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L'Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l'économie africaine (partie 1), par Ilyes Zoua­ri.

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Pré­sident du CERMF (Centre d’é­tude et de réflexion sur le Monde francophone)

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En dépit d’une année par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile, mar­quée par la pan­dé­mie, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a glo­ba­le­ment réa­li­sé les meilleures per­for­mances éco­no­miques du conti­nent pour la sep­tième année consé­cu­tive et la hui­tième fois en neuf ans, tout en en demeu­rant, et plus qu’au­pa­ra­vant, la par­tie la moins endet­tée. La ten­dance devrait se main­te­nir pour l’an­née 2021, avec un rebond atten­du de l’ac­ti­vi­té, même si les pré­vi­sions en la matière res­tent, à ce stade, assez hasardeuses.

1.jpgPour la sep­tième année consé­cu­tive et pour la hui­tième fois en neuf ans, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a affi­ché les meilleures per­for­mances du conti­nent en termes de varia­tion de PIB, selon les don­nées four­nies par la Banque mon­diale dans son rap­port « Pers­pec­tives éco­no­miques mon­diales », publié en jan­vier der­nier. Glo­ba­le­ment, cet ensemble de 22 pays est ain­si par­ve­nu à limi­ter la baisse de l’ac­ti­vi­té résul­tant de la crise liée au Covid-19, en enre­gis­trant une crois­sance néga­tive de ‑2,1 %, tan­dis que le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne enre­gis­trait un taux de ‑4,3 % *. Du côté de la dette publique, et selon les der­nières don­nées du FMI, l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a glo­ba­le­ment réus­si à maî­tri­ser son niveau d’en­det­te­ment, qui était déjà le plus faible du conti­nent, avec une hausse de 4,1 points de pour­cen­tage du poids glo­bal de la dette publique par rap­port au PIB, contre une hausse de 8,3 points pour le reste de l’A­frique subsaharienne.

Une crois­sance glo­bale néga­tive de ‑2,1 %

La crois­sance de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone a donc connu une impor­tante baisse par rap­port à l’an­née pré­cé­dente, lors­qu’elle s’é­tait éta­blie à 4,1 % (4,6 % hors cas très par­ti­cu­lier de la Gui­née équa­to­riale). Cette même année, en 2019, la crois­sance avait été de 1,8 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays fran­co­phones (dont la Gui­née équa­to­riale, ancienne colo­nie espa­gnole et par­tiel­le­ment fran­co­phone), ain­si que la Gui­née Bis­sau (luso­phone et ancienne colo­nie por­tu­gaise), qui ras­semble 54 % de la popu­la­tion de l’A­frique fran­co­phone sub­sa­ha­rienne (et 43 % de celle de l’A­frique fran­co­phone), la crois­sance est pas­sée de 3,9 % en 2019 à ‑1,6 % (ou de 4,6 % à ‑1,1 %, hors Gui­née équa­to­riale). Dans cet espace, la zone UEMOA conti­nue à se dis­tin­guer en ayant réus­si à enre­gis­trer une évo­lu­tion légè­re­ment posi­tive (0,2 %), à l’in­verse de la zone CEMAC dont les trois pays les plus dépen­dants des hydro­car­bures ont fait bais­ser la moyenne glo­bale de la crois­sance économique. 

En 2020, et même en réper­to­riant Mau­rice et les Sey­chelles par­mi les pays fran­co­phones (deux pays consi­dé­rés comme à la fois fran­co­phones et anglo­phones*), quatre des douze pays d’A­frique sub­sa­ha­rienne ayant affi­ché une crois­sance néga­tive de plus 5 % sont fran­co­phones (ou seule­ment deux sur dix, si l’on ne tient pas compte des deux pays pré­cé­dem­ment cités). Un an plus tôt, soit avant l’ap­pa­ri­tion de la pan­dé­mie, seuls deux des huit pays sub­sa­ha­riens ayant connu une varia­tion néga­tive (< 0 %) étaient francophones.

