de la civilisation : reconnaître ce qui est au-dehors de nous, ce qui est différent de nous. Ce qui s’appelle religion, nature, société, culture. Le signe de la décadence, c’est l’intériorisation, le fait de tout rapporter à nous : philosophie et science moderne » (24).

            Il convient donc de séparer l’éducation de la vie familiale et de la vie publique et de distinguer soigneusement les deux axes, horizontal et vertical, qui gravitent autour de l’école. Sur le premier, l’axe de la vie, on reconnaît les pôles complémentaires de la famille, refermée sur l’intimité de la vie privée et la nécessité de la reproduction biologique, et de la société, exposée à la lumière de la vie publique et à la nécessité de la production économique. En ce sens, on peut admettre que l’école est un lieu de vie, au même titre que les autres lieux, sur cet axe de socialisation où l’institution scolaire tient le milieu entre l’institution familiale et l’institution sociale.
            Mais cet axe institutionnel ne concerne que la socialisation formelle de l’enfant, considéré ici comme un sujet. Un second axe, celui de son humanisation substantielle, met en présence autour de l’école deux nouveaux pôles, le pôle de la politique qui permettra à l’enfant, devenu citoyen, d’accomplir son action dans la cité, et le pôle de la science qui autorisera l’élève à se hausser au niveau de la connaissance. Sur cet axe de la pensée, qui recoupe verticalement le précédent, l’école n’est plus un lieu de vie, mais un lieu de réflexion où l’élève, excentré de lui-même, peut devenir à la fois un homme et un citoyen.

            Entre ces quatre pôles, famille et société, politique et science, l’école est le lieu ouvert, mais autonome, où s’enracine et se développe la pensée. L’enfant ne pourra connaître et agir s’il ne commence par apprendre à penser afin de réussir ensuite à penser ce qu’il a appris. Et si la fin de la connaissance, dans l’ordre de la science, est la vérité, la fin de l’action, dans l’ordre de la politique, est la justice. C’est l’institution scolaire, comprise en ce sens, qui peut offrir à l’enfant la possibilité de s’ouvrir à la vérité et à la justice.
            Mais ce n’est pas l’élève, ni d’ailleurs le maître, moins encore l’État, qui se trouve au centre du système éducatif : l’école elle-même, comprise comme école de pensée, est seule habilitée à occuper son propre centre.

            Telle est la source légitime et inconditionnelle de sa liberté et de son autorité. Tant que le débat sur le système scolaire ne reviendra pas sur la stratégie de rupture envers l’autorité légitime du savoir, dans le sens défini plus haut, nous ne pourrons pas rectifier les échecs endémiques de l’éducation, ni édifier une pédagogie qui permette à tous les enfants d’accéder à leur humanité.

    Hélas ! Il est à craindre, si nous n’entreprenons pas cette révolution copernicienne de l’école, que l’illusion politique de demain ne vienne renforcer l’illusion pédagogique d’aujourd’hui. En renonçant à sa vocation de libération, l’État n’aura alors pas osé accomplir ce que Bachelard appelait, en conclusion de La Formation de l’esprit scientifique, l’inversion des « intérêts sociaux » : faire la Société pour l’École et non pas l’École pour la Société. (25) 




    Notes


    18 : P. Meirieux, Qui a peur des sciences de l’éducation ?, Se former +. Pratiques et apprentissages de l’éducation, bimestriel, n° 9, 1991, p. 11-12.

    19 : Platon, Théétète, 172 d 4-5, trad. L. Robin légèrement modifiée.

    20: Platon, Théétète, 175 e, trad. L. Robin.

    21 : J. Patocka, « Comenius et l’âme ouverte » (1970), l’Écrivain, son objet, Paris, Presses Pocket, 1992.

    22 : Cicéron, Tusculanes, II, 5, 13 : « cultura animi philosophia est ».

    23 : L. Strauss, le Libéralisme antique et moderne, op. cit., p. 100.

    24 : G. Colli, Philosophie de la distance. Cahiers posthumes I, Paris, Éditions de l’Éclat, 1999, p. 31.

    25 : G. Bachelard, la Formation de l’esprit scientifique



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  • Homélie de la messe de requiem pour le Roi Louis XVI, par le père Xavier Manzano

                Une basilique pleine de fidèles, à Marseille, comme en bien d’autres villes de France, en ce soir du 21 janvier 2009, pour la messe de 19h célébrée à la mémoire du Roi Louis XVI et des défunts de sa famille.