En Afrique sub­sa­ha­rienne non fran­co­phone, la Nige­ria, l’A­frique du Sud et l’An­go­la, trois des prin­ci­pales éco­no­mies de la zone, ont été dure­ment tou­chés par la crise éco­no­mique inter­na­tio­nale, alors que ces pays étaient déjà en grande dif­fi­cul­té depuis plu­sieurs années, notam­ment en rai­son du déclin pro­gres­sif de leur très impor­tante pro­duc­tion pétro­lière (pour le Nige­ria et l’An­go­la, res­pec­ti­ve­ment pre­mier et deuxième pro­duc­teur d’hy­dro­car­bures d’A­frique sub­sa­ha­rienne), ou auri­fère (cas de l’A­frique du Sud, désor­mais second pro­duc­teur du conti­nent, après avoir été récem­ment dépas­sée par le Gha­na). Ces pays ont ain­si res­pec­ti­ve­ment affi­ché une crois­sance néga­tive de ‑4,1 %, ‑7,8 % et ‑4,0 %, après avoir réa­li­sé d’as­sez mau­vaises per­for­mances en 2019 (2,2 %, 0,2 % et ‑0,9 %, respectivement). 

Ce manque de dyna­misme semble dura­ble­ment ins­tal­lé selon les pré­vi­sions de la Banque mon­diale, qui conti­nue de tabler sur des crois­sances ané­miques pour ces trois pays au cours des quelques années à venir, au moins. Le Nige­ria, l’A­frique du Sud et l’An­go­la sont donc des pays en voie d’ap­pau­vris­se­ment, puis­qu’ils affichent désor­mais constam­ment des taux de crois­sance lar­ge­ment infé­rieurs à leur crois­sance démo­gra­phique (contrai­re­ment aux pays fran­co­phones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nige­ria, qui enre­gistre les taux de crois­sance éco­no­mique les plus éle­vés de ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que de 0,3 % en moyenne annuelle sur les six der­nières années (et de 1,2 % sur la période 2015 – 2019) contre une crois­sance démo­gra­phique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la même période. Par ailleurs, le Nige­ria et l’An­go­la ont connu une impor­tante dépré­cia­tion de leur mon­naie, dont la valeur a bais­sé de près de 60 % et 85 %, res­pec­ti­ve­ment, par rap­port au dol­lar depuis 2014. Avec à la clé une forte infla­tion et le main­tien d’une forte dol­la­ri­sa­tion de leur éco­no­mie (uti­li­sa­tion du dol­lar pour une par­tie impor­tante des tran­sac­tions, par refus de la mon­naie locale consi­dé­rée comme risquée). 

Sur la période 2012 – 2020, soit neuf années, la crois­sance annuelle de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone s’est donc éta­blie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors Gui­née équa­to­riale, et 5,6 % pour la zone UEMOA). Ce taux a été de 1,9 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. Pour rap­pel, la crois­sance glo­bale annuelle s’é­tait éta­blie à 4,2 % pour l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone pen­dant les huit années de la période 2012 – 2019, juste avant la pan­dé­mie (4,8 % hors Gui­née équa­to­riale), et à 2,8 % pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne. Quant aux quatre pre­mières éco­no­mies de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone, et sur la période de neuf années 2012 – 2020 (donc pan­dé­mie incluse), la Côte d’I­voire, la RDC, le Came­roun et le Séné­gal, ont res­pec­ti­ve­ment enre­gis­tré une crois­sance annuelle de 7,5 %, 5,1 %, 3,9 % et 5,1 % en moyenne. De leur côté, les quatre pre­mières éco­no­mies en début de période pour le reste de l’A­frique sub­sa­ha­rienne, à savoir le Nige­ria, l’A­frique du Sud, l’An­go­la et le Kenya (l’An­go­la ayant été rem­pla­cée par l’É­thio­pie en 2019), ont res­pec­ti­ve­ment connu une pro­gres­sion annuelle de 2,1 %, 0,3 %, 1,0 % et 4,8 %.

Une Afrique de l’Ouest fran­co­phone assez résiliente

Après avoir réa­li­sé une crois­sance glo­bale supé­rieure à 6 % pen­dant six années consé­cu­tives (de 2014 à 2019), et enre­gis­tré une crois­sance annuelle de 6,3 % en moyenne sur les huit années de la période 2012 – 2019, la zone UEMOA (huit pays, dont la luso­phone, mais très fran­co­pho­no­phile, Gui­née-Bis­sau) a connu un impor­tant ralen­tis­se­ment de l’ac­ti­vi­té éco­no­mique en 2020, mais est tout de même par­ve­nue à affi­cher une crois­sance légè­re­ment posi­tive et s’é­ta­blis­sant à 0,2 %. Cette même année, quatre des sept pays fran­co­phones de la zone moné­taire ont enre­gis­tré une évo­lu­tion posi­tive (Le Bénin, la Côte d’I­voire, le Niger et le Togo), avec un maxi­mum de 2 % pour le Bénin. À l’in­verse, les trois autres pays fran­co­phones ont enre­gis­tré une crois­sance néga­tive, avec un plus bas de ‑2 % pour le Mali et le Bur­ki­na Faso (sui­vis de la Gui­née-Bis­sau, en der­nière posi­tion de la zone avec une taux de ‑2,4 %). L’es­pace UEMOA conforte ain­si son sta­tut de plus vaste zone de sta­bi­li­té du conti­nent, après en avoir éga­le­ment été la plus vaste zone de forte crois­sance sur la période de huit années 2012 – 2019, avant l’ap­pa­ri­tion de la pan­dé­mie dont les consé­quences ont affec­té l’en­semble du continent. 

Hors UEMOA, la Gui­née a éga­le­ment affi­ché une crois­sance posi­tive, en rai­son de la hausse des acti­vi­tés extrac­tives avec l’en­trée en pro­duc­tion de nou­velles mines. Ain­si, l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone (soit la zone UEMOA + Gui­née et Mau­ri­ta­nie, situées hors zone CFA), a concen­tré à elle seule cinq des sept pays fran­co­phones d’A­frique sub­sa­ha­rienne étant par­ve­nus à réa­li­ser une crois­sance posi­tive en 2020. 

Il convient de sou­li­gner que le sta­tut de zone la plus dyna­mique du conti­nent consti­tue une réelle per­for­mance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n’en est pas la plus pauvre, cette place étant occu­pée par l’A­frique de l’Est. Ain­si, à titre d’exemple, et hors Dji­bou­ti (pays fran­co­phone), seul un pays d’A­frique de l’Est conti­nen­tale affi­chait début 2020 un PIB par habi­tant dépas­sant clai­re­ment la barre des 1 000 dol­lars, à savoir le Kenya (1 816 dol­lars, sui­vi loin der­rière par la Tan­za­nie, 1 122 dol­lars, selon les der­nières don­nées dis­po­nibles). À la même date, trois pays fran­co­phones de l’es­pace UEMOA dépas­saient clai­re­ment ce seuil sym­bo­lique, en l’oc­cur­rence la Côte d’I­voire (2 276 dol­lars), le Séné­gal (1 447 dol­lars) et le Bénin (1 219). Et même quatre pays pour l’en­semble de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone, en tenant compte de la Mau­ri­ta­nie, aux impor­tantes richesses minières (et aux­quels s’a­joutent, pour toute l’A­frique de l’Ouest conti­nen­tale, le Nige­ria pétro­lier et le Gha­na, impor­tant pro­duc­teur de pétrole et pre­mier pro­duc­teur afri­cain d’or). Par ailleurs, l’A­frique de l’Est abrite les cinq pays les plus pauvres du conti­nent, à savoir le Sou­dan du Sud, le Sou­dan, la Soma­lie, le Mala­wi et le Burun­di (quatre pays anglo­phones et un fran­co­phone, ayant tous un PIB par habi­tant infé­rieur à 450 dol­lars, début 2020. Enfin, l’A­frique de l’Est est éga­le­ment la par­tie la plus instable du conti­nent, mar­quée par de nom­breux pro­blèmes sécu­ri­taires et abri­tant, notam­ment, les deux pays connais­sant les conflits les plus meur­triers d’A­frique sub­sa­ha­rienne, pro­por­tion­nel­le­ment à la popu­la­tion locale, en l’oc­cur­rence la Soma­lie et le Sou­dan du Sud. Deux conflits aux­quels s’est récem­ment ajou­tée la guerre civile ayant frap­pé l’É­thio­pie fin 2020, un des pays les plus pauvres d’A­frique et où les ten­sions inter­eth­niques et les répres­sions poli­cières avaient déjà fait plu­sieurs cen­taines de morts ces quelques der­nières années, fai­sant de ce pays l’un de ceux connais­sant les plus fortes ten­sions sociales sur le conti­nent, avec en par­ti­cu­lier l’A­frique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homi­cides par an).