                Avec la participation de nombreux élus de la ville de Marseille, dont M. André Malrait, représentant M. Jean-Claude Gaudin, les Chevaliers et Dames du St Sépulcre, et les Chevaliers de l'Ordre de Malte.

                La cérémonie est présidée par Mgr Jean-Pierre ELLUL, recteur de la basilique du Sacré-Coeur, en présence de Mgr Matthieu Aquilina et du Père Xavier Manzano qui donna l'homélie reproduite ci-dessous.

              

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                « J'ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître, dans un temps où cette fonction était ambitionnée de tout le monde : je lui dois le même service lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. » C’est en ces termes que M. de Malesherbes s’explique lorsque, contre toute attente, il rentre d’émigration et vient proposer ses services au Roi Louis XVI, mis en accusation devant la représentation nationale. Derrière ces quelques mots, nous pouvons voir une conscience en action. Et peut-être pouvons-nous conjecturer que le vieux ministre avait été touché par l’attitude de son Roi.  

                   Car Louis XVI ne se faisait aucune illusion sur son sort. Il le dira très clairement à M. de Malesherbes : « Votre sacrifice est d'autant plus généreux que vous exposez votre vie et que vous ne sauverez pas la mienne. » Dès lors, la question n’est plus de savoir s’il peut sauver sa vie mais comment et pourquoi il doit mourir. C’est en ce sens qu’il veut faire de sa vie et de sa mort un sacrifice et, osons le mot, un martyre. Il est possible, certains commentateurs n’ont pas hésité à le faire, à se gausser de termes aussi peu dans le vent et d’y voir la résurgence d’un christianisme bien noir. D’autant plus que le mot « martyre », hélas, a récemment été confisqué ou employé pour qualifier de sombres terroristes qui sont pourtant au rebours de ce que ce terme signifie réellement. Le vrai martyre est toujours en fait une question de conscience. Il s’agit en effet de savoir si l’on préfère perdre son âme plutôt que sa vie. Il s’agit de se décider lorsque l’on met en balance la sauvegarde de sa vie et la fidélité à la mission reçue. Il s’agit en somme si la vie vaut la peine d’être continuée, à partir du moment où l’on devrait abandonner et piétiner ce que l’on a de plus cher et de plus précieux au monde, sa conscience, ce qui nous fait être homme, ce qui nous rend image et ressemblance de Dieu.

                 C’est bien cela qui est en jeu dans la vie entière de Louis XVI, mais plus singulièrement encore dans ses derniers jours terrestres. Il a reçu sa mission politique comme une vocation qui engage tout son être. Une vocation qu’il sait difficile et dangereuse puisqu’il n’hésitera pas à la qualifier de « malheur » dans son testament. Mais une vocation que, dans sa conscience de chrétien, il conçoit comme une donation de lui-même, une donation qui doit aller jusqu’au bout. Et c’est sans doute ainsi que nous pouvons comprendre qu’il a pu donner une dimension « politique », au sens noble du terme, à son procès et à sa mort. Déjà, dans la Déclaration que Louis XVI rédige le 20 juin 1791 à l’adresse de tous les Français, au moment de la fuite à Varennes, il fait un bilan très sombre mais très lucide de l’état du pays, nous peignant un système constitutionnel très élaboré, sans doute, mais impuissant à empêcher les pressions exercées sur les consciences par des groupes privés, on dirait aujourd’hui des lobbies, pratiquant avec un art consommé l’intimidation et la désinformation. Lorsque la cité et les consciences sont livrés en pâture à ce genre d’actions, lorsque la vie politique ne joue plus son rôle de défense et de promotion des consciences personnelles, lorsque la formalité juridique, fût-elle démocratique, n’est plus qu’un jeu et un masque, la question vient immédiatement, je la tire des Psaumes : « que peut faire l’homme juste ? »

                 Quand le Pape Jean-Paul II proclama Saint Thomas More, le chancelier du roi d’Angleterre Henri VIII, patron des hommes politiques, il n’avait, je pense, pas d’autre question en tête. Il entendait montrer que la conscience, entendue comme « le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu dont la voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime »[1][1][1], est la voie ultime par laquelle l’homme reste homme et témoigne « de la primauté de la vérité sur le pouvoir »[2][2][2]. Le grand Pape, qui avait affronté jeune la persécution du nazisme et qui avait vécu dans ces démocraties dites « populaires », de sinistre mémoire, savait que la conscience personnelle est ce qui unit les hommes entre eux et les empêchent de devenir des bêtes. Il savait que des institutions politiques peuvent considérer, dans leur délire tyrannique et idéologique, l’existence de cette instance comme une menace à leur propre domination. Il savait qu’il existe au fond de l’être humain une voix que l’on ne peut dompter et qui est celle du bien. Il savait surtout que la meilleure résistance à toute forme d’oppression et d’arbitraire vient de la fidélité inébranlable à cette conscience où Dieu réside et parle.

     

                C’est peut-être ainsi que nous pouvons comprendre le « sacrifice » consenti par Louis XVI. Sa seule indignation, au cours d’un procès pourtant inique, fut lorsqu’on l’accusa d’avoir répandu le sang du peuple. C’est-à-dire lorsqu’on chercha à salir sa conscience. C’est par fidélité au lourd fardeau qu’il avait reçu et à l’idée qu’il en avait qu’il a souhaité aller jusqu’au bout et en assumer toutes les conséquences. Son testament d’homme, sa fidélité à sa famille et à la foi, tout cela n’est pas à séparer de sa mission politique : c’est plutôt le combat d’une conscience qui clame, « au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique »[3][3][3]. Il met sa conscience au-dessus même de la conservation de son pouvoir et cela a une intense signification « politique ». Oui, frères et sœurs, ce n’est pas parce qu’un système constitutionnel fonctionne formellement qu’il est légitime au regard de l’être humain qu’il prétend servir. Pour cela, il doit se faire le serviteur de la conscience personnelle et y chercher ce « supplément d’âme » qui lui permettra de vraiment chercher le bien commun qui est aussi le bien de chacun.

                 Chers amis, nous savons bien que la mission politique, si elle a besoin de principes forts, ne les invente pas et ne s’y résume pas. C’est un art de la sagesse et de la nuance qui exige, non pas les compromissions ou les manipulations, mais un engagement de conscience que Benoît XVI n’hésitait pas à qualifier de « charité politique ». Autrement dit, c’est une question d’amour, oui, et Louis XVI peut nous montrer, à la suite de beaucoup d’autres, que cet amour, qui sait ce que c’est qu’un être humain et le respecte jusqu’au bout, peut aller jusqu’à l’effusion du sang. C’est cela qu’on peut attendre d’un homme vraiment juste. C’est la route que le Christ nous a ouverte.

                 Lorsque Louis XVI retourna au Temple après sa mise en accusation devant la Convention Nationale, il eut faim. Il demande un morceau de pain au procureur-syndic de la Commune de Paris, Chaumette, peu connu pour sa modération. Celui-ci le lui donna. « Louis XVI mange lentement la croûte de son pain. Comme la mie l'embarrasse, le greffier du maire la prend et la jette sur la chaussée.

    - Oh, c'est mal de jeter ainsi le pain, dit le roi, surtout dans un moment où il est rare.

    - Comment savez-vous qu'il est rare? demande Chaumette.

    - Parce que celui que je mange sent un peu la terre.

    Chaumette observe gravement.

    - Ma grand'mère me disait toujours: «Petit garçon, on ne doit pas perdre une mie de pain, vous ne pourriez en faire venir autant. »

    - Monsieur Chaumette, murmure Louis XVI, votre grand'mère était, à ce qu'il paraît, une femme de grand sens. »

                 Derrière ce dialogue apparemment banal et pourtant d’un grande profondeur, on sent que Chaumette, en regardant Louis XVI et devant cet élément si symbolique du pain, est, pour un moment, arraché à l’idéologie et rendu à son humanité. C’est lorsque les regards se croisent et que les consciences se rencontrent que les hommes sont rendus à eux-mêmes. Etre fidèle à la mémoire de Louis XVI, c’est peut-être se souvenir de cela et en vivre pour Dieu puisse reconnaître en nous les fils qu’il s’est choisis. 

     

    Abbé Xavier Manzano,

    Vicaire à la basilique du Sacré-Coeur,

    Directeur des Etudes à l'ISTR et à l'ICM de Marseille.