En Afrique de l’Ouest fran­co­phone, et grâce à une crois­sance de 8,2 % en moyenne sur la période 2012 – 2019, soit la deuxième plus forte pro­gres­sion au monde de ces huit années (et la plus forte pour la caté­go­rie des pays ayant un PIB par habi­tant supé­rieur à 1 000 dol­lars début 2012), la Côte-d’I­voire vient, par exemple, de dépas­ser le Nica­ra­gua en termes de richesse par habi­tant, pour deve­nir le pre­mier pays afri­cain au sous-sol glo­ba­le­ment pauvre de l’his­toire à devan­cer un pays d’A­mé­rique his­pa­nique (hors très petits États de moins de 1,5 mil­lion d’ha­bi­tants, majo­ri­tai­re­ment insu­laires et ne pou­vant être pris en compte pour de per­ti­nentes com­pa­rai­sons). Une per­for­mance réa­li­sée après avoir dépas­sé le Kenya, et sur­tout après avoir réus­si l’ex­ploit de devan­cer le Gha­na et le Nige­ria, deux pays voi­sins regor­geant de richesses natu­relles, pour deve­nir le pays le plus riche de toute l’A­frique de l’Ouest (le Gha­na et le Nige­ria étant à des niveaux de pro­duc­tion de pétrole et/ou d’or de très loin supé­rieurs à ceux de la Côte d’I­voire). Par ailleurs, et selon les pré­vi­sions de crois­sance pour les quelques années à venir, ces deux der­niers pays devraient éga­le­ment être pro­chai­ne­ment dépas­sés par le Séné­gal, lui aus­si pauvre en richesses natu­relles. Quant au Niger, il vient de réus­sir la per­for­mance de devan­cer la Sier­ra Leone, quit­tant ain­si la place peu enviable de pays le plus pauvre d’A­frique de l’Ouest (554 dol­lars par habi­tant, contre 527 dol­lars), ain­si que la liste des dix pays les plus pauvres du conti­nent. Compte tenu des pré­vi­sions, le Niger devait éga­le­ment très pro­chai­ne­ment dépas­ser le Libe­ria, autre pays anglo­phone côtier d’A­frique de l’Ouest. 

Les bonnes per­for­mances de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone s’ex­pliquent prin­ci­pa­le­ment par les nom­breuses réformes entre­prises par les pays de la région, aus­si bien sur le plan éco­no­mique qu’en matière de bonne gou­ver­nance. Des plans de diver­si­fi­ca­tion ont ain­si été mis en place, comme le « Plan Séné­gal émergent » (PSE), ou encore la « Stra­té­gie de crois­sance accé­lé­rée et de déve­lop­pe­ment durable » (SCADD) au Bur­ki­na Faso, dont la crois­sance a été de 5,7 % en moyenne annuelle sur la période de huit années 2012 – 2019. Pour ce qui du cli­mat des affaires, cer­tains pays ont réa­li­sé un bon consi­dé­rable entre les clas­se­ments Doing Busi­ness 2012 et 2020, et notam­ment le Togo (pas­sé de la 162e à la 97e place), la Côte d’I­voire (de la 167e place à la 110e place), le Séné­gal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (pas­sé de la 173e à la 132e place, talon­nant ain­si le Nige­ria, 131e). Pays fran­co­phone le moins bien clas­sé d’A­frique de l’Ouest, la Gui­née est tou­te­fois pas­sée de la 179e à la 156e place sur la même période.

À titre de com­pa­rai­son, il convient de savoir, par exemple, que la Nige­ria, l’É­thio­pie et l’An­go­la, res­pec­ti­ve­ment pre­mière, troi­sième et cin­quième éco­no­mie d’A­frique sub­sa­ha­rienne selon la Banque mon­diale (du fait de leur très impor­tante pro­duc­tion pétro­lière et/ou popu­la­tion), se classent à la 131e, 159e et 177e place, res­pec­ti­ve­ment. Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays fran­co­phone ne figure désor­mais par­mi les six der­niers pays de ce clas­se­ment inter­na­tio­nal, places désor­mais majo­ri­tai­re­ment occu­pées par des pays anglophones.

Dans un autre registre, et mis à part l’an­née très par­ti­cu­lière qui vient de s’é­cou­ler, il est utile de sou­li­gner que la crois­sance éco­no­mique de l’A­frique de l’Ouest fran­co­phone est glo­ba­le­ment et régu­liè­re­ment deux fois supé­rieure à sa crois­sance démo­gra­phique, contre­di­sant ain­si cer­taines théo­ries assez média­ti­sées. Grâce au cadre plus favo­rable ins­tau­ré par les dif­fé­rentes réformes en matière d’é­co­no­mie et de bonne gou­ver­nance, cet essor démo­gra­phique contri­bue donc à son tour au dyna­misme éco­no­mique, en per­met­tant notam­ment au mar­ché inté­rieur de ces pays d’at­teindre une masse cri­tique néces­saire au déve­lop­pe­ment de nom­breuses acti­vi­tés. Il convient d’ailleurs de rap­pe­ler que la plu­part des pays fran­co­phones de la région demeurent encore assez fai­ble­ment peu­plés. À titre d’exemple, la Gui­née et le Bur­ki­na Faso, légè­re­ment plus éten­dus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’in­dique la majo­ri­té, bien trom­peuse, des cartes en cir­cu­la­tion dans les médias et éta­blis­se­ments publics ou pri­vés), ne comptent res­pec­ti­ve­ment que 13 et 21 mil­lions d’ha­bi­tants, contre 67 mil­lions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’I­voire, un tiers plus éten­due mais ne comp­tant que 26 mil­lions d’ha­bi­tants, elle abri­te­rait aujourd’­hui une popu­la­tion de 89 mil­lions d’ha­bi­tants si elle était pro­por­tion­nel­le­ment aus­si peu­plée que le Royaume-Uni.

Une situa­tion contras­tée en Afrique centrale

En Afrique cen­trale fran­co­phone, la crois­sance glo­bale a elle aus­si connu une forte baisse, pas­sant de à 2,2 % en 2019 à ‑3,3 % en 2020. Au Came­roun, qui dis­pose de l’é­co­no­mie la plus diver­si­fiée de la région, la crois­sance a été néga­tive en s’é­ta­blis­sant à ‑2,5 %. Avec une varia­tion annuelle du PIB qui devrait conti­nuer à être en moyenne deux fois plus favo­rable que celle du Nige­ria voi­sin, comme depuis plu­sieurs années, le Came­roun devrait lui aus­si, pro­chai­ne­ment, dépas­ser ce pays en termes de richesse par habi­tant, rejoi­gnant ain­si la Côte d’I­voire et très pro­ba­ble­ment le Séné­gal (le PIB par habi­tant du pays étant de 1 507 dol­lars début 2020). Pour sa part, la Répu­blique démo­cra­tique du Congo (RDC), pre­mière éco­no­mie d’A­frique cen­trale fran­co­phone, a enre­gis­tré une crois­sance néga­tive de ‑1,7 % (contre 4,4 % un an plus tôt). Bien que le ralen­tis­se­ment de l’é­co­no­mie y ait été assez limi­té, comme au Came­roun, il n’en demeure pas moins que ce taux reste plu­tôt déce­vant pour un pays qui se classe par­mi les plus pauvres du conti­nent (581 dol­lars par habi­tant, début 2020). 

En zone CEMAC (dont ne fait pas par­tie la RDC), la varia­tion du PIB est pas­sée de 1,4 % en 2019 à ‑3,8 % en 2020, Gui­née équa­to­riale incluse (ou de 2,7% à ‑3,0 %, hors Gui­née équa­to­riale). Ce pays consti­tue, en effet, un cas très par­ti­cu­lier qu’il convient régu­liè­re­ment de rap­pe­ler, car de nature à faus­ser l’in­ter­pré­ta­tion des sta­tis­tiques régio­nales. Peu­plé d’en­vi­ron un mil­lion d’ha­bi­tants, seule­ment, ce pays par­tiel­le­ment fran­co­phone et ancienne colo­nie espa­gnole était subi­te­ment deve­nu l’un des prin­ci­paux pro­duc­teurs afri­cains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapi­de­ment sa pro­duc­tion com­men­cer à décli­ner, au début des années 2010. N’é­tant pas encore par­ve­nu à diver­si­fier suf­fi­sam­ment son éco­no­mie, il a donc connu une forte chute de son PIB et ali­gné une sixième année consé­cu­tive de crois­sance néga­tive (-9,0 % en 2020, pour une moyenne annuelle de ‑7,5 % sur les six der­nières années).

Au Gabon, la crois­sance est pas­sée de 3,9 % en 2019 à ‑2,4 % en 2020, et devrait connaître un rebond à 1,9 % en 2021. Bien que modé­ré, ce rebond consti­tue néan­moins une meilleure per­for­mance que celle atten­due par les deux grands et proches pays pétro­liers que sont le Nige­ria et l’An­go­la. Une situa­tion qui s’ex­plique notam­ment par les efforts réa­li­sés en matière de diver­si­fi­ca­tion (Plan stra­té­gique Gabon émergent – PSGE), qui lui per­mettent d’af­fi­cher régu­liè­re­ment une crois­sance hors hydro­car­bures supé­rieure à celle de ces deux autres pays. Sur la période de six années 2015 – 2020, la varia­tion totale du PIB s’est ain­si éta­blie à 1,4 % en moyenne annuelle pour le Gabon, contre 0,3 % pour le Nige­ria et une évo­lu­tion néga­tive de ‑1,5 % pour l’An­go­la (dont les pré­vi­sions de crois­sance pour 2021 s’é­ta­blissent à 1,1 % et à 0,9 %, respectivement).

Si le Gabon et le Came­roun s’emploient à réfor­mer et à diver­si­fier leur éco­no­mie, force est de consta­ter que pareils efforts n’ont pas encore été réel­le­ment entre­pris au Congo voi­sin (tout comme en Gui­née équa­to­riale), qui a enre­gis­tré une évo­lu­tion for­te­ment néga­tive de son PIB de 8,9 %, après avoir déjà enre­gis­tré une baisse assez impor­tante de 3,5 % l’an­née pré­cé­dente (et dont la crois­sance devrait éga­le­ment être néga­tive en 2021). Une baisse impor­tante du PIB qui tra­duit l’ab­sence de réformes éco­no­miques pro­fondes et cou­ra­geuses, comme l’at­teste le fait que le pays conti­nue à occu­per l’une des der­nières places du clas­se­ment Doing Busi­ness, en arri­vant 180e sur un total de 190 pays étu­diés (et se clas­sant donc, à peu près, au même niveau que l’An­go­la, 177e, ou encore que la RDC, 183e). Autre consé­quence de ce manque de réformes, le Congo a vu sa dette publique consi­dé­ra­ble­ment aug­men­ter en 2020, pas­sant de 83,7 % du PIB fin 2019 à 104,5 %, selon les der­nières esti­ma­tions du FMI, et rétro­gra­dant ain­si à la sep­tième place des pays les plus endet­té du conti­nent (lui qui était déjà en hui­tième posi­tion un an plus tôt, ain­si que le pays fran­co­phone le plus endet­té d’Afrique). 

(A suivre).

* Ayant la par­ti­cu­la­ri­té d’être à la fois fran­co­phones et anglo­phones (pour avoir connu dans le pas­sé une double pré­sence fran­çaise et bri­tan­nique, suc­ces­si­ve­ment), Mau­rice et les Sey­chelles sont comp­ta­bi­li­sés deux fois, aus­si bien pour le cal­cul de la crois­sance glo­bale de l’A­frique sub­sa­ha­rienne fran­co­phone que pour le cal­cul de la crois­sance de l’A­frique sub­sa­ha­rienne non fran­co­phone. Ce qui n’a, tou­te­fois, aucune inci­dence sur ces mêmes taux de crois­sance (arron­dis à une déci­male), compte tenu du faible poids éco­no­mique de ces deux pays par rap­port aux deux ensembles cités. Il en va de même pour le cal­cul des taux d’en­det­te­ment glo­baux, pour lequel ils sont éga­le­ment dou­ble­ment comptabilisés.

Source : https://www.actionfrancaise.net/

